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MINI CRITIQUES REVUS (2020)

14 Fév

Revus pendant cette année 2020, quelque soit le moment où je les ai découvert (l’an précédent, 2015 où j’avais déjà ce blog et le classement, il y a plus de dix ans). Des films notés 9-10/10 pourront être intégrés, car je n’envisage plus de critiques systématiques même au niveau de catégories (comme les courts des années 1890-1910).

Peut-être pas l’année où j’en ai revu le plus, mais au moins pas loin.

 

American Psycho *** (USA 2000) : Difficile à évaluer première fois car c’est un spectacle ‘efficace’ mais aussi plus joueur que profond, avec le tort ou le mérite de coller parfaitement à son personnage-projet. Entre-temps j’ai lu le semi-pavé de Breat Easton Ellis, qui m’a eu à l’usure et grâce à quelques pics de drôleries morbides puis aux tristes retombées sur le psychisme du type. Le film donne à voir des inflations typiquement masculines et un protagoniste dont le sens de soi repose uniquement sur l’identification – il vit dans un monde d’objets. La fugue et la surenchère sont ses seules options pour atténuer la tension. Patrick et ses collègues [yuppies de l’ère Reagan] ont l’air de clones dans un monde parallèle de ces femelles mesquines accrocs à leurs rôles. Apparemment ce psychopathe baigne dans un monde fait pour lui. La mise en scène évoque les Fincher de l’époque, soit l’excellence et le clinquant lugubre. Hormis l’orgie de bretelles, l’action pouvait paraître contemporaine à la sortie du film, ou simplement un peu en retard sur quelques détails (sans entamer la force de la satire). (68)

Vu il y a plus de douze ans, revu en janvier 2020.

La mort vous va si bien *** (USA 1992) : Comédie glamour et fantaisie crypto-gothique. Le cynisme du personnage de Meryl Streep et les états d’âme de celui de Bruce Willis font l’essentiel au niveau du casting. Je n’en avais aucun souvenir sinon celui d’avoir apprécié – ou enduré avec complaisance, car c’était largement ridicule. Malgré l’originalité, c’est assez typiquement américain, des heures un peu ‘maniaco-dépressives’ : parenté avec les screwball comedy des années 1940 et ces farces transgressives des 1970 ; reflet du monde hollywoodien et des obsessions matérialistes. Réalisé par Zemeckis après les Retour vers le futur et Roger Rabbit. Effets spéciaux excellents pour l’époque (celle de Ghostbusters). (76)

Vu une fois il y a extrêmement longtemps. Revu en février 2020.

Suggestions : Beetlejuice, Épouses et concubines, Un jour sans fin, Hook, Gremlins.

Les tontons flingueurs ** (France 1963) : Vu deux ou trois fois, avec difficulté et de façon morcelée. J’ai pour la première fois accroché sur la longueur, après avoir accroché par ‘morceaux’ il y a quelques mois. Les personnages sont lourdement taillés et le point de vue est celui de vieux cons, mais effectivement les dialogues et bruitages sont excellents. De Lautner je préfère toujours Le Pacha avec Gabin ; Lino Ventura est certainement plus crédible que l’éternel vieux en mâle alpha, mais comme acteur il ne l’est pas – sans doute car trop à l’étroit diront ses admirateurs. (62)

Revu en mars 2020 sur France2 pendant le confinement.

La grande vadrouille ** (France 1966) : Comme pour Papy fait de la résistance, le succès vient probablement du besoin de soulager la tension après une sombre période et de la réunion d’acteurs parmi les plus populaires et rois de la comédie à leur époque. Drôle et primaire, spécialement autour du passage à l’hôtel et de la poursuite avec les jets de citrouilles. Limité par des moments plus falots (longue intro et conclusion précipitée) et un scénario très léger : ça bouge mais il y a peu de rebondissements. Heureusement les quiproquos et les conflits sont abondants. Bon tandem avec le benêt de bonne volonté et le pingre hystérique. Je préfère Rabbi Jacob et La folie des grandeurs sorti quelques années plus tard – et bien sûr La soif de l’or de la fin de carrière d’Oury. (58)

Revu en mars 2020 sur France2 pendant le confinement. Vu certainement une fois avant.

La soupe aux choux ** (France 1981) : Un an avant ET, une sorte de chaînon manquant entre celui-ci, du Carpenter contemporain, La Boum. La comédie burlesque et l’humour de fins de banquets franchouilles mâtiné de feuilleton ‘à l’eau de rose’, de choc déjà désuet avec la modernité post-68 et de SF psychédélique. Le résultat vaut un peu plus que ne le suggère sa réputation, même s’il manque de développement en-dehors de la blague grasse – on a tout de même de jolis moments de joies ‘alchimiques’ (la résurrection, la fuite finale) puis d’acceptation de la fuite du temps, des souvenirs et même des rêves. Une comédie triviale reflète des sentiments profonds (par accident ?) plus facilement qu’une expérimentation d’avant-garde comme Mubi nous en distribue à foison ; la surprise n’est que théorique. De Funès est bien plus flamboyant ici que dans L’aile ou la cuisse, son duo avec Villeret fonctionne quasiment aussi bien que celui avec Bourvil dans La grande vadrouille (bien que l’alien par lui-même n’ait que son allure de drôle). (56)

Vu une fois avec vagues souvenirs. Revu en mars 2020 de la même façon.

Suggestions : Quelques messieurs trop tranquilles, Christine.

L’aile ou la cuisse ** (France 1976) : Scénario foutoir (plus que La grande vadrouille ou La soupe aux choux) qui favorise un rythme et un intérêt inégaux. La critique [de la malbouffe industrielle ‘naissante’ et des restoroutes de Jacques Borel lancés en 1968] et la démagogie étouffent le reste dans le dernier tiers, seule la visite de l’usine échappe à l’anesthésie générale de la comédie et des extravagances ; au contraire le début est un peu méchant et réjouissant (les visites déguisées, le sacrifice de la secrétaire). Le duo Coluche/De Funès fonctionne sans faire d’étincelles, le premier n’est pas sur son terrain, le second y excelle tranquillement. Les farces de l’hôtel sont un peu longues et la niaiserie ramène fondamentalement le film au plancher. (52)

Vu probablement. Vu certainement sur France2 pendant le confinement.

Cyrano de Bergerac ** (France 1990) : Revu en dilettante pendant le confinement en avril, en ayant lu la pièce et vu une adaptation de 1922 (Cirano de Genina). À nouveau j’y vois une réussite curieuse : on accroche et décroche facilement, l’exécution est étonnamment fonctionnelle et même ‘divertissante’. Rien ne sonne ‘faux’ (à l’échelle du cinéma) et les dialogues entraînent le rythme général. Les acteurs sont irréprochables et Depardieu dans un de ses grands moments – un de plus, pas à contre-emploi comme dans Les temps de Téchiné, mais qui a densifié son répertoire. (62)

Hibernatus ** (France 1969) : J’en avais vu au moins le tout début enfant mais j’ai toujours douté avoir vu davantage (alors que je suis sûr que je n’ai vu qu’un bout d’Oscar). Dans le cas inverse, l’oubli serait tout naturel ; pourtant le postulat est fort et les ingrédients aussi, mais finalement le meilleur n’a pas lieu. De Funès se livre à d’excellentes pitreries (en premier lieu ses pirouettes sur « Edmée » ou son entrée au palais), les confusions sont alléchantes. Mais le film choisit des voies tièdes puis s’arrête au moment de devenir sérieusement intéressant ! L’humour est épais, l’écriture aussi, sans parler de la présentation de la cryogénie ; enfin ça marche, avec un potentiel et des promesses plus inspirants que le résultat, haut-en-couleur mais foncièrement crétin comme toujours chez Molinaro. Les personnages sont trop idiots et sans recul, la femme est désespérément obtuse ; cette galerie serait pénible sans DeFunès, avec son personnage d’arriviste délicieusement écœurant, teigneux et obséquieux. Ce film a probablement inspiré Les Visiteurs et la convocation de Lonsdale au casting de Moonraker. (56)

Burn after reading ** (USA 2008) : Ribambelle d’abrutis – vision extrêmement cynique de l’ordre humain. Une enfilade de sketches faiblards, de situations rocambolesques et de portraits moyennement savoureux. Efficace mais ramolli par sa suffisance dégoulinante (et son mépris facile envers les personnages – dans cette séance tout est unilatéral). (62)

2 heures moins quart avant le Christ * (France 1982) : Un sommet de lourdeur et surtout de vulgarité, néanmoins plus consistant que la simple comédie familiale Astérix Mission Cléopâtre, exempt de politique. César en homo et Cléopâtre en baveuse grossière – les deux tyrans sont ridicules et malmenés par les contingences. Coluche et Jean Yanne ont les dialogues mordants, mettant en cause le syndicalisme et la pantalonnade qu’est la professionnalisation de la contestation. Le casting est tellement colossal et le sur-texte tellement démago qu’on va forcément y trouver un petit quelque chose de sympathique – et il y a de l’idée, de l’écriture, même si c’est toujours épais et étroit. On dirait une sorte de Caligula des familles pour les dimanche éméchés où l’embarras s’évanouit. La petitesse de nombreux passages et l’obstination sur certains filons peut tout de même rendre la séance gênante ; tandis que les anachronismes et le cynisme font regretter le manque de détermination – soit ce film pouvait être bien plus pertinent, soit c’est une farce de primates avec un peu d’aigreur et d’inspiration supérieures pour la rendre significative. (38)

La fille de D’Artagnan ** (France 1994) : Une sorte de film hollywoodien français, revisitant l’Histoire de façon ‘grasse’, glamour et en projetant des normes, des valeurs et des critiques d’aujourd’hui – à commencer par la fille annoncée par le titre. Tavernier est justement un des rares défenseurs du cinéma américain de ‘la grande époque’ auquel il trouve un sens politique sur-élevé par rapport à celui européen. Le biais ‘gauchiste’ se ressent par cette emphase sur la traite des noirs, le cynisme et le matérialisme des élites, les outrances despotiques, puis tout simplement cette démystification de la France de l’Ancien Régime. Le film est relativement emballant au départ mais devient ennuyeux à mi-parcours ; les punchline de Noiret n’ont plus d’effet, l’excellence de Claude Rich reste sans écho, seules les rodomontades et les seins nus de Sophie Marceau égayent encore la séance, puis quelques acrobaties pittoresques (la troupe passant par la fenêtre, la bataille sur le bateau accosté). (46)

Mes meilleurs copains *** (France 1989) : Un mix des acteurs du cinéma de demi-auteur et du gras grand-public français, réunis devant l’objectif de l’homme des Visiteurs. C’est une comédie sensible où le matérialisme est roi, une sorte de premier ou deuxième grand bilan de vie par les membres de la génération ‘hippie’. (68)

Shaun of the Dead ** (UK 2004) : Bête mais éclairé dans sa bêtise, systématique et déterminé. Propos plus gratuit que réfléchi. J’avais vu cet opus et le suivant et raisonnablement apprécié, quelques années après leur sortie, puis été ennuyé par Le dernier pub. (58)

Hot Fuzz ** (UK 2007) : Comme le précédent (et tous depuis La soupe), vu une fois. J’étais surpris d’adhérer et de rire davantage qu’avec Shaun of the dead. Malgré son efficacité la séance reste sans grande surprise et le mauvais goût, quelque soit son degré de sincérité, l’emporte toujours à terme. La musique et les effets de montage sont immondes et raccords avec la promesse de l’affiche. C’est comme un film d’action explosif en différemment beauf – moins pour le public de Michael Bay et plus pour les ‘geeks’ mais dans l’acception Big Bang Theory du terme. (58)

Harry, un ami qui vous veut du bien *** (France 2000) : Le gibbon à hélices et la salle de bains m’avaient interpellé à l’époque dans la bande-annonce pour une des premières diffusions télé. Je ne l’ai vu en entier que tardivement. La raideur de Laurent Lucas, ses postures hyper rationnelles, me paraissaient moyennement crédibles et anti-cinématographiques ; c’est toujours le cas même si, comme avec Dans ma peau, ce jeu formel et froid a de la valeur dans les films du bizarre, de l’ordinairement ‘inhumain’ ou du malaise. Conclusion ennuyeuse mais probablement préférable pour liquider une intrigue si curieuse et une incruste si déviante. (72)

Dune *** (USA 1984) : Aux origines premières de ma cinéphilie active ; j’en avais obtenu le DVD avec un autre qui m’avait davantage marqué et orienté pour la suite. J’attendais un film grandiose, probablement pompeux, tout en ayant aucune culture du space opera et même pas le minimum de la SF ; j’ai vu un film effectivement mais pas absolument original et parfois creux, aux personnages assez mal différenciés, plein d’apparitions et de décors remarquables ou inventifs, mais d’autres aussi désuets. Déjà cette ouverture avec la fille de l’empereur m’avait déçu à l’époque – et son petit « ah oui, j’oubliais de vous dire » définitivement refroidi ; puis Kyle MacLahan commença son existence dans ma conscience comme un bon garçon insipide et irrécupérable. En le redécouvrant sur arte en (VF et en) HD, je le voyait d’affilée pour la première fois. Le scénario est compliqué et peu passionnant, les dialogues assommant, les caractérisations faibles. L’action est entravée. Les costumes et les allures sont remarquables d’excentricité, diversement remarquables pour le reste. Les effets spéciaux sont audacieux, souvent bons, pas toujours d’une pertinence flagrante. Si on aborde le film avec des attentes contemplatives ou d’étrangeté on obtient quand même satisfaction – il faut aimer le style, le kitsch, le parfum de l’époque. La trame n’en reste pas moins sans grand intérêt et conventionnelle. Ce film aurait dû plutôt servir à l’illustration d’un album ; on pourrait aussi en faire un moyen-métrage captivant en minimisant les personnes et en éjectant cette voix-off. Musique diversement valable, mais theme génial ; moments et éléments visuels fabuleux (même cheap ou procédant de choix étranges) ; le gras pustuleux Harkonnen est fascinant. A pu inspirer Jeunet (Alien 4 et La cité des enfants perdus). (74)

Suggestions… L’incroyable aventure du baron de Munchausen.

Cube ** (Canada 1997) : Vu il y a 10 à 15 ans. Film de malin (sur le déploiement – pour le reste, certainement ‘sincère’). Discours HS de Worth, très jolies considérations sauf qu’il répond à côté. À la fin, rien ; on saura rien. Du bric-à-brac. (56)

True Romance *** (USA 1993) : Vu à la même époque. Vole pas haut mais avec classe et brio. Grand exemple de film idiot mais réjouissant et de cinéma d’action candide, charmant et stylé (comme Arizona Junior) avec une jeunesse impulsive, tatouée et décérébrée (comme Sailor & Lula). Cette kitscherie de Tony Scott restera un des meilleurs films liés à Tarantino, violent et décontracté comme les autres, encore marqué par la fraîcheur et la spontanéité, déjà avec un scénario marqué : Slater en cinéphile fan du King et de kung-fu, tient un magasin de BD ; la fille ‘idéale’ avec les traits particuliers propres aux espoirs de ces ‘geeks’ et leur mode de vie lui-même idéalisé – mais c’est trop beau, on risque la chute vers la réalité bête ; alors c’est la fugue permanente ! Tous les retournements seront positifs et les moments d’horreur tournent à la plaisanterie décisive. Brad Pitt dans un personnage secondaire de junkie pantouflard jouait le psychopathe dans Kalifornia, sorti une semaine avant en France. (76)

Suggestions… Le roman d’Elvis + Jackie Brown.

Austin Powers ** (UK 1997) : Les deux suites sont beaucoup plus hystériques et n’apportent pas grand chose de neuf – mais poussent plus loin les gags et décuplent le gras. Mieux que le commun des ZAZ. (56)

Blade * (USA 1998) : J’en avais aucun souvenir précis, je repartirais à peine mieux fixé. Il y a du style c’est sûr ; du goût, heureusement pour lui c’est relatif. Ennuyeux et débile avec de pauvres moments plus éclatants ou grotesques. (36)

40 ans toujours puceau * (USA 2005) : Deux heures qui passent curieusement bien ; mais un film bien sûr vain et débile et surtout trop gentil. (38)

Mini-critiques : 2020, 2017-19.

MINI 16 ou 2020-4 (Septembre)

12 Oct

Désormais les Mini-critiques [MNC] seront publiées mensuellement (régime évidemment pas appliqué aux films en salles – les SDM). Le plus au début possible du mois suivant.

La fille Rosemarie *** (Allemagne 1958) : Inspiré d’une vraie affaire, réalisé un an après son issue (non élucidée). Acide (parfois caricatural) et probablement pas loin du name-dropping. Souligne les appétits matérialistes et le désespoir de l’arriviste piégée. Économe et efficace, beaucoup de choses secondaires trouveront une suite, accumule les éléments ‘précis’ (notamment via des répliques cruelles). Pourtant, le film deviendrait excellent s’il ne donnait l’impression d’être troué ; il y a peut-être trop de pudeur, ou de nécessaire censure passé une certaine proximité avec les clients. Et on voit à peine ce que Rosemarie Nitribitt a fait de son argent. La mise en scène est traversée de jeux et d’éclats sonores ; la part proprement ‘comédie musicale’ est gentillette mais pas ridicule comparée au commun des trucs de chansonniers à l’époque. (68)

Suggestions… Des roses pour le procureur + Seule contre la mafia.

Et la vie continue ** (Iran 1990) : Le pourquoi du conducteur restera comme le pourquoi du film : irrésolu. Le personnage lui-même est douteux, sa filiation pas crédible ; est-ce volontaire, est-ce une maladresse, un problème d’acteurs ou d’écriture ? L’adulte, un bourgeois (à l’aura de prof à peine aigri, blasé et courtois) dans sa voiture, est une figure positive avec ses aspérités, ses incohérences (sa bienveillance ne l’empêche pas d’être obtus et d’affectionner les réponses toutes-faites, comme le commun des adultes d’Où est la maison de mon ami). Il demeure un être vertueux, laisse l’argent dans un distributeur de boissons brisé (rien ne garanti que le commerçant en profite – c’est l’intention qui compte !) ; mais il passe entre les gens comme d’autres entre les gouttes – en allant les voir pourtant. J’y vois une sorte d’humanitarisme de surface, en lui je vois un individualiste curieux et peut-être moralement compliqué ; mais les autres commentaires n’évoquent rien de tel, alors je veux bien croire que je n’y vois pas ce que le contexte, une mise en condition ou une certaine culture devraient m’y faire voir.

À terme le film m’a laissé sceptique. Ces gens, victimes du tremblement de terre, deviennent presque insouciants, s’emballent pour un championnat sportif, poursuivent leurs embrouilles relationnelles. Oui les personnes ont de la ressource, les masses aussi, elles peuvent même puiser dans leurs capacité à régresser ou s’oublier. C’est vu, et donc ? Est-ce que constater sans avoir à y rajouter, sans surtout s’attarder ni s’impliquer, est toute une philosophie, une spiritualité, illustrée par ce film ? Peut-être que sonder cette force de la médiocrité, ou la reconnaître en tant que telle, inhiberait le réalisateur, gâcherait le plaisir à ses spectateurs ? (52)

Rush *** (USA 2013) : Raisonnablement captivant. Est le biopic conventionnel et le film d’action qu’on s’attend à voir, en plus subtil (probablement le plus possible en restant ‘tous publics’). Les scènes de course sont assez belles. Les personnages et leur volonté restent le plus convaincant. D’après le survivant les scénaristes auraient étonnamment respectés les faits (pas toujours à son avantage, mais aussi rarement abandonnés à la subjectivité de l’un ou l’autre des compétiteurs). (66)

Où est la maison de mon ami ? ** (Iran 1987) : Hormis une scène dans un coin boisé, ce film n’éclaire pas de façon évidente la démarche de son ‘successeur’ Et la vie continue. Derrière le réalisme ‘ultra’, un point de vue inerte et l’idéalisation gratuite de l’enfance – qui se heurte à l’étroitesse des adultes. On est proche du Petit Prince voire du Petit Nicolas et loin de L’enfance nue de Pialat – sauf à fétichiser l’aspect rugueux, ‘sans filtres’ et sans ‘médiation’ – ce qui est toujours une escroquerie ou un doux leurre. On voit ces vieillards radoter et ces gens tâcher de se faire valoir, aucun adulte ne se montre apte à répondre correctement ; tant d’ouvertures sur cette dégradation ‘naturelle’ sinon très répandue, cette bêtise qui fait que chacun devient plus con en prenant de l’âge (et s’obstine à reproduire les ornières obsolètes tenant son quotidien stérile et son pauvre esprit sur leurs grosses pattes courtes) ; tant de non-occasions pour le film qui préfère coller à son petit héros, mais à distance. C’est sûr qu’en restant interdit devant l’universel et en traitant les informations de façon creuse (essentiellement via les dialogues), on ne prend que deux risques majeurs : ennuyer l’auditoire ou le laisser travailler. Si les créateurs de ce film estiment que la réalité parle d’elle-même, pourquoi la laisser bégayer ? Pourquoi venir au cinéma ? Pourquoi donner dans le larmoyant et s’apitoyer sur le sort d’une catégorie face à une autre (car la sobriété ne change à rien à ce que donne effectivement le film) ? Ce film utilise quelque chose de profond certainement, mais lui ne l’est pas, peut-être par choix (calcul ?), peut-être par insouciance. (52)

Au travers des oliviers * (Iran 1994) : Dernier opus de la trilogie Koker, il force sur le flou pseudo-documentaire et déploie des monologues bien plus assommants et pathétiques que ceux de La maison de mon ami (sans parler de la dizaine d’essais d’une scène allant au bout de la mise en abyme – pour moi ce cloaque niaiseux et bouffi a fait basculer le film sur la mauvaise pente, imposant ce qui ne m’avait pas encore atteint avec ce cinéma : l’impatience impérieuse ; et ce qui y était encore totalement inenvisageable : le dégoût). Au travers des oliviers est beaucoup plus propre physiquement que les précédents, mais définitivement futile. Hormis le plaisir de sentir mêlés la production artistique [donc ‘l’art’ en direct, nu ?] et la vie, je ne vois ni l’intérêt ni ce qu’il y a de stimulant là-dedans ; probablement, des critères externes m’échappent. C’est toujours joli et immersif, à une faible intensité ; mais trois balades complètement gratuites, même plaisantes, ça fait beaucoup – une à trois de trop, question d’humeur ou d’absolu. Si vous n’avez pas l’âme d’un poète, d’un itinérant romantique ou d’un amateur de compositions esthétiques [plutôt symbolistes et ‘posées’, non criardes], évitez ; vous ne ferez que casser sa moyenne. (38)

Suggestions… Le sacrifice/Tarkovski + L’extraterrestre/Les Inconnus.

La proie ** (France 2011) : Dupontel en ténébreux idéalisé comme d’habitude, avec les aptitudes physiques d’un héros russe d’élite ou américain fantasmé. De bonnes scènes d’action et même de poursuite – et surtout des scènes bien drôles de bagarre. Au début en prison, c’est épais et c’est bon. Les plans sur le gardien pourri observant le massacre semblent empruntés à une comédie française des années 90, la vilenie en plus. Quand l’enquête se lance, c’est différemment cliché et efficace, moins outrancier (on aperçoit Lucien Jean-Baptiste, déjà infiltré en tant qu’agent des minorités – avec un autre acteur on ne relevait pas le personnage). Puis on décroche le long de la seconde moitié. Les caractères typés, les démonstrations assurent le spectacle, mais c’est trop creux et prévisible, avec des facilités et une conclusion abusive. L’image finale est à la fois éthérée et kitsch à souhait. J’apprécie le talent du metteur en scène (celui de Maléfique) mais ça ne trompe que partiellement la superficialité du programme et son allégeance à une certaine médiocrité ‘de genre’ [polar sombre et gentiment décérébré]. Quand on est avec Dupontel c’est prenant, le reste du temps la médiocrité des dialogues et des personnages rendent impatient (les collègues de la flic sont d’une bêtise accablante). (54)

Madame hyde * (France 2018) : Essai curieux travaillant les thèmes de la transmission et l’éducation de façon complaisante, courte et idéaliste. Montage bizarre ; scènes longues où ça patauge dans la solitude et la redondance ; scènes écourtées et remplies. Inégal dans sa façon de gérer l’artificialité et le casting ; on peut se demander si le résultat était celui escompté ou a encore du sens même avec une éventuelle marge de tolérance. Mais plus encore qu’original le film semble surtout mal construit (peut-être justement car la cohérence ne l’intéresse pas, que s’en soucier ramènerait à un « naturalisme » que le réalisateur a dit rejeter en se posant comme la négation de Kéchiche). Ainsi des pantins deviennent ‘normaux’, des caractères s’émoussent sans raison en tout cas soupçonnable. Le directeur comme connard sympathique se défend bien, la plupart des autres laissent perplexe et ennuient ; on sent la volonté de prendre les clichés à revers, mais ça ne donne que des choses penaudes, décalées mais ternes, à l’instar du personnage de José Garcia. Et puis surtout les scènes les plus franchement étranges sont noyées et sous-développées, celles ‘électriques’ sont lapidaires. Un film bizarre dans tous les sens du terme, à voir pour ça, mais pas un bon film et probablement pas une réussite ou du moins pas un accomplissement. (38)

Les héritiers * (France 2014) : Les langues brunes s’activent religieusement contre la peste brune ! Des dialogues si faux, tant de mépris et de bien-pensance cumulés à chaque recoin, dans cette fiction optimiste mélangeant habilement réalisme et fantasme. Voilà donc des jeunes incultes, obtus, encrassés et brutaux comme des petits animaux doués de parole ; et leur premier contact avec l’Histoire, avec les livres, ce sera ça. Et pour cette conversion ils seront couronnés et absous de leur bêtise. Faut-il vomir ou se réjouir devant une parade si malsaine ? En tout cas il faut prendre le risque de la voir, pour savourer ces moments géniaux d’une incurie abyssale d’autant plus proche du fanatisme et du délire civique que la réalisation n’est pas insouciante ou catégoriquement idiote : le climax naturellement c’est cette distinction entre un massacre et un génocide, où la prof dispense ses nuances très lumineuses – lesquelles reviennent à affirmer qu’un génocide n’en est pas un tant qu’il n’est pas formellement déclaré comme tel par ceux qui le pratiquent – ou qu’il est encore en cours. Aux historiens bien orientés de faire le travail comprenez-vous – qui sommes-nous pour juger ! (18)

Mon tissu préféré ** (Turquie 2018) : Chronique éthérée des amertumes d’une jeune femme et de son entourage ; jamais ça ne craque. Les professionnels de la lèche appropriée nous diront que c’est de l’authentique, de l’anti-sensationnalisme ; la puterie habituelle des citoyens-consommateurs amis du monde. Le film ressasse quelques éléments, avec une progression dramatique par paliers ; on peut trouver du charme à ces séquences oniriques, au passage en revue de cette sororité énervée et désabusée, à la quête de Nahla ; mais en tous domaines il a tout émis dès le départ. À la fin on a vu qu’un petit pétage de coche en quelques endroits. La vie de ces femmes est peut-être étriquée, ce regard l’est plus encore. La musique est des plus lourdingues et chialeuses, heureusement celle en ouverture n’est pas complètement à l’image du film : il est quand même plus énergique. Ou plutôt, il est assez prometteur pour inciter à gâcher notre temps à lui faire confiance. Les événements en Syrie sont comme le reste, un bonus d’ambiance. C’est sûrement largement biographique, mais l’autorité de cet argument s’arrête immédiatement (ou alors, on fétichise la pudeur de celle qui a marché près de l’horreur et surtout ne veut pas nous l’infliger – ou alors elle n’était que dans sa bulle et est assez ignoble pour associer ses larmoiements à des drames collectifs sanglants) ; enfin, c’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut s’abstenir, surtout si les festivals et l’intelligentsia sont là pour vous cueillir. À voir seulement si vous êtes intéressé par les œuvres sur l’éveil ou la solitude sexuel – sur ce point seul la délicatesse et la passivité du film ont du sens. (44)

Volt * (Allemagne 2016) : En ouverture une bonne dose de culpabilisation concernant les migrants clandestins ‘avec ces énoncés dignes de poèmes de rap accusateurs) ; en conclusion c’était bien le projet. L’entre-temps soit 90% d’une séance très courte qui n’en finit pas se passe auprès du policier responsable de la mort d’un des clandestins. L’essentiel avec ses collègues, la part mineure dans sa vie privée. C’est du couillu-écrémé mélo-dramatique, très bien interprété et avec des lignes ingénieuses [conventionnelles] au scénario, mais comme déterminé à ne rien apporter de neuf ou de trop significatif, qui pourrait lui faire perdre pied. Les clichés servent de squelette au film (mention spéciale au flic couchant avec une proche de la victime alors qu’il est essoré au maximum), sur lesquels se greffent des efforts déliés. Le style est léché, agressif, tout en maniérisme techno/crypto-épico-beauf (selon la gravité du moment). (34)

Suggestions… Mercredi 04:45.

Les chansons d’amour * (France 2007) : voir la critique. (38)

Sogni d’oro ** (Italie 1981) : Cette fiction espiègle est une excellente surprise pour moi qui ait enchaîné plusieurs productions détestables signées Moretti. Son ego est toujours de la partie mais on le voit en lutte ; les leçons de morale ne sont pas au goût du jour. Le type joué par Moretti est bien sûr un de ses reflets, se veut unique et se sait malade, intellectuel inspiré et enfant attardé capricieux, assailli par des peurs de remise en question, d’humiliation (exultant dans des rêves drôles et effroyables, où il se roule par terre devant une femme qui n’a jamais tenu sa position de subordonnée et n’a même pas le mépris fort, davantage indulgent). Dans ‘le film dans le film’ il se projette sur Freud, transformé en papy Roussos toujours au bord de la régression au stade du nourrisson. (58)

Venom * (US 2005) : Film d’horreur ado d’assez bonne tenue, avec une photo et des plans de bon niveau pour une production aussi bassement opportuniste et conventionnelle. Essaie de donner consistance à ses personnages, même si c’est pas toujours lisible. Le scénario est désespérément médiocre et l’histoire peu attrayante. Les clichés renchérissent paresseusement. C’est inintéressant et regardable, plutôt que spécialement grossier ou assommant. Issue misérable. (36)

Iris ** (France 2016) : Jolie réalisation sûrement profondément réfléchie ou projetée, acteurs surprenants (spécialement Camille Cottin dans son costume de flic ; Duris excellent), des arguments ‘racoleurs’ proprement emballés. Parfois artificiel, rarement vulgaire. Thriller érotique honnête et remake libre (de Chaos de Nakata) au scénario ‘concentré’. (56)

Lespert… Yves Saint-Laurent + Le petit lieutenant + Lignes de front + Le promeneur du Champ-de-Mars + Ne le dis à personne.

Bianca ** (Italie 1984) : Pour la deuxième (seconde?) fois j’adhère et m’amuse devant un film de Moretti ! Ses personnages d’insupportable, prétentieux et inadaptés me plaisent et avec celui-ci, il ne reste plus que son côté ‘tête à claques’ instrumentalisé. C’est une sorte de touriste dans son environnement et son époque, consentant suffisamment pour rester acceptable mais jouant la plupart du temps ; surtout c’est un individu courant après l’absolu, incapable de vivre et d’attraper le bonheur ou les satisfactions même quand elles se présentent à lui, même quand cette femme est indulgente envers son excentricité. (62)

Des frissons partout ** (France 1964) : Séance agréable, bavarde, primesautière voire un peu sotte, ‘patriarcale’ aux entournures (mais sans morale, plutôt à la James Bond). Gags et bastons ras-du-bitume. (46)

Kiki ** (Suède 2016) : Documentaire ‘de témoignage’ selon toutes les acceptions. Vous savez déjà tout ce qui s’y dira et pouvez préparez sans crainte une liste de ce qui ne s’y dira pas. On voit du beau monde s’exprimer avec sincérité ; une once de politique et de réalisme, un peu de revendications ; puis bien sûr du voguing. (44)

Les enfants terribles * (France 1950) : Melville adapte Cocteau. C’est horriblement typé et artificiel, rempli d’échanges assassines pour les personnages et épouvantablement ennuyeuses en tant que témoin. Les acteurs sur-jouent (avec conviction) et sont physiquement inadaptés, les décors et la mise en scène sont trop ‘propres’, la voix-off futile n’arrive qu’à ralentir et crétiniser le déroulement. La musique est beaucoup trop pressée, les lumières à la fois très expressives et réalistes. La mise en scène est franchement moderne mais tout est trop rigide et le pire reste les déclamations (surtout celles de la sœur), interdisant continuellement toute immersion. Jean Cocteau assurant la voix-off, je suppose que ce résultat n’est pas totalement éloigné de sa vocation. (36)

Tucker the man and his dream ** (USA 1988) : Un oublié de Coppola avec Jeff Bridges d’avant la barbe (et à ses côtés deux acteurs que j’aime : Joan Allen et Christian Slater). Critique et typiquement américain, nous sert une scène de tribunal rehaussée par un discours sur l’entrepreneuriat créatif opposé aux bureaucrates et à leur corollaire la fuite des savoirs-faire. Ce petit exposé a un drôle d’écho aujourd’hui, puisque la vague s’apprêtait à démarrer, poussée ou du moins légitimée par un discours ‘néolibéral’ enclin à récupérer ces postures anti-fonctionnaires et anti-état. Un film à l’optimisme contrarié, défendant le capitalisme et le rêve américain tout en les présentant corrompus. Banal et doux-amer, avec une énergie séduisante. (62)

The Town that dreaded sundown *** (USA 1976) : Le modèle n’est pas moins bizarre que la version de 2014 (un metasequel et non un remake ou même un reboot). Il nous laisse songeur, voire autant parano que les contemporains de l’affaire, mais en nous laissant traversés par des doutes que lui ne relaie pas – il ne veut certainement pas remettre en cause la police et les compte-rendus. Certaines scènes sont déconcertantes, notamment les attaques. La confusion, les lenteurs, imaginables dans de tels moments sont exhibées sur la longueur, ce qui donne du voyeurisme sans snuff. Un moment particulièrement bizarre est celui où le tueur tourne autour d’une voiture au démarrage puis s’attaque au couple dont le véhicule est maintenant péniblement lancé. Tout aussi étrange, cette fixette sur Sparklung, policier anodin. S’agit-il d’attirer l’attention sur cette personne (pour nous suggérer qu’il aurait plus d’importance qu’apparemment ?), est-ce simplement le bolosse du village ? Quand son pendant comique champêtre l’emporte ce film ressemble à un cousin américain de ceux avec Bourvil, en beaucoup plus chic et bourgeois (comme l’est Texarkana par rapport aux villages de la France profonde). (64)

Le grand tournoi ** (USA 1996) : Le film avec Van Damme dont il est aussi le réalisateur. Un film d’action et d’aventures efficace, peut-être pas si développé en tant que film d’arts martiaux, avec des scènes relevant plus de la bagarre express et grotesque. Beaucoup de ralentis (vocaux), de lourdeurs et un scénario simplets, qui en font une comédie involontaire bien-aimable. Roger Moore toujours aussi succulent en pirate sophistiqué et loubard capitaliste. Crétin mais bon. (58)

Guilty by suspicion / La liste noire * (USA 1991) : Un truc vain et grossier à propos du maccarthysme, approprié pour un public de niais. Personne ne nie la chasse et ses conséquences, mais la représentation de ce film me laisse sceptique. Des méchants du système et des gentils travailleurs libres d’esprit ; un héros qui « posait trop de questions » et s’est donc fait virer du club dont on lui reproche aujourd’hui d’être un camarade. Sur lui ce soupçon d’éternelle complicité, comme si ‘le germe était dans le fruit’ et qu’il fallait au moins qu’il balance ses amis et s’humilie devant la Justice. Le film utilise cette part un peu ‘délirante’ et pourtant bien réelle d’une idéologie ou d’une conviction prenant des proportions religieuses. Il étaie davantage la contagion de la parano, les difficultés des proches de DeNiro ou de lui-même. Dans les deux cas il reste au niveau de la silhouette, tout au plus des généralités ; on finirait par croire que tout ça n’est qu’une affaire de droit, certes sinistre pour les accusés. Le regard critique est aussi inexistant que possible et les cibles des anti-antiaméricains n’ont rien à se reprocher (en même temps il faut quand même que le héros n’ait été qu’un touriste chez les communistes, ce qui montre que le film recule devant tout ce qui serait réellement politique et souhaite s’inscrire dans le moule le plus consensuel). Bienheureux les ‘champagne socialist’ innocents (et non-communistes) qui n’exprimeront à peu près aucune opinion, aucune conviction, aucune analyse concernant quoi que ce soit (sinon leur persécution). C’est propre, sûrement pas édifiant, Scorsese fait une apparition pertinente (car il n’y a pas que les ‘rouges’ dans le colimateur) et ça s’achève en nous montrant une photo du club des cinq « réhabilités en 1970 ». (42)

Hear no evil ** (USA 1993) : Un thriller des années 1990 avec quelques éléments horrifiques (un terrain que j’apprécie, où se trouvent Copycat, JF partagerait appartement, Seven). Mais l’intrigue avance lamentablement ; on se rend compte que le polar n’est que l’appât et l’essence du film est romantique. Grâce aux manières de l’époque et à l’originalité du cas, c’est charmant ; encore que même sur ce plan, c’est à la fois prévisible et répétitif (scènes au lit gentillettes où le couple semble toujours à sa première fois). Hormis la surdité de la fille, le film se distingue grâce à Martin Sheen, qui semble avoir été mis au monde pour ce personnage de policier amoral, violent – un méchant féru d’opéra des plus caricaturaux mais il le porte brillamment. L’amabilité (plus que la qualité) de ce personnage et des autres, l’ambiance générale font le travail qu’auraient dû assurer le suspense ; il y aura quand même une petite surprise. (58)

Italian Race * (Italie 2016) : Drame des familles pour titiller la ménagère chialoteuse nichée dans le cœur de l’amateur de grosses cylindrées. Écriture et personnages à très courte vue. Fratrie assez charismatique. La partie automobile n’a rien de renversant. J’ai regardé ce film après avoir apprécié Rush et m’explique mal qu’ils aient des moyennes si proches (élevées pour des films relatifs au monde sportif). (38)

Le petit monde de Don Camillo *** (France 1952) : Plongeon agréable bien qu’un peu naïf et ridicule dans une France enterrée. Une époque avec ses côtés discutables que le film cautionne ; un temps où les hallucinations [religieuses] sont répandues et tout à fait admises. Mais surtout une époque où les individus sont encore soudés à la communauté, où s’exerce une solidarité naturelle et où, à défaut de discours et de volonté communes, on cerne et peut s’accommoder de ceux des autres. Ainsi le maire et le curé comme leurs ouailles dépassent leurs divergences idéologiques ou sociales, car le fossé n’est pas si grand. Mais tout ça n’est que de l’idéalisation et on sait trop ce qui nous manquerait pour trouver aimable ou pertinent un saut durable plus d’un demi-siècle en arrière. (64)

Demain * (France 2015) : Pénible ‘expérience sympa’ de consuméristes responsables et aventuriers safe & solidaires employant une façon niaiseuse et cajoleuse de (se et de nous) parler. Nous engloutit sous une abondance de plans inutiles valorisant la production (eux sont de gentils petits producteurs – réalisateurs il est donc sain sinon nécessaire de les voir à l’oeuvre) et usant d’une ‘poésie’ roudoudou-citoyen. Souvent on croirait voir une publicité Kodak, une sitcom avec des gens politisés, un journal de bord issu d’un monde de consommateurs Starbuck critiques (revenus de cette banalité mais seulement en théorie, ils se croient globalement lucides). L’impression de faux persiste même quand s’exhibe un défilé de manifestants ; je me suis demandé ce que faisaient ou croyaient faire ces figurants ! Sans doute suis-je trop sec et fataliste pour cerner la beauté de ces gestes et la justesse de ces revendications. Tout de même je suis troublé par des détails comme la déclaration « c’est contraire à ce qu’une exigence démocratique voudrait » (en ouverture du chapitre 2 à la 32e minute) ou cette aspiration à renvoyer des citadins travailler à la main dans les champs. Ce n’est pas une ambiance ‘cool’ avec des clips doudoux-engagés et des protagonistes à la file indienne aux quatre coins du monde qui va me faire suffisamment rêver pour ne pas entrevoir ces manquements ou amalgames (très drôle ces présentations partiales de mouvements politiques ou d’initiatives écologiques dont on oubli de nous mentionner les suites ou la variété des effets – par exemple le cas islandais – mais ne gâchons pas nos rêves avec ces formalités et ces ‘réalités’), ces promesses hideuses et ces injonctions tellement profondes qu’elles sont présentées comme de simples arguments évidents, familiers à tous les petits humains sympas et soucieux de la planète. (26)

Q & A / Contre-enquête *** (USA 1990) : Policier signé Lumet sombre dès le départ et de plus en plus savoureux. (76)

Unfaithful / Infidèle *** (USA 2002) : Drame de mœurs, sensible et mature. Je ne comprends pas ces notes qui le renvoient vers le commun des films sentimentaux. Encore une réussite d’Adrian Lyne (L’échelle de Jacob, Flashdance). (72)

Goodbye, lover ** (USA 1999) : Thriller cynique et volontiers racoleur, efficace et typique de l’époque. Un peu sulfureux en esprit, ponctuellement déjanté dans la forme, les deux d’une façon très soft ; on pourrait dire divertissante, ou anti-moraliste selon son angle et ses attentes. Je n’ai pas compris l’intérêt des quelques scènes de ‘projection’ qui n’ont pas lieu (celle de la seringue à la fin) sans qu’il y ait la moindre discontinuité lors du retour au ‘réel’ ; s’agit-il d’une négligence ‘volontaire’, d’une erreur, d’un effet ? Le résultat est une sorte de confusion stérile – un peu comme la façon de se vouloir odieuse et réjouissante de cette fin ; c’est abusif (à l’égard de ce niais) et bête (mais pas forcément davantage que ces trahisons à répétition), en plus de donner l’impression d’espérer nous prendre à parti (or à tous les degrés ni lui ni elles ne ‘méritent’ quoique ce soit, ne serait-ce qu’une franche sympathie ou de l’estime pour leur ‘joli coup’). Ce film est une émanation de l’étrange carrière de Roland Joffé (qui a démarré avec Killing Fields puis Mission), à l’époque où commence à se dessiner la tangente qui s’est soldée par Captivity en 2007. (56)

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Mini-Critiques : 15ou2020-3, 14ou2020-2, 13ou2020-1, 12ou2019-3, 11ou2019-2, 10ou2019-1, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

Mini Courts : 3, 2, 1

Mini Revus : 2ou2020, 1

Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1

LE VEILLEUR DE NUIT ***

4 Avr

4sur5   En 1994, le réalisateur danois Ole Bornedal tourne son premier long-métrage : Le veilleur de nuit, où un étudiant en droit travaille à la morgue. Trois ans plus tard, il supervise le remake américain avec Ewan MacGregor et Patricia Arquette. Le résultat est un de ces divertissements futiles et vénéneux de son temps, un thriller typique des années 1990, avec un surcroît d’élégance dopant l’envie d’aimer (photo de Dan Laustsen, intervenant plus tard sur Le Pacte des Loups et Silent Hill). Le programme en général oscille entre polar conventionnel et jeux prudes autour de quelques motifs propres, comme la nécrophilie ; les révélations en particulier n’en sont pas vraiment.

Très graphique, Le veilleur de nuit est une de ces expériences régressives n’exigeant pas de s’abîmer les neurones. Le spectateur est bercé au point de vue narratif, les protagonistes semblent naître dans le slasher pour tirer vers un semblant de conte décrépit, dont la mythologie serait une enveloppe vide mais superbe, les participants les pions d’un mental opérationnel et mesquin par défaut, en train de tisser une boucle à la dérive. Un bal de fantômes ordinaires se déploie sans prévenir ; le veilleur est dans l’inter-monde, assailli par des ennemis invisibles et puissants, en stress ; face à d’autres qui semblent habitués à arpenter les zones d’ombre, il est en position d’enfant.

Deux des personnages (leur nombre est serré) sont de francs nihilistes (le flic et l’assistant), mais des nihilistes polis, formels, qui auraient dévorée leur propre aigreur. Pour un cinéphile endurci, Le Veilleur de nuit ne sera qu’une anecdote, mais dans le domaine du cinéma creux fournisseur de sensations douces et d’ambiances grisantes, c’est un excellent opus. Un The Cell crispé plus qu’un thriller classique. Que Bornedal ait produit Del Toro en même temps (pour Mimic) est cohérent, tous les deux transforment des fantaisies sombres en raison d’être d’images vaniteuses, mettant un voile ludique sur des poisons chimériques. Bornedal semble atteindre le point d’équilibre qui manque aux productions de l’espagnol (sorti du bois avec Cronos, très froid), souvent dépassé par des ambitions et motifs flous, au point de galvauder son énergie et même sa passion dégoulinante.

Note globale 72

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (3), Ambition (3), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

Note ajustée de 71 à 72 suite aux modifications de la grille de notation.

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A TOMBEAU OUVERT =+

26 Mai

C‘est avec Shutter Island un de ces films prestigieux de Scorsese, aux prétentions un peu nouvelles de sa part, amenant son entreprise à bon port tout en étant plombé par un concept vite épuisé. Dès le départ A tombeau ouvert inspire un sentiment mitigé. Nicolas Cage (pas plus génial que sa moyenne) y incarne un pompier harcelé par la vision des morts sur les lieux où il intervient.

Scorsese a fait un sous-Bad Lieutenant, en bien propret et mixé par ses manies éprouvées pour conduire les films de mafieux ou de gloire et décadence dans lesquels il s’est illustré. Ici ça ne cadre pas, d’ailleurs elles ont du mal à entrer. Aussi le réalisateur cherche à tutoyer un sens de l’abstraction, voir un certain mysticisme, auquel personne ne croit malgré une réalisation élégiaque.

Cage finit par péter les plombs et faire, comme les autres, la morale aux gens à secourir, par ne plus supporter leurs souffrances et leur faiblesse. À tombeau ouvert raconte donc l’apprentissage d’un certain cynisme, d’une distance rigolarde sur la vie impitoyable ; puis de son corollaire heureux, non plus l’espoir ou le volontarisme, mais l’amour. Y compris avec une femme au bord du gouffre (Patricia Arquette). Tant qu’on peut s’oublier ensemble.

Comme s’il avait honte d’allez sur ce terrain, à raison vu les propos stériles sur la religion, Scorsese s’empresse de faire demi-tour et de laisser barboter ses personnages. La construction d’ensemble demeure orientée par une interprétation de la morale chrétienne, où Cage, martyr ordinaire ne recevant rien en retour de ses services, trouve finalement refuge dans une position de témoin, en tachant d’évincer l’aigreur et rester compassionnel. Pour la symbolique, Scorsese sort l’artillerie lourde, mais dans le détail, il se montre superficiel, englué, justement, dans les témoignages patauds et sans recul d’hommes agissant sans plus rien voir.

Note globale 57

 

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Suggestions… Lord of War + Midnight Express

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FREDDY & SES SUITES, L’INTÉGRALE DES GRIFFES DE LA NUIT

1 Sep

Cet article évoque l’intégralité de la saga Freddy/Les Griffes de la Nuit, opus par opus : comme pour les Guinea Pig, Massacre à la tronçonneuse et Saw.

 

Les chroniques des quatre premiers opus et du remake ont déjà été diffusés sur un ancien blog il y a cinq ans (2009), les autres rédigés dans la foulée. Quelques textes ont subis des coupes ou des ajouts, certains presque aucun (le 5). Deux cas se distinguent : Freddy 7 (mon préféré), puisque l’article a été écrit pour les besoins de ce grand bilan ; et le 2, car j’ai profondément changé de regard sur lui.

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Si vous voulez d’autres rafales sur les diverses sagas existantes, consultez le tag « Sagas Intégrales ». Plus spécifiquement : Halloween, Vendredi 13, Hellraiser. En-dehors de l’Horreur : Die Hard, Indiana Jones.

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freddy 1

LES GRIFFES DE LA NUIT **

2sur5   En 1984, Wes Craven offre au cinéma d’horreur une nouvelle figure culte, caution à des suites guère ambitieuses si ce n’est pour des meurtres et cauchemars tape-à-l’œil. Incarné par un Robert Englund qui se retrouvera ainsi cantonné à celui-ci, le personnage de Freddy Krueger innove alors par son originalité, puisque l’un des premiers [et toujours des plus fameux] boogeyman en série de l’histoire du cinéma est loin du tueur froid et sans nom auquel le public a l’habitude de se trouver confronter.

En effet, Freddy Krueger est un croque-mitaine qui n’intervient que dans les rêves de ses victimes, d’ou l’atmosphère paranoïaque que dégagent ces Griffes de la Nuit. Le film demeure -chose rare- potentiellement impressionnant ou effrayant un quart de siècle après sa sortie. Wes Craven mixe fantastique et horreur pure [ces Griffes de la Nuit sont outrageusement violentes, ce qui ne sera pas tant le cas de sa flopée de successeurs] et invoquant une peur universelle puisque liée aux cauchemars d’enfance -et surtout à leur anticipation.

Aussi, la lutte contre Freddy apparaît impossible ; l’insomnie est la seule solution pour échapper à ce tueur tout-puissant à l’allure particulièrement terrifiante. Chaussé de son éternel chapeau, vêtu de son incontournable pull à rayures rouges et vertes [le choix de Craven aurait été guidé par le fait qu’il s’agit des couleurs réputées comme les plus agressives] et armé de ses gants et lames démesurées, Freddy arbore un visage brûlé, inhumain, rendant sa présence d’autant plus dérangeante. Indestructible, il va même jusqu’à s’auto-mutiler devant ses proies afin d’accroître leur effroi.

Car c’est la peur qui sert d’abord le bourreau. Wes Craven nourrit son personnage d’obsessions personnelles ; cauchemars infantiles, peur du noir et de l’abandon, le réalisateur traitant, au-delà de la peur de s’endormir, de celle du passage à l’âge adulte. Adultes demeurant ici en-dehors, ne croient et ne pourraient croire à ces histoires que vivent leurs enfants. Or, c’est à cause de leurs méfaits du passé (et dans une moindre mesure grâce à leur négligence d’aujourd’hui) que ces derniers subissent aujourd’hui Freddy. Cet héritage sera évoqué dans quelques suites et notamment le troisième opus, reconnu de façon générale comme l’une sinon la meilleure suite [c’est oublier toutefois la réussite de Freddy 7, avec Craven de nouveau aux commandes, une très maline entreprise de démystification].

Pourtant le film peut laisser sur une impression mitigée, malgré ses qualités, sa proposition initiale et son principe de fond. Les scènes de cauchemars constituent évidemment les meilleurs passages ; ces scènes tendent à être superbes, elles le sont dans la première moitié du film, mais cela ne dure pas et dans la seconde moitié, elle se raréfient. Du reste, les dialogues sont limites et surtout le rythme est extrêmement bizarre, le film suivant une ligne droite avec quelques soubresauts (les visions et/ou meurtres). L’écriture du film est ainsi très contrastée, tout comme le rapport de Craven aux archétypes las du slasher (implantés depuis déjà 5 ans avec Halloween et Vendredi 13) : les personnages sont en phase avec la réalité et capables de parler aux adolescents (divorce, situations familiales particulières, etc).

Mais en dépit de cette sensibilité, Craven se tient à proximité des impératifs du genre, comme s’il redoutait d’allez au bout de son univers. Il n’est pas étonnant qu’il soit plus performant dans Freddy VII et se soit illustré avec les Scream, exercices de style éblouissants et fonctionnels tout en lorgnant vers la farce ‘réflexive’. La bizarrerie du rythme est peut-être la résultante de ce même élan de pudeur voir de résignation quand à son inspiration. Cela abouti en tout cas au très bancal piège dans la maison, puis à final abrupt où le cas du monstre est réglé pour de faux. Les Griffes de la Nuit laisse le sentiment d’avoir assisté à un work in progress dont nous aurions un résumé rapide et c’est embarrassant Les effets du film s’en trouvent d’ailleurs dilués et ses traits plus profonds (la situation de Marge Thompson) sont contournés, à la limite du zapping opportuniste.

Si le film semble échouer à de multiples niveaux et que son univers peut laisser de marbre, il faut avouer que l’ensemble reste honorable et dépaysant. La BO de Chris Bernstein est très sophistiquée dans le genre, avec une atmosphère de révélation limite surnaturelle. Bien qu’aillant un peu vieilli, Freddy sait toujours effrayer, pourra étonner (à défaut d’inquiéter immédiatement) y compris par son degré de sanguinolent [le premier meurtre (Tina) en particulier – inspiré de L’Exorciste?], diverti largement plus que le premier opus d’Amityville et est d’un tout autre niveau que celui minable de la saga Vendredi 13. Objet sympathique et frustrant, Les Griffes de la Nuit apparaît comme une sorte de semi-échec ou de semi-réussite.

Jamais complètement convaincant, Fred Krueger sera en tout cas très rentable pour la New Line, cette maison de production étant boosté par le film de Craven et la saga en découlant. Elle rachètera Vendredi 13 à la fin des années 1980 et organisera un cross-over entre Freddy et Jason, les tueurs des ces sagas de slashers de référence (partageant leur domination avec une troisième, la meilleure : Halloween). Les groupies de Johnny Depp doivent également voir ce film puisque leur idole y jouait son premier rôle au cinéma, léguant à la postérité une mort blobesque ; il fera un cameo dans L’ultime cauchemar, cinquième suite des Griffes.

Note globale 53

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Suggestions…

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FREDDY II : LA REVANCHE DE FREDDY **

3sur5  Après un premier épisode discrètement comique, les nombreuses séquels des Griffes de la Nuit [cinq comprises ici, de Freddy II à VI] vogueront vers le grand-guignol et un humour prosaïque, optant même pour la pochade vulgaire dès le 3e opus. Il faudra attendre le Freddy 7 de Wes Craven pour un retour en grâce net et global, opus portant un regard critique sur la saga et s’illustrant par sa rigueur et sa prise de distance. D’ici là, Jack Sholder prend en charge cette première suite avant de signer son Hidden, puis une flopée de nanars et de purs divertissements bis.

Le Krueger bouffon de l’horreur devra cependant attendre l’opus de Chuck Russell (le 3e), le très mal nommé Freddy’s revenge entrant en dissonance. Freddy 2 est un slasher complet et Krueger est de la partie comme toujours, mais il frôle le hors-série. Toute la dynamique rêves/réalité est mise de côté, voir éjectée si ce n’est dans l’exposition et le final. Freddy atterrit dans la réalité, s’invite dans une fête et s’avère omnipotent. La Revanche trahit donc complètement les principes posés par le premier opus et s’intéresse à la détresse psychologique du héros, nouvel occupant de la maison des Thompson à Elm Street. Harcelé par Freddy le voulant comme partenaire et l’utilisant comme son bras droit pour tuer, Jesse (Mark Patton) se demande s’il sombre dans la folie.

Le film n’est pas effrayant au sens habituel du film d’horreur, mais il est parcouru par une tension lié à son imagerie crypto-gay et à la perversion disséminée par Freddy. Celui-ci est plus qu’un simple boogeyman (et contrairement à Jason ou Michael Myers, il n’est pas mutique) : c’est un monstre sadien. Quand à la trajectoire de Jesse, elle devient la métaphore d’un coming-out inassumé virant à la psychose. L’ambiance et les sous-entendus homo-érotiques sont constants, avec Graddy, la demande de protection à un meilleur ami loin des regards. Pourtant jamais la notion d’homosexualité n’est évoquée explicitement ni n’existe dans les échanges ou même le conscient des personnages ; il n’y a qu’une évocation, à la sauvette, concernant le vicieux prof de sport auquel Freddy réserve une mort à la limite du BDSM. Le résultat est très inquiétant et donne un vrai drame, en terrain étranger ; le 5 aussi tentera une approche plus sensible avec Alice et son enfant. D’ailleurs on note que passée cette expérience, les producteurs manifestement dans l’embarras ne confieront plus jamais la franchise à un héros masculin.

Si le Freddy troupier n’est pas encore pour cet opus, ce Freddy 2 n’est pas toujours du meilleur goût et tutoie régulièrement le nanar. Il y a de petits côtés ridicules incontrôlés parfois et surtout cette scène ahurissante de la perruche, passage hallucinant digne d’une place d’honneur dans la galaxie Nanarland. Des inspirations en décalage (comme des aperçus d’un autre film) se ressentent, donnant un charme au film sans trop avancer son intrigue, en évoquant Society ou Le Dentiste. Le rêve lié au bus est un trip enfantin très décevant, digne des pitreries au surréalisme niaiseux de Freddy 6 (le pire opus de la saga). Les opus 3 et 4 seront bien plus expansifs niveau morceaux bravoure, alors que l’heure n’est pas encore au cumul d’exploits. En revanche, lorsqu’elle est présente, la violence graphique est extrême et assez grave, ce qui tend à aligner Freddy 2 sur son prédécesseur et les isoler du gore pop-corn rayonnant sans partage par la suite.

Note globale 60

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Note arrondie de 59 à 60 suite à la mise à jour générale des notes.

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FREDDY III : LES GRIFFES DU CAUCHEMAR **

3sur5  Après un second opus faisant guise de parenthèse, Freddy III est la première vraie suite des Griffes de la Nuit. Revenant à l’avant-scène, Freddy enfile pour la première fois son costume burlesque et ose les punchline bouffonnes. Ce Nightmare On Elm Street 3 est donc responsable du tournant grand-guignol de la saga et donc de son identité générale, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur c’est justement cet opus réalisé par Chuck Russell [auteur du ferveur et fabuleusement con Blob sorti un an après], d’une grande inventivité, avec même une certaine grâce, comme lorsque Freddy s’incarne dans un pantin pour s’inviter dans l’espace d’un rêve. Le pire, c’est ce dédain pour l’horreur véritable au profit de spectacles proposant d’autres genres de sensations fortes aux adolescents venant pour un train-fantôme. Le pire c’est donc surtout les opus 4, 5 et 6, tous redevables à cette troisième mouture et tous des déclinaisons inférieures.

Sans les maladresses ni la foi aveugle en ses excès tape-à-l’oeil du premier opus, Freddy 3 respecte assez scrupuleusement les avatars de sa mythologie tout en boostant son langage. Avec le très moyen sixième volet qui tentera de mettre un terme à la saga, Freddy 3 est celui qui cherche le plus à amplifier l’univers du croquemitaine et à en explorer de nouveaux horizons. Plus axé sur le fantastique que l’horreur pure, le film permet à ses adolescents d’exploiter leurs rêves, leur permettant d’y déambuler afin de pouvoir mettre fin à Freddy et de facto à leurs cauchemars. Ce dernier devient un véritable showman, soignant ses entrées, raffinant ses agressions et surtout les personnalisant [qu’une fillette se repose sur une figure paternelle rassurante et il se révèle ; en ce sens, Freddy 3 est la seule suite à tutoyer les thématiques du film de Craven]. Le sadisme de Krueger est subtil et son personnage a une épaisseur que Jason Vorhees comme Myers n’ont pas. Il est bien trop dissipé et criard pour concurrencer Pinhead de Hellraiser, mais son charisme est supérieur au boogeyman standard. Freddy gagne également en épaisseur en tant qu’individu puisqu’on apprend sa genèse et l’existence d’Amanda Krueger.

L’emprunte de Wes Craven s’impose en toile de fond mais de nombreux choix divergents s’y ajoutent ; ne jetant pas l’éponge comme il le fit sur Freddy 2, il laisse aux producteurs de la saga un scénario largement réécrit par le tandem pour le moins improbable Russell/Darabont. Si sa créature lui semble définitivement dépossédée, ses pérégrinations trouveront ici leur point d’orgue, avant la décrépitude dans des proportions raisonnables (le crash total des Vendredi 13 est loin). Le film a vieilli mais sa désuétude plutôt que de l’handicaper lui confère aujourd’hui une touche vintage qui lui sied bien, au contraire du 4 bien trop dans la farce has-been. Mariant le spectaculaire, l’horrifique et le grand-guignol avec une efficacité indéniable, l’ensemble tend parfois au délire carnavalesque, graphique [à partir de rêves d’ados complètement décérébrés, le film est bien plus sombre et extravagant visuellement] comme scénaristique, mais avec toujours une main de fer pour canaliser ce goût pleinement assumé pour l’absurde afin que les déviances « fun » ne basculent pas dans un ridicule involontaire prenant le pas sur le grotesque gratuit.

Le compromis entre un récit suffisamment consistant et une dose polie d’hystérie bis, la légèreté du ton et le volontarisme dans l’outrance, permet la réussite de cette entreprise honnête et régressive, aux ambitions récréatives menées à leur terme. Cette effusion de gadgets, de gore et d’ironie donne curieusement force à un mythe, l’enrichit en tirant vers le haut son potentiel grandiloquent. En même temps Freddy III s’affirme en réel film d’épouvante, même inefficace ou rigolard, car il a la dimension exploratrice nécessaire aux exigences de ce registre. Cet équilibre se reflète dans le traitement des personnages, souvent considérés avec dérision : répliques à la bêtise ironique ; malades qu’on nous invite à davantage prendre pour des imbéciles que pour des sommes d’angoisse ; pittoresque scène de la journaliste TV ; lycéenne se rêvant punk et rebelle jusqu’au bout des ongles, etc. Simultanément, c’est avec une empathie sincère, étouffée sous la couche de bouffonneries, qu’il jette son dévolu sur d’authentiques peurs ou préoccupations adolescentes, la tentation du suicide en tête.

Note globale 60

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

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FREDDY IV : LE CAUCHEMAR DE FREDDY *

2sur5  Démonstration du tournant définitivement ce Freddy vers le statut de vache à laid grand-guignol [ce sera le gros succès de la saga], cette quatrième mouture se distingue par sa cynique nullitude et ses frustes manières de film MTV. Avec The Dream Master, Freddy devient un gros beauf et la mascotte d’un train fantôme. Ridicule mais divertissant, Le cauchemar de Freddy tient du clip pop-rock à rallonge et n’a plus beaucoup à voir avec un film d’épouvante. On sent les années 1990 arriver au travers de cette intrigue et ce traitement superficiels et glam-trash, anticipant les Souviens-toi l’été dernier ou Dangereuse alliance. L’ensemble est d’une profonde stupidité dès le départ et c’est le premier opus assumant à ce point la bullshit générale ; il restera indépassable, même le 6 (plus minable que crétin festif) ne pouvant concurrencer. La bêtise cohabite avec la flamboyance et cet opus est à sa façon le plus lumineux, en tout cas celui brillant par ses effets spéciaux.

L’histoire se concentre sur une victime en particulier ; cette fois, l’héroïne est introvertie et relativement timide, mais pas seule au monde. Alice rêve de briser la glace et envoyer tout [le monde] valser, ou de s’affirmer et entrer dans la compétition sexuelle, mais ne le fait pas, évidemment. Mais lorsque démarre sa lutte contre Freddy, alors elle sort d’elle-même et entre dans une phase ultime de rebellitude. A l’image de ses camarades, la jeune Lisa Wilcox est une interprète honorable, mais est bien la seule à infuser une habile dose de second degré à sa personnage [notamment lors de sa  »métamorphose »].

Produit d’une grande vulgarité (le chien pisseur du feu), le film de Renny Harlin (l’homme des navets loufoques crâmant leur budget dans l’allégresse – Peur bleue) fait toutefois preuve d’une grande maîtrise technique et son visuel arbore des allures nettement plus contemporaines, même si le goût est tout aussi has been. Beaucoup de choses peuvent être reprochées à Freddy 4 (dont le sabotage du mythe), mais c’est une réussite graphique et son catalogue d’exploits aussi bêtes que spectaculaires fait la différence avec la plupart des autres sequel. Sans afficher le style de Freddy 5, le film s’inscrit décemment dans la lignée du film de Chuck Russell quand à l’imagerie glauque clownesque. À la hauteur de sa mission, Freddy 4 fait preuve d’une certaine inventivité dans les scènes de rêve et de meurtres [la fille aspirée par un grand écran notamment ; ou encore l’exemple, souvent cité, de celle muée en cafard], lesquelles évoquent toujours un certain parfum de contrefaçon et une espèce de surréalisme discount. Les ados se font (inter)venir les uns les autres dans leurs rêves, d’autant plus librement qu’il n’y a pas de narration réfléchie.

Versant dans le teen-movie degré zéro, crétin mais pas forcément plus que la moyenne, la franchise se complaît dans la banalité, mélangeant ses propres poncifs à ceux de tout un genre. L’humour lourdeau tente de se marier à l’horrifique pour offrir un cocktail adroitement calculé aux dehors extravagants, pendant que Freddy et ses victimes se vautrent allègrement dans une beaufitude sans fards – mais une beaufitude bankable, propre. En gentleman appliqué, Freddy se surpasse s’agissant d’y aller de sa petite vanne ; il nous garnit d’un tout bidon « j’aime la nourriture spirituelle » alors qu’il se repaît d’une tête d’olive, et ne passe pas non plus à côté du « bienvenue au pays des merveilles, Alice ». Raté, ce zèle ne lui permettra pas de se classer parmi les incontournables : on peut accepter le contrat (se vider le cerveau devant un show gratiné et totalement creux) et repartir avec quelques anecdotes (la nymphe piégée dans le matelas d’eau), à la fin il faut admettre que le croquemitaine y perd.

En effet celui-ci apparaît comme un faire-valoir de placements produits ; au-delà de Krueger chaussant ses Ray Ban, le spectateur est surtout abreuvé d’un rock piteux ou de rap lisse, de l’easy-listening de boeufs si on préfère. Par décence ou minimum syndical de respect envers les créateurs et notamment LE créateur, Wes Craven [de nouveau sur la fiche technique pour le troisième opus, il a contribué à la réussite de la seule ‘vraie’ sequel un peu plus que potable], les producteurs tuent de nouveau Freddy au terme de sa nouvelle aventure. Mais pour de faux, on le sait.

Note globale 42

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

Note arrondie de 41 à 42 suite à la mise à jour générale des notes.

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freddy, l'enfant 5

FREDDY V : L’ENFANT DU CAUCHEMAR **

3sur5  Souvent considéré comme le plus inintéressant de la saga par de nombreux fans, Freddy 5 est pourtant, à un stade ou la saga aura blasé les plus impatients, une très bonne surprise – et un film fantastique assez captivant. Moins primairement « second degré » et grand-guignol [mais nettement plus finement quand il s’agit d’adopter cette posture], l’opus du futur réalisateur de Predator 2 ne se confond pas dans la bouffonnerie : c’est peu de le dire et pour un Freddy, c’est déjà beaucoup, presque un parti-pris impertinent vis-à-vis du caractère général de la saga : les deux opus précédents et le suivant relèvent de la gaudriole unilatérale (quelque soit leur niveau par ailleurs).

Dissipant l’exubérance stérile devenue caution à un nivellement par le bas, L’enfant du Cauchemar adopte un ton franchement solennel concernant les péripéties de son personnage principal, à l’instar du second opus. Réexploitant certains éléments de son prédécesseur [la maison abandonnée et Alice, qui de nouveau se bat contre Freddy dans ses rêves], le film démarre cette fois sur une idée aussi astucieuse qu’abradabrantesque, Freddy se réincarnant dans le bébé qu’Alice doit enfanter. Rompant donc avec la vulgarité et le tape-à-l’oeil mais pas avec certains recours faciles, Freddy 5 se montre plus audacieux, même si ses innovations se concrétisent avec plus ou moins de bonheur (le final n’est pas forcément concluant et laisse sur un goût mitigé). Contrairement à ce qui est admis généralement, le croquemitaine y apparaît moins comme un bouffon, par contre son image est fragilisée. Moins terrifiant, perdant de sa superbe et de sa toute-puissance, le personnage évolue pour se muer en une sorte d’écorché soudain vulnérable.

Toujours aussi grossier, Freddy gagne en épaisseur alors qu’il n’évoluait en rien dans le précédent opus où il vacillait vers la figure du vieil oncle amuseur en chef de galerie familiale. Mais surtout, si son humour [ »noir »] s’étiole, il est plus déchéant, plus résolument trash. Ce vieux bonhomme qui se met au champagne et s’arrache le bras plus hilare que jamais semble résigné à sa propre décadence. Le mouvement est loin de celui ostentatoire de Freddy 7, surtout moins délibéré, mais en s’épurant de ses marques de fabrique, le boogeyman acquiert un nouveau souffle, court mais alternatif. Cette nouvelle déclinaison ne vit que pour masquer sa terreur d’assister à l’épuisement d’une formule avec laquelle elle se débat.

Malheureusement en tentant d’étendre cette chétive mythologie, démultipliant à l’infini les possibilités [Freddy dans ce corps-là, puis dans celui d’un autre, puis dans une voiture, puis plus dans une voiture] comme dans Hidden (réalisateur de Freddy 2!), le film a le défaut de vouloir brasser un peu trop, échouant globalement à réinventer son mobile de fond en comble. Finalement assez lisse malgré son apport conséquent au personnage-fétiche, le scénario est inspiré mais pas toujours parfaitement cohérent ou limpide. Quelques références, non attestées cependant, nourrissent le film : Rosemary’s Baby bien sûr, mais aussi Labyrinthe et ses escaliers, Eraserhead pour les joues de hamster ou Tetsuo pour le premier meurtre.

Lorsque les ambitions lacunaires s’effacent au service du spectaculaire, l’inventivité de Freddy 5 s’affirme pleinement dans sa facette graphique (la BD, les poupées, l’usine). Plus noir et surtout baroque, presque gothique, le film se dote de ce qui manquait à l’effervescent Freddy 4 : une ambiance et un style. L’enfant du Cauchemar inspire bien plus le cauchemardesque [scène du dîner très réussie]. Freddy 5, en bout de course, est un petit film d’horreur de facture plutôt classique mais très bien conçu, dont les parfois réjouissantes qualités plastiques prennent le pas sur la psychologie de personnages pourtant abordés avec un mélange d’empathie et d’ironie plus ambigu encore que dans le film de Chuck Russell. Le fan s’y retrouve donc difficilement, le néophyte peut estimer cet essai hybride comme une bouffée d’oxygène. Pour les simples curieux, c’est peut-être mieux ainsi.

Note globale 58

Page IMDB + Zoga sur SC

Suggestions… L’échelle de Jacob + L’armée des 12 singes

A Nightmare On Elm Street – Part 5 : The Dream Child** (5/10)

Notoriété>10.100 sur IMDB (plus faible, nettement) ; 425 sur allociné (2e plus faible, de peu)

Votes public>4.7 sur IMDB (2e moins bon score : légère tendance féminine) ; France : 4.8 (allociné ; 2e plus mauvais ex-aeco avec Freddy 6)

Note arrondie de 57 à 58 suite à la mise à jour générale des notes.

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FREDDY VI : LA FIN DE FREDDY – L’ULTIME CAUCHEMAR *

1sur5   Ecopant d’une lourde perte de vitesse de ses recettes, reçu tièdement par les fans, Freddy 5 amène la société de production New Line à ré-envisager le cas du croquemitaine. Il est clair qu’à ce stade le filon est épuisé, l’ambition a disparue, ainsi que toute fraîcheur ou illusion. Des suites sans inspiration dont l’inventivité concernait surtout les meurtres ou exploits visuels ont dénaturé l’esprit d’un film initial lui-même devenu particulièrement suranné et rétrospectivement révélé dans toute sa redondance, ses lacunes et sa platitude.

La mise à mort définitive de Freddy est ainsi décrétée. Prend place alors le rendez-vous raté avec un final qui serait une fête, révélant les coulisses, invitant à « vivre » le mythe au plus près, pénétrer dans l’intimité de Freddy en levant le voile sur l’essentiel des mystères planant sur une mythologie paresseuse. Donner un passé au croquemitaine était essentiel pour consolider l’initiative et dans les grandes lignes cet Ultime cauchemar réussit à répondre de façon cohérente à la logique de la saga, en faisant vaincre Freddy Krueger par sa propre fille. Loin de toute intensité (quoique l’absurde combat final soit hypnotisant), leurs retrouvailles ficellent adroitement la biographie du monstre ; Les Griffes originelles campaient un propos sur le passage à l’âge adulte et les peurs de l’enfance, un boogeyman arroseur arrosé constituait la plus facile mais aussi la meilleure sortie possible.

Le cheminement vers l’évidence ne se fait pas sans révélations plombantes. Flash-back à l’appui, le scénario met en scène un Freddy « pré-freaks », côté réalité, mais le portrait de ce père de famille aux tares inavouables annihile tout mystère sans contrebalancer par de quelconques nouvelles pistes. Carrément cartoonesque, Freddy tente de faire peur à nouveau mais ne parvient jamais à saisir le ton juste, le film adoptant des allures d’ennuyeuse série B audiovisuelle vaguement prétentieuse. Comme pris de convulsions, il passe d’une sobriété feinte confinant parfois au ridicule à la blague épaisse, traînant ces deux pôles antinomiques avec un professionnalisme embarrassé.

Même dans le 4 très borderline, il y a toujours une construction spontanée et une cohérence dans les actions. Là, le scénario est honteux : quelques idées sont posées et elles sont finalement survolées ou traitées avec amnésie (les adolescents décimés, les Nightmare On Elm Street partout, puis tout ce repompage du Village des Damnés). Le manque d’intelligence est phénoménal : le 4 est dans la bêtise, mais sa bêtise est celle d’un show ouvertement dans la farce et il enchaîne avec force. Là, si ce n’est un sabotage pénible, c’est une tentative d’arriérés : en d’autres termes, le 4 est conçu pour nous abrutir dans la joie MTVesque quand le 6 semble initié par des monocellulaires sous coke s’adressant à des débiles légers.

Présentant son film en 3-D, Rachel Talalay ne semble à l’aise que lorsqu’elle aborde le terrain des effets spéciaux. Mais la virtualité au cœur du film est loin de le booster, le sens du spectaculaire de l’équipe technique tenant ici du ridicule achevé. Le voyage ouvertement ludique au cœur d’effets kitschs éreinte dans une interminable dernière partie, puis sidère lors de son morceau le plus fameux, celui de l’inénarrable incursion de Krueger dans un jeu vidéo très moche et primitif (sachant qu’il y a deux produits dérivés dans ce domaine, sortis en 1989). Aspirant dans une télévision [rappelant clairement Videodrome, autant dire qu’on frôle le blasphème tant un bon lot d’années-lumières sépare les deux niveaux] un ado qu’il pourchasse avant de le tuer, Freddy se livre à une expérience aguichante seulement sur le papier, devenue culte chez la minorité de fanatiques qui ne fut pas assommé par la médiocrité de cette farce ratée de bout en bout.

Mêlant une froideur toute 90′s à la folie simulée des Kruegers 80′s, L’Ultime Cauchemar propose de tuer Freddy en chaussant ses lunettes, instaure un présupposé BG de service au poste de héros et fait péter le rock consensuel à fond les ballons. Le hic : tout n’est que laideur et lieux communs – sinon, pour l’originalité, la mort très branque de John. La scène d’intro, référence avouée et sans ambiguïté au Magicien d’Oz, pourra amuser les fans de ce classique mais n’en demeure pas moins hideuse. Freddy semble ainsi tirer sa révérence en frisant l’escroquerie, sous des allures pleines d’entrain et de sincérité. Et lorsque défile un best-of de l’épopée Kruegerienne sur fond de merdique tube d’un jour d’Iggy Pop, pas une once de nostalgie, ce n’est autre que le soulagement qui nous envahit.

Note globale 30

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Gacy + Halloween Resurrection + Demon House + Halloween 3 + L’Antre de la Folie 

Note arrondie de 29 à 30 suite à la mise à jour générale des notes.

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freddy 7 sort de la nuit 2

FREDDY SORT DE LA NUIT (FREDDY VII) ***

4sur5  Trois ans après l’affreux Ultime cauchemar marquant la mort de Freddy et un final où il reprenait sa forme humaine, Wes Craven relance pour un dernier opus la saga. Cette reprise en main est une façon de régler son compte à une franchise qui le contrarie, l’ensemble des suites ayant rompu avec ses Griffes de la Nuit pour évoluer vers la performance trash et la gaudriole. Néanmoins Craven lui-même est en pleine décadence pendant cette décennies (années 1990) et ses ‘classiques’ de l’Horreur sont parmi les plus sur-cotés : La dernière maison sur la gauche, La colline a des yeux (balayés par leurs remakes) et même Les griffes de la nuit.

Prenant tout le monde à revers, Freddy sort de la nuit est une réflexion sur le boogeyman, son traitement par Hollywood et par les médias, son interaction avec le public et avec ses auteurs. Heather Langenkamp, héroine des Griffes de la Nuit et présente dans Les griffes du cauchemar (3e opus) interprète son propre rôle, tout comme Robert Englund et Wes Craven. Langenkamp a mis de côté le cinéma et s’occupe de son enfant Dylan. Lorsque New Line (réellement productrice des Freddy) la contacte, elle refuse de reprendre le rôle pour le 7e opus en préparation, sur lequel un scénariste travaille dans le secret depuis deux mois.

Mise en abyme de rigueur et plutôt qu’un véritable film dans le film, c’est un tournage secret dans le film, où les parties impliquées de près ou de loin deviennent les pions de cet obscur projet. L’idée du scénario dirigeant la réalité renvoie à L’antre de la folie, l’un des sommets de John Carpenter qui sortira l’année suivante et l’exploitera avec une plus grande envergure. Craven passe en revue l’impact de Freddy sur le public et la façon dont celui-ci a été transformé par le marché et le collectif. Il est désormais un bouffon de l’horreur et l’ombre pathétique de celui qu’avait élaboré Wes Craven. Néanmoins, lorsque Robert Englund vient satisfaire la ‘freddymania’ sur un plateau, l’aura malsaine du boogeyman se ressent du point de vue de Heather Langekamp.

Le nouveau statut de Freddy reflète par ailleurs la banalisation de l’Horreur dans les esprits, celle-ci étant (au cinéma) devenue un objet de consommation courante parfaitement mobilisateur. Les enfants eux-mêmes connaissent les monstres, en tout cas celui des Griffes de la Nuit ; c’est d’autant plus ironique dans son cas puisqu’il est un pédophile devenu démon suite à sa mise à mort. Craven combine son désir de revanche et son approche conceptuelle en se réappropriant sa créature de façon critique ; il entame sa grâce de freaks, son crédit de star et lui accorde un maquillage plus ostensiblement fait de plastique (qui a énormément heurté ses groupies, peu sensibles au discours du film et à son rythme). Jamais Freddy n’aura cependant été aussi inquiétant et son meurtre à l’hôpital est un véritable moment de terreur et de désarroi pour la victime.

En plus de poursuivre ses propres créateurs, Freddy reprend le pouvoir sur la farce dont il est devenu le héros. Prenant acte de sa mort dans la saga, il vient se réfugier dans la réalité en amadouant les spectateurs comme il amadouait les enfants, pour finalement les faire basculer dans son territoire. La thèse de Craven est multiple et se lit comme un tandem de boucles croisées et achevées. Rétrospectivement, Freddy sort de la nuit apparaît comme la préfiguration de Scream. Avec celui-ci et ses suites, Craven portera à nouveau un regard sur l’horreur et ses clichés, mêlés entre premier et second degré, tout en traitant leur héritage dans la réalité. Cette entreprise ambiguë entre ré-enchantement et auscultation de l’Horreur aboutira à une vague de néo-slashers parodiques, portant un coup fatal à l’Horreur, bien plus que les farces doublement inoffensives que constituaient les Freddy 3 ou 4. Jusqu’au-bout, la démonstration (plusieurs en une, en fait) est parfaite, valorisant son directeur tout en corrompant ses instruments.

Note globale 76

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Suggestions…

Note arrondie de 75 à 76 suite à la mise à jour générale des notes.

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freddy remake

LES GRIFFES DE LA NUIT (REMAKE) **

2sur5 Toucher à un sanctuaire horrifique condamnait inéluctablement Samuel Bayer (directeur du clip de Smells Like Ten Spirit) au mépris de la classe cinéphage, encline par nature à ce type de railleries la confortant dans ses assurances douillettes. Et quoiqu’effectivement très mal accueilli, ce reboot des Griffes de la Nuit était une proposition intéressante. Le potentiel du film de Wes Craven se dissipait tant sous des graisses kitschs que la simple idée de les voir élaguées par un second tour de piste plus sombre et pas moins calibré promettait, à défaut de justifier cette réputation franchement surfaite, au moins de restaurer l’intelligence diffuse des obsessions distillées par cet opus originel.

Sans pleinement satisfaire ces timides espoirs ni même tout à fait escroquer son lynchage, Les Griffes de la Nuit 2010 est une relecture intéressante du mythe de Freddy. Ce huitième opus [ou neuvième, en comptant l’hors-série Freddy contre Jason, cross-over avec la saga Vendredi 13] est une des productions de Michael Bay et sa série de remakes/reboot. Celle-ci est une synthèse laquée de l’horreur premier degré et principalement pour ados qu’Hollywood a engendré autour de 2006-2013. Un réalisateur novice venu du clip, des jeunes acteurs qui ne se sont pas souillés dans l’horreur parodique, un style très grave tout en restant évasif, des personnages intenses mais superficiels.

Comme la version 2009 de Vendredi 13 supervisée par la même équipe, cette version 2008 de Nightmare on Elm Street fait partie des bons éléments. Contrairement au nouveau Vendredi 13, plus neutre, ici le ton est mature. L’heure est au sérieux extrême, les adolescents sont tous troublés ou résignés. Le réalisme s’en trouve décuplé, l’évocation de la pédophilie est frontale et Freddy concerne le passé des grands ados, pas de leurs parents. Cette solennité et ce pragmatisme relatif inclus tout, y compris le personnage de Freddy dont l’allure est celle d’un authentique grand brûlé et non d’un démon. Il y a peu d’humour de la part de Freddy et lorsqu’il y en a, les punchline sont ‘sombres’, pour rester sobre.

De plus les auteurs ont eu l’excellente idée d’introduire la notion de micro-sommeils et en tirent de quoi doper l’ambiance avec un minimum de justifications. Ce manège glacial fonctionne tant que le spectateur est sensible aux charmes maniéristes sans être saoulé par le conformisme aux codes de l’époque. Le soin technique apporté à la remastérisation de visions dantesques initialement déjà frivoles ravit nos pupilles par à-coups. Quelquefois se ressent cette satisfaction d’apercevoir l’once d’une terreur ou d’un pouvoir de fascination immédiat ; un potentiel immense, avec déjà le contenant, qu’il ne resterait qu’à orienter un peu plus. De ce point de vue ces Griffes 2 sont à la hauteur des Griffes 1, dont les séquences oniriques faisaient un petit effet tant que l’initiative et sa beauté suffisaient à omettre le vide et l’absence de destination.

Malheureusement, il y a Rooney Mara et il est temps de remettre en question l’exploitation de cette actrice ; ici elle ne joue pas mal, elle est là, lâche son texte sans se départir de sa poker face parfois crispée, entre le flegme et le malaise face aux événements. Sa simple présence devient parfois une lourdeur, heureusement dissipée par Kyle Gallner (Quentin) partageant quasiment le rôle-phare avec elle à mesure que le film avance. Celui-ci s’achèvera de façon idiote, mais conforme, posant un petit choc ultime gratuit une fois que tout est réglé : c’est fait comme du bis luxueux de son temps, mais en soi c’était déjà l’issue du film de Craven. Globalement, le premier film solo de Bayer laisse la sensation d’un spectacle un peu vain comme prévu, mais prenant parti et allant au bout, se positionnant bien parmi la masse sans s’en distinguer.

Note globale 53

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Suggestions… Carrie la Vengeance    

A Nightmare On Elm Street-remake**

Notoriété>7.000 sur IMDB

Votes public>5.6 sur IMDB (tendance très marquée -30 ans) ; USA : 6.0 (metacritic)

Critiques presse>USA : 3.4 (metacritic) ; UK : 4.0 (screenrush)

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freddy les griffes

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