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TROIS JOURS AVANT LE CHANGEMENT…

13 Mai

Le mirage Hollande déjà sabordé

A peine élu, Hollande est déjà rendu impotent, ses plans discrédités et sa posture d’alternative abattue. Dans la foulée des insolents résultats des Législatives Grecques, d’une Bourse en panique et d’un marché sceptique, les acteurs de l’actualité cherchent ouvertement à transférer les souverainetés nationales vers l’Union Européenne. Parallèlement, les commentateurs labellisés légitiment les prises de positions tranchées de leaders appliquant la vision néolibérale de l’économie et de la politique, la seule enseignée de façon massive tant par le biais des médias que des programmes scolaires ambitieux. Ceux qui devraient être les observateurs sont des porte-paroles, vraisemblablement pas tout à faits conscients de leur caractère moutonnier et prosélyte.

Plus que jamais, l’Europe est régentée par l’Allemagne, Etat fédéral qui trouve son compte, plus que les autres, dans l’établissement d’une Union supranationale et défend ardemment ses intérêts (car la monnaie euro est consacrée par et pour elle, a été formalisée selon sa propre monnaie antérieure). Ambassadeur de Bruxelles et des dogmatiques européistes, Merkel vient réprimer les alternatives et nier l’autorité d’un chef d’état sur son propre pays. Révision du Pacte de Stabilité ? C’est non et ce « non-négociable » de la Dame de Fer allemande se substitue au « There is no alternative » qui scellait, peut-être sans savoir à quel point, l’ascendant d’une logique implacable. De toutes façons, Hollande n’a posé aucune condition, le « non » est donc d’autant plus aisé qu’il vient contrecarrer une posture à l’arrachée, n’expliquant ni le comment ni l’après. Il en va de même pour l’idéal de « croissance », mot-valise à la mode depuis quelques jours, concept rabattu mais jamais planifié par l’intéressé et son équipe.

Et pendant ce temps, Hollande s’amuse du brio des Corréziens, parvenus à hisser un des leurs au  »poste suprême » (comme on pouvait le clamer, avec raison, il y a déjà quelques décennies) pour la seconde fois. En marge, il glisse à son entourage et ses collaborateurs que la situation de l’Europe, l’élection en Grèce et les perspectives de récession radicale le préoccupe ; d’ailleurs, il fait confiance aux solutions qui sont exposées par les leaders de la technocratie bruxelloise et leurs acolytes, les économistes de l’école néolibérale.

C’est donc un nouveau Président ému de son parcours, tout affecté de devoir quitter sa Corrèze, qui s’offre à la vue des Français. L’oligarchie des incapables trouve là une pleine et belle incarnation ; un type lambda qui, comme nous, sera spectateur de notre Histoire et dont les gémissements ne seront même pas audibles pour les décideurs de notre destin.


Diversion par les mœurs

Et sur quoi Hollande se recroqueville-t-il déjà ? Sur les réformes sociétales, de mœurs, et l’application de principes humanistes gratuits mais sans implication, de symboles égalitaristes. Il y aura donc parité parfaite dans le Gouvernement, pour la première fois ; puis bientôt, le mariage  »gay » (on parle peu, voir jamais, de « mariage homosexuel »).

Obama s’est épris du sujet très récemment… À l’heure ou l’empire néolibéral est chamboulé et que les peuples se donnent les moyens de gronder (mais avec les outils qu’on leur accorde), le chef d’État de la première puissance du Monde fait les unes en évoquant l’union civile homosexuelle, thème qui pourrait être réglé en un clin d’oeil… Mais la gauche libérale-démocrate a tout intérêt à repousser les réformes sociétales, car elles lui garantisse un combat penaud et fédérateur, tout en faisant des adversaires  »conservateurs » d’odieux passéistes bloquant le progrès et les libertés individuelles. Il y a une deuxième raison, c’est qu’une fois les homosexuels mariés, ceux-ci n’ont plus, comme les hétérosexuels mariés et dans une situation sociale équivalente, d’intérêt à se bercer des litanies consensuelles des valets des néolibéraux.

L’UMP tient bon, Copé tient la barre

Copé dit d’Hollande que c’est une « anguille », mais Copé lui-même est une anguille ; méthodes, personnalités et perspectives inverses, mais anguille qd même ! Après la fin des élections présidentielles, le leader de l’UMP a eu la bonne idée de reprendre le programme de Sarkozy pour la campagne des Législatives ; reste à voir en quoi les deux aventures électorales se répondront ou se contrediront.

Paradoxalement, ce programme, sans le mal-aimé Président sortant, perd son meilleur porte-parole. Copé, mal défini, n’est pas, pour l’heure, cohérent dans des postures idéologiques quelconque, puisqu’on le connaît plutôt comme un défenseur taquin de l’ordre établi et de la position officielle de la droite de gouvernement sur les débats ou polémiques du moment.

Raillé, assimilé à une « droitisation » opportuniste (sauf que le terme de  »droitisation » a été invoqué pour chacune des postures un tant soit peu non-linéaires de Sarkozy pendant cinq ans), ce programme a permis à Sarkozy de revenir à 48% et de se réapproprier l’électorat traditionnel des droites (mais aussi les non-alignés et les attentistes), devenu sceptique et parfois revenu de loin. Ce sont surtout les slogans qui ont rassurés, mais aussi la possibilité d’offrir aux électeurs du Front National une brèche, même factice ou dérisoire, sur leurs sujets de prédilection. C’était, notamment, la renégociation à propos de Schengen ; ayant gagné le respect de Merkel et des européistes, Sarkozy aurait pu davantage inciter à quelques inflexions. Il aurait pu aussi se transformer en Orban français, en mode libéral et atlantiste ; c’est en tout cas ce qu’il a laissé leurrer. Opération brillante et sans doute pas si vaine, car ainsi Sarkozy a su redonner un horizon à la droite traditionnelle. Elle n’aura le récupérer si elle comprend son intérêt objectif au lieu de se laisser absorber par l’illusion « centriste-humaniste ». Lisse et bien sous tous rapports, cette étiquette est un piège aguicheur qui la conduira à l’échec (électoral bien sûr, idéologique surtout) et à l’abandon de toute influence sur le jeu politique (quand ces centristes-humanistes croient justement le contraire).

L’UMP peut encore se tirer honorablement des Législatives, mais elle aura du mal à transformer l’essai (l’essai étant la remontée fulgurante de Sarkozy, qui a su remobiliser à droite et au centre et capter les indécis). La droite mainstream perdra probablement ce scrutin, peut-être même y aura-t-il une nouvelle vague rose qui justifiera des commentaires condescendants au sujet de la stratégie de l’UMP depuis l’entrée de Sarkozy dans la campagne (c’est-à-dire il y a deux mois et demi). Mais ils auront tort ; c’est simplement que les électeurs croient peu à la praticité des réformes promises, ou ne croient pas que les dirigeants de l’UMP pourront tenir des engagements aussi forts. Pour s’émanciper de l’absolutisme européen, Sarkozy a réussi, dans l’entre-deux de l’élection, à apparaître comme le plus apte, à défaut et même si c’est cruellement absurde, d’être le plus sincère et décidé. Un sursaut ponctuel mais néanmoins impressionnant, d’ailleurs près de la moitié (un sondage à la sortie des urnes avançait le chiffre de 51%) des électeurs du FN ont tenté le vote Sarkozy, peut-être avec l’énergie du désespoir ou bien un espoir timide, mais ils l’ont fait néanmoins, quitte à se tromper.

Le cerbère de confort tient sa belle affiche

Mélenchon n’en finira jamais d’user des armes du système pour exister. L’hypothèse d’un duel Marine/Méluche est donc désormais réalité, la candidature étant validée ce samedi. Jusqu’à jeudi, Mélenchon ne savait ou il serait catapulté ; il s’est même cramponné à des alliances réclamées (et non négociées) à Martine Aubry. Au lendemain du premier tour pourtant, cette crapule niait encore l’intérêt des législatives pour son cas personnel (allant jusqu’à minimiser son implication). Aujourd’hui, il s’invite sur les terres de Marine Le Pen pour pérenniser la bonne affiche des  »populistes », déjà encouragée lors de son émergence (avec notamment le face-à-face autour de la table de JJ Bourdin). C’est amusant, c’est triste aussi. D’emblée, Mélenchon réaffirme ses vieilles manies en animalisant sa concurrente, notamment en lui demandant de venir « aboyer » devant lui. Il réclame le débat, tout en conservant ses manières de malotru et maintenant le clivage anti-riche/anti-immigré qui séparerait les gauches radicales des droites extrêmes… alors même que Marine Le Pen a été bien plus cohérente, pugnace et surtout concrète dans, non seulement sa dénonciation de la sournoise banalisation de la crise de la dette (perçue, par le biais des médias, comme allant de soi), mais qu’elle y a par ailleurs apporté des solutions globales et précises (abrogation de la loi de 1973 notamment).

En dépit de cela, c’est ce même théâtre de dupes qui est de nouveau mis en scène. Le système envoie ainsi dos-à-dos ses deux facettes  »radicales », consacrant les deux personnages comme les représentants de mouvements à la marge des consensus, comme deux excroissances spectaculaires. Dans ce choc des  »extrêmes », Mélenchon incarne le côté  »utopiste », l’idéal que les formations plus raisonnables ne peuvent assumer, trop occupées par le principe des réalités. A l’autre bout du ring et de l’échiquier, MLP est la menace réelle et ultime, le réceptacle de tous les non-dits les plus nauséeux, celle qui engendre les débats qui font mal, celle qui bascule dans un monde interdit et pose des perspectives aveuglantes tant elles se hissent hors du cadre rationnel de la raison et de la démocratie. C’est là les images mentales qui sont fixées et sculptées dans l’esprit des français.

En outre, il y a des questions politiques pures, que les médias dominants ne posent pas et que les médias alternatifs ne posent pas non plus (par mélenchonisme -c’est le cas d’AgoraVox-, désintérêt, ou parce que l’actualité est trop vaste et vivace en cette période post-électorale doublée d’une accélération de la crise occidentale).

Les voilà donc : le FDG restera-t-il une structure, un large espace de coopération de gauche ? Ou bien est-il voué à n’être qu’un rassemblement ponctuel ? Sera-t-il torpillé par l’égoïsme des élus du PCF ou la lâcheté de Mélenchon – les deux s’annoncent déjà ? Y a-t-il d’ailleurs encore un Front de Gauche, à l’heure ou Mélenchon et ses acolytes peinent à trouver des accords et des circonscriptions ? Bref, l’étiquette Front de Gauche existera-t-elle toujours après ces Législatives ? Et si c’est le cas, est-ce que le mouvement orchestré par Jean-Luc Mélenchon ne deviendra pas un FN de confort d’une majorité de centre-gauche (balayant des cadres d’EELV à des satellites du MoDem) ?

Le rallié opportuniste

Éternel loser, Bayrou reste le spectateur de sa propre déchéance. Voilà un homme espérant se fixer au carrefour de la vie politique mais que ses voisins survolent et ses lointains adversaires méprisent. En évoquant le « danger » d’une cohabition, le brave centriste a fait le boulot, qu’aucune force apparente ni aucun mouvement d’opinion ou politique ne réclamait. Splendide retournement de veste, de la part d’un des meilleurs propagandistes de l’idée, schématique et simpliste mais pas innocente, selon laquelle Hollande allait ruiner la France.

Afin de justifier cette orientation, on invoque des raisons de valeur plutôt que de politique, d’économie. La vérité, c’est que Bayrou fait de la realpolitik à son échelle personnelle et que l’européisme béât du Parti Socialiste lui facilite la tâche. En outre, Bayrou s’est offert au camp du vainqueur annoncé en espérant participer à sa réussite électorale ; mais il n’a créée aucune interdépendance, le PS et Hollande ne lui doivent rien, simplement lui est à leurs pieds sans pouvoir plus désormais se retourner sur sa droite, puisqu’il l’a abandonné. Son ralliement, qui en fait n’existe que pour lui (il n’a intégré aucune équipe) a brisé un non-dit qui lui était favorable : en ayant toujours pas basculé officiellement vers le centre-gauche, Bayrou conservait ses chances de récupérer les fuyards modérés, libéraux et  »humanistes » de l’après-Sarkozy. Il a encore raté sa chance et s’est encore vautré tout au fond d’un gouffre, face à une pente probablement encore plus pénible à escalader (et en plus avec le sentiment, pour les électeurs, que désormais ce n’est même plus la peine). 

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6 MAI 2012, TROIS ELECTIONS

7 Mai

Le second tour français d’hier est une bonne chose. D’abord, il met enfin un terme à cette campagne interminable et toujours plus médiocre et futile. Ensuite, c’est l’occasion d’évoquer deux autres scrutins qu’il ne s’agirait pas d’oublier ; l’un, mineur, en Serbie (premier tour des Présidentielles), l’autre, capital, en Grèce (législatives à hauts risques). Enfin, à titre personnel, je suis à la fois frustré et ravi qu’une telle équipe se hisse à la tête des institutions en France, car c’est au pied du mur que le sursaut aura lieu, c’est devant l’échec des fausses alternatives qu’il y aura prise de conscience : les Grecs en sont là.

FRANCE : le super-favori se contente de la « victoire étriquée » redoutée sur le tard

Contre toute attente, François Hollande est élu avec une courte majorité ; pas sur le fil, mais avec un score dérisoire compte tenu du climat actuel. Il n’aura vraisemblablement pas su canaliser la défiance vis-à-vis du monde politicien ni même de l’ « hyper-Président », au point que la carte électorale est très traditionnelle. Autrement dit, les lignes n’ont pas bougées, elles se sont simplement infléchies, comme s’il s’agissait d’un scrutin standard dans un contexte ordinaire. Ainsi, l’Est de la France reste acquis à la droite mainstream, avec notamment des envolées autour de 63% en PACA et en Alsace. Comme si cette élection n’en était qu’une de plus.

Naturellement, personne ne s’empresse de le relever (pas même les lieutenants de l’UMP!?), pourtant François Hollande est l’un des Présidents les moins bien élus de la Ve République ; c’est même carrément le moins bien élu depuis Giscard en 1974, ce dernier détenant le record avec 50.7%. Hollande se hisse à peine au niveau du Mitterand de 1981 (51.76%). En 2007, Sarkozy a réunit 53.1% des voix alors qu’il n’y avait pas de réel ou profonde sentiment anti-Ségolène ; malgré l’animosité à son encontre, il parvient à empêcher son adversaire d’atteindre un tel score et même lui en fait même réaliser un plus faible que celui de Chirac en 1995 (Jospin, à 47.36%, était alors considéré comme un vainqueur officieux).

Finalement, l’élection présidentielle française de 2012 devrait rester comme l’histoire d’une occasion manquée. Les Français sont massivement restés accrochés au Président sortant, qui s’en tire avec les honneurs alors que ses homologues européens ont été, pour la plupart, balayé en raison des inquiétudes populaires face à la crise : de toute évidence, Sarkozy a su répondre et même dompter celles-ci. Son score (48.38%) est inespéré et n’a jamais été envisagé par quelque sondage que ce soit depuis l’année dernière et même depuis les tous premiers sondages anticipant 2012, ou il était perpétuellement laminé. Il aurait fallu attendre vendredi pour qu’une issue à 52-48 soit envisagée, laissant, pour la première fois, ouverte l’idée d’une victoire très étroite pour Hollande – sauf que, à un jour et demi du scrutin, il est trop tard pour les commentaires et trop tard pour rebondir. Et si cette tendance observée en toute fin de parcours n’était pas le reflet d’un pragmatisme et d’une prudence retrouvée des sondeurs ? Et si Sarkozy n’était jamais tombé à 43% (ou même à 40%) ?

Désormais, il est évident que François Hollande n’a suscité aucun espoir – ou bien un espoir à la marge, soit à Gauche. Les Français réfutant toute appartenance politique auront probablement penché vers Sarkozy, par scepticisme devant l’effervescence infondée autour de la candidature Hollande. Il y a eu un repli vers Sarkozy ; la crise de confiance est telle qu’elle a suscité l’apathie, la nonchalance des électeurs, finalement à peine mobilisés pour le sauveur qu’on leur avait promis et résignés, pour une large partie d’entre eux, à retourner dans les bras de celui qu’il avaient sans doute raillé ou abandonné… après avoir, lui, suscité des attentes fortes.

« Quand Jean-Luc Mélenchon prend la Bastille, c’est sur arrêté préfectoral » Nathalie Arthaud

Mélenchon, l’éternel pleutre


Au soir du second tour, sur BFMTV, le candidat du Front de Gauche est interrogé à propos de son éventuelle candidature aux Législatives. Et là, c’est avec un brio édifiant, mais ô combien transparent, que Mélenchon esquive. Il prétend que si la décision n’est pas encore prise, c’est « sans doute » que le sujet n’est pas essentiel, assène que « les journées ne font que 24 heures » et aborde encore de nouveaux sujets périphériques, s’auto-congratulant et s’attribuant une part de responsabilité dans la défaite de Nicolas Sarkozy.

Jusqu’au-bout, Mélenchon n’assume même pas d’avoir rompu. Ce qu’il n’ose pas dire, c’est qu’il a besoin de la certitude que le PS se désistera dans sa circonscription. Ses hésitations sont tactiques et traduisent non seulement son manque de confiance et de légitimité, mais aussi sa dépendance à des anciens camarades qu’il exècre pour mieux servir. Mélenchon n’est qu’un faux rebelle, un dissident frileux.

Quelle majorité ?

Il y aura un Premier Ministre et dès aujourd’hui, chacun annoncera ses petits pronostics. Ce ne sera pas le cas ici. Ce n’est pas le lieutenant qui compte, c’est sa légion.

Le risque maintenant est dans la formation d’un bloc de centre-gauche, entre la gauche timorée et le centre démissionnaire. Il est possible que les  »humanistes » rejoignent les  »progressistes », pour établir la grande alliance des démocrates tièdes, bien-pensants et passifs devant l’Histoire et la marche du Monde.

Cette majorité  »raisonnable » suscitera la colère d’opposants trop tranchés (Marine Le Pen) ou trop déphasés et caricaturaux (Mélenchon, Poutou), tandis qu’elle gagnera le respect de la droite mainstream et du centre-droit qui y verront des interlocuteurs possibles. Les convergences des deux blocs majoritaires feront le bonheur des européistes et des marchés financiers, rassurés par l’assurance de concessions faciles pour les uns, d’une stabilité pour les autres. Une alliance PS/UMP n’est donc pas exclue en cas d’accélération -même légère- de la Crise, même si elle se fera tout en reniant Sarkozy et sa dérive  »pétainiste » . Si une telle situation arrive avant une décennie, gageons que Copé réussira à se placer ; Bayrou lui sera au bon endroit, mais relégué au fond de la salle.

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GRECE

Échiquier politique

Il y avait, jusqu’ici, six grandes formations en Grèce. Le paysage politique était dominé par le PASOK (parti social-démocrate) et le ND (parti de droite modérée), qui réunissaient ensemble les trois quarts des suffrages : c’était encore le cas en 2009 ou le PASOK arrivait en tête des Législatives (44% contre près de 34% pour le ND).

En marge, avec 4-8% des suffrages selon les élections, le LAOS occupait l’espace le plus à droite, les communistes sont unis derrière le KKE et la Gauche radicale est incarnée par le SYRIZA. Le parti écologiste local (adhérent du Parti Vert Européen), le OP, est lui en progrès depuis plusieurs années, mais tourne néanmoins encore autour de 2-3%.

Contexte pré-électoral

Georges Papandréou (PASOK), leader de l’opposition jusqu’en 2009, a eu le destin que l’on connaît. En révélant le gouffre financier et le déficit public national, il a ouvert la boîte de Pandore. Si les mœurs grecques sont coupables, sans doute que Papandréou ne s’attendait pas à devoir assumer un remboursement de la dette aussi intransigeant. Il a voulu négocier mais a perdu ; d’ailleurs, son initiative avortée de référendum (fin 2011) a montré à la face du Monde que les Grecs n’avaient plus la main sur leur pays. Notez que cette éphémère promesse de référendum a été aussitôt oubliée – et qu’elle n’a pas été rappelée à l’occasion du scrutin d’hier.

Forcé à la démission, Papandréou a laissé la place à un Gouvernement de circonstance. Une coalition rassemblant les deux grands partis (PASOK et ND) mais aussi, c’était pourtant techniquement dispensable, le LAOS, souvent qualifié d’extrême-droite. Avec ce Gouvernement acceptant les conditions de redressement imposées par le FMI et l’Union Européenne, la Grèce est devenu le laboratoire des européistes austéritaire.

Les sondages annonçaient une lourde sanction à ce Gouvernement improvisé, les deux partis devant céder la moitié de leurs parts du marché électoral, au profit notamment des partis de Gauche radicale et d’extrême-gauche rassemblés au sein de la coalition SYRIZA (équivalent du Front de Gauche français). De nouveaux partis sont apparus ou se sont affirmés à cet endroit de l’échiquier, pendant que l’extrême-droite authentique (bardée de références néo-nazis) était appelée à entrer au Parlement (avec 6-7% de promesses de votes).

Ce qu’on oublie aussi, c’est que des dissidents du PASOK et du ND ont aussi agité la vie politique grecque et rejoint l’opposition.

Résultats de l’élection

Le PASOK et le ND ne cumulent que 37% des suffrages, soit moitié moins qu’autrefois. Le Gouvernement sortant de Papadimos (70% des sièges) devra donc soit éclater, soit composer avec d’autres blocs. Même le LAOS, son associé de droite radicale, ne profite pas de leur chute ; lui aussi perd la moitié de son capital de voix (2.9% au lieu de 5.6% en 2009) en raison de son acceptation de la rigueur. En passant sous la barre des 3%, il perd ses quinze sièges du Parlement, arrivant au niveau des Verts, qui malgré leur stabilité et leurs 2.93%, n’ont pas encore le niveau aux Législatives. 

C’est surtout le PASOK (parti de Papandréou) qui souffre de cette désaffection ; Nouvelle Démocratie (ND, droite et centre-droit) est leader avec 18.9% des suffrages (contre 33.5% en 2009), tandis que son adversaire et homologue de centre-gauche s’effondre à la dernière place du podium avec 13.2% (c’est 30 points de moins qu’en 2009).

Le grand vainqueur de l’élection est le SYRIZA, Coalition de Gauche radicale largement étoffée pour l’occasion, atteignant les 16.8% de suffrages (+12.2pts) et devenant premier parti d’opposition au ND, si celui-ci devait se maintenir et refuser les formations en rupture ou dites  »extrémistes ». Aube Dorée, groupuscule de l’extrême-droite néonazi, est quand à lui passé d’une audience marginale (0.3% à son meilleur) à une représentation parlementaire, réunissant plus du double du seuil nécessaire et s’assurant 21 sièges.

Quelle majorité ?

Si une nouvelle majorité n’est pas formée d’ici dix jours, les Grecs devront retourner aux urnes.

Le Gouvernement sortant ne pouvant plus compter sur les forces traditionnelles du PASOK et du ND, et n’ayant plus la possibilité de recourir au LAOS pour simuler l’ouverture et l’attention au peuple qui souffre, il lui faudra accueillir (ce n’est pas une science exacte mais c’est, comme toujours, les issues probables ou éventuelles à mon sens) :

1°) les dissidents des deux partis, qui cumulent 17.7% des suffrages et 52 sièges (une façon de rallier les rebelles tout en proposant une formule alternative, prenant en compte le refus de la rigueur pour chercher le consensus – tout en le foulant dans les faits : il s’agirait donc de simuler la compassion et la rigueur saine, à l’italienne post-Berlusconi)

2°) la Gauche du PASOK : KKE communiste et SYRIZA, soit 25.3% des suffrages et 78 sièges (cette deuxième hypothèse engendrerait un Gouvernement à deux vitesses, dangereux pour les deux camps)

3°) un mix de ces forces pour essayer d’annuler leurs effets : par exemple, les dissidents du ND (avec l’argument d’une légitimité électorale plus forte pour la droite modérée) avec les communistes du KKE (qui n’ont pas profité du vote protestataire et seront plus faciles à dompter que la nouvelle Gauche radicale)

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sigle Nom de la formation score Nb votants Évolution/2009 Idéologie, position
ND Nouvelle Démocratie

18.87%

(108 sièges)

1.19 millions

-14.6pts

(+17)

Austéritaire – sortantDroite & centre-droit. Conservatisme
SYRIZA Coalition de la Gauche radicale

16.77%

(52 sièges)

1.05 millions

+12.2pts

(+39)

OppositionGauche, Gauche radicale & EXG.
PASOK Mouvement Socialiste Panhellénique

13.19%

(41 sièges)

0.83 millions

-30.7pts

(-108)

Austéritaire – sortantGauche & centre-gauche. Social-démocratie.
GI Grecs Indépendants

10.60%

(33 sièges)

0.67 millions

NEW

Opposition – dissidentsDroite issue du ND.
KKE Parti Communiste Grec

8.48%

(26 sièges)

0.53 millions

+0.9pts

(+5)

Opposition -Indéterminé Gauche/EXG – gauche communiste
XAC Aube Dorée

6.97%

(21 sièges)

0.44 millions

+6.7pts

(ENTREE)

Opposition EXD.
DIMAR Gauche Démocrate

6.10%

(19 sièges)

0.38 millions

NEW

Opposition – dissidentsGauche issue du PASOK
OP Verts Ecologistes

2.93%

0.18 millions

+0.4pts

Opposition – IndéterminéÉcologistes.
LAOS Alerte Populaire Orthodoxe

2.90%

0.18 millions

-2.7pts

(-15)

Austéritaire – sortantDroite
Autres

13.19%

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SERBIE : dualité Libéraux / Conservateurs & consensus pro-européen 

En Serbie se déroulait simultanément l’élection Législatives et le premier tour des Présidentielles.

Le premier tour des Présidentielles s’est soldé par la qualification sans surprise des deux principaux candidats. L’élection est concentrée autour du duel Tadic/Nikolic, gauche libérale/droite nationale. Le président-sortant, Boris Tadic (DS – Parti démocratique), est le favori pour le second tour qui se déroulera le dimanche 20 mai (dans deux semaines). Toutefois, leurs scores respectifs sont moins forts que prévu (autour de 30%) : Tadic est légèrement en tête avec 26.8% contre 25.2% à Nikolic. Ivica Dacic, ministre de l’Intérieur et liée au gouvernement sortant de Tadic, a quand à elle marquée des points au bénéfice du Parti Socialiste (SPS) avec 16.6% des suffrages.

Les deux camps sont pro-européens, mais Tomislav Nikolic (SNS – Parti Serbe du Progrès) est plus nuancé. Candidat conservateur à tendance national-populiste, il est parfois assimilé à la prétendue nouvelle extrême-droite occidentale. Boris Tadic, lui, a les faveurs des observateurs et journalistes étrangers ou l’intégration Européenne est envisagé comme l’unique horizon, alors même que le dogme de la libre-concurrence et de l’abattement des frontières est dans le même temps validé et souvent encouragé par les mêmes protagonistes.

Le second tour sera l’occasion de revenir plus en détail sur cette élection et ses enjeux, mais aussi de cerner les forces en présence et les clivages déterminants chez les Serbes.

Article publié à 15heures.

TYPOLOGIE DES CANDIDATS 2012

6 Mai

Prévu depuis le lancement du Blog, cet article est l’occasion d’ouvrir la catégorie « Sociologie au Burin », dont les typologies et en particulier celles du MBTI sont des éléments décisifs (et seront définis plus précisément plus tard).  Article absolument ludique et sans doute superficiel, mais le sujet ne tient pas de la farce pour autant : il s’agit de dresser des hypothèses à parti de modèles et de présentations succinctes.

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Le MBTI est le maître et la référence la plus crédible de toutes les échelles de mesure de profils ; l’Ennéagramme est moins sérieux, ses origines sont même relativement floues voir ésotériques et les types proposés assez caricaturaux (au moins a-priori). Pour l’Ennéagramme, l’intérêt est surtout dans l’établissement de combinaisons, de correspondances ; plusieurs types peuvent former un portrait, abstrait mais significatif. Avec le MBTI, il est davantage question de comportement, d’attitude, de mode de fonctionnement.

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A noter que Slate a diffusé récemment un article sur le même thème (MBTI seulement) – néanmoins, les diagnostics MBTI ne sont pas tous ceux que vous trouverez ici (certains, comme pour Bayrou, m’ont même étonné). Retrouver ce sujet sur une plateforme aussi vive et pédagogue est une excellente surprise ; en revanche, on peut regretter qu’il y manque un argumentaire pour justifier les attributions… et que les « experts » non-cités sont probablement issus de l’avis général des internautes et amateurs, d’ailleurs les profils-types peuvent être déduits spontanément en raison de leur évidence, chez certains personnages en portant tous les traits (c’est le cas de Nicolas Sarkozy en particulier).

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Présentation rapide des deux modèles (liens pour en savoir plus), sur lesquels le Blog reviendra probablement à d’autres occasions (pour le Cinéma notamment), puis application au cas par cas pour les dix candidats.

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MBTI

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4 critères définissent le test de Myers Brigg :

* I/E (Introverti/Extraverti) = l’introverti s’épuise au contact des autres, l’extraverti gagne à être en société, il est dans son élément

*  N/S (iNtuition/Sensation) = les intuitifs comprennent à partir de la déduction, de l’extrapolation, de la généralisation ; les sensitifs se fient à l’expérience et au bon sens, à leurs acquis plutôt qu’à la théorie

* T/F (Thinking, Penseur/Feeling, Affectif) = les penseurs prennent leurs décisions sur la base de critères rationnels et objectifs ; les types sentimentaux ne sont pas nécessairement « émotionnels » ni grégaires, mais tendent à minimiser le raisonnement logique au profit de considérations soit humaines, soit passionnelles

* P/J (Perception/Jugement) = les perceptifs évitent de s’engager ; les « jugeurs » sont organisés, se fient à des critères qui sont souvent ceux de la société, savent généralement ce que sera leur futur proche et leur avenir lointain

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Tempéraments à l’épreuve de la pratique sportive, ainsi que dans le rapport au Monde en général (adaptabilité).

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4 grandes familles (descriptions caricaturales) :

* NT, les Rationnels (xNTx) = c’est la famille la plus rare (environ 10%), la moins sociable et la plus axée vers la théorie, la quête de connaissances, de compétences et de compréhension. Tout passe par la pensée ; l’analyse, la logique, jouent un rôle fondamental au quotidien. Ce groupe est orienté progrès et peut, au contraire des SJ, passer outre les traditions ; mais le souci du travail, de la découverte et de l’intelligence les séparent des SP, alors que le relativisme côté valeurs et la priorité accordée à la logique les dissocie des NF. Souvent des scientifiques, philosophes.

En savoir plus : 16types.fr

* NF, les Idéalistes (xNFx) = les standards éthiques, les valeurs culturelles jouent un rôle décisif pour les membres de ce groupe (entre 15% et 20%). Des idéaux élevés, des buts nobles via lesquels ils pourront s’extraire du marasme et de notions matérielles et affirmer leur identité sont les sujets de préoccupation essentiels de la vie des NF. Souvent des enseignants, journalistes.

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* SP, les Artisans (xSxP) = catégorie la plus exubérante, la plus spontanée et la plus « bruyante », c’est celle des esthètes, des hédonistes et des amuseurs (25% à 35%). Ils sont orientés solution et ont un bon sens pratique, mais leur faculté d’adaptation à la nouveauté est plus limitée que pour les précédents. Ce sont les plus instables mais aussi les meilleurs « vivants » ; avec les NF, c’est chez eux que se retrouvent les Artistes.

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* SJ, les Guardiens (xSxJ) = groupe le plus répandu (autour de 45%), c’est celui des « conservateurs », de ceux qui assimilent les règles, les structures et les contraintes sociales et sont naturellement portés à en reconnaître la valeur. Aptitudes logistiques, managers, protecteurs aussi. Ils peuvent être rigides, se mettre des ornières, ne pas voir ou accepter le changement.

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En savoir plus : 16types.fr

L’Essentiel :

– les caractéristiques définies par E/I et  P/J sont relatives aux attitudes. Les deux autres sont plus « viscérales » et profondes, décisives pour le fonctionnement.

– chaque type implique les quatre fonctions-clés ; le modèle estime ainsi que tout Homme est à la fois Penseur et Affectif, ainsi qu’Intuitif et Sensitif ; les niveaux d’introversion ou d’organisation (pour aller vite) s’appliquent à ces 4 notions.

– Par exemple, un NT sera d’abord Intuituif (N) et Penseur (T) ; il ne fait appel à ses aspects de Feeler (F) ou de Sensor (S) qu’en de rares occasions ; cela lui demande un effort, lui apparaît contre-nature, nouveau ou dérangeant. L’introversion et l’extraversion se calque ensuite là-dessus : un NT introverti, par exemple l’INTJ, est d’abord N (Intuition Introvertie – Ni) avant d’être T (Penseur extraverti – Te) – ou IN et TJ.

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ENNEAGRAMME

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9 types, en substance (liens vers des descriptions pour cerner plus vite)

* type 1 – l’Idéaliste, le Perfectionniste : Ennea.com ; CCE ; Moncoach ; EIP  ; EnCo

* type 2 – l’Altruiste, le Romantique : Ennea.com ;  CCE

* type 3 – le Battant, le Magicien : Ennea.com ; CCE

* type 4 – l’Artiste : Ennea.com ; CCE

* type 5 – L’Observateur, l’Expert : Ennea.com ; CCE

* type 6 – Le Loyaliste : Ennea.com ; CCE

* type 7 – L’Optimiste : Ennea.com ; CCE

* type 8 – Le Leader : Ennea.com ; CCE

* type 9 – L’Affable, le Médiateur : Ennea.com ; CCE

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– ces types sont issus de trois Triades : Emotionnelle, vivant selon le ressenti, le rapport aux autres, l’image (types 2-3-4) ; Mentale, se fondant sur la réflexion, la logique, la créativité et la planification (types 5-6-7) ; Instinctive, fidèle à ses tripes, à son monde intérieur, à ses convictions ou ses modèles personnels, orienté vers l’action (types 8-9-1)

– à chaque type peut s’ajouter une aile ; par exemple, un Type 8 peut avoir une aile 7 ou une aile 9 ; l’aile 9 le rend plus conciliant, plus modéré, plus porté au retrait ; l’aile 7 le rend davantage anticonformiste, agressif, entreprenant

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– Pour en savoir plus :

http://homeusers.brutele.be/dossiers/evoluer/enneagramme_type_de_personnalite.htm

http://www.enneagramme.com/Theorie/9_types.htm

http://homeusers.brutele.be/dossiers/evoluer/enneagramme_dossier.htm

– Pour déterminer votre profil :

http://www.enneagramme-envolutif.com/formation-enneagramme-test.html

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MARINE LE PEN = ESFP – 6aile7

MBTI : ESFP ou ENFP

L’hypothèse ESFP s’impose avec évidence, pour la gouaille et le tempérament bouillonnant, par endroits presque « boute-en-train » du personnage, pour la simplicité du ton aussi. Mais son brio dans les débats, sa capacité à allier des concepts ou des idées complexes avec spontanéité font pencher vers le « N », de même que ses facultés d’oratrice. Par ailleurs la capacité de MLP, plusieurs fois démontrée, à faire tomber les masques de ses interlocuteurs (d’un point de vue psychologique) et à saisir ce qui n’est pas dit au-delà même des arguments, d’une gêne ou d’une colère patente, peut être autant comprise comme une caractéristique décisive du « Se » (rien ne lui échappe dans le présent) que du « Ne » (faculté à tisser des liens dans l’environnement et l’ambiance). Très réactive, imprévisible et charismatique, comme l’est l’ENFP de papier. « ExFP » de toutes façons, le type des comédiens, des exubérants et des leaders ou pédagogues hauts-en-couleur.

Il y a une deuxième hypothèse qui peut maintenir le doute pour MLP, c’est l’ESTJ : contrairement à Mélenchon qui en adopte parfois une « persona » grossière, c’est structurel dans le cas de MLP. En effet sa tertiaire Te (la Pensée Extravertie) est de plus en plus investie, en réponse probablement à la récente accélération de sa carrière. Cette énergie Te était clairement noyée sous les deux fonctions dominantes (Perception Extravertie et Sentiment Introverti) il y a une décennie.

Enneagramme : 6, 7, 3

Loyale, dynamique, avec un côté borderline ostensible qui n’entame rien de sa combativité, voir de sa témérité. Les événements de sa vie personnelle pourraient en avoir fait une des « contre-phobiques »  souvent cités pour évoquer le Type 6 (qui tend à se laisser dominer par ses peurs, ou les surmonte avec aplomb et souvent excès). On peut parler, dans ce cas, d’optimisation maximale et magistrale du type.

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NICOLAS SARKOZY = ESTP – 3aile2

MBTI : ESTP

Comme Chirac et Berlusconi. C’est un type imprévisible, irréfléchi ou incohérent dans ses actes en surface, mais se fiant à son cadre interne (Ti – Pensée introvertie) pour décider et agir vite (Se – Sensation extravertie). Il aime les biens matériels, le clinquant, cherche la reconnaissance, le feu des projecteurs ; c’est un dominant naturel. Il vit sur le moment présent, est doué en général et en particulier pour l’improvisation ; il s’adapte en toutes circonstances, sauf s’il est compromis et ne rate jamais une occasion de se mettre en avant. Il aime les plaisirs terrestres surtout ; Sarkozy est l’ESTP, dans une version plus assumée que Chirac et plus « narcissique » que Berlusconi, lequel portait carrément toutes les outrances « sensorielles » du type (potentiellement le plus jouisseur, hédoniste et cynique).

Enneagramme : 3w2, 8w7

Sarkozy est vraisemblablement 3aile2 (le type de « la star », du Battant tendant ici vers l’instinctif), ou bien oscille entre 8 et 7 (8 aile 7 ou 7 aile 8). Sa gloutonnerie, son déni face au réel, la force physique dont il a pu faire preuve abondent en ce sens ; sa fuite de la faiblesse (trait fondamental du 8) ressemble beaucoup à la quête d’admiration et l’identification à un rôle (pratique spontanée du 3). La recherche de compensation, l’égo surgonflé, évoquent généralement les types 3 & 8 et Sarkozy incarne tout à fait ce qui les relie. La fausseté, le vide transparent de l’homme, son aptitude à s’adapter aux publics auxquels il fait face, sa façon de se mettre en scène, font cependant pencher plutôt vers le type3 (là encore, à l’instar de Chirac, qui oscillait lui plutôt entre 3 et 9).

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FRANCOIS HOLLANDE = ESFP – 7aile6 (ou 9aile1)

MBTI : ESFP ?

Peu d’intérêt sur ce profil, pas grand chose à creuser, pas d’angle d’attaques prégnant ou stimulant (comme pour le reste d’ailleurs). Hollande serait ESFP a-priori et est généralement typé comme tel. Néanmoins il y a trop d’éléments contradictoires à son sujet et en même temps peu de traits saillants ; il est donc difficile de cerner le personnage, à moins qu’il soit aussi dissocié qu’il en ait l’air.

Enneagramme : 7, 9, 6

Hollande est souvent perçu comme un 7w6 et il en est médiatiquement la caricature. Optimisme, bonne humeur, entrain définissent le type, plus encore avec cette aile ; c’est aussi, en grossissant le trait encore avec les comportements les plus récurrents, un bon communicant, mais un piètre leader et un dominateur peu crédible. Le 7aile6 peut être un bon chef d’équipe, approuvé d’ailleurs et populaire surtout, mais on ne lui fait pas confiance en cas de crise, ou on chercherait quelqu’un de plus solide, plus stable ou sérieux. En revanche, il excelle dans les rôles de seconds ou dans le costume du farceur de service. Tendance à s’affadir, à se contenter des acquis, à fuir la réalité, la tâche, l’effort, la remise en question (correspondances entre les types 7 dits ‘malsains/désintégrés’ et 9). Voit et pense à court-terme (être SFP redouble cet aspect). L’aile 6 illustre l’importance accordée au sentiment d’appartenance et par extension, à la conserver sa place au sein du groupe.

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JEAN-LUC MELENCHON = ENFJ – 8aile7

MBTI : ESTJ ou ENFJ

Idéaliste ou Gardien ? Le dogmatisme de Mélenchon est un pont entre ces deux pôles. Le candidat du FDG est considéré comme un ENFJ sur Slate, d’ailleurs peut-être penche-t-il vers le « F » , par idéalisme, ou par pratique (via ses messages et postures politiques), en raison de ce qu’il défend et de la fibre émotionnelle dont il abuse. Par ailleurs, l’ENFJ est le plus prompt des types  »F » à assumer le leadership ; c’est aussi, à l’instar de l’ENTJ pour les NT, le NF le plus disposé à fonctionner comme un SJ. Ce type est celui des orateurs passionnés, des amoureux de grandes causes capables de faire face à la foule en la prenant à témoin (les ENF mobilisent, les INF exposent leurs raisons) ; moins concordant en revanche, l’ENFJ est un type très  »féminin », peut-être aussi le plus réservé, prudent voir timide des extravertis.

Mais on attribue ce type un peu vite – généralement à beaucoup de personnages charismatiques ou flamboyants, marqués « à gauche », prophètes pacifistes ou militants associatifs d’envergure. Sans doute y a-t-il là une volonté de sacraliser et figer un portrait universel de « gourou ». Or l’INFP et l’ESTJ, pour des raisons différentes, peuvent très bien incarner ce gourou.

Ensuite, entre S et N, Mélenchon est dur à définir : il vit dans le présent, réagit au contexte physique -ou aux hommes et femmes qui s’adressent à lui- plus qu’aux idées ou aux débats, perdant parfois de vue une certaine cohérence. Ces caractéristiques indiquent plutôt le Ti-inf et la présence du Se. De plus, Mélenchon fut un grand suiveur pendant de nombreuses années, surtout à l’époque Mitterand (voir son attachement manifeste, parfois benêt, dans les vidéos), une caractéristique plutôt propre aux I, S, F et J (par rapport aux E, N, T et P) : surtout au Fe (fonction dominante ou auxiliaire des types xxFJ). Il ne s’agit pas du tout de dénigrer Mélenchon en lui refusant un type plus convoité ou censément plus noble ; mais Mélenchon est plutôt un gardien des traditions, d’un idéal de gauche et la confusion de l’ENFJ avec l’ESTJ, du NF avec le SJ, se comprend et même se justifie. Il est bien cependant le paroxysme de l’ENFJ masculin [et du NFJ] agressif et têtu.

Enneagramme : 8

Mélenchon est un 8 assez poussif, cumulant beaucoup des traits de ce type qui utilise prioritairement le centre instinctif pour le tourner vers l’extérieur.  

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FRANÇOIS BAYROU = INTP – 9aile1

MBTI : INTP, INxJ ou ISTJ ?

C’est probablement le plus difficile à cerner de tous les candidats (ce qui est sans doute un obstacle pour lui et son MoDem à plusieurs niveaux). INTP pour son non-conformisme, probablement surtout interne, qui émerge facilement mais est souvent floué, en surface toujours, par la culture du consensus, de l’harmonie. L’hypothèse INFJ, sur Slate, n’est pas aberrante, même si elle surprend spontanément : les qualités de pédagogue, le côté « mentor » du personnage renvoient à l’INFJ ; mais l’attitude, réservée et décisive, sied parfaitement aux IxxJ en général. La raideur, l’impression parfois d’observer un pantin hypnotisé par les croyances qu’il récite renvoient à l’ISTJ. Bayrou serait alors un ISTJ assez curieux, pour autant, jusque dans les détails, il épouse parfaitement les structures de ce type.

Enneagramme : 9, 1, 5, 6

A-priori, Bayrou est un « 9 » assez facile à diagnostiquer. Pour des raisons basiques : simplicité du personnage, souci de la neutralité, de la modération, ainsi que pour la sagesse (peut-être un  »6 » intégré ?) ; mais également pour les discours-fleuves, le souci du détail. Bayrou est aussi un « passif-agressif », à tous les niveaux (sur les plateaux, dans son action politique, dans sa façon d’être et de se présenter). Le 9 associé au 1 cumule la résistance aux émotions négatives, à l’adversité et à la violence des deux types ; il induit aussi un certain idéalisme, le désir de préciser (et ensuite, dans une moindre mesure, de communiquer) sa vision du Monde ; il inclue aussi une certaine rigidité, une paresse, une indécision… plutôt qu’une peur, qu’un souci de sécurité, de maîtrise (et d’une stabilité matérielle), propres aux types 5 et 6. Ces deux-derniers sont les opposés du 1 et 9, mais on peut aussi les qualifier de reflet ; par exemple, le 1aile9 et le 5aile6 se font face sur le cercle de l’ennéagramme ; ils tendent à se complémenter mais aussi à s’identifier l’un à l’autre et peuvent simultanément se confondre comme apparaître incompatibles. Bayrou pourrait être un 6aile5 (qui s’identifie, et réciproquement, avec le 1aile2) ; sa solitude abonde en ce sens (à titre privée, celle-ci est délibérée – Bayrou ferait volontairement le vide autour de lui), ainsi que sa loyauté et son attachement à un cadre familial et à des racines géographiques.

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EVA JOLY = INFJ – 3aile4 

MBTI : INFJ ou INFP

Eva Joly affiche les grandes qualités de l’INFJ… et les grands défauts des « IN » en général, communication laconique ou inadaptée en tête. Eva Joly pourrait être INFP, mais les IxFP sont souvent les plus passifs (cependant, beaucoup d’INFP compensent leur « faiblesse » par un masque d’aplomb et de dédain) ; son intransigeance et sa froideur pourrait la faire apparaître comme une « T », mais son mode d’expression (mimiques et phrasé) sont emprunts de valeurs, de références subjectives, d’affects (d’ailleurs la campagne, les propos, les clips, sont « F » malgré eux). C’est plutôt son « J » qui la rend si droite, si (apparemment) dure, si structurée et décisive ; lui aussi qui l’a portée vers le domaine qu’elle a embrassé.

Enneagramme : 3, 4, 1

potentielle 1, pour le côté justicière, pour l’idéalisme aussi, trait qui n’est pas sans rappeler le type 4 (naturellement porté vers les idéaux de gauche). Le goût du combat, le côté workaholic, la ténacité, mais aussi la multiplication des actions sur des domaines contradictoires (concours de beauté, Droit, politique, éthique) renvoient au type 3. L’association à une aile 4 paraît évidente ; elle implique une priorité au mental au détriment de l’instinctif, un sens esthétique plus développé, une plus grande discrétion et un sens de la nuance lorsqu’il s’agit de se mettre soi-même en scène (contrairement au 3w2, le 3w4 n’est pas un profil-type de « showman », il peut même être assez froid et asocial – mais aussi moins outrancier). A noter aussi qu’un Trois accompli ne ressemble pas à un Trois, mais à ses objectifs, ses combats, bref à l’objet de son identification.

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NICOLAS DUPONT-AIGNAN = INTJ – 1w9

MBTI : INTJ

Pour l’aplomb sans fards, l’expertise, la cohérence et une certaine hauteur naturelle. Solitaire sans en souffrir (aspect irrévocablement INT), NDA est porté par ses convictions ; le terme s’applique bien, semble même façonné pour des individus comme lui, poursuivant leur vision du Juste contre vents et marées. Son discours est très établi, la confiance en l’inspiration de l’INTP n’est pas de mise ; avec l’INTJ, les idéaux sont solides et vérifiés (l’INTP est plus porté vers la polémique et l’exploration de concepts que leur revendication).

NDA a ce côté un peu professoral, donneur de leçons qui s’il peut le plomber vu de loin, passe largement grâce à sa virulence sans outrances ; en outre, en parfait INTJ, NDA retient son jugement et ses paroles jusqu’à délivrer le coup fatal. Les légers problèmes de communication (coups-d’éclats de « showman » un peu désuets, mais ça ne le soucie guère) sont typiques, bien sûr des « T », mais surtout des (I)NT(J), largement plus soucieux de fond que de forme, de symboles que d’images gratuites et chatoyantes. Autre caractéristique de l’INTJ : un conformisme de façade, une auto-discipline au service d’un état d’esprit structuré.

Enneagramme : 1, 5, 6

L’ennéatype 1 s’impose rapidement (fixation perfectionniste, colère réprimée éclatant face aux « excès » broyant son sens de la droiture), quoiqu’avec des aspects ‘résonnant’ 5. Un 5 aile 6 dans ce cas, c’est-à-dire un Observateur relativement tourné vers le Monde, actif voir énergique, bien qu’assez difficile à saisir. Les 1w9 et 5w6 sont des types-miroirs.

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PHILIPPE POUTOU = ISFP – 9w1

MBTI : ISTP ou ISFP

Poutou a un profil assez classique de petit lieutenant de la « gauche radicale » ; c’est un SP, il vit dans et pour l’instant immédiat, ne se soucie pas des conséquences de ses actes. Il est fidèle à ses habitudes mais c’est un bon camarade. Plutôt introverti, il a les traits du STP, mais ses prestations ont souvent été curieusement affectives ; le personnage manie très mal la théorie, alors que les STP sont souvent capables d’asséner des convictions arrêtées et structurées.

Enneagramme : 9, 6, 7

Poutou est un 9 typique. Négligé, paresseux, même lorsqu’il monte au front, capable néanmoins de se montrer ponctuellement offensif.

SÉANCES EXPRESS n°2

1 Mai

Trois films très différents pour ce second « Séances Express » : une enquête de Pierre Carles dont un extrait, celui impliquant Méluche et déjà diffusé sur ce blog, a fait le bonheur des médias (pourtant ciblés dans le même document) ; un hybride de docu-fiction mal assumé et de thérapie assez limpide ; enfin un bon vieux nanar transalpin du début des 80s, mi-giallo mi-slaher et totalement grotesque et racoleur comme les plus avisés l’auront deviné.

Fin de concession*** (68)

Lignes de front** (57)

Le sadique à la tronçonneuse** (49)

FIN DE CONCESSION ***

3sur5  Au milieu des 90s, PPDA s’approprie les questions d’une journaliste argentine lors d’une conférence de presse de Fidel Castro (ou il est présent mais ne parvient pas à se faire entendre) pour fabriquer une interview absolument factice, qu’il présentera pourtant dans le Journal de 20 heures de TF1. Pierre Carles repère et démontre la supercherie dans un sujet destiné à une émission de Ardisson, mais l’enquête est censurée par Antenne2. Sauf que le document fait parler de lui, au point qu’éclate un petit scandale et que le reportage est finalement diffusé. Carles acquiert alors une certaine crédibilité en tant qu’exécutant bourdieusien ; mais le prix à payer, c’est la marginalisation et le boycott des médias après Pas vu pas pris. Ses films, essentiellement financés par les entrées en salles, sont, comme lui, absents de toutes les chaînes de télévision, ni diffusés ni évoqués.
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Fin de Concession revient sur la privatisation de TF1 et son rachat par Bouygues en 1987. Ou plutôt, il y vient ; en effet, jusqu’ici, aucune enquête sérieuse ou d’envergure n’a été menée sur ce thème et le renouvellement automatique de la concession juridique en faveur de Bouygues depuis plus de vingt ans n’est contestée ou interrogée par personne. Pierre Cartes apporte un témoignage louable et salutaire ; voici une enquête réelle, c’est-à-dire incompatible avec le cahier des charges et les programmes de la TV hertzienne. C’est un travail fourni, solide et argumenté qui bientôt se mue en réquisitoire contre l’oligarchie médiatique concrète ; pas celle des théories vaseuses, celle des tyrans de velours dont chacun connaît les visages. Mais que traite Pierre Carles finalement ? Il reproche aux dirigeants de TF1 et aux acteurs de sa privatisation de ne pas avoir tenu leurs engagements et de vivre d’un empire sur lequel ils ont un monopole qui pourtant ne leur revient pas de droit. Pour étayer son propos, le documenteur avance des preuves décisives… mais aucune révélation.
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Et c’est bien ça le plus terrible et le plus alarmant : Pierre Carles est le dernier à relever des éléments relativement accessibles et à monter au créneau alors que des chansonniers institutionnels (type Guillon) se voient décerner les lauriers de la subversion. Elise Lucet par exemple balaie toute idée d’étude sur le leitmotiv de Carles en affirmant que ses équipes n’y ont jamais porté aucun intérêt, bien qu’elle pourrait s’engouffrer facilement dans cette voie. Fin de Concession, film à charges sans fioritures, est presque galvanisant par sa dénonciation car c’est aussi l’ébauche d’une autopsie concrète d’une certaine vision du monde, celle d’une haute bourgeoisie financière. Le bloc d’informations cruciales vaut moins que la prise en flagrant délit d’escrocs s’assumant pleinement ; Bernard Tapie est certes le plus talentueux dans ce domaine, mais il a de la concurrence et de jeunes novices et arrivistes serviles font le boulot avec mille fois plus de zèle. Fin de concession devient alors un défilé de menteurs, d’opportunistes, de veules au grand jour et aux yeux de qui le voudra – car il y a une certaine transparence dans cet univers-là. Voici un film qui atteste, comme peu d’autres, de cet espèce de totalitarisme conformiste qu’un cynisme devenu réflexe permet d’entretenir dans la plus grande des sérénités.
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Donc il ne fait aucun doute que Pierre Carles est un investigateur libre, un dissident dont la voie est condamnée, sinon à être étouffée, à être disqualifiée, réprimée. Carles lui-même, à son niveau, cherche la transparence et se veut honnête sur son propre compte ; lorsqu’il se laisse aller à la facilité, se laisse berner (ici par le brio de Cavada) ou se montre abusif ou incomplet, il l’admet et même l’exhibe. Mais c’est la grande limite et même la faille de son action, en plus d’être un profond motif d’agacement. Ainsi tout le troisième quart du film est ahurissant par l’accumulation de lâchetés et de ratés (Elise Lucet, Michèle Cotta) et cette manie de l’assumer vire, non seulement à l’auto-indulgence, mais aussi à la complaisance avec ceux qu’ils accuse. Face à cela, il est facile de croire que Carles envie et adore plusieurs d’entre eux, en même temps qu’ils les hait pour ce qu’ils sont, ce qu’ils font et aussi pour la carrière audiovisuelle dont ils l’ont privé il y a 20 ans. Tout cela bascule alors vers l’auto-analyse ou Carles réunit tous les bons ingrédients sans avoir les conditions favorables pour mettre en oeuvre une riposte à ce qui le submerge, le dépasse et le bouffe « éthiquement » et intimement.
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Finalement, cette impuissance terrible se solde dans la farce. Carles se trouve un allié et égal en la personne de Mélenchon. Le bon Jean-Luc est un des seuls personnages politiques et publics à s’en prendre à l’oligarchie médiatique et financière. Mais Méluche propose des alternatives de clowns dignes des antifas de Besancenot. Ses postures tranchées sont un cache-misère et parce qu’il est incapable de faire autre chose que froncer les sourcils et pointer un gros doigt punitif en braillant ou vociférant des principes de la révolution de 1789, Mélenchon est dévoilé dans toute son imposture, en tout cas dans toute sa (fausse ? volontaire, semi-consciente ?) naiveté. Celui qui se présente en grand rebelle, en ogre près à dévorer tout l’univers des néo-libéraux no limit, ignore l’existence du Siècle, organe majeur de la diffusion du modèle unique qui gangrène l’ensemble de nos sociétés.
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Ne soyons pas cyniques nous-mêmes pour autant, car on aurait tort de prétendre que Fin de concession est un coup pour rien. Au contraire, il montre bien cette contamination de la pensée normative aristocratique ; la reprise d’extraits de ce reportage diffusé sur Arte ou huit journalistes expliquait que leur profession est en crise est édifiante, car la vision de certains de ces journalistes est, en quelque sorte, assez téméraire. Ainsi nous pouvons y voir Pujadas raconter qu’une ‘bien-penseance » (c’est son terme) freine le progrès alors qu’il prône dans le même temps une privation des libertés, du droit à la contestation et à la reprise et l’analyse de l’information. Pour parfaire la démonstration, Carles aurait pu montrer les interventions de Chabot dans cette émission. Et là encore, Carles s’arrête en chemin, car il pourrait faire le lien avec cette pensée élitiste morbide qui veut que les peuples n’ont que ce qu’ils méritent et qui se lit dans chaque laius proféré par plusieurs des intervenants indirects de Fin de concession et notamment les deux journalistes de France2 évoqués ici. Mais est-ce que ces manières de faire de sale gosse ne masquent pas un doute, peut-être même une résignation partielle ou inavouée ? En dépit de ces remarques, il faut bien reconnaître que le « libérez Arlette » (assez largement relayé sur le Net) devant une Chabot tout à fait consentante lorsqu’elle rejoint la réunion du Siècle est un symbole fort, d’un grotesque ultime en même temps qu’il fait froid dans le dos. Il faut espérer que ce genre d’essais incitera les citoyens à la vigilance. Il faut espérer surtout qu’un jour, les citoyens auront un peu plus que de l’espoir, mais des moyens de réaffirmer les vertus de la démocratie, avant que celle-ci ne les emporte, eux et la ténacité de ce don Quichotte lucide et pas encore tout à fait désabusé qu’est Pierre Carles.
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Note globale 68
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LIGNES DE FRONT **

3sur5  Pour l’anecdote, mais elle est décisive, Lignes de Front est une thérapie. Son auteur a vu, en 1994, le génocide du Rwanda, sans savoir comment utiliser l’outil médiatique à sa disposition. Son reportage a été diffusé à de multiples reprises sur une grande chaîne publique, mais il ne servait qu’à rapporter des faits et permettre aux spectateurs de poser des images sur une réalité qu’ils n’avaient pas pour autant l’occasion réelle de maîtriser. Et encore moins de modifier. Sorti en 2010, soit quelques années après son documentaire Kigali, des images contre un massacre, pour lequel Jean-Christophe Klotz est retourné au Rwanda, ce film interroge le rôle du journalisme pour aboutir à un constat d’impuissance.
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Klotz charge Antoine Rives, personnage interprété par Jalil Lespert, d’endosser son expérience d’alors et les blessures qu’elle a impliquée. Au début du film, Antoine part donc avec ses illusions de jeune journaliste naïf, prêt à saisir les opportunités, à dévorer le monde et à restaurer la vérité et la justice ici-bas. Il a convaincu un étudiant rwandais rencontré à Paris de se joindre à lui ; ce dernier tentera de retrouver sa fiancée pendant qu’Antoine le suivra pour confectionner son reportage tout en s’appuyant sur le point de vue de son acolyte. Leur périple inclut donc balade entre les ruines et les cadavres, conversations existentielles, débats éthiques et prise de conscience globale. Le noeud gordien de l’affaire se situe sur le terrain des aspects éthiques ; que faut-il filmer d’abord, puis est-ce que c’est juste ? est-ce que c’est utile, bénéfique ? Est-ce que cette dénonciation sera valable et aura des conséquences, ou s’agira-t-il juste de participer à une entreprise voyeuriste ?
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Bientôt, Antoine réalise que derrière les déploiements militaires de l’ONU, les renforts extérieurs sont cantonnés à une passivité devant le sordide égale à toute forme de complaisance. En effet, l’engagement des autorités françaises au Rwanda en 1994 était factice ; pas même des infirmières, elles étaient juste des observatrices au milieu du chaos, des spectatrices protégées et imperméables. Antoine doit admettre que sa mission est futile, alors que les enjeux sont majeurs et terribles. Il se rend compte que ses référents ne comptent sur lui que pour délivrer un reportage parmi d’autres, comme si ce qu’il avait vécu et ressenti pouvait se fondre dans le flot des actualités politiciennes, du Festival de Cannes et autres frivolités ou trivialités. C’est donc l’évolution face à la cynique réalité d’un jeune idéaliste envahi par le doute ; le principe se défend quoiqu’il soit basique. Le problème est plutôt que ce qui en émerge est très pataud, mal défini.
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Les questionnements sont une chose et sont entendus ; mais tout cela manque de structure, d’unité. La réflexion, la démonstration, les symboles et la reconstitution approximative s’enlacent mais sans que l’ensemble prenne un sens, une forme. Ce côté fourre-tout accroit encore le sentiment que l’oeuvre est là pour parler du réel, mais sans savoir trop quoi en faire ni comment le résoudre. Cet aspect déceptif dans le forme reflète avec fidélité le pessimisme du propos de fond, mais on peut alors s’interroger sur l’utilité, l’intérêt et les motifs du film. Le dépit et la frustration mis en scène et peut-être cultivés participent-ils d’une invitation à la résignation, ou d’une ambition de film coup-de-poing brisée par un manque d’assurance et de certitudes ?
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Le meilleur moment du film, c’est au contraire lorsque rentré en France et félicité pour son reportage, Antoine voit comme son sujet, bien qu’admis comme excellent, n’en est qu’un parmi d’autres. Le journaliste va chercher la réalité, mais, dans le fond, il est humainement voir politiquement inutile, ne servant qu’à être le premier témoin de l’horreur, le plus conscient de la passivité de toute la Société. S’étant heurté à cette aberration, à un abyme ou tout ce qui faisait sens est devenu vain, il réalise ce que Klotz regrette de ne pas avoir fait (on peut en tout cas l’imaginer voir l’interpréter ainsi) en retournant sur le terrain. Alors l’oeuvre bascule, devenant l’illustration brutale et saisissante de cet état ou le Mal, la Guerre et la souffrance se déploient sans emphase ni effets, sans ennemi tout-puissant ni résistance organisée, mais dans la banalité, presque dans une horreur tranquille. Finalement, le conflit et les tueries de masse sont sinon un fait du quotidien, une étape inéluctable pour ceux qui y sont impliqué et c’est là que le film est le plus significatif.
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Note globale 57
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LE SADIQUE A LA TRONCONNEUSE **

2sur5  Le film a commencé depuis deux minutes et c’est déjà n’importe quoi ; il faut la voir, la penauderie de ce gamin achevant paisiblement son puzzle après avoir tué sa mère, l’hystérique qui avait trouvée la cachette de ses revues porno (on frise l’anachronie puisque nous sommes alors en 1942). Le Sadique à la Tronçonneuse est, de bout en bout, fidèle à ce qu’annonce sa genèse : c’est censé être glauque, mais ça oscille entre le burlesque involontaire et une violence excessive qui en font un spectacle souvent trivial mais tellement haut-en-couleur.
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Vendu comme un ersatz de Massacre à la tronçonneuse (certaines déclinaisons du titre et la plupart des affiches tentent un rapprochement), Mil gritos tiene la noche est une série B italienne partagée entre le giallo et le slasher. C’est en quelque sorte un Bloody Bird du pauvre, mais néanmoins extrêmement débridé. Côté slasher, l’oeuvre flirte avec le teen-movie horrifique tel que les américains le propose à l’époque (l’intrigue se déroule autour d’une université), avec nudité récurrente (et une timidité moindre à celle du modèle US) et jeunes crétins (si crétines il y a, c’est mieux) envisagés comme de la chaire molle par un tueur assez insistant. Toutefois le film est davantage giallo dans ses sales manies ; éléments fétichistes lié à un trauma balourd et mal identifié (le puzzle du départ sera une balise et un pilier pour la mythologie perso du boucher à l’oeuvre), musiques kitschs (et souvent inappropriées – ou même simplement débiles), surenchère dans l’objetisation de la femme et le gore grand-guignolesque. Et, naturellement, tueur ganté, avec le petit chapeau de cuir pour l’originalité tout en restant conservateur ! C’est le traitement de la gent féminine qui trahit les origines culturelles du film ; ici les femmes sont toutes des dindes élancées, gentilles (spontanées et innocentes), sportives (équivalents de pom-pom girls zélées) ou glamours (femmes fatales discount, comme le personnage de Linda Day George).
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La trame est désuète et on ne croit jamais aux personnages ni au scénario (du genre : on se fait rapidement une idée sur l’identité de l’assassin) dans lequel se sont infiltrées quelques incohérences mineures. Par ailleurs, Juan Piquer Simon a un étrange sens du rythme ; les péripéties sont trop ressérées au début, au point que la déferlante d’informations et d’idées-chocs tourne à vide. Mais la matière est là, criarde, brouillonne, sauf que celui qui a quelques notions dans le domaine du nanar transalpin sera gâté par tant de candeur trash. D’ailleurs, à la construction erratique, voir désagréable, du film se substitue une relative maestria lors des scènes sanguinolentes, Piquer Simon se sentant vraisemblablement plus à l’aise pour les éclats graphiques, largement plus valables que le récit qu’il doit supporter (même s’ils sont bien ancrés dans les 80s, les effets spéciaux n’ont pas volé leur couronnement au festival fantastique du Rex de Paris – 1983).
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Il y a dans Le Sadique à la Tronçonneuse un côté bourrin plein de bonne volonté mais aussi d’inspiration ; l’originalité et le décalage des crimes sont remarquables et leur contexte souvent séduisant. De l’imagination (les meurtres « aquatiques » – les plus raffinés), quelques tranches de beauferie (humour potache rare mais néanmoins déplorable et surtout abus de « vous y avez cru hein » de petite catégorie), des longueurs certaines entre les performances, c’est vrai (mais somme toute assez peu) mais aussi quelques exploits nanardesques frontaux (« Bâtard ! »), voilà ce qui fait de ce film un parfait et sincère « plaisir coupable ».
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En dépit de dernières secondes d’une absurdité gratuite mais exemplaire, le final est plutôt niais et décevant, consacrant subitement Mil gritos tiene la noche en pastiche d’un cinéma plus « grand », plus voluptueux, mais tout aussi obscène et grandiloquent (déclamé de façon expéditive mais révélateur, un petit couplet sur l’homosexualité comme névrose bourgeoise voisine de maux plus directement pathologiques – on est en pleine caricature et Juan Piquer Simon délivre un sous-Ténèbres au moment même ou Argento sort ce dernier). A ce moment plus que jamais, Le Sadique est ramené à sa nature profonde de giallo américanisé, avant de se conclure sur une bouffonnerie digne de son titre français, mais lui ôtant définitivement toute crédibilité. Un produit à consommer pour ce qu’il est donc, c’est-à-dire le support globalement stupide de scènes de meurtres spectaculaires, généreuses tant par leur récurrence que leur inventivité.
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Note globale 49
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Précédemment…

Séances Express 1 : Jennifer’s Body_Johnny English_La Conquête (élection de Sarkozy)_Les Nuits Rouges du Bourreau de Jade

« EXTREME-DROITE », L’OBSCUR ENNEMI

24 Avr

La soirée électorale fut très poussive et laborieuse, ne réservant aucune surprise. Cette absence de faits marquants ou de prises de positions inattendues ou courageuses est finalement tellement logique, elle s’inscrit tellement bien dans l’ordre des choses qu’on pourra presque se lamenter de voir les pronostics s’accomplir aussi précisément. Quand tout tend à devenir limpide, c’est qu’il y a une sclérose chez les acteurs ; eux-mêmes, comme les français, se mettent en mode défensif, car ils ne savent pas de quoi demain sera fait. Que tout cet orchestre tremble alors !

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C’est sans doute une anecdote mais elle reflète un phénomène immuable et profond : les candidats des partis de gauche associés ou  »dissidents » de confort du Parti Socialiste ont axées leurs discours post-électoral sur le résultat de « l’extrême-droite » – car c’est ainsi qu’ils persistent à qualifier le FN. Exactement comme ils le firent en 2002, ère lointaine et révolue ou Jean-Marie Le Pen surgissait au second tour contre toute attente, événement qui rendait légitime, aux yeux des schémas de l’époque, de telles réactions. Mais que ces candidats en soient encore à brandir la menace fasciste, alors même qu’ils viennent d’être totalement (Poutou, Arthaud), plus (Eva Joly) ou moins (JL Mélenchon) désavoué par le peuple, les fait ressembler à des espèces de cantatrices entonnant une dernière rengaine illuminée avant de basculer vers la retraite, l’oubli et la décrépitude, au milieu de momies et de reliques d’un autre temps, dont ils sont les seuls à encore apercevoir la beauté.

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Lamentable Eva Joly qui pour éviter d’assumer son score, qu’elle rechigne à relever et commenter, vomit le Front National et prétend que ses électeurs se sont « laissé abuser ». De la part d’une femme subtilisée par ceux qu’elle appelle ses « amis », c’est presque insolent. EELV reste donc enfermé dans sa position inepte, qui ne lui permet que d’être supplanté. Ce masochisme apparent s’explique par les intérêts des entristes libertaires au sein du parti, évoqué précédemment.

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Mélenchon surtout. Mélenchon également pointe, d’emblée, le score de l’ « extrême-droite ». Il rappelle son combat contre cet adversaire millénaire et accuse la classe politique de complaisance avec l’ « extrême-droite ». C’est qu’il n’a que ce mot à la bouche. L’ « extrême-droite » est l’ennemi, chacun se braque sur elle, alors même que la désignation demeure calomnieuse, que le FN, ennemi facile, n’est pas présent au second tour, enfin qu’il n’assume pas les responsabilités ni n’a semé de troubles dans le pays ou étouffé les français d’impôts locaux.

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Raser l’extrême-droite, fantasmée ou réelle, identifiée ou approximative, éternelle ou post-moderne, est la priorité des gauches. Le sort des Français est accessoire ; il s’agit surtout de protéger ces derniers d’un démon dont l’incarnation présumée n’a jamais blessé ni trahis ces mêmes Français. Alors Mélenchon appelle à se mobiliser pour le 6 mai « pour battre Sarkozy » et lance « je vous demande de ne pas traîner des pieds comme s’il s’agissait de me faire gagner». Grotesque.

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D’abord, il est manifeste que Hollande n’a pas besoin de renforts, en tout cas pas aussi insistants ; ensuite, Mélenchon se couche, comme le voulaient la logique et les commentateurs avisés et parfois mesquins. Pire, il ne cherche même plus à peser ou négocier. Certes, il considère que son score lui permet de se poser en clé du second tour. Pour autant, il n’entend pas contraindre Hollande pour ou en quoi que ce soit ; il va d’ailleurs jusqu’à proclamer clairement « ne demandez rien ». Merveilleux lapsus.

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Comme si vaincre Sarkozy était une urgence et que la Nation était au bord d’un gouffre que l’équipe  »socialiste » pourrait esquiver ; soit, ou est la garantie ? Encore une fois, la dramatisation lui permet d’éviter tout risque et tout investissement réel. Surtout, il sert le duel gauche/droite, pourtant dépassé, mais aussi le tandem PS/UMP, en faisant encore une fois de Marine Le Pen le yang de son ying, alors qu’elle pourrait être une alliée de raison. Mais ça, c’est croire que Mélenchon pourrait être un acteur politique honnête et cohérent.

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« Ne demandez rien »… Mélenchon invite à la résignation en maquillant sa pleutrerie par la pitoyable dérobade consistant à transférer les combats de ses électeurs vers d’autres, beaucoup plus tactiques et politiciens. L’animateur a emmené ses moutons à l’abattoir, ou à l’illusion – tranchez vous-même.

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