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IT’S A FREE WORLD =

5 Jan

2sur5 Le point de vue est volontiers niais et abusif : elle refuse d’embaucher un iranien car sans-papiers, c’est forcément à sa charge, une preuve de son évolution vers le monde sombre. Elle a à peine commencé avec son nouveau ‘statut’ que son fils cogne à l’école : braves gens, le capitalisme libéral détruit aussi les familles ! Si le gamin a mal agi, c’est car sa mère s’éloigne – et si elle s’éloigne c’est à cause de ce maudit système et de la société, où la réussite et l’argent comptent davantage. Blabla.

Le grand problème avec la gauche, c’est que la corruption viendra dès qu’on sort du rang ; elle est passée dans le camp des exploiteurs : s’émanciper de la catégorie des exploités n’a pas d’autre nom. Avec ce film c’est spécialement gratiné puisque de la dénonciation des fausses libertés du monde libéral [de la compétition économique] on arrive à la dénonciation des présumées fausses libertés tout court et donc à un programme plus que réactionnaire, en fait parfaitement concentrationnaire, où tout ce qui échappe à une mobilisation souveraine n’est que souffrance et malveillance – bref, s’il énonce des vérités, ce film le fait pour le compte d’un éventuel régime marxiste autoritaire, suggérant aux petits patrons/entrepreneurs, indépendants, de lâcher l’affaire pour le bien de tous.

Mais Ken Loach sait soutenir son propos, avec habileté en plus de la lourdeur. Il pointe les rénovations illusoires de la domination – qu’une femme gueule les ordres ne les rend pas plus doux, qu’un péquenaud soit de bonne volonté et joue le jeu sans égards pour la saleté ne le rend pas plus légitime face aux mafias ni plus en position de défendre sa ‘classe’ d’origine. Quand le larbin agité montre à la protagoniste l’article de presse sur un grand patron à la sanction dérisoire – elle en déduit qu’eux, à leur niveau et moins gourmands, ne seront pas pris ; ce qu’elle oublie, c’est qu’elle n’est pas comme eux hors de portée. Cet élément, parmi d’autres, souligne une bêtise d’humains, toujours persuadés d’être plus malins que le voisin ou concurrent. Le film social se double donc d’un drame sombre et trivial, presque un thriller pathétique – sa part efficace, malgré la surenchère et le cheap (les propos d’Ange lors des recrutements, les circonstances de l’enlèvement sont tachés de grotesque involontaire).

Note globale 52

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Suggestions…  Moi Daniel Blake, Kes, Family Life, Ladybird

Scénario/Écriture (5), Casting/Personnages (6), Dialogues (5), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (5), Visuel/Photo-technique (5), Originalité (3), Ambition (7), Audace (6), Discours/Morale (3), Intensité/Implication (6), Pertinence/Cohérence (5)

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LES OISEAUX, LES ORPHELINS ET LES FOUS =+

30 Sep

Jakubisko est un réalisateur et scénariste tchécoslovaque un temps victime de la censure communiste, mais qui a pu tout de même pratiquer son art (dans une interview il rappelle qu’il était considéré comme le ‘Fellini tchèque’ mais cite d’autres préférences : Parajdinov, Antonioni, Bresson). Les Oiseaux, les Orphelins et les fous (au titre inspiré d’extraits de l’Évangile selon Matthieu, premier quart du Nouveau Testament) est tourné juste après le Printemps de Prague (janvier 1968) et l’intervention du Pacte de Varsovie (août 1968), ce dernier ayant pour effet de renforcer le pouvoir de l’URSS et saboter les espoirs du ‘socialisme à visage humain’. Le film (situé en Slovaquie après la guerre, dans un contexte indéterminé sinon) est centré sur deux hommes et une femme d’une vingtaine d’années, en train de se livrer à des comportements régressifs ou aberrants dans des ruines, avec quelque entourage et échos ou souvenirs (délurés mais toxiques) pour les accompagner.

Leur folie est en partie subie mais aussi largement délibérée, consentie. Ces gens sont dans l’exercice d’une démence précoce, encouragent leurs penchants naturels et alimentent leurs impulsions, sans plus exercer de censure. Ils doivent à la fois se décharger des souffrances passées et n’ont pas d’impératifs, de cap ou d’ordre quelconque pour se limiter maintenant. Le spectateur et le réalisateur, autrement dit ceux qui encadrent et observent le délire, pratiquent sciemment le voyeurisme, qu’un commentaire inaugural en voix-off légitime : « c’est une tragédie mais vous pouvez rire car ils rient aussi ». Le film se propose donc comme une espèce d’édito anti idéaliste, tout en relevant effectivement du challenge de ‘dingues’ en roue pas si libre – avec la liberté qu’offre la désintégration et l’absurdisme, plutôt. Le principe est respecté à fond : c’est un foutoir euphorique, tragique en arrière-plan, parce que la tragédie est à nier justement ou du moins à dépasser.

Et puis effectivement elle n’est pas si importante ; dans la vie il faut s’accrocher à des quêtes éperdues, il est « nécessaire et inutile à la fois de chercher un remède ». Ces gens sont usés trop vite, ils ne sauront pas tenir la distance et sont trop rongés par l’absence pour avaler les années : ils veulent rendre la pente jolie, intense puis surtout agréable et divertissante. Ils jouent à des jeux d’enfants avec leurs corps d’adultes, s’engagent dans des aventures inconsidérées. Autour d’eux trônent une poignée de vieux, de gens entamés voire ‘finis’ qui leur répondent et les accompagnent (parfois ils sont ‘rangés’ mais de façon trouble, comme les sœurs) ; mais aussi de jeunes hippies ou marginaux d’un moment qui ne les suivront pas (ils ont fini de jouir). Les oiseaux sont omniprésents avec une fonction ambiguë (équivalent à des âmes mortes accrochées, capables de décoller mais perdues là par réflexe ou ennui) : des témoins indifférents bien qu’on puisse toujours compter sur leur enregistrement, sans jugement même condescendant envers ces paumés égocentriques gesticulant jusqu’à s’éteindre.

Vu quelques décennies après, ce carnaval évoque Les Idiots de Von Trier, avec des exclus ‘volontaires’ et de l’empathie pour eux qui n’enlève rien à leur médiocrité ni leurs malheurs. Contrairement au danois antisocial, Jakubisko opère en beauté, répand des interventions ou des séquences musicales pittoresques (au piano), éprouve une certaine tendresse pour ces égarés (au lieu d’aller se ‘pré-‘damner avec eux). Vu d’après encore, ces morceaux ‘pantagruéliques’ et cette hystérie triste de tous les instants prennent parfois une tournure à la Jeunet/Caro (La Cité des enfants perdus, Delicatessen) désargenté. La virée est courte (78 minutes) afin de rester facile à digérer (la vacuité est tout de même au bout du chemin et toutes les débauches physiques engendrent l’ennui), évitant ainsi certaines caricatures et la complaisance : vraiment généreux jusqu’au-bout, humble et charmant dans son acceptation du désespoir. Sorti en 1969, salué à Avoriaz en 1973 (second prix du Jury derrière Duel de Spielberg), Les Oiseaux connaîtra une nouvelle jeunesse avec les événements de 1991.

Note globale 66

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Suggestions… Possession + Tokyo Godfathers + Un condamné à mort s’est échappé

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (4), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (3)

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LE PAYS DU SILENCE ET DE L’OBSCURITÉ +

2 Fév

Ce peuple ‘du silence et de l’obscurité’ vit ce qu’éprouve l'(anti)héroïne de Chronique d’un scandale – sauf qu’elle n’a pas la maladie (l’infirmité réelle) pour l’excuser et la ravager, l’abattre complètement (ou pour trente ans comme ce fut le cas de Fini Straubinger, rencontrée par Herzog pendant le tournage de son précédent documentaire, Behinderte Zukunft/Handicapped Future – 1971). Ils sont sourds ou aveugles, les deux pour la plupart, par accident, dégénérescence ou de naissance. Ils vivent l’exclusion véritable et entière, irrécupérable (sauf peut-être via Hollywood) ; contrairement à l’exclusion sociale, la leur gardera une emprise définitive et manifeste, quand bien même il y aurait réparation, amélioration, soutien – d’ailleurs ce dernier est là, pour les cas qui nous occupent et ne fait que les retenir aux bords de la normalité.

Herzog observe avec attention mais sans émotion [perceptible] des situations sociales et démonstrations pathétiques propres à ces individus. S’il y a une sensibilité vibrante, alors c’est une empathie froide, de l’empathie volontaire, active en esprit et qui s’accepte impuissante – à résorber et à ‘entrer dans’, comprendre ; une empathie n’apportant rien par elle-même, sinon [à] voir avec bienveillance, recomposer, emprunter des détours pour simuler une proximité. Techniquement cela implique caméra à l’épaule, intérêt pour les objets et les données concrètes, à la façon d’un explorateur enthousiaste malgré ses limites. Nous restons différenciés, tout en considérant leurs moyens de se relier au monde extérieur – ou simplement leur façon d’y être. La mise en scène n’essaie pas de nous immiscer en eux, les laissent seuls à développer sur leurs ressentis ou à présenter leurs expériences – à l’exception d’un artifice (l’ouverture ‘introspective’) et de quelques superpositions orientées (de courts extraits de Bach et Vivaldi). En revanche, le rapport à la société et le regard qu’elle pourrait jeter sont absolument évacués (l’homme politique reste un représentant lointain, un commissionnaire passant un instant sans rien venir prendre ni donner, sans que des mondes se croisent et échangent).

L’équipe du tournage et les spectateurs traversent ces arrières-mondes terrestres avec pour guide Fini Straubinger. Sourde et aveugle depuis l’adolescence, elle s’exprime avec facilité et reçoit les informations [portées par les autres] grâce à des signes dans les paumes. Elle est en charge d’un groupe de sourds-aveugles de Bavière depuis quatre ans, mobilisé en début de séance à l’occasion de son 56e anniversaire. Les groupes d’handicapés réunis autour d’elle forment une communauté paradoxale jusqu’à l’absurde, puisque tous sont radicalement insulaires par leur condition physique – pourtant ils sont davantage soudés qu’on ne le serait entre des hommes liés par l’affection ou les idéaux, car c’est une lecture du monde sur-encadrée qui les réunit. Lors du premier rassemblement, celui de l’anniversaire, leur réunion trouble à peine le silence, la solitude et la désolation dans lesquels ils sont enfermés ; l’excitation de deviner ses prochains à proximité suffirait presque, s’il n’y avait la place démesurée du toucher, sens décuplé et parfois dernier espace de contact avec l’extérieur – car la parole se perd ou se gâte, voire est privée chez les enfants mal-nés.

Dans la seconde moitié, après deux enfants diminués, nous en découvrons un autre à la périphérie de l’humanité. C’est en fait un jeune homme de 22 ans (Vladimir Kokol), sourd-muet de naissance, gamin délaissé, échoué comme un animal fébrile n’ayant profité d’aucun dressage. Il a faciès de mongolien, aucune maîtrise psychologique, ne sait saisir ni soi ni l’environnement ; étranger à tout, il est proche de l’objet animé mais sans esprit, s’envoie un ballon dans la figure, se répand en bruits de bouche. C’est comme un chien qui se serait pris un coup de tonnerre, puis aurait par miracle eu le droit de poursuivre en miettes. Il est trop tard pour l’amener à la raison et probablement même à l’intelligible, mais Fini Straubinger lui apporte deux béquilles aux bénéfices immédiats : la conscience qu’il existe, est relié et pris en compte, le réconfort et l’ouverture par la musique. L’étendard du syndicat des handicapés prononce la phrase de fermeture : « Si une guerre mondiale éclatais, je ne m’en rendrais pas compte ». Comme on peut le constater sur Julie malgré l’effroi que son regard et son timbre de voix inspirent, le martyr a aussi, à l’usure, ses vertus.

Note globale 77

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Suggestions… Mary & Max + Martyrs/Laugier + Incidents de parcours/Romero

Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (4)

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UNE VIE POUR UNE VIE : MAXIMILIAN KOLBE ***

20 Oct

3sur5  Christopher Waltz a probablement été choisi pour Inglourious Basterds grâce à cette expérience de ses débuts. Zanussi y aborde concrètement, mais de façon elliptique, le cas de Kolbe (un héros inspiré par sa foi et tenu avec son consentement par son engagement moral total) en tant que personne et celui de l’Église par rapport au nazisme et ses camps de concentration. Il laisse plusieurs voix s’exprimer et rend les individus meilleurs que les institutions, les porte-parole et leur morale incarnée meilleurs que leur ‘officiels’ – plus purs en tant qu’Hommes (de foi).

La congrégation religieuse et la hiérarchie du Parti sont unies dans leur éloignement des souffrances, de la réalité. Toutes deux filtrent : elles refusent la sanctification (logique même si pas pragmatique de la part des religieux, refus de la vérité de la part des communistes) pour des motifs ‘supérieurs’ (pour garantir la cohérence de leurs idéaux ‘compresseurs’). Les ouvriers de Dieu, du message du Christ, de la sainteté au sens large comme étroit, accomplissent le travail délaissé par leur supérieur, lavent la maison par leurs actions et leur dévotion. L’Église n’a pas condamné officiellement cette oppression, mais les prêtres morts par milliers parlent pour elle, répond un frère franciscain à un survivant (lors d’une visite pour retrouver le remplaçant de Kolbe).

Lui et le personnage de Waltz sont plutôt cyniques envers la religion et voient notamment un ordre (pour Jan/Waltz qui y a été) et une Église (pour Olszanski/Zaleski qui est passé ensuite à Auschwitz) se cherchant un saint. Ils sauront apprécier le geste de Maximilian Kolbe en dépit de leurs convictions ou impressions – par acceptation de la vérité pour l’un, d’un sens de l’intégrité universel pour l’autre. La réaction du probable sauvé (et responsable assuré) lors de la béatification en atteste. La faiblesse technique est alors à son paroxysme, car le vieillissement du type ne tient que sur le maquillage, paraît très amateur et dès qu’il est filmé en plan italien ou autrement qu’en gros plan, l’apparence est accablante.

La vue des kapo (avec leurs pantalons rayés et leurs vestes de civils) est probablement la chose la plus écœurante et tangible dans le film (les grandes décisions et les sommités funestes ne sont pas à l’écran), en-dehors des exécutions et entassements. Le discours du film atteint des limites lorsqu’il vire à l’hagiographie par la parole d’un des proches de Maximilian ; cette hagiographie est mieux nourrie par les aperçus concrets ou les simples faits. Les démonstrations plates mais idéalistes, parfois théâtrales, ne sont pas le problème, elles sont même formulées avec intelligence et efficacité ; mais le film reste à la surface, piégé entre finesse et superficialité ; encore un victime de sa pudeur !

Note globale 68

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Suggestions…

Scénario/Écriture (6), Casting/Personnages (7), Dialogues (7), Son/Musique-BO (7), Esthétique/Mise en scène (7), Visuel/Photo-technique (5), Originalité (5), Ambition (6), Audace (6), Discours/Morale (8), Intensité/Implication (7), Pertinence/Cohérence (7)

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CRUMB ***

18 Sep

4sur5  Documentaire sur l’artiste et surtout auteur de BD Robert Crumb, responsable de Fritz the cat, qu’il a liquidé après son adaptation malvenue. Légèrement désagréable et légèrement jubilatoire (beaucoup pour les fans et la plupart des spectateurs ‘exprimés’, sûrement car on doit peu ‘tomber’ sur ce film). On y voit Crumb en famille, avec ses collaborateurs-trices et ses amantes, racontant ou raconté à partir de ses créations. Il laisse libre cours à ses opinions, sa sexualité. La réalisation se laisse modeler par lui sans chercher à l’interroger ou le défendre activement, en laissant les contradictions ou les ‘bulles’ se former devant nous (certaines paroles semblent donc ironiques ou disqualifiées). Ses travers apparaissent, ceux qu’il revendique ou assume, ceux qu’il néglige également (comme ses accès de pédanterie).

Le type est passif-agressif, ricaneur, désinhibé (merci aux drogues d’avoir achevé le travail), malgré une certaine réserve ou un fond d’introversion. Crumb n’a pas beaucoup d’estime pour quoi que ce soit, sans que ça semble trop lui peser. S’il peut donner des éléments à charge sur son propre cas et notamment sur sa jeunesse, sa légèreté et son mépris restent plus fort (ce dénigrement sans affect se poursuit sur ses lecteurs, qu’il suppose avoir les mêmes fantasmes et les mêmes manques pathétiques que lui dans le présent ou adolescent). Son frère malade dit que Robert a blessé son narcissisme et encouragé ses pulsions meurtrières passées, pourtant Robert a fait part en interview de l’emprise de Charles sur lui jusqu’à ses 18 ans (c’est à lui qu’il doit sa vocation d’auteur de BD, sans quoi il se serait contenté de dessiner sans raconter d’histoires). Ce quarantenaire cloîtré, suicidé peu après le bouclage de film (et le départ de Robert pour la France), est suffisamment fascinant pour avoir convaincu Lynch de faire figurer son nom au générique, en tant que producteur.

Il faut sans doute avoir une dose de masochisme ou une attirance pour les gens profondément froids et crus malgré leur charme de dandy pour aduler ou vouloir fréquenter un tel personnage – ou s’y reconnaître, ce qui devrait exclure toutes illusions si c’est à raison. En même temps Crumb est ‘objectivement’ remarquable car il a su exploiter ses pensées et penchants toxiques pour en faire la matière de son accomplissement – et de son succès financier. Hors de sa famille tordue dont il est le rejeton le plus apparemment sain (les sœurs ont refusé de passer à l’écran), il est entouré de gens décents, souvent normaux ou éduqués, généralement débarrassés des fautes de goût ou de jugement de leur jeunesse (ses femmes surtout) ou dominant leur filon ‘underground’. Les contributions de certains intervenants secondaires ou ‘visités’ sont assez grotesques quand la machine intellectuelle se met au service de thèses (l’homme entreprenant aime les mamelles et le timide le bas du corps – amazing merci Mademoiselle) ou justifications foireuses. Au bout cela donne un lot de contradictions et de niaiseries post-modernes : Berkeley devient ‘conservatrice’, Crumb en pratiquant le racisme nous ferait réfléchir sur nos propres représentations, etc.

Heureusement Crumb lui-même n’a pas de contact avec ce type-là de branlette, si libertaire et misanthrope décontracté soit-il. Il utilise tout de même l’idée d’une retranscription de l’âme américaine et de ses vices cachés ou attirances gênantes, pour cautionner ses dessins les plus borderline (constamment en terme de racisme ou de misogynie). Les moralistes et idéologues prudes auront leur petite base pour faire tenir l’édifice. Les autres peuvent constater que le reste du temps, c’est-à-dire presque toujours, Crumb est parfaitement à l’aise avec ces projections et ces fantasmes, les reconnaît comme les siens de la façon la plus directe et simple qui soit (en s’y associant naturellement et n’ayant qu’à présenter, rien à revendiquer). C’est exactement pour ça qu’il est aimable – c’est un parfait connard, un edgelord émergé. Il se protège certainement, sans mentir sur l’essentiel, sans se leurrer bien qu’il récolte les fruits de son excellence.

Note globale 76

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Suggestions… Comic Book Confidential + Gonzo : The Life and Work of Dr.Hunter S.Thompson + Henry portrait of a serial killer + Sheena + Family Portraits

Scénario/Écriture (-), Casting/Personnages (9), Dialogues (8), Son/Musique-BO (7), Esthétique/Mise en scène (8), Visuel/Photo-technique (6), Originalité (7), Ambition (7), Audace (7), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (7), Pertinence/Cohérence (8)

Voir le film en VO sur Okru ou Archive.org

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