Tag Archives: Cine 2014

A GIRL AT MY DOOR =-

23 Avr

Ça ressemble à du Chabrol des heures sombres (Le Boucher, La Cérémonie), qui n’aurait ni la force ni les capacités d’apprécier les choses comme elles sont, au mieux se gâcherait à devenir partial tout en amortissant au maximum pour garder l’honneur sauf. Le premier film de la coréenne July Jung se livre en deux faces : une sociale, une perverse. La première couche est ‘correcte’ et agaçante, la seconde autrement crue et réellement douteuse. Elle s’avère pourtant totalement solidaire, car c’est le temps où le film se trouve face à ‘pire’ que ses vices (ou ceux de ses protagonistes dont il est le défenseur sinon le chantre) et ses tentations, qui ne seraient qu’illusion ; pour rejeter la faute ailleurs et refuser de trancher à propos du cas qui l’intéresse prioritairement. Il part alors condamner le coupable tout-désigné depuis le départ, en enfonçant la charge (contre l’intolérance et la brutalité du milieu). Après quelques flottements liés aux divers rebondissements et approfondissements potentiellement explosifs, A Girl at My Door s’avère le même. Malgré les pirouettes, il scelle le mariage de la malice et de la légitimation des revanches pour chères ‘victimes’ – dont les troubles et affinités sont par ailleurs objets respectables, sinon attractifs. Autrement dit : ce salaud l’a bien mérité et nous, opprimées aux natures atypiques, nous avons le droit de mener nos propres vies ; de nous épanouir comme nous sommes pour l’adulte, de nous re-déterminer pour l’adolescente. Sur ce point le film rejoint celui de Laugier, The Secret (où il faut s’échapper d’héritages lourds, casser le cycle pourri et ‘l’avenir écrit d’avance’), en s’en distinguant par son optique strictement individuelle (et ‘hédoniste’).

Le résultat a beau sentir le soufre (il arrive dans la moyenne haute de la défonce de tabous par les coréens, mais sans le goût habituel pour le grotesque et encore avec cette ‘distance’ anesthésiant la transgression), il est loin d’être original. A Girl a notamment des points communs avec My Sweet Pepper Land : dans les deux cas on trouve une jeune protagoniste décalée dans un milieu ‘retardé’, à la campagne, avec de la violence et de la misogynie. L’accent est mis également sur la médiocrité, qui est le vernis ‘trivial’ couvrant les deux autres. Comme dans Garde à vue avec Serrault (ou La Chasse de Vinterberg, mais celui-là est bien trop caricatural et débordant de haine), le film semble dénoncer les procès calomnieux en pédophilies, partant sur des présomptions – ou diffamant à cause de l’homosexualité. Sauf que le film contient plusieurs scènes borderline (le bain, le shopping et la découverte par la petite de sa féminité d’ado – à laquelle contribue la télévision, ce qui n’est pas interrogé, mais comme le reste des ‘épanouissements’ de la fille, perçu avec bienveillance ou attendrissement). Le rôle de mère de substitution pourrait les justifier, mais le jugement manque sur cette partie, alors que le film le pratique constamment à l’endroit des personnages et de leurs réactions (moins vers la fin où son système n’en a plus besoin). S’il s’en tenait à la psychologie, qui reste sa méthode par ailleurs, A Girl ne poserait pas de problèmes ; or il est manifestement ‘engagé’ – en faisant ressentir l’emprise du machisme, des familles abusives, mais aussi les turpitudes de la pauvreté et de l’ignorance. Il ne cherche pas à comprendre ces dernières, ne se pose pas la question des conditions et des origines (alors que tout est devant, à portée) – en revanche il prend partie en faveur des travailleurs clandestins.

Bien que le film reste peu offensant a-priori, largement présentable devant un public mixte, sa lâcheté face à ce qu’il titille le rend plus dérangeant que des films franchement indécents ou provocateurs. Mysterious Skin ose suggérer l’innommable (l’acte) et l’inconcevable (les ‘satisfactions’) ; il a choqué abondamment, mais il est moins ambigu, pas au service d’une vengeance (encore moins dans l’idéal de revanche), n’inclue pas les fautifs (les adultes) dans l’évasion vécue comme ‘positive’. Les méchants des Innocents, du Village des damnés ou des Révoltés de l’an 2000 brisent des représentations confortables, mais ces films ne sont pas des plaidoyers plus ou moins déguisés. Ici, l’enfant a sa part de monstruosité quand l’affaire commence (quoiqu’elle a pu être insufflée, par la flic ou par son arrivée) ; l’adulte n’initie probablement rien, mais valide ses méfaits et ses attitudes inappropriées. Dans Mysterious, on fait avec les restes ; ici, on ne dit mot et consent largement, blâme l’environnement pour mieux faire passer. Dans Eden Lake, face au mal venant de ceux qui ont l’âge d’être des anges, ou au moins des puceaux de la vie et de l’horreur, on ne faiblit pas, on ne pleurniche pas dans leur sens. Au contraire, ce film impose notre consentement, le lie à l’empathie ou la fascination qu’il cherche à cultiver à l’égard des deux ‘malmenées’. Il ne connaît le doute et la complexité que pour se cacher, jamais pour analyser, encore moins pour représenter.

Note globale 44

Page IMDB   + Zogarok sur SensCritique

Suggestions… Le Secret Magnifique

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (2), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (1), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

Voir l’index cinéma de Zogarok

NOÉ =+

12 Déc

Curieux et finalement branlant, mais vaut tout de même le détour. C’est un énorme budget (130 millions de $) piloté par un ‘auteur’, un savant faiseur de blockbuster et une espèce d’artiste obscur en roue libre – le tout en Aronofsky, de nouveau sur un projet foncièrement atypique après les relativement normaux The Wrestler et Black Swan. Pour renouveler le grand-spectacle biblique hollywoodien, c’est une piste à prendre au sérieux ; pour honorer la source du genre, c’est embêtant naturellement – et comme l’écumer suffit à écœurer les cinéphiles et athées bien vaccinés, forcément un tel film part avec des handicaps.

Visuellement on passe par tous les niveaux qualitatifs à l’exception de la nullité – le style est éclaté et gargantuesque, exotique et modérément original (s’il l’est encore pour des yeux imbibés d’heroic fantasy). Religieusement il a l’air d’un pot-pourri ; autrement dit, Noah-2014 reprend les grands cultes à son compte, amalgame la chrétienté avec des élans et des mythes païens ou divers/libres (contemporains compris).

La véritable orientation, ce qui fait vibrer le tout, ne repose pas dans les livres. L’instinct religieux exprimé ici est éco-centrique (et le tournage est conséquent – les animaux sont tous numériques), pessimiste à l’égard de l’Homme (‘mauvais’), ambigu concernant ses mérites et son avenir. Les aspects sombres de cette vision tendent à pourrir le film : la crise de Noé, inexistante dans la Bible, implique le sacrifice de quelques cohérences ; la séance baisse en puissance à partir du déluge, donc la seconde heure.

Si on se contente de prendre Noé comme un film fantastique, il a également des atouts – par son univers, ses décors et via ses créatures (y compris ces géants de pierre). Les séquences ‘psychiques’ sont trop tapageuses, sans être vulgaires (globalement). Jennifer Connelly est mal exploitée, son personnage est réprimé, seulement subordonné à son mari – de quoi donner prise aux critiques, qui ne manquaient pas d’angles d’attaques. Seul le couple parmi la jeune génération est un peu creusé, tandis qu’Hopkins fait office de guest luxueux – à ce point il faudrait parler de cameo.

Note globale 64

Page IMDB   + Zogarok sur SensCritique

Suggestions… Mother !, Hardcore, Des hommes et des dieux

Scénario/Écriture (5), Casting/Personnages (6), Dialogues (6), Son/Musique-BO (7), Esthétique/Mise en scène (7), Visuel/Photo-technique (8), Originalité (5), Ambition (8), Audace (7), Discours/Morale (5), Intensité/Implication (7), Pertinence/Cohérence (5)

Voir l’index cinéma de Zogarok

POLE EMPLOI, NE QUITTEZ PAS **

15 Oct

3sur5  Documentaire honnête sur une énième bureaucratie laborieuse et écervelée. Sa réalisation est effacée et laisse juger. Il faut le voir comme une bonne farce car on y trouvera des perles, modestes et remarquables à la fois. Ceux qui ont de la compassion pour ça, à trouver du malheur et des pénibilités des deux côtés (inscrits et employés) s’abîment en vain ; il n’y a que des tocards du métier, des perdus qui ne trouveront rien ici – rien qu’une comédie qui s’ignore – que le spectateur fait bien de reconnaître sans quoi il sera devant un prolongement gonflant du film social français.

C’est déplorable de tous les côtés. Des illettrés améliorés se font entendre via les lettres des candidats, une des conseillères nous fait la démonstration de ses difficultés de lecture. Le cynisme, le formalisme de mollusque intégriste et l’apathie odieuse atteignent leur paroxysme avec une espèce d’amorphe égocentrique heureuse de décoller en fin de séance. Les petites crypto-instits jacassent et se répandent en réunions débiles, sont chapeautées par une directrice au baratin et aux grands mots grotesques (sa blasitude policée ne l’honore pas mais la sauve peut-être). Lors d’une espèce de cérémonie où des jeunes hommes non-qualifiés sont engagés par la municipalité pour des petites besognes, un notable pond son laïus pathétique où bien sûr il évoque les difficultés « accentuées par la crise actuelle ».

Naturellement si la tête est pourrie en-dessous ça ne saurait être plus frais. Un des agents est capable de balancer à usager que sa recherche se fera ‘en fonction de [ses] compétences intellectuelles et professionnelles’ ; un autre chie à un demandeur « rien ne vous empêche de vous les trouver et de vous les financer – vos formations » – bravo champion, merci pour le dérangement ! Ce genre de conneries tombe régulièrement : le pire c’est que ces types se croient peut-être pertinents et utiles ! Comme leurs supérieurs ils répètent les consignes et les éléments de langage, puis déplorent des résultats bien tièdes – quand ils ont à s’en soucier. Nous sommes en France, c’est certainement le-manque-de-moyens-!- ! (et de considération ?). Vivement la robotisation, la privatisation et la simple remise de chèques sous conditions, ce sera plus digne, les crasses ne se feront plus sur le prétexte des ‘missions publiques’ et bien sûr il y aura moins de temps perdu.

Note globale 58

Page IMDB   + Zoga sur SC

Suggestions…  Moi Daniel Blake, Merci patron, Les Nouveaux chiens de garde

Scénario/Écriture (5), Casting/Personnages (7), Dialogues (7), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (5), Visuel/Photo-technique (5), Originalité (3), Ambition (-), Audace (5), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (6), Pertinence/Cohérence (6)

Voir l’index cinéma de Zogarok

THE MAGDALENE SISTERS ***

22 Déc

magdalene

3sur5  Récompensé du Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2002, le film de Peter Mullan (surtout connu en tant qu’acteur) a crée la polémique en étant accusé d’être un brûlot contre l’Eglise. De quoi renforcer son pouvoir d’attraction, malgré le démenti du réalisateur, assez pleutre alors que son film peut être aisément taxé d’anticléricalisme, primaire éventuellement compte tenu du manichéisme exprimé. Rien ne rachète les sœurs du Magdalene Asylum, toutes des bourreaux, leur directrice en particulier.

Cette univocité reste une composante du film, dont la démarche est somme toute assez facile. Elle nourri cependant la dénonciation de deux systèmes concentrationnaires, l’un de nature religieuse donc, l’autre psychiatrique. Ces deux fonctions se chevauchent et le film montre ainsi à quel point la psychiatrie, au cours de son histoire sinon à la racine, est un cancer potentiel et le prétexte des tyrans. Religion et psychanalyse peuvent facilement être employés par des salauds troquant le courage de surmonter les épreuves de l’homme ordinaire pour des grilles de lecture livrées sans ménagement.

Celles-ci referme alors tous les questionnements, y compris sur soi-même et donc la faculté à s’améliorer fondamentalement ; et autorisent à exercer une emprise sur les faibles qui vous sont confiés, si le pouvoir (ou au moins l’autorité) sont complaisants voir du côté de ces systèmes. Mullan ausculte cet abus de position d’autorité et filme minutieusement le quotidien et les états d’âmes des victimes. Il prend leur parti mais ne déguise rien. En revanche, il perd cette combinaison de sympathie ostensible et neutralité dans l’exécution pour diaboliser les figures négatives, lesquelles n’existent que par leurs exactions ou, comme la mère supérieure, ne font que découvrir des couches supplémentaires de nocivité.

Sa vision est telle qu’on croit souvent assister à une série B horrifique, d’ailleurs la mise en scène s’y prête, tout en excluant bien sûr gore et autres manifestations franches. C’est donc un film coup-de-poing dont la valeur est plutôt sentimentale et physique, la critique sociale vers laquelle il tend, peut-être opportunément plus que fondamentalement, étant désuète et fragile. Le label « based on a true story » ne suffit pas à universaliser le propos, sauf, définitivement, s’il s’agit de montrer comme les individus peuvent se rassembler au sein d’organisations malveillantes en se déguisant derrière des postures normatives respectées ou acceptées par la société. Enfin le film doit beaucoup à ses actrices.

Note globale 69

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Dog Pound + Salo ou les 120 journées de Sodome + Boys don’t cry + Boy A + Tyrannosaur 

 Voir l’index cinéma de Zogarok

.

BLACK COAL =-

2 Avr

Ce thriller chinois s’inscrit dans la lignée des films de genre coréens pleuvant depuis une quinzaine d’années. Il reprend directement le film noir anglo-saxon (de la ‘grande’ époque), avec les codes et les grandes lignes en intégralité, quelques scènes de classiques au détail. Le scénario contient quelques emprunts au Faucon Maltais, à La Soif du Mal et au Troisième Homme (les deux précédents impliquent Orson Welles).

Rien de sérieusement original ou intense au programme. Black Coal [Thin Ice] est un exercice de style valable et même très respectable, à apprécier dans son cadre strictement délimité. Les afféteries visuelles sont dans l’air du temps – occidental, avec ces néons et autres lumières éclatantes, ces échappées à demi-glauque dans un total luxe d’arrière-cour. Le petit supplément ‘social déshérence’ peut donner un semblant de contenu politique – là aussi l’ambition tient à la pose.

L’isolement et les galères individuelles face aux rêveries consuméristes et aux fantasmes de bien-être sont plus sûrement illustrés. Quelques scènes d’égarements random viennent égayer la séance : Zhang exalté de façon gênante sur la piste, le plongeon de la vieille hôtelière mélancolique mais heureusement tirée d’affaire. Tout cet attirail peut envoûter un public neuf ou au contraire en quête d’exotisme totalement sous contrôle, déjà plié et achevé – c’est une définition du kitsch ; le rapprochement est contrariant pour un film si austère et maniéré. Comme les vérités de ses protagonistes ou de l’enquête, il se donnera par morceaux.

Note globale 48

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions…

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (2), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (4), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

Voir l’index cinéma de Zogarok

.