Tag Archives: flic – policier

LE DOULOS =+

1 Nov

le doulos

Troisième film noir à la française de Melville, après Bob le flambeur (1956) et Deux hommes dans Manhattan (1959), Le Doulos marque une accélération dans la carrière du cinéaste (futur auteur du Cercle Rouge, du Samouraï et de L’armée des ombres). Écrit et tourné avec empressement, ce polar innovant va retenir l’attention de nombreux cinéphiles et ouvre une série de films qui ont profondément marqués des cinéastes comme John Woo, Tarantino ou Winding Refn. Les concepteurs de la Nouvelle vague française (Truffaut en tête) se réjouissent et Melville devient un de leurs référents.

Le Doulos (‘chapeau’ en argot et ‘indicateur de police’ pour les flics et les malfrats) est caractérisé par des manières à la fois éthérées et violentes, les liens retors entre le banditisme et les forces de l’ordre, le cynisme, voir l’aigreur active de cette combinaison d’univers. L’air est lourd dans le Paris du Doulos, la capitale semble située dans les limbes, les espaces sont étriqués. Le spectateur n’est pas tenu par la main ni rassuré par des repères clairs : aucun manichéisme et surtout, une absence d’ambitions réalistes, soulignée par le récit très éclaté et une propension à la pose solennelle (dont Serge Reggiani est l’objet privilégié). Admirateur de certains cinéastes classiques (Wyler surtout) et férus des films bis à base de gangsters, Melville est un styliste tourné vers l’Amérique.

Il rend cette fois clairement hommage au film noir américain et tend à le pasticher. Le commissariat est calqué sur celui de Carrefours de la ville (pré-film noir de 1931) avec Gary Cooper, des éléments anglo-saxons sont introduits (les fenêtres à guillotine). Parmi les quelques ‘gueules’ habitant ce film élégant, Belmondo trouve un de ses rôles les plus marquants : sa fausseté n’est obscène qu’à de rares moments (simulations de la douleur), dans l’ensemble sa présence en fait une pièce complémentaire au climat général. Jouant ironiquement le gentleman pour ses victimes, c’est au milieu des prédateurs pessimistes un parfait salaud immature, pétillant et bluffeur, accroché à quelques artefacts romantiques. Il est la décevante once de lumière, infantile et sans mystère.

Note globale 68

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Suggestions… A bout de souffle + Casque d’or + Mélodie en sous-sol 

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Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4+), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

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LE PACHA +

28 Oct

le pacha

Gros morceau que ce Pacha puisqu’il réunit Lautner à la réalisation (Les Tontons Flingueurs, Le Guignolo), Gabin en haut de l’affiche et Michel Audiard aux dialogues ; en plus d’un cameo de Serge Gainsbourg, dont le Requiem pour un con parcoure le film. Quelques répliques sont passées à la postérité, la plus savoureuse étant « Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner ». En combinant ces arguments massues et des recettes traditionnelles, Le Pacha assure les réjouissances, même s’il manque un peu d’invention.

Car le scénario est plutôt gringalet, l’enquête sans grand attrait ; ce pourrait être un polar de plus, sur le papier il a même presque aucun intérêt. À l’écran ça se passe autrement et pour les clients du genre c’est un régal assuré. Le Pacha a un côté testamentaire, point final avec un pied dans l’après ; il sonne caricatural sans perdre en magnétisme, comme lorsqu’un refrain connu s’accomplit. Gabin y mène une enquête sur la mort (meurtre probable) d’Albert Gouvion, son ami quoiqu’il l’ait exaspéré jusqu’au-bout. Le vieux loup (calme, blasé, actif) constate et accepte tout le cynisme de sa profession, de son monde, de toute l’humanité qu’il a fréquentée même, quoique le flegme atténue son venin. « La police est mesquine » assume-t-il et lui-même est plutôt un pourri à ses heures, dans la pratique en particulier, dans l’esprit ça ne compte pas.

On est pas si loin du film noir, tout en restant dans le cinéma de gangsters stoïque et désenchanté à la française. Le Pacha est différent de ses homologues du genre et de l’époque à cause de son degré extrême de crudité ; le langage est très vulgaire à l’occasion (y compris celui de Gabin), la violence outrancière (censurée à l’époque, 1968). Bien que Gabin supporte tout le poids du passé et s’appuie sur lui pour éclairer le présent, il contemple avec placidité la modernité d’après ; ainsi l’insolite arrive, soit Gabin chez les hippies. La scène du club, érotisante, connecte à des gimmicks d’ailleurs, alors qu’ici l’ambiance a déjà changée. Cette énergie particulière définit Le Pacha, le film comme son leader ; mélancolique mais sans tirer vers la passivité ; ce sera pour le hors-champ plus tard, probablement.

Note globale 72

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Suggestions… Un singe en hiver + Mélodie en sous-sol + Garde à vue + Quand la ville dort + Le rouge est mis 

Scénario & Ecriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (4), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (4), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

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ROUBAIX UNE LUMIÈRE =+

11 Sep

Arriver devant Roubaix une lumière en connaissant son supposé sujet principal devrait être une garantie d’ennui. Avec une attente précise, la tendance du film à louvoyer apparaîtra rapidement. Dans le cas inverse, la mise en scène immersive et la vivacité des affaires courantes meublent assez l’esprit pour qu’on ait plus qu’à constater sans dommages (et sans regrets si on savait qu’on venait chez le réalisateur d’Un conte de Noël) que finalement ce film n’avait rien de costaud dans son scénario.

Pendant une heure Roubaix est un digne successeur du L.627 de Tavernier. Éclaté entre différentes sortes d’enquêtes et d’interventions, il évoque à l’occasion Melville et Simenon, avec un encart dans la gaudriole via Philippe Duquesne (mais peut-il surgir pour autre chose ?). Deux affaires mineures surnagent, puis on s’oriente discrètement vers un dossier qui occupera tout l’espace pendant une demi-heure. Comme le signale la mention initiale le film se veut respectueux des faits et nous épargnera donc au maximum les perversions de l’imagination et du suspense. Logiquement le résultat devrait chuter près de la masse des reportages vulgaires et des productions télé policières, mais une trop forte pulsion anti-naturaliste le lui interdit. On la sent au travers de nombreux mouvements de caméra ou de petites choses appuyées. Toutes pointent vers une aspiration au dépassement de cette immanence puante et lasse au bénéfice d’un point de vue cajolant, aveugle comme une morale sans jugement. La mise en scène alourdit constamment et installe une certaine urgence sentimentale, en laissant couler les enquêtes, d’où la possible impatience d’une partie même complaisante a-priori du public et l’adhésion un peu romantique de beaucoup d’autres. La bande-son est pleine d’embardées à contre-temps, par moments Hetzler semble aspirer à la résurrection d’Hitchcock, or le ‘film noir’ va accoucher d’un mélo.

Ce qui peut passer pour une faute est revendiqué par Desplechin : dans son film, comme le commissaire, on ne cherche pas le pourquoi, seulement le comment. Afin d’aider les gens à nommer les choses, en évitant de les juger et les blesser, tout en recadrant et s’acquittant de son devoir de policier. On ne veut pas s’expliquer les motivations, mais tutoyer les âmes. Notre émissaire est un curé caché sous son costume de flic taciturne et irréprochable. C’est un héros au sens fort, y compris celui d’un roman : le commissaire déclare toujours deviner la culpabilité et l’innocence ; on consent, la réalisation ne viendra que le saluer. Elle ne le conteste pas lorsqu’il se fait paternaliste gâteux avec la gamine. Une certaine proximité physique et relationnelle le légitime sur le plan matériel, les démonstrations empathiques lui donnent carte blanche. Ces élans mielleux sont autant d’accomplissements de ce film de doux. Quelque soient ses qualités il ne peut s’empêcher d’emmener tout le monde vers sa glu sereine, accorder sa compassion avec facilité et heureusement sans s’engager – comme si la lumière avait traversé les heureux témoins. Voilà un film d’assistante sociale libérée des pesanteurs du devoir et sans autres responsabilités que celles soufflées par leur brave cœur – dans ce menu-là c’est un cœur raffiné, même si lors de l’épuration du sang mauvais quelques fonctions vitales ont dû morfler.

Il faudrait donc saluer cette volonté de trouver ou diffuser de la lumière là où un esprit sensé et soucieux d’efficacité éprouverait de l’agacement, de la morgue et de la tristesse. Malheureusement l’amour est facile lorsqu’il se donne à des sujets dont on ne regarde que l’innocence brisée et face auxquels on est en position de supériorité, apte à moduler la distance ou le rapprochement comme l’envie nous le dicte. Fatalement le récit en souffre. Les marges de progression sont réduites, tout ce qu’il y a à faire est consoler ou canaliser des sujets infantiles, avec plus ou moins de tendresse au moment de les emprisonner ou de les renvoyer. Le nouvel arrivant récupère les fruits gentiment moisis de tout cet état d’esprit. Avec son timbre et ses réflexions efféminées, c’est un paroxysme de ces flics touristes qui auraient manifestement dû être psy pour élèves ou moniteur de colo (ceux de Perdrix sont de graves nihilistes répressifs à côté). Il a pourtant une fibre investigatrice et passablement voyeuse, mais cette dimension pointe sans être assumée – et le tartinage de ses bons et loyaux efforts l’envoie aux oubliettes. Il échoue à atteindre le niveau de maturité de Yacoub Daoud car il n’est pas prêt, encore trop attaché et trop exigeant envers ses cibles. Et peut-être car il est religieux même si son culte est gentil – c’est par excellence le type maintenu enfant à l’âge adulte grâce à son angélisme et ses petits rites soufflés par le catholicisme.

Le film doit l’essentiel de ses points et de sa faculté d’absorption aux ressources humaines. Les amateurs renforcent le programme grâce à leur naturel, ne se jouent pas eux-mêmes comme le font souvent des non-professionnels soudain figés par la caméra, ou bien tout patauds et hystérisés. On doit à Léa Seydoux la surprise du film. Souvent contestée, probablement à raison, surtout depuis que les auteurs s’obstinent à lui attribuer des costumes inadaptés, elle est ici parfaite en déchue menteuse et manipulatrice. On sent que son personnage n’a pas admis sa condition de rebut et lutte entre s’accrocher à son image valable de soi et s’adapter pour ne pas finir épave complète, comme celles qu’elle fréquente et probablement cherche à contrôler. Son acolyte est encore plus frappante – pauvre punaise presque émouvante car née cassée, seule à inspirer immédiatement des sentiments marqués (du dégoût jusqu’à la pitié, voire la honte qu’on peut ressentir en étant attendri mais pressé de fuir devant un cas humain si désespéré). Cette prestation de Sara Forestier semblerait extravagante sans l’ancrage terre-à-terre et les connexions attenantes. L’actrice avait fait forte impression dans Le nom des gens mais finalement c’est en jouant brillamment les crasseuses et diminuées qu’elle est devenue sérieusement intéressante.

Note globale 62

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Suggestions… Au poste ! + The Lobster120 battements par minute

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LES Y A-T-IL UN FLIC ? =+

16 Mar

Focus sur la trilogie des ZAZ avec Leslie Nielsen en vedette. 

L’opus bonus, Y a-t-il un flic pour sauver l’Humanité ?, n’appartenant pas à cette saga, il sera abordé à part.

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flic sauver reine

Y A-T-IL UN FLIC POUR SAUVER LA REINE =+

En 1980, les ZAZ se réunissent pour réaliser Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Cette comédie connaît un grand succès et transforme la carrière de Leslie Nielsen. Cet acteur discret révèle son talent comique au grand jour dans la peau du docteur Rumack. Il devient extrêmement populaire et abonné aux parodies, dont une grande partie est identifiée en VF par le Y a-t-il… Les opus les plus fameux de ce catalogue sont contenus par la trilogie des Y a-t-il un flic (Naked Gun), où Nielsen incarne l’inspecteur Frank Drebin.

Le film démarre sur une réunion de chefs d’états, une sorte de cousin éloigné des Guignols pas tout à fait hilarante, interrompue par l’entrée haute-en-couleur de Leslie Nielsen ! La classe américaine en prend un coup, de la fonction de gardien de l’ordre au film noir pastiché avec brutalité. C’est d’une témérité et d’une générosité remarquables, n’ayant d’égal que le mauvais, mauvais goût. La suspicion est forcément de mise et au départ on peut ‘s’accrocher’ pour rire.

Cela semble improbable a-priori, mais sitôt qu’on a accepté le ‘délire’ ça peut marcher. Il y a même de quoi y voir un avant-goût, plus souriant, plus visuel d’American Dad. La relation amoureuse de Nielsen et Priscilla Presley dope énormément le film. Au fur et à mesure que la séance progresse, Naked Gun gagne en valeur et en ampleur dans ses performances. L’humour des ZAZ n’est pas juste ‘gras’, c’est un déversoir de délires systématisés plus ou moins percutants, plus ou moins intelligents à leur façon, toujours grossiers.

Ce spectacle n’est donc pas glorieux et manque d’ambition en-dehors de la bouffonnerie, mais dans ce registre il pousse le vice à un degré intimidant. Le clip et la séquence de glaviots en série sont les climax de qualité au rayon lourdeur absolue. On ne sait plus trop s’il faut être un adulte en régression ou un enfant vicelard pour apprécier. En tout cas c’était moins saoulant que Y a-t-il un pilote dans l’avion ?, sans doute parce qu’il y a ici plus de liberté, plus de gueules et un côté nanar exalté catégorique.

Note globale 60

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Y A-T-IL UN FLIC POUR SAUVER LE PRÉSIDENT =+

Le second Naked Gun est plus carnassier que les autres. Ce film marche au culot, certes à un niveau bon enfant et transparaissant moins avec le recul des années. Le ton est légèrement politisé, à un niveau anodin là encore ; ce qui l’est moins c’est cet humour grivois très agressif. Y a-t-il un flic pour sauver le président est plus direct et plus adulte que son prédécesseur.

L’inventivité est toujours de mise, avec une avalanches de dialogues malicieux et notamment ce spot en faveur de l’énergie nucléaire. En revanche le scénario est terriblement con, mais agile. Indépendamment de la qualité de ses punchline ou de ses gags, ce Naked Gun est plus rempli que son prédécesseur, sans une seconde de répit.

Parfois surgissent des choses trop ridicules (la souris..) où l’emporte une certaine infantilité (le public endormi, etc) – innocence plombante voir fatale quand on vise déjà si bas. Les références culturelles sont nombreuses, parfois trop spécifiques pour être reconnues (running gag ou clins-d’œil à des choses comme Beverly Hills), bien que dans l’ensemble la parodie se concentre sur des films issus de la culture de masse (Ghost, ET..).

Il y a toujours une gêne au lancement, amplifiée par le générique avec la sirène de police. Les motifs de cette gêne seront confortés mais la séance passe plutôt bien, pourvu qu’on ait l’esprit léger. Et puis la beauferie obstinée c’est exotique. Dans ce domaine, les trois Y a-t-il un flic font partie de l’élite, leur contribution est même rafraîchissante, limite novatrice.

Note globale 56

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Y A-T-IL UN FLIC POUR SAUVER HOLLYWOOD =-

Troisième et dernier Y a-t-il un flic, juste à temps. Les deux premiers utilisaient la série Police Squad comme justificatif de départ, cette dimension-là s’éloigne maintenant. La parodie se concentre cette fois sur Hollywood et se repose sur une foule de citations, comme du Tarantino ou bien du Scary Movie avant l’heure (saga reprise en mains par les ZAZ à partir du troisième opus). Sont convoqués Les Goonies (les bandits), Les Incorruptibles (et la scène de l’escalier reprenant elle-même Le Cuirassé Potemkine), La Grande Evasion, Thelma & Louise, etc.

Le film est très efficace et conserve un rythme hystérique, mais il crée facilement la distance. Avant la prison, c’est limite, de façon encore plus marquée que dans les deux précédents opus. Les running gag avec les bébés et les échauffements autour de la libido tiennent du beauf ronflant. Les délires très systématisés caractérisant les deux précédents sont moins présents dans cet opus, mais il va en revanche très loin dans le scabreux sur le plan sexuel ou dans les grossièretés, de Mamy destroy aux jurons des familles. Les dialogues sont plus abondants, les phrases potentiellement cultes fusent ; les fans se régalent assurément, même si cet opus est reconnu comme un peu moins bon en général.

Certains moments sont franchement drôles, notamment lors de la remise des prix avec Nielsen/Drebin usurpant la fonction du présentateur. Il n’y a pas trois secondes sans gags, mais le manège est violemment kitsch, parfois vraiment trop lourdingue sur le plan visuel : le mélange de candeur extrême et de brutalité interdit toute élévation, dans quelque domaine que ce soit. Il faut être prêt à voir une comédie triviale mais néanmoins compétitive dans l’absurde, comme un Ace Ventura ou Police Academy de rang très supérieur.

Note globale 47

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ASSURANCE SUR LA MORT ****

9 Déc

assurance sur la mort

4sur5  Double Indemnity est l’un des meilleurs films noirs, sinon le meilleur ; et un film noir véritablement noir, pour le coup ! Réalisé en 1944, il se place loin du machiavélisme parfois enfantin de ses homologues, adoptant un ton parfaitement adulte et sinistre, suave et extrêmement fataliste, jugé de ‘mauvais goût’ à l’époque, tout en étant copieusement récompensé. La dynamique de ce policier ne repose pas sur l’identité du tueur et le point de vue de la victime est délaissé ; nous sommes du côté des assassins et c’est eux qui vivent dans la crainte.

L’excellent suspense caractérisant Double Indemnity vient de cette condition des amants criminels sous pression permanente, exposés par leur faute à un monde dont l’hostilité vient de se réveiller. Dès son quatrième film, Billy Wilder (Boulevard du crépuscule, Certains l’aiment chaud) innove tout un genre et propose une construction permettant d’évacuer les petits mystères, sans pour autant mettre le spectateur dans une position de supériorité comme souvent chez Hitchcock. Dans les premières séquences, le spectateur voit un homme manifestement acculé se confesser à un microphone pour un ami.

Le film sera donc un long enchaînement de flash-back et dès le début nous savons que la vérité va éclater ; nous savons que le destin est écrit, mais nous voulons et pouvons encore croire à une alternative, même pas sinueuse, il suffirait d’un bon concours de circonstances ou même de nouveaux méfaits ; et les amants seraient libérés, n’auraient plus à douter d’eux-mêmes ni de l’autre ni des contingences, s’épanouiraient sans avoir à se justifier. Ces criminels ont beau être froids et mauvais, dans la méthode et dans une certaine mesure dans leur être, Wilder cultive l’empathie à leur égard.

Pourtant, Walter Neff est un vrai anti-héros, très sombre, calculateur, avec les traits durs de Fred MacMurray et cette face de sadique oscillant entre certitude et anxiété. Apparemment plus douce et surtout plus animée, sensible, Phyllis Dietrichson (Barbara Stanwyck) se trouve transformée en femme fatale. Ces deux acteurs mettent alors leur image en danger ; pour MacMurray, il s’apprêtait à rejoindre un nouveau studio et la Paramount tenait à casser son crédit en l’assimilant à un produit sulfureux. Elle l’a poussé à prendre le rôle le plus important de sa carrière.

Malgré et même avec ses petits côtés amphigouriques du départ, Assurance sur la mort est globalement un thriller remarquable, un classique et une expérience vibrante dans ce domaine, par-delà la catégorie spécifique des films noirs. Sur ce terrain-là, entamé en 1941 par Le Faucon Maltais et refermé par La Soif du Mal en 1958 selon les acceptions puristes, Double Indemnity règne sans partage, faisant également de l’ombre au Troisième Homme. Seul La Nuit du Chasseur le surpasse mais il ne saurait lui voler le statut d’emblème ou dominant du genre compte tenu de son caractère iconoclaste ; Assurance sur la mort au contraire honore les traditions du film noir tout en assumant sa sève la plus sulfureuse.

Loin du simple cynisme maniéré et poseur de ses camarades, c’est aussi une tragédie romantique ne disant pas son nom, reflétant la fuite en avant du tandem Walter/Phyllis. Des ambitions dangereuses et sentiments amoureux les travaillent, mais sont complètement étouffées ou dépassées par la jouissance puis le vertige ressentis dans un engrenage hors-de-contrôle. Il faut toujours négocier la sortie ou lutter contre l’implacable échec. Ces sentiments sont si contrariés et les comportements des deux personnages si mécaniques que le pacte se conclue sur un baiser à la fois fougueux et très raide. Il ne serait pas crédible, si ce n’était pas celui de deux pantins torturés, deux tyrans possédés par leurs passions.

Note globale 84

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