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RAW MEAT / LE MÉTRO DE LA MORT =+

24 Juil

Derrière le titre barbaque se trouve un pseudo film d’horreur, un drame social et humain pathétique enrobé avec des tics de proto slasher et surtout de comédie douce-amère. [Le britannique] Raw Meat (Death Line pour les américains, Le Métro de la mort pour les français) est le premier long-métrage de Gary Sherman, qui enchaînera avec Dead & Buried puis Vice Squad, où il s’agira encore de passer des ‘frontières’ pour voir la démence et la perdition résolue : du premier au troisième s’opère une évolution de la fantaisie surnaturelle à la mesquinerie en action (Dead & Buried étant peut-être le plus apprécié et le plus éloquent à cause de cette position de passeur et de ‘trieur’).

Dans ce premier opus, la pudeur ou du moins des scrupules froids se substituent à la compassion, ce qui donne l’impression d’un film démissionnant mais seulement arrivé au bout du chemin crucial, en autorisant la contemplation, même en ne ratant pas une miette. Sur le plan horrifique, il s’en tient à une collection d’abjections, avec une poignée de déferlements hors-champ par la suite résolus ou relativisés ; ‘dédramatisés’ serait inadéquat car le vrai drame est celui des monstres, qu’on ne sonde pas et ne ‘vivra’ jamais en dépit des coups-d’œils insistants mais prudents. La construction donne l’impression d’une désinvolture mitigée, encadrée : les personnages se fréquentent, les investigations ne récoltent rien de décisif ; en marge on investi quelquefois le métro où c’est folklo – et folklo ‘autrement’ (comme le son de Will Malone en ouverture). Ce n’est qu’à la toute fin que toutes ces latences doivent trouver leur accomplissement en accéléré. Ce temps de la descente en métro suite à l’enlèvement se décompose en deux axes : la poursuite de l’otage et le semi-zombie s’activant avec sa lampe-torche en crachant « Je veux vivre » ; les quelques révélations concernant ce peuple des tréfonds et son histoire. La générosité du film trouve sans cesse des limites qui peuvent aider à constituer une ‘aura’ de mystère, mais ne remplisse pas ce dernier, surtout que le script se coltine de sévères angles morts et se fonde sur des pirouettes faiblement justifiées ; c’est probablement qu’ici on redoute (et donc confronte) plus, à raison, les dégâts de la corruption que l’emprise des mystères.

C’est bien le mélange des registres et son originalité qui font la saveur du film, pas son intensité. En premier lieu, ce fond de comédie, persistant même face à des scènes de cauchemar, jusqu’à ce que le filtre froid et organique finisse par réduire toute tension (un peu comme les Guinea Pig y parviennent, à force d’extrémités charriées dans la banalité et la platitude du réel). Les vieux enfermés dans leur fonction et en train de se gâter sont le fil conducteur comique. Cette tendance culmine lorsque Calhoun le psychorigide se fait poivrot ou sort de sa zone de confort (son bureau, ses ruminations et les moments où il est habilité à travailler l’autre). D’ailleurs Donald Pleasance (aussi acteur de théâtre, apparu dans une centaine de films, passé à la postérité via Halloween) est avec les ‘exploits’ visuels le principal intérêt. Dans la peau de cet inspecteur Calhoun, il est de ces types si blasés qu’il en oublient presque leurs plaintes fondamentales, s’accrochant à leur humeur et à leurs habitudes, tout en jetant des petits commentaires injurieux ou sans pitié. Il ne cesse de menacer ou ‘calmer’ à un quelconque degré. En gardant malgré tout une attitude inquisitrice naturelle, il fait penser à un reflet de l’inspecteur des impôts du Dîner de cons : lui a troqué le masque de bon camarade et les enthousiasmes médiocres avec une espèce d’aigreur hautaine, tranquille, un dépit assumé et finalement agréable (que c’est bon d’être bougon).

Plaisant et contenant un fatras valant le détour, Raw Meat est loin d’être passionnant ou très remuant, mais a un bon potentiel de fascination. D’après son rythme et les terrains où il s’épanouit le plus et le mieux, c’est d’abord une enquête policière lorgnant sans s’agiter vers la comédie. Finalement le reste paraît anodin, surtout bon à faire le lien avec les gadgets parfois impressionnants. Ainsi la première visite de l’arrière-monde sous le métro, avec ses cadavres et ses miasmes bizarres balayés lentement dans un souterrain incertain, fait penser à un négatif ‘placide’ (et ‘cru’, raw effectivement, même pour la musique) d’une dégringolade effroyable contenue dans La maison près du cimetière de Fulci. Du point de vue ‘entertainment’, le tort est de donner tout clés en mains, sans organiser de chasse aux trésors, en accordant peu d’importance à la gestion de l’attente et aux émotions. Le montage ‘flegmatise’ avec les vices et vertus inhérentes, multipliant les beaux plans songeurs face aux profondeurs. Toutefois le film arrive tôt par rapport aux outrages conséquents des 70s (il sort en 1972) et peut aussi s’apprécier comme chaînon manquant entre un cinéma feutré et pragmatique, dissipé par rapport à l’épouvante classique et ‘hors-réel’ mais conventionnel à-côté ; puis un autre à venir, embrassant sans réserve les libertés du bis et du ‘cinéma de genre’. Par ailleurs il ne démérite pas par rapport à ses successeurs indirects, ceux qui invitent l’Horreur dans le métro (Creep -2005, End of the Line, Kontroll d’Antal) ou aux premiers films de Del Toro manifestement sous le charme (Mimic).

Note globale 68

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Troll + Le Masque de la Mort Rouge + Street Law/1974 + Massacre à la tronçonneuse + Maniac + Midnight Meat Train + Sweeney Todd + L’Abominable docteur Phibes + La Sentinelle des Maudits

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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LA PLATEFORME ***

1 Août

3sur5  Thriller rude et fable pessimiste, où l’apprentissage de la survie dans un système impitoyable mène à diverses formes de résignation, soumission ou corruption – autant de petites damnations permettant de réaliser que toute société est une prison se maintenant sur la merde de ses otages/habitants.

Comme c’est d’abord une métaphore, le film laisse se cultiver des inconsistances et des incongruences mineures ou a-priori tolérables ; jusqu’à cette dernière partie mettant en relief l’aberration de sa construction. Tout ce que notre Don Quichotte et son acolyte y tentent devrait avoir été expérimenté depuis longtemps – ne serait-ce que d’un point de vue primaire ou de survie : pourquoi les gens ne recevant rien n’ont pas tenté de descendre jusqu’au-bout, puis de remonter sur la table ? Avaient-ils simplement peur de la sanction ? De la nouveauté ?

Puis j’ai été déçu par le petit tour de passe-passe final que je qualifierais de banal et pleutre si on appuyait pas au même moment sur l’épouvantable levier ‘Le truc.. c’est qu’il est mort [peut-être – mais peut-être pas – cho’cun son ‘terprétation]’. Il faut être honnête même si on a aimé le film : ceux qui l’ont conçu (spécialement ceux qui l’ont écrit – avec malice et superficialité, faisant du scénario le point négatif) ignoraient comment le boucler ou le justifier. Heureusement la partie technique est plus astucieuse (pour camoufler les faibles ressources et décors) et la partie sonore est délicieusement stressante (certains instants m’ont évoqué Alice Madness Returns). Le portrait de l’Humanité est plus accompli – et sombre, voire stérile.

Ainsi la logique du film ne mène qu’à un mix de démobilisation et au choix, de nihilisme ou de vaine moralisation ; les optimistes apprécieront la planification des vertueuses niaiseries par lesquelles les refaiseurs de monde se réchauffent (‘la prochaine génération porte notre espoir’) ; tout le monde verra que la bienveillance et l’empathie deviennent un luxe dans un univers carcéral, arbitraire et hiérarchique [à moins qu’il en existe des hédonistes – pour ça il faudra des coopérations ou des révolutions] – et que si on s’obstine [dans la voie de la justice sociale], il faut en passer par l’autoritarisme sans la moindre garantie de réussite, avec pour seules certitudes des sacrifices [humains] et de la gesticulation présomptueuse.

Note globale 68

Page IMDB   + Zogarok La plateforme sur Sens Critique

Suggestions… Parasite + Viral + Snowpiercer + Cube + Annihilation + Malveillance + Killer Joe

Les+

  • deux premiers partenaires de cellule géniaux
  • intense, viscéral
  • bon rythme, des dialogues succulents, humour
  • bande-son assez brillante
  • mise en scène efficace, violente à l’occasion…

Les-

  • scénario médiocrement bâti, le ‘concept’ assure l’essentiel
  • vingt dernières minutes douteuses
  • inconsistances puis invraisemblances majeures
  • regard stérile et ambiguïté absurde entre l’aspiration au sursaut et la résignation totale
  • … un peu grossière ou ‘récupératrice’ aussi

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MINI CRITIQUES REVUS (1)

5 Fév

Tous les films que j’ai vu depuis que j’ai ce blog (donc un an et demi avant Sens Critique), notés en-dessous de 9, qui n’avaient pas eu les honneurs de critiques. Pour certains elle restera envisageable (des films marquants ou importants, de quelque manière), mais ils sont une petite portion.

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8 et demi *** (1963) : Auto-analyse de Fellini, projeté dans le réalisateur dépressif interprété par Marcello Maistroianni. Cet opus est très proche de La Dolce Vita (le tournant subjectiviste de sa carrière), avec le même type d’humanité : des membres de la haute société, celle du luxe et pas concernée par les responsabilités, jamais étouffée par le devoir ou la conscience.

Pendant deux heures en noir et blanc Marcello/Fellini déambule entre sa réalité et ses fantasmes. Ses rêveries ont une orientation nostalgique et souvent érotique. Sa femme (à lunettes) n’a que des interventions pesantes, elle lui ressemble peut-être trop et n’apporte ni plaisir ni réconfort – c’est un repère désuet. Elle forme un contraste avec le harem largement imaginaire (parce que peu vécu et à tout juste articulé mentalement comme tel) de son mari.

Fellini démontre un art du clip et de la fantasmagorie ‘adulte’ notamment au début, avec la scène d’ouverture et celle en musique autour de la réception d’aristos. Le film contient quelques moments de génie très ‘publicitaires’. Son visuel magnifique a sûrement été pris régulièrement comme modèle, dans les arts liés à la photographie. Les dialogues fourmillent de fulgurances sarcastiques ou spirituelles. Les amateurs de Barbare Steele la verront heureuse de prendre des coups de fouets – le cadre a changé mais son personnage a bien été importé. (64)

Vu le 6 août 2015 et revu sur Mubi le 30 septembre 2017.

Ça – Il est revenu ** (1990) : Téléfilm en deux parties ou ‘film’ de trois heures. J’en avais vu les premières minutes (ainsi que d’autres bouts), desservies par l’interprétation féminine. La mise en scène est lourde et efficace, expéditive et proche du grotesque dans les moments cruciaux. C’est loin d’être l’incurie sur le plan horrifique ou des idées photographiques (Tommy Lee Wallace était déjà la réalisateur d’Halloween III et Vampire vous avez dit vampire). En revanche le film manque d’épaisseur, de fluidité dans les relations. Il peut être une bonne expérience pour les enfants et notamment pour un premier film d’horreur. (54)

Vu des morceaux de la première moitié à la télévision vers 2008.

Les Anges gardiens ** (1995) : Comédie hystérique, avec Depardieu/Clavier dans un double-cabotinage ; plein d’ellipses au risque de l’absurde (une des fins les plus précipitées), du Poiré. Avec un bêtisier médiocre à la fin. J’aime même si c’est fait à l’arrache et sûrement prémédité au minimum possible. Si vous adhérez à un tel truc, essayez Les Gaous (qui pousse le bordel épileptique à un niveau ‘inédit’) ou La Vengeance d’une blonde (meilleur). (62)

Vu une fois enfant, revu en 2017.

Les délices de Tokyo * (2015) : Avec Les filles du Moyen Age, c’est un des deux films que j’ai vus dans l’année (fin décembre) mais pas critiqué (faisant de 2016 la première et seule année où je n’ai pas tenu le principe). Un troisième film entrait dans cette catégorie, mais je ne l’avais pas terminé : le coréen The Strangers.

Bien que le départ soit relativement encourageant, je confirme ma non-adhésion à ce film. Et la note si basse qui par rapport aux moyennes a l’air d’une provocation, ce qui me dépasse d’autant plus que, si je ressens du négatif envers ce film, je ressens surtout peu de choses. (32)

Vu en VOST le 26 décembre 2016, revu en VF en mai 2018.

L’empire des sens ** (Japon 1976) : Présenté dans une version restaurée en 2016. Aucunement excitant et plutôt répugnant dans ses scènes explicites (entre les micro-pénis et les touffes du passé). J’avais trouvé l’approche triviale malgré un côté pompeux, c’est confirmé. Depuis heureusement j’ai découvert Tabou (et Il est mort après la guerre).

La seule scène un peu satisfaisante et plaisante est celle où une fille, tenue par plusieurs autres, se fait enfiler un oiseau en bois (juste avant la danse de Gangnam Style version papy à l’EHPAD). Concernant la passion même charnelle et plus encore les sentiments, ce film manque d’authenticité et d’intensité, jusqu’à ce qu’il ait tout déblayé autour du couple (donc quasiment jusqu’à cette mise à mort interminable). L’espace est alors trop étroit pour que la psychologie soit encore intéressante, mais les acteurs paraissent crédibles et la volonté de madame l’est certainement.

C’est bien un porno chic, enrobé par un halo de subversion et des moyens inimaginables pour un film ‘bis/Z’ ou ‘d’exploitation’ normal. Évidemment c’est devenu ringard puisqu’il n’y a plus grand chose à subvertir depuis les années 1990-2000 (en tout cas au niveau de ces choses ‘naturelles’ et accessibles au moins en esprit et en théorie par chacun), il ne nous reste alors plus qu’à constater la mollesse de la séance, les béances du scénario, le manque de tenue – sauf sur les divers plans techniques. (56)

Vu une fois vers 2008, revu en juin 2018 sur MUBI.

Tenue de soirée *** (France 1986) : Changement d’avis, même si Buffet froid et Les valseuses planeront toujours au-dessus. Film imprévisible et grotesque, avec des omissions considérables et un dernier tiers rendu plus loin qu’en roue libre. La façon dont Michel Blanc est considéré doit être le plus drôle car le plus déroutant – quelque soit les goûts de l’observateur, son personnage n’est pas ‘beau’. L’évolution des individus est ridicule, leurs aventures invraisemblables, les deux sont jubilatoires. Dialogues et acteurs excellents. Un brillant nanar et une formidable comédie, un parfait film pour alcooliques, conçu manifestement à l’arrache ou avec une certaine négligence pour la charpente. Aussi un film remarquable sur le cocufiage et ses variétés. (72)

Vu (incomplet) une fois vers 2009, revu en août 2018.

Cendrillon **** (U 1950) : J’avais mis 7 à mon arrivée sur SC, partagé entre enthousiasme et scepticisme fondés sur des estimations lointaines. J’aime effectivement, suis probablement plus sensible aujourd’hui au mauvais chat, plus enclin à aimer les souris et les petits animaux, mais la grosse souris maladroite est toujours aussi répugnante – je souhaitais sa mort bien que ce ne soit pas dans l’esprit de Disney.

Le culte du prince charmant, l’éloge des petites filles sages et pures sont bien là et pratiqués à fond ; si le premier mérite effectivement révision, le second n’est pas si horrible – la morale de Cendrillon a ses vertus. Sauf sur cette rêverie de fille à marier, mais sur ce plan les ratés sont constants : dans La Valse dans l’ombre comme dans Blanche-Neige, les ‘princes charmants’ sont des êtres vides, sans charisme sinon celui d’une publicité pour l’hygiène. La prise en puissance de l’ex-petite fille, sa maturation sans compromissions, est aussi un motif récurrent mais ne me semble pas un problème – qu’il en soit un pour celles pétries de regrets de s’être trop ou trop vite souillées, pour celles qui n’auraient pu l’être comme elles le souhaitaient ou pour leurs complices masculins, c’est tout naturel.

Sinon le film est plein de détails charmants et marquants. Sa niaiserie est gracieuse. Les chants de souris en font les ancêtres des Chimpmunks. C’est le point le plus innocent du film, car sa morale effectivement n’est peut-être pas géniale pour les enfants (sans qu’elle soit déroutante comme celle de Peter Pan), car s’en remettant quasiment à la chance, le développement du charme personnel et la ‘magie’ pour sortir de la misère – en même temps, les enfants n’ont pas besoin d’être progressistes et de prendre du recul sur tous leurs fantasmes, pas en esprit du moins. (82)

Vu plusieurs fois enfant, revu en décembre 2018.

Peter Pan **** (U 1953) : Vu une fois enfant, j’avais moins aimé le début dans la réalité et n’en conservais aucun souvenir clair. De nombreux détails me sont parus familiers (la fée enfermée, la capture via les sapins). Représentation remarquable et amorale de l’évasion et de l’imagination, capable de parler aux enfants sans les tenir enfoncés dans la niaiserie habituelle (même si la gamine ‘responsable’ et aimante conserve un peu d’ancrage et de repères). Les enfants méritent de voir un tel Disney plutôt que la majorité de ses alter-egos (trop restrictifs) et de ses descendants (trop criards et débiles). (8)

Vu une fois enfant, vers huit ans, (re)découvert en décembre 2018.

Les Aristochats **** (U 1970) : Un excellent Disney, où le cadre est souvent plus intéressant que le sujet (les chats). Le Paris des années 1890-1910, les virées burlesques, les rencontres (avec les oies) rendent l’ambiance charmante. Beaucoup de scènes burlesques remarquables, principalement autour des deux chiens et d’Edgar. Dialogues relativement bien écrits, même si peu sont mémorables (contrairement à Blanche-Neige, Le Roi Lion ou au Livre de la Jungle, mais à l’instar de Robin des Bois ou même Cendrillon). Toujours peu fan du passage sous les toits de Paris et peu sensible à ces chats bohémiens. (8)

Vu peut-être plusieurs fois enfant, revu en décembre.

Independance Day ** (USA 1996) : J’y avais jeté un œil plus que véritablement ou intégralement regardé. Les effets spéciaux sont d’un niveau maximal pour l’époque, comme les meilleurs de Star Wars Phantom sorti trois ans après et également produit par la 20th Century Fox. Les aspects mélo sont ni brillants ni affligeants. Mais combiné au patriotisme et aux échauffements de la dernière riposte, ils multiplient les longueurs. Le véritable problème de ce film me semble donc être cette dernière partie et tout l’ennui précédant la grande attaque. Elle-même en sort gâchée, tandis que le quota de bêtises ‘l’air de rien’ et des autres défauts sont exacerbés – le président devient grotesque, heureusement le mec avec la VF de South Park a le bon goût de bien torpiller l’emphase du délire. Des trucs un peu niaiseux ou invraisemblables, comme prévu, pas dans des proportions atypiques ni trop choquantes. Les péquenauds sont plus cools et musclés que dans Mars Attacks où ils sont transformés en beaufs à la Deschiens. Le président est un tocard pendant les deux tiers au moins – son administration en sait voire en peut davantage. Ceux qui dénoncent sa sanctification supposée ne sont pas au clair – il n’y a que sa virée finale pour véritablement le flatter, pour le reste c’est un membre de la team America comme un autre – c’est bien cette normalisation du personnage qui devrait plutôt être questionnée. (54)

Vu une fois partiellement il y a une quinzaine d’années, revu en avril 2019.

Violette Nozière ** (France 1978) : Une ado de 18 ans jouée par une actrice de 26 comme dans les fictions au campus dans les années 1990. N’étais plus sûr de l’avoir vu et sûr de l’avoir vu superficiellement, confusion possible avec Une affaire de femmes. Pas étonnant tant le point de vue est attentiste, la séance presque contemplative : Chabrol ne sait pas couper ni hiérarchiser. Le père semble mal relié à sa fille, le choix de Carmet et Huppert après Dupont Lajoie où il violait ne saurait être innocent ; mais même dans les relations tout reste bien flou, on en connaît la nature qu’aux deux tiers au maximum, pour certains cas (l’amant), pas même la moitié pour les parents. Comme d’habitude Chabrol donne dans la sous-satire sans beaucoup d’humour contre les bourgeois, l’ordre établi (les féministes peuvent inscrire cet opus sur leur liste des ‘récupérables’) – et comme d’habitude il en fait sûrement trop partie pour attaquer ou même considérer sérieusement la chose. Un film pour ceux qui aiment les ambiances d’époque, à condition qu’ils n’aient pas des espérances de spécialistes ; sinon, pour les acteurs. (56)

Vu une fois superficiellement, [re]vu en juin 2019.

Walkyrie *** (USA 2009) : Sur la tentative d’assassinat d’Hitler par des haut-gradés allemands en juillet 1944 (la dernière des quinze connues de la résistance allemande d’après le carton final), quand la guerre tournait en défaveur du camp de l’Axe. Mise en scène classique et technique plutôt luxueuse. Perd de sa force et de son intérêt avec le lancement de la mission. Focus un peu neuf sur une page de la ‘grande guerre’ mais c’est encore de l’Histoire proprette et héroïque – sans tomber dans la pure figuration de service public. Finalement un film à suspense éventé foncièrement manichéen (une main de la lumière et du Bien tendue vers l’Allemagne), sans à-côtés baveux et sans trajectoires intimes très étoffées. Un épilogue plus humain et moins grave aurait été préférable – Carice Van Houten (deux ans après Black Book) n’est même pas reconnaissable car, comme l’ensemble des personnages secondaires, elle ne sert qu’à refléter une ou deux émotions. (64)

Vu une fois dans de mauvaises conditions en 2009, revu en juillet 2019.

Comment j’ai fêté la fin du monde ** (Roumanie 2006) : J’en avais aucun souvenir et c’est parti pour se répéter. Un doute subsistait : était-je passé à côté d’un tableau profond, car quelques détails relevaient la sauce !? Je me les suis effectivement rappelé (cette prof blonde typique, le vieux tout enthousiaste à la chute du dictateur et immédiatement cassé par la mise à feu tout aussi joyeuse de sa voiture – les ‘copains’ l’ont pris trop vite au sérieux) mais ils ne valaient pas de se pencher spécialement sur ce film. Le film ne présente que des anecdotes et son centrage officiel sur le garçon est curieux, puisque sa grande sœur a un joli caractère et qu’elle meuble bien mieux que tous ses camarades. (52)

Découvert en février 2016 et revu en juillet 2019, toujours sur Mubi.

Bruce tout-puissant * (USA 2003) : Vulgaire et néanmoins bizarre, furieusement débile et niais (dépasse Ace Ventura et ses parties philosophiques ne font que l’enfoncer). Les projections semblent celles d’un petit garçon proche de la mort cérébrale, abruti par ses fantasmes de super-héros. J’avais détesté et décroché après le gag du singe, en était sorti avec un a-priori déplorable [déjà induit par ses pitreries télé] concernant le clown Carrey (corrigé peu après grâce à Truman Show, puis avec Philip Morris) ; finalement ce film n’est pas une des pires choses tournées mais reste probablement la pire avec Jim Carrey. Elle a un pied dans le sentimental et la prêche émotionnelle qui rendent Carrey décalé dans un nouveau et regrettable sens (les flonflons familiaux gâchaient à peine Menteur menteur, passait pour un obstacle allègrement surmonté). Le lien avec Aniston est peu crédible également, même si son personnage est parfaitement vraisemblable. Bien sûr le film oscille entre légèrement et odieusement moche. Les séquences avec ‘Dieu’ Freeman sont trop consternantes pour rester simplement embarrassantes. Pas grand-chose à retenir, le bizutage de Steve Carell surnage à peine, quelques séquences liées aux pouvoirs sont relativement marquantes (la lune, le passage en musique dans la rue). C’était une vilaine expérience avec un arrière-goût sordide. Elle annonce la dérive ‘chamallow’ accompagnant la chute de la carrière de Carrey malgré quelques éclats (comme Eternal sunshine). (28)

Vu partiellement vers 2005, revu en juillet 2019.

L’opération Corned Beef *** (France 1991) : Une comédie grasse et flamboyante signée Poiré avec Clavier, deux ans avant Les Visiteurs et quatre avant Les anges gardiens. On y retrouve les ressorts typiques du cinéma de Poiré, avec ces gags destroy mais aussi des caricatures vaguement mesquines : la grosse avec des scènes assassines et des plans gratuits soulignant sa démarche puis sa tardive prise de conscience (deux costaudes auront un rôle-éclair similaire dans Les visiteurs 2), le dictateur latino. Le couple ‘vieille France’ est moins écorné, on sent davantage de sympathie pour les personnages certes bouffons de Clavier et Lemercier. Jean Reno n’est pas brillant et plombe presque certaines scènes, heureusement l’outrance et la vitesse de la mise en scène l’en empêchent. Tout oscille entre la beauferie adulte et les délires enfantins, la voix de Mitterrand relève du second. On pourrait croire que l’opération fait écho à l’affaire des écoutes de 1982-86, or elles n’ont été révélées qu’en 1992 : dans un autre registre les critiques en feraient des tonnes sur le flair du scénariste ou du réalisateur. (64)ou+

Vu certainement en 2016 ou 2017, revu en août 2019. Peut-être vu plus jeune.

99 francs ** (France 2007) : On y croit un temps et il y a bien des passages potentiellement succulents (la réunion tout particulièrement), mais ça tient difficilement sur plus de 70 minutes. À terme c’est toujours les mêmes problèmes et la même complaisance pseudo-masochiste, vraiment exhibitionniste. On sent cette quête du petit supplément d’âme et de conscience critique pour ces gens-là, les admirateurs de leur milieu, leurs contempteurs hypocrites ou médiocres – puis bien sûr pour tous les autres qui le voudront bien, mais on sort du cœur de cible/noyau dur qui fera la force et l’aura du film. Je reconnaît qu’il y a de la ressource dans cette bête-là mais c’est encore trop ensorcelé par ce que ça prétend dénoncer et à l’image du tour de la fin, c’est superficiel et complètement penaud dès qu’il s’agit de dépasser la provoc ou la posture. (62)

Vu partiellement peu de temps après sa sortie. Revu l’été 2019.

Astérix & Obélix mission Cléopâtre ** (France 2002) : Même si ses atouts au niveau du casting et des décors gardent de leur efficacité, Mission Cléopâtre n’est pas à l’abri d’une réévaluation générale à la baisse. Une grande partie de l’humour repose sur des références anachroniques ; sans surprise celles portées par Itinéris ont mal vieilli. Jamel apparaît comme une sorte de sous-Eric Judor pas drôle. Il n’est pas exaspérant comme il le sera plus tard à cause de la faiblesse des univers autour de lui – quoiqu’il arrive son ‘génie’ n’est pas responsable du succès ou non d’une entreprise ; mais je suppose qu’il peut amuser certains enfants coutumiers de ses réflexes.

Je craignais que placer La surprise de César à peu près au même niveau soit une sorte de snobisme ou une volonté d’originalité opérant à mon insu ; je dois vérifier l’objet lui-même, mais en revenant sur son concurrent, les placer au moins à égalité ne me semble pas tricher. Mission Cléopâtre démarre fort, recycle habilement des éléments secondaires (les pirates), puis à mesure qu’il a posé les enjeux s’épuise. Il connaît une lourde chute après la sortie de pyramide en format bande-dessinée, avec des moments longuets voire assez nuls comme les batailles impliquant Darmon. Le final est assez pauvre et trop centré sur les petites personnes des participants ou du moins leurs personnages sociaux. (58)

Vu en salles à sa sortie et plusieurs fois depuis. Revu pendant le dernier trimestre 2019.

Topaz / L’étau ** (USA 1969) : De jolies scènes (la fille s’évanouissant dans sa robe violette, les grosses manifestations soviétiques), mais des interprétations douteuses, un scénario et un rythme flottants. On peut y voir la contradiction de James Bond mais l’agent principal est un OSS 117 insipide. On assiste à des scènes lentes et laborieuses plutôt que de démonstrations hautement ‘réalistes’. Politiquement le niveau ne dépasse pas la mesquinerie (envers des représentants français) mais il faudrait être un anti-américain susceptible ou un sympathisant socialo-communiste pour en être remué – même s’il est facile de se sentir plus concerné que ces guerilleros mollassons. La partie romance est encore plus fadasse et inepte. Probablement le moins bon de la carrière d’Hitchcock qui approchait de son terme – heureusement les ultimes opus bénéficient de leur relative extravagance – ou vulgarité (Frenzy particulièrement). (44)

Vu une fois en 2014 ou avant, revu en novembre 2019.

Ravenous / Vorace *** (USA 1999) : Malin et bizarre. Palabre sur la transgression et l’égoïsme viscéral, avec quelques sorties brûlantes comme « La normalité, le dernier bastion des lâches ». Une certaine légèreté et ses façons de ‘huis-clos’ interdisent d’aller au bout des ses raisonnements odieux et encourage le flou artistique dans le scénario. (64) 

Vu une fois il y a dix-onze ans.

Inland Empire ** (USA 2006) : C’était le moins bon et le moins stimulant à mes yeux à l’époque, en-dessous d’opus plus classiques ou renommés qui ne m’ont que modérément touché. C’est probablement normal que son réalisateur ait pris des distances avec le cinéma par la suite, tant il semble avoir fait le tour du medium ou de ce qu’il pouvait en triturer (à moins bien sûr de régresser vers du Godard ou du Cavalier). Le style Lynch semble sacrifié au profit de quelque chose de plus ‘cosy’, jusqu’au générique de fin annihilant toute magie du cinéma. Même si aujourd’hui le film se suit relativement facilement, probablement car il rejoint un genre de bidouillages presque courant, il contient trop de redites par rapport aux œuvres ultérieures et seul son mystère trompe l’ennui. (62)

Vu partiellement sinon totalement, pas plus de quatre ans après sa sortie. Revu sur Mubi en décembre 2019.

MINI CRITIQUES MUBI 6 (2019-2/2)

3 Jan

Seconde et dernière partie des mini de 2019 pour Mubi. Dernier semestre nettement moins rempli.

Sogongnyeo / Microhabitat ** (Corée du Sud 2018) : Sentimental opérationnel centré sur les difficultés à s’installer en vie d’adulte de coréens aux alentours de 30 ans. Problèmes de logement, de ‘rangement’ de soi et de marginalité douce. Sur le sujet Dream Home m’avait marqué ; bien sûr il y a aussi le tout frais Parasite. Plusieurs niveaux de comique et de l’empathie pour la protagoniste un peu ‘paumée’ de nature. (58)

Suggestions : Sans toit ni loi, Burning.

Bure Baruta / Baril de poudre / Cabaret Balkan ** (Serbie/Macédoine 1998) : L’Europe de l’Est aime pondre des farces sinistres ; celle-ci est plus ludique et dispersée que Filantropica (le ‘chef-d’œuvre’ de l’industrie roumaine). Focus, en une nuit et des poussières, sur une galerie d’amochés et d’excités, d’escrocs et de victimes. Dans Belgrade à l’époque où elle tenait une forme médiocre. Superficiel et fracassant. Pourrait plaire à Tarantino et à la fraction moins ‘gregarious nerd’ de son public. Serait tiré d’une pièce yougoslave de 1995. Mubi le proposait sous son nom américain ‘Cabaret Balkan’. (58)

Suggestions : Seul contre tous.

Walk the Walk * (USA 1970) : Un film psychédélique égaré jusqu’à sa restauration par l’équipe du ‘ByNWR’ (attachée à des nanars, films bis ou obscurs généralement de cette époque – l’enfance du réalisateur de Drive et Bronson). Bavard, un peu confus dans l’action et niais dans les propos. Difficile à suivre mais pas tant qu’Orgy of the Dead grâce à sa variété de ressources. Contexte underground avec des hippies déterminés et leur nouvel establishment (mariage, morale, coutumes). Un film pour voir gens se droguer, se livrer à la débauche, se complaire dans leur sentiment d’exclusion, de perdition ou simplement de transgression, puis aussi être aux prises avec le doute, la tristesse, une supposée vocation tragique. (26)

Sarah joue un loup-garou ** (Suisse 2017) : Suit une fille de 17 ans en plein égarement existentiel, désireuse de fuir, de préférence avec un ou une autre qui la comprenne. Dans une solitude psychologique large, mais aliénée par son entourage et en premier lieu sa famille (père narcissique, réactions curieuses, ambiances incestueuses). (58)

Ma mère ** (France 2004) : Accumulation de scènes de transgressions, presque toutes odieuses. De rares intermèdes le museau en l’air et l’humeur introspective. On en profite pas car les énoncés de Louis Garrel sont incompréhensibles. Même hors de son cas les problèmes de son sont récurrents. Mise en scène crue, on peut pas dire que ce cloaque soit esthétisé – sinon par son cadre géographique (îles Canaries). Loin d’être génial mais sûrement lynché à tort – sauf que je n’ai pas lu Bataille. (52)

Faust **** (Allemagne 1926) : à revoir, critique éventuelle. (8+)

L’enfant secret * (France 1979) : Le « vive l’anarchie » de poivrot amorphe aigri au lancement est à prendre comme un avertissement. Le protagoniste ânonnera des niaiseries : oui, « l’exil intérieur », c’est bien, tu sais placer de grandes et belles notions ! Pas de chance, l’écrasante majorité des humains est outillée pour comprendre, mais c’est pas grave poursuis sur ta voie de l’expérimentation visionnaire. Et puis comme la majorité des spectateurs d’un tel film est acquise d’avance, il n’y a pas de raison de mûrir un propos, travailler des dialogues, dans le sens du valide et de l’intelligible.

Garrel dirige n’importe comment, avec quand même de la ressource ; donc, des qualités pointent ; les analystes de complaisance n’en peuvent plus de tant de maîtrise ! Ce film doit posséder une valeur esthétique pour ceux qui l’ont découvert et décortiqué en contexte académique ; ou pour les amoureux de l’amour. Eux apprécieront de voir cette pauvre malade, ce brave amant en proie à mille petits tourments obscurs. Ces films-là veulent assister ces introvertis émouvants mais ne connaissent que des langages d’émotifs rongés et bloqués par une espèce d’intellectualité vide. Dans le monde de ces gens la concentration ou le retour vers soi signifient nécessairement ‘catatonie romantique’ avec jeunes gens ‘rebelles’ ou souffrants à deux de tension.

Par rapport à ça Le lit de la vierge était génial et prolifique. Mais hormis Le révélateur, Garrel pointe très bas à mes yeux ; j’ai peut-être eu le malheur de voir le pire, une période junkie prétentieuse par exemple ? (22)

Emerald Cities ** (USA 1983) : Très bien noté sur Mubi (3,7/5 avec 215 notes en fin de parcours), ce « byNWR » laissait un vague espoir. Demi-victoire, car c’est au-dessus de la moyenne, voire au second étage qualitatif de la collection. Deux versants : il observe des gens déglingués d’une façon un peu punk et décontractée ; enchaîne les extraits vidéo, issus de journaux télévisés ou de radio-trottoirs. Ces gens sont parfois ennuyants, les bouts de concerts sont finalement plus attrayants (grâce aux gueules et aux gesticulations des interprètes ; ensuite c’est affaire d’affinités). Le film veut certainement parler de politique mais semble y comprendre autant que les gens interrogés, soit que dalle. Heureusement ce politicard populiste centriste ou libertarien égaye la séance, sans quoi la valeur était juste celle d’un zapping poseur. Les amateurs de Strip-Tease et de cinéma underground pourront apprécier. Plus inégal que The Last Movie d’Hooper. (48)

Keep the river

Un crocodile tiré de ses méditations, bientôt décidé à bouffer du cannibale occasionnel !

Keep the River on Your Right : A Modern Cannibal Tale ** (USA 2000) : Une bien belle rencontre, d’un type aux expériences remarquables (et déviantes). Malheureusement ce documentaire, avec ses manières hyper douces, omet tout ce qui pourrait noircir ou simplement nuancer le tableau. Évidemment en premier lieu les actes de cannibalisme, mais surtout la façon dont ils se sont produits : avec une tribu, partie en bouffer une autre. Le film s’obstine à retarder ou éviter les précisions, se réoriente vers les considérations existentielles ou la gaudriole involontaire du passage à la télé. Si vraiment ce documentaire veut inviter à voir autrement, qu’il le fasse pleinement ; pas avec sa jolie carte postale aseptisante. Au lieu de ça il cite les réponses élégantes mais vaseuses de Tobias et ne va pas en chercher d’autres, ne l’interroge pas – ou plutôt, fait semblant et rapidement (manifestement les réalisateurs sont habiles). Idem pour la complaisance : soyez complaisants envers ce qu’est le bonhomme, mais pas envers ce qu’il présente ou ce qui est établi a-priori de lui-même ! Finalement cette séance potentiellement enrichissante et atypique s’avère une espèce d’hommage mou, une publicité visant à normaliser un cas et des faits extraordinaires (la tradition de circoncision bénéficie de la même indulgence souveraine). Tout ce qu’il en reste est un point de vue sceptique envers l’occident et la normalité, signé d’occidentaux naviguant entre New York et le tiers-monde luxuriant. Le tout sans avancer d’images ou d’arguments susceptibles de fâcher ou d’inquiéter – seulement l’ouverture, qui d’ailleurs peut générer les mêmes sentiments chez des gens spécialement ‘vigilants’. (54)

Nos héros sont morts ce soir ** (France 2013) : Démarre fort, patine à peine arrivé au milieu. Engage enfin les conflits avec la scène d’éclatage de face au bar puis celle où les deux amis se rabaissent mutuellement, mais continue à préférer ‘les scènes’ et les tableaux de son écorché à tout le reste. (58)

Suggestions : Les héros sont immortels/Guiraudie.

Trop tôt, trop tard * (France 1982) : Révolution trop tôt au Sud (colonies) et trop tard au Nord (chez les français). Dans la partie A on récite Engels auquel le film est dédié, puis dresse des comptabilités redondantes, sans plus d’analyse, tout en filmant des paysages bucoliques, champs et entrées de villages. La partie B) Mahmud Hussein (28e minute) s’intéresse au colonialisme Égypte et s’étend jusqu’aux cinq minutes d’archives en noir et blanc formant la conclusion. Les citations seront moins assommantes, la voix est relativement agréable. Ce film capture la réalité brute où l’humain ne fait que passer, ce que les autres n’affichent pas (dans les fictions) ou peu et moins (dans les autres documentaires de témoignages). Cette formule passive a parfois des vertus immersives, c’est le cas ici, où on conserve également une distance et n’a jamais à faire à des actions intenses ou compliquées, lorsqu’il y en a. La caméra rotative et la place donnée aux sons contextuels enrichissent cette approche végétative, même si les abus demeurent : cinq minutes plantés devant une probable sortie d’usine avec les passants et une atmosphère de marché aux puces ; quatre autres à voir deux petits groupes et d’autres types diversement affairés sur un chemin, frôlant la caméra pour la dépasser ; puis onze minutes à ‘flotter’ au-dessus de ce chemin de terre. Dans un cas comme celui-là c’est du tourisme relax.. ou de la surveillance désintéressée via drone. Le tandem de cinéastes marxistes a trouvé une parade honorable pour travestir ses faiblesses, sans trahir sa vocation. Il reste donc incapable de confronter l’Humanité, incapable d’envisager ses contradictions et d’accepter les nuances traversant tous, y compris les éclairés du dogme. Tout ce qu’on peut en tirer de solide politiquement n’est que ce vieux jus d’après lequel les petits-bourgeois seraient partout à prendre la relève des despotes antérieurs. (38)

Blizna / La cicatrice ** (Pologne 1976) : Comme Visconti (avec Bellissima) Kieslowski a démarré avec un film social crasseux sur les bords, montrant la corruption et les cartels dans son pays. Il est inondé de dialogues, la plupart très concrets, les autres abstraits et généralistes. Presque tous ont en commun d’être opaques ou lointains, car on ignore de quel dossier particulier il est question. L’ordre du jour et les combines se déroulent sous nos yeux ou plutôt sous nos oreilles mais nous ne savons pas de quoi il retourne finalement, sauf dans les grandes lignes de ce projet d’aménagement. S’agit-il de nous mettre en état d’impuissance abrutie comme l’étaient les sujets communistes ? Sur le fond aussi le film me laisse sceptique : voyons ce pauvre homme, contraint d’utiliser les outils de ses vils camarades, de pratiquer la purge ! Pauvre chevalier blanc entouré de pourris, respirant le pourri.. à tel point qu’on ne sait trop pour qui ou quoi il s’obstine ainsi à poursuivre le ‘bien’. On ne sait trop non plus en quoi ce ‘bien’ doit tellement en être un, ou pourquoi il serait si automatique (on se rapproche des films de gauche centriste fadasses pour ‘jeunes’ et joyeuses masses attardées comme il en pleut régulièrement – bien sûr le niveau de lucidité et de maturité est ici supérieur). Forcément notre preux camarade finalement se retire sur sa sphère privée, jouera sur son statut comme les autres, ou ne jouera rien (et après tout chez les soviets aussi on peut avoir de belles rentes). (48)

Le jardin des délices **** (Espagne 1970) : Sur une identité brisée que l’entourage tente de restaurer. Malheureusement l’intérêt financier et le pouvoir, certes mince et ‘provincial’, de la famille semble davantage motiver les équipes que l’affection pour l’homme – et l’admiration paraît inexistante, ou engloutie sous la raison de la concurrence ou les sentiments trop vifs des parents immédiats (comme ce fils ingrat lui attribuant ses fautes ou tentations manifestes). On flirte avec le surréalisme bien qu’on sache ou devine rapidement que les bizarreries soient dûes à un mélange de mise en scène de l’entourage et de souvenirs. La charge politique est limpide, la bourgeoisie locale s’affole en voyant son champion décrépit et ses associés (industriels) auront moins de scrupules à balayer les sentiments et traditions (ou pas de légitimité ni d’instinct pour les avoir comme masques). Dans les flash-back le richissisme amnésique tient des discours creux de pré-giscardien capitaliste. Signé Carlos Saura, bientôt auteur de Cria Cuervos. (78)

Elisa mon amour *** (Espagne 1977) : Accessible vu de loin, mais assez nébuleux finalement. Il maintient le doute et l’étend quant à la réalité de ces événements ; déjà dans Le jardin des délices, souvenirs et fantasmes se confondaient, mais cette fois l’intégrité de l’histoire est finalement sacrifiée au bénéfice de la retransmission générique des souvenirs et leurs recompositions, de la réparation de scènes et liens familiaux. (68)

Le hasard ** (Pologne 1981) : Malheureusement c’est aussi indécis, rigide et indulgent que son héros – un mix entre un jeune Macron et l’acteur d’Oslo 31 août. (62)

Brève histoire d’amour *** (Pologne 1988) : Une jolie histoire un brin lamentable. Les trois personnages principaux sont excellents. Trop court en tous points. Bonne mise en scène, inhabituellement épurée pour du Kieslowski. (72)

Général Idi Amin Dada *** (France 1974) : Des images assez précieuses qui rétrospectivement ne peuvent qu’amplifier la caricature, ou la compléter en soulignant la grande part de ‘parlotte’ candide du papa-dictateur. La mise en scène relève le niveau technique, avec quelques effets judicieux dans des moments critiques [de solitude ou de surcroît de fureur contenue du roi]. Les scènes sont très longues et peuvent donc mener à l’ennui, car les laïus du despote sont accablants à tous points de vue. Tourné par Schroeder (La vierge des tueurs, Maîtresse, JF partagerait appartement, Koko) avec des équipes de la chaîne télé française FR3. (66)

Je ne regrette rien de ma jeunesse ** (Japon 1946) : Plus explicitement la réalisation d’un américanophile (du cinéma), mais très pudique à un second niveau, avec une écriture radicalement verrouillée. Expressif, compositions de qualité, mais toujours difficilement accrocheur si on est pas très près du thème ou adepte de l’actrice principale. À moins qu’il soit d’autant plus frustrant dans ce cas, car le politique (le social moins) passe finalement pour un prétexte. Du Ozu mièvre, glamour et ‘limpide’ aurait peut-être ce goût-là. (58)

Tricheurs ** (France 1984) : Placide. Les acteurs secondaires se donnent du mal, le couple Ogier/Dutronc reste tranquille y compris pour jouer pics d’émotion ou emportements. Ce n’est pas assez vif ou déterminé pour sonner ‘théâtral’. Avec en plus ces enchaînements raides, ces plans larges dans des moments inopportuns (ou simplement laids), Schroeder montre une nouvelle fois ses limites de réalisateur et de directeur d’acteur. Malgré tout ces flottements ne manquent pas de charme grâce aux lieux de tournage, décors chics aujourd’hui ‘vintage’ ou même aux diverses postures humaines. Par rapport à Rien ne va plus les personnages sont peut-être plus engageants sur le papier mais en pratique ils sont encore plats et les acteurs sont beaucoup moins convaincants (spécialement Dutronc, surtout dans un versus avec Serrault). (56)

Une vie ** (France 1958) : Une adaptation de Maupassant par Astruc (déjà signataire du Rideau cramoisi tiré d’une nouvelle de Barbey d’Aurevilly). Bien propre, exécuté au mieux dans la mesure du possible (l’imitation de la mort dans le final ne prend pas), précis mais très partiel paraît-il. Je n’ai pas saisi ce que ce film apportait ou était censé apporter. Il peut ajouter une pierre à l’édifice des représentations de femmes aliénées, mais c’est bien tiède. (54)

Secrets et mensonges ** (UK 1996) : Voisine Kean Loach mais plus subtil et moins concluant. Excellent casting mais c’est un peu futile. On éclairera rien sur la conception – or si, c’est important, autant que le présent ou d’être réunis. Concernant l’obtention de la Palme, ça reste un peu aberrant, car le film n’a rien de brillant – peut-être qu’attribuer une fille noire à une femme blanche a envoûté le jury ? (62)

Trois couleurs : Blanc *** (France 1994) : N’atteint pas la joliesse et la prestance de Trois couleurs Bleu, mais m’a davantage convaincu et sans faiblir à terme. Les coups que se prend et surtout qu’accepte ce type rendent forcément la séance excellente. (74)

Trois couleurs : Rouge *** (France 1994) : Davantage de libertés dans les mouvements de caméra et l’introduction retraçant les ‘fils de la conversation’ – amène une proximité avec le cinéma de Jeunet. Excellente conclusion à la trilogie, malheureusement encore une fois avec Kieslowski je sent un plafond au moment où j’y adhère. Avec le recul Une brève histoire d’amour est peut-être le plus élégant. (72)

Le crime de monsieur Lange *** (France 1936) : À tous points de vue c’est un peu court mais j’apprécie ces petits films entre pathétique et satirique, qui contiennent beaucoup, témoignent de mœurs (et, pour nous un siècle après, d’une époque) et de rapports de force ou simplement d’humanités. Le numéro de Jules Berry, propre à ces temps-là et improbable aujourd’hui, engendre un méchant truculent – assez pour donner envie de pardonner les petits sacrifices en vraisemblance à la fin. Globalement le film cultive les qualités de la naïveté, l’utilise certainement pour mieux orienter vers des affinités idéologiques et des sympathies mutualistes (sinon carrément socialistes ?). (66)

Le déjeuner sur l’herbe *** (France 1959) : voir la critique. (68)

La tentation d’Isabelle * (France 1990) : Film romantique inepte. Réalisation inégale, acteurs valables pour des personnages à la fois caricaturaux et imbitables. Ça remue, ça fout quelques acteurs nus et met des grossièretés dans leur bouche pour ‘faire’ passionné, sauf que c’est trop décousu et théâtral pour qu’on y croit ou me donner envie d’aimer. (28)

LA ROUTE +

25 Fév

John Hillcoat est l’auteur d’un cinéma classiciste, incisif et limpide, envisageant avec simplicité l’essence de l’homme (de la rudesse mainstream de La Proposition à la simplicité flamboyante de Lawless), ostensiblement acquis à l’idée que la nature et en particulier la sienne le rattrape et le précède toujours. Un cinéma organique, philosophiquement essentialiste et conservateur dans la pratique, dont le fatalisme est nuancé par une certaine joie, une sérénité. La Route n’affiche pas, dans son ensemble, la même confiance ; au contraire, cette adaptation d’un roman de Cormac McCarthy plonge le spectateur dans un contexte post-apocalyptique où un père et son fils garantissent leur survie sans autre but, simultanément en proie à une morosité interne et à l’angoisse liée à un environnement terne et assassin. La candeur, l’élan à faire le bien de l’enfant sont un contraste lumineux par rapport aux paysages ravagés d’où surgissent des prédateurs affamés et victimes égoïstes ; mais il n’est qu’un leurre délétère et comme tout désir fraternel s’introduisant là où n’est question que de survie, il ne fait que précipiter vers un plus grand vertige face à son dépouillement global. Pour autant, cette aspiration au dépassement s’avère la meilleure des vertus et la condition de la croissance.

La préoccupation fondamentale dans La Route, c’est la condition humaine réelle ; la dévastation, le chaos ne font que la mettre en relief. En l’absence de civilisation, l’homme n’est plus qu’un animal errant – quand bien même il jouit de facultés mentales optimales. Sans culture ni lien social, il est simplement fonctionnel ; si le troupeau ne l’aliène plus, c’est la nature furieuse et indifférente qui le harcèle et l’emporte dans ses tourments. Cette vision, relativisant les valeurs et les croyances de société, tout en assimilant leur imprégnation, mais aussi en leur accordant des intentions lumineuses, concilie deux prises de conscience. Celle, d’abord, d’une certaine virginité, voir d’une vacuité originelle et viscérale ; avec la reconnaissance que la construction d’une identité sur la base d’intérêts et de perspectives communes permet la mise en forme de l’individu, l’arrachant à la confusion mais aussi au parasitisme.

Le cas échéant, c’est la guerre de tous contre tous. Sans ordre commun ni concessions réciproques permettant un équilibre structurel, il n’y a qu’une humanité paranoïaque, remplie de faibles gonflant le torse, attaquant pour ne pas être décimé, avec au milieu la re-formation de quelques hordes primitives. La Route envisage le monde comme un territoire menacé ; la constitution d’une société comme une exigence, qu’elle soit un mal ou bien ; la morale non strictement comme une construction mais comme l’émanation d’un épanchement sincère de l’âme.

Pour l’auteur du roman et pour le cinéaste, il ne s’agit pas d’évoquer comme le poids d’une société peut causer du tort (elle n’existe pas là où nous atterrissons) ; il s’agit d’aller à la source, là où tout est déconstruit et il ne reste qu’à explorer, mais sans aucun moyen ni de s’approprier ni de forger les éléments du monde. Le regard est profondément individualiste tout en réfutant l’idée d’une  »liberté » innée, dévoilant comme ce postulat est évanescent. Sitôt qu’il se heurte à la pratique du réel, une seule chose compte : que puis-je maîtriser ?

Matérialiste et métaphysique, La Route est comme navré de ne pouvoir se fixer aucun idéal, mais dans le même temps, un vœu de transcendance, ainsi que l’intuition de régularités universelles, habitent le film et ses personnages. Une conception du monde se joue, par-delà la stimulation de l’instinct de survie et la confrontation aux impératifs primaires, ceux qui précèdent et modulent l’action de chacun.

Il y a aussi un constat absurde, entre optimisme et raison anxiogène : d’une part, le regard est rationnel et instinctif, percevant la sécheresse d’un monde indompté avec éclat. D’une autre, l’acte de fonder, un groupe, une unité sociale, à terme une civilisation, est perçu comme un triomphe de la volonté et de la chaleur humaine ; l’éveil de la passion est chéri parce qu’il apparaît comme la solution permettant la trahison de la misère d’être venu au monde sans passé et sans avenir. Intrinsèquement, l’œuvre envisage qu’un mélange d’idéalisme spontané et de résignation bienveillante (d’un angle négatif, on parlera d’hypocrisie ou d’opportunisme) est nécessaire à l’accouchement d’une structure par laquelle l’homme est sécurisé, valide et prompt à s’épanouir.

Note globale 82

Page Allocine

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Aspects défavorables

Aspects favorables

* ceux qui croient que l’homme n’est pas pré-déterminé seront heurtés à leur pire cauchemar

* joyau brut et chef-d’œuvre métaphysique et essentialiste

* une conception de l’homme, de la nature, de la société, qui n’est  »pessimiste » que dans l’œil de ceux qui choisissent de le percevoir ainsi

* invite dans un monde nu, vierge et horizontal, où le désir d’édifier est un idéal doublé d’une exigence

* solennité, entre fable spirituelle et rude action-movie

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Voir l’index cinéma de Zogarok

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