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Florilège des Chansons et Clips de Gilles Dor

9 Juil

Florilège des morceaux les plus jouissifs conçus par Gilles Dor. Si vous n’êtes pas un prolo, pensez à le soutenir financièrement car moins de charge mentale financière sur Gillou = plus d’occasions pour lui de nous pondre de la belle ouvrage.

Je passe les titres trop sérieux ou quelconques, comme C’est beau l’amour, Termine moi ou You ; également ceux finalement assez qualitatifs et poétiques mais peu entraînants comme Je t’aime ou Heureusement. Laissons aussi de côté ceux qui contiennent une énormité mais sont assez ternes sur la durée, tel Tu veux être mon plan Q je veux être ton plan cœur ou encore Le plastique (superbes paroles), l’ennuyeuse Les indiens ont gagné (où Gilles se déguise en mix [corrosif mais gavé d’anti-psychotique] de Randy de South Park et Dieudonné) ou la déconcertante (clip à l’appui) Beachgirl. On peut tout de même jeter un œil à ses hymnes Utopie (homonyme de son album sorti en 2018) et Paix sur la Terre (dont le clip figurerait assez haut dans un Top Doré), mais aussi au délicat Chercheur d’Orgasme ou à son morceau trance On veut du s*** (dont le clip bat des records de dégueulasserie). Enfin j’ignore la plupart de ses morceaux anciens, ceux du Gilles arrondi des années 70-80, parfois lugubres ou ronflantes, même si Apartheid tout le Mandela (1987) comme performance doit approcher le climax de sa carrière puisqu’il s’est comporté en Michael de The Office dans une cérémonie officielle en prononçant cette réplique que n’importe quel autre individu ne peut prononcer sans se mordre les lèvres.

Un bon quart des titres retenus (et la moitié de ceux de l’étape finale) sont des fondamentaux issus de la période faste du Disque Dor, l’album avec lequel BigGill est sorti de sa réserve – artistique – en 2016.

Les bons coups (10 titres) :

Préliminaires : Ce son va vous écorcher. Avant-goût de Silence.

https://www.youtube.com/watch?v=fTWEgyYqFHU

T’es pas rentable : Des paroles dures mais justes qui sonnent comme une revanche ! Un peu mou et démoralisant sur la durée, elle est à la limite d’intégrer ce florilège (minimalisme de la vidéo aidant, comme pour Lâchez).

https://www.youtube.com/watch?v=HSDFZKpjzDE

Lâchez les musulmans : Gillou protecteur ne va pas laisser les prédateurs mettre un « croissant jaune » sur les immigrés. Amateurs de dividende et de race aryenne : il vous voit ! Et nous suivront son doigt. Les mauvais esprits pourraient penser ‘Ces paroles sont un torrent de clichés gauchistes’… Je déplore un amalgame arabe – musulman mais le pardonne car l’intention est bienveillante.

https://www.youtube.com/watch?v=w_5Sh81SBBs

Glace d’été : Notre boomer de plage préféré nous invite à le lécher, sucer, nous laisser inonder sans arrière-pensée. Pour des prolongations consultez Je suis ton bout de chocolat croque moi.

https://www.youtube.com/watch?v=5zslGgXiacM

L’avenir appartient à ceux qui se soulèvent tôt : Digne d’un slogan de 68 ! De quoi faire tenir une chanson de trois minutes. Même pas besoin de clip ou d’émojis.

https://www.youtube.com/watch?v=GAg-e5-EL6Y

Ma sextape au port de Dieppe : Où Gilles nous rappelle que la pudeur est une valeur de petit-bourgeois moribond. Ambiance envoûtante et nostalgique.

https://www.youtube.com/watch?v=3sdAYeMUPg0

La vérité sort de la bouche d’un enfant : C’est ce que vous croyez.

https://www.youtube.com/watch?v=6swBd1v6CJk

La danse des vacances : Reboot du classique poussiéreux La danse des canards, où Gilles prend probablement de court Patrick Sébastien et se prépare un destin dans les campings. Attention si ‘très nul’ est possible on y est. Les va-et-vient de la caméra vers un Gilles mi-éteint mi-sévère instaurent un malaise unique mais assez léger comme on commence à le connaître.

https://www.youtube.com/watch?v=ZUHUM2rO_kg

Liberté égalité fraternité sodomisé : Un des morceaux de la fin de période ‘Disque Dor’ où le goût de Gilles pour le rock franchouille brutalement ringard atteint son apothéose. Si la prochaine édition pouvait inclure un Mocky sur mobylette je saluerais l’effort.

https://www.youtube.com/watch?v=uoUO_PiW5I0

Un jour viendra couleur vodka orange : La fameuse (avec laquelle il a ré-émergé en 2014), dans l’ombre des miracles du ‘Disque Dor’ (2016) pour moi, mais avec du retard j’en prend doucement le goût – j’adore par bribes, me lasse au-delà.

https://www.youtube.com/watch?v=5-SHNjRhY9E

Les gros morceaux (10 titres, tout à partir d’ici est à découvrir impérativement) :

Fâchés mais pas fachos : Gillou dit aux fâcheux leurs quatre vérités. Utile pour mon éducation, je suis un élève dissipé. Les paroles sont triviales et encore plus politiquement caricaturales que dans Lâchez, mais la ritournelle est imparable ; ce titre est tout de même un peu faible par rapport aux autres et sa place pourrait lui être disputé par Glace d’été, Préliminaires ou éventuellement Ma sextape.

https://www.youtube.com/watch?v=EN1CGMw0l6g

Pas celles qu’on croit : Un de ces titres où Gilles balance ! Sans vergogne il nous postillonne la vérité sur les vraies PUTES de ce monde !

https://www.youtube.com/watch?v=s8t7YhUVHvA

Allez les jeunes changez le monde : Un son entraînant, dramatique et exalté, où on ne sait trop si le clip veut indigner ou intimider la nouvelle vague de révoltés.

https://www.youtube.com/watch?v=b2Ik82ssUsY

Aujourd’hui je ne vais pas travailler : Ce morceau prodigieusement cool doit être le seul aimable sans jamais être drôle ou grotesque (hormis peut-être la transition vers le ‘Oh-oh-oh’ criard). Le vrai plaisir coupable. Argument d’un single de 1984, c’est le seul ancien que je retiens !

https://www.youtube.com/watch?v=xLdGakTU6zA

S contre S : Gilles attaque et smacke l’oreille de son auditeur sans précaution. Euphorie et nausée garanties. Une abomination expérimentale capable de vous rendre accroc, qui avec du recul fait penser à certains exploits de Philippe Katerine (auquel on doit Musique d’ordinateur).

https://www.youtube.com/watch?v=cCsFNy41zLw

Silence : Les rigolos qui voient en Gilles un amuseur public vont être remis à leur place. Voici le morceau le plus poignant de la Disqdorgraphie. Vous n’êtes pas prêts. Personne ne l’est. Personne ne veut entendre ce que Gilles doit nous confesser.

https://www.youtube.com/watch?v=JVVQWD3a2ac

Homo ti amo : Embrasser les clichés pour mieux les ni**er ! Lesbiennes faites un effort et recevez le message – il ne vous veut que du bien.

https://www.youtube.com/watch?v=XqKMMhFWyOo

Ferme ta gueule pour voir… ah ouais c’est mieux : Clip légendaire. Gilles donne tout(e sa garde-robe) et part en guerre contre ses némésis politiciennes (en 2006, c’était Sarkozy). Seul problème : je suis surpris, naturellement en mal, de découvrir un Gilles un peu oppressif et primaire à l’égard de Laurence Ferrari.

https://www.youtube.com/watch?v=oh6JBgMyrEs

Je t’aime ne pars pas : Abattu il nous livre sa détresse et s’oublie devant son miroir. Glauque et désarmant. Celui qui n’éprouve pas de tendresse pour Gilles après ça… n’a probablement pas vu ses autres clips ! Quoiqu’il arrive c’est un de ces moments qui nous font apprécier Gilles aussi comme personne.

https://www.youtube.com/watch?v=uhs3vBhGJ8s

B… je veux te ken : L’album ‘J’aDor‘ de 2021 s’ouvre sur cette petite merveille post-rock rondoudou-viking. Notre Gilles semble plein de bière du nord et d’enthousiasme viril au milieu de cette brume. Vous en sortirez bleu bleu BLEU bleu bleu BLEUUUH de bonheur. J’ai failli la classer au sommet, mais Mets les voiles est quand même plus profonde et durable.

https://www.youtube.com/watch?v=uwdYw6zQQng

La putain de crème dans le [haut du] panier (10 titres) :

Maillots mouillés chaud chaud l’été : Il en faudra des Barry White pour [garder le pouvoir de] dilater derrière ça ! Gillou a frôlé la Claude-François pour nous émoustiller ! Il en a tiré son avatar YT. Je dois reconnaître que ce titre et surtout… ce clip !… donnent chaud. Les termes et les images sont violents. Cet instant sensuel dont on ne sort pas le prépuce indemne me fait penser à une version normale et ensoleillée du Temps de B de Jean-Louis Costes. Les gens capables de dire « gneuh personne peut bander en écoutant une musique » alors qu’on leur inflige ça… vous ne vous trompez pas vous-mêmes !

https://www.youtube.com/watch?v=rdIZxI-0EGg

Sortez les gays du ghetto : DTC la modération des pleutres avec ces paroles épiques et le chœur sur-aigu de démon [complice] au supplice. Les peignes-culs réacs avec votre dignité naphtalinée, vous allez faire quoi ?!

https://www.youtube.com/watch?v=s–wLKxJ6RQ

La femme est l’égale de l’homme : Le sommet de tentative – pardon de déclaration de respect à la femme. Je ne vois pas en quoi le clip transpirerait la démence, j’entends simplement l’urgence de mettre fin LÀ TOUT DE SUITE aux féminicides.

https://www.youtube.com/watch?v=ulKoMyK1pa4

Mets les voiles au lieu de mettre le voile : Gilles notre Christ de la libération du Q. Au début c’était mon morceau préféré loin devant les autres, mais sept minutes c’est trop. Comme Ferme ta gueule pour voir et Chercheur d’orgasme ce titre est sorti en 2006 au sein de son album Excès Langoureux (confirmé par Wikimonde et par le clip).

https://www.youtube.com/watch?v=4RXCb-Xoo7Q

Envoie moi un nu*e : Ça sent l’envie pressante. Impossible pour moi de ne pas penser lors du refrain à une rafale de gros.ses d’âge mûr en train de débouler en string et combo satinée avec le plus généreux sourire de leur vie. Qu’on en fasse l’hymne des Ehpad de France !

https://www.youtube.com/watch?v=FooxzTRGj-I

Blanc sans le n ça fait black : L’hymne ultime de Gilles Dor et la vidéo mise en avant sur sa page. Si vous ne devez en écouter qu’une avec une approche d’anthropologue c’est celle-là (ou Mets les voiles). La version sans lunettes noires où on voit l’âme claire de Gilles a ma préférence.

https://www.youtube.com/watch?v=4VfD_jtVv6c

La jeune femme blanche : Surenchère bouleversante. La ritournelle du « p’tit – bébé – noir » m’accompagne plus que de raison. Objectivement c’est mineur (comme celles qui vont clore ce florilège) et in-présentable mais je ne m’en suis jamais remis.

https://www.youtube.com/watch?v=rabYEjUkTyc

Il te prend pour une Barbie : Cette chanson et son clip sont magiques. Je ne comprends pas les femmes qui auraient des réserves à ce stade… êtes-vous faites de pierre ?

https://www.youtube.com/watch?v=VUaAA3LC2lU

Faire du fric : La mélodie donne le tournis, les paroles ne cessent de repousser les limites… Hypnotisant.

https://www.youtube.com/watch?v=SDLkeQynwYs

Je ne suis pas Brigitte Bardot : Horreur il a disparu. Probablement car politisé à chaque phrase et trop glissant (bien que réalisée apparemment en réaction à la révolution de jasmin de 2011) – ou simplement le chanteur l’a jugée non présentable après 2016. Gilles y donnait de la voix, devenait lyrique et se mettait non-littéralement à poil.

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THE INTRUDER ***

20 Mai

Film politique donc atypique de la part du bisseux Corman, en tant que réalisateur (alors attelé à la confection de l’improbable Créature de la mer hantée et surtout à son cycle Poe avec L’enterré vivant). Nous sommes quelques années avant les rafales massives (avec en tête Dans la chaleur de la nuit en 1967) mais il y a encore peu de films sur la ségrégation (The defiant ones aka La chaîne en 1958). Celui-ci est un film de blanc, pas charlie-charlie, pas débile, même largement lucide, pas paternaliste à l’égard de ceux qu’il défend (mais ne donnant aux noirs qu’une faible part d’exposition et d’expression) ; simplement candide, manquant de perspective historique sérieuse, enchaîné à une conscience raciale médiocre qui ne permet pas de voir au-delà des disharmonies présentes et de vouloir aplanir la table.

Néanmoins c’est prenant et sur le plan humain assez génial. Malgré un certain grotesque pour les anonymes voire pour les principaux, les personnages sont multidimensionnels, représentés au-delà de la morale, embarrassants pour la cause propre du film (comme dans le réjouissant échec Scandale/Bombshell). L’orientation politique et l’idéal sont flagrants, mais ne servent pas une chape abrutissante, ne deviennent pas un outil punitif ou simplement écrasant. Les caractères se révèlent sans devenir aberrants : comme dans les meilleurs moments dramatiques, ils s’affinent brutalement, redeviennent entiers et sincères sous la pression. Notre salaud est une pieuvre narcissique mouton VRP d’abord, tribun ensuite, loup perdu au fond. Il y a chez ce type une déraison vivifiante, ou simplement séduisante ; son respect des codes et sa politesse s’évanouissent pour laisser place à une individualité affirmant ‘tout haut ce que chacun pense -ou ressent- tout bas’. Il pousse à la faute celles et ceux qui n’en peuvent plus de se contenir et d’honorer le consensus ; ceux qui respectent leurs serments et la loi mais en crèvent doucement.

Malheureusement ces vertus contradictoires ne suppriment pas les défauts de fabrication : le cadre reste limité sur tous les plans, tout se passe ou semble se passer en une poignée de jours et la situation change drastiquement en un clin-d’œil à plusieurs reprises. Le sacrifice probable de l’incendie d’Église et la mort du prêtre, quelquefois évoqués et laconiquement montrés sur la copie distribuée par Carlotta (diffusée sur arte), n’aident pas [à garantir l’irréprochabilité de la seule narration ; mais la démonstration n’en est pas gênée, au contraire elle s’épargne un excès] – effet d’une censure, des petits moyens (responsables de cette conclusion sous la balançoire ?) ou bien cette séquence a simplement été bâclée en raison des ambiguïtés du tournage dans une ambiance sudiste authentique ?

Et surtout l’alchimie repose sur un mélange de cheap et d’intelligence, des considérations générales toutes en distanciation mais un lot généreux d’amalgames des ‘mauvaises’ orientations. Finalement l’incapacité à entrevoir la vérité du camp honni l’emporte comme dans n’importe quelle pensée ou production militante commune ; en contrepartie pour tenir cet angle mort à sa place, The Intruder compte sur la déresponsabilisation des gueux et un beau transgresseur pour diable. Comme toute bonne œuvre progressiste ou complotiste, elle prétend que les succès d’un ou de l’autre ‘camp’ ne peuvent être dues qu’à des arnaques ou des accidents mais pas des formes inférieures d’humanité (ou d’une infériorité essentiellement ‘éthique’ ou de surface, culturelle à la rigueur) ; l’évitement de ce biais courant atteste d’une générosité humaniste.

Note globale 66

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Suggestions… Naked Kiss/Police Spéciale + Mississippi Burning + Naissance d’une Nation + Blackkklansman + Body Snatchers

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LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT +

24 Avr

la prisonnière du désert

Parmi les westerns de John Ford, il est souvent considéré comme le chef-d’œuvre. Si on met de côté les plus fameux de Leone comme Il était une fois dans l’Ouest, qui ne sont pas des westerns de puristes, La prisonnière du désert est donc le western de référence, le climax de tout le western pré-spaghetti, des années 1900 à 1960. Temps des puristes, donc, mais The Searchers appartient déjà à la catégorie des westerns dits modernes, plus complexes et incisifs, voir des westerns baroques, où la psychologie occupe une place importante.

Sur le fond comme dans le ton, The Searchers marque une rupture nette avec l’euphorie habituelle. Il est très sombre et même violent par rapport à La rivière rouge, La chevauchée fantastique et tous les autres (même si les films de Leone dix à quinze ans plus tard balaieront automatiquement ce plafond). La figure du héros de western est chamboulée et John Wayne prête ses traits à Ethan, personnage enfermé dans des ornières, assez mesquin, froidement dominateur sous ses allures de shérif juste.

Il embrasse une cause perdue pour atteindre une vengeance personnelle et est poussé par l’amertume et la jalousie. Ford met en relief le mur entre les races mais aussi le dépassement progressif des suspicions. La relation de Martin avec une Indienne suscite des troubles, l’apprentissage de la sagesse nuance le racisme méprisant d’Ethan le cynique, les Indiens sont eux aussi de vaillants traditionalistes, ils sont également d’excellents hôtes et des négociants francs.

Beaucoup d’action et de confrontations d’acteurs sont au programme. Contrairement à d’autres westerns d’époque où le poids du tournage en studio est manifeste, La prisonnière du désert permet de largement profiter de paysages variés et remarquables. La mise en scène tend à l’expressionnisme, se veut calme et édifiante, avec le plus souvent des plans généraux, quelquefois de légères contre-plongées. Elle est ponctuée de petites envolées lors d’une poignée de séquence d’action, tandis que le final ( »Cavalier, prisonnier ») propose un point de vue audacieux. Cette focalisation sur John Wayne depuis une caméra en intérieur est l’un des plans les plus marquants du cinéma de Ford.

John Ford avait alors mis de côté le western depuis 1950 et Rio Grande (dernier opus de la trilogie de la cavalerie). Il y revient de manière plutôt féroce, bien conscient de s’engager dans « une épopée psychologique » en dissonance avec les formes classiques. Quelques années plus tard, en 1962, L’homme qui tua Liberty Valance sera l’un de ses derniers films et signera l’embaumement de cet Ouest mythologique. Maintenant que sa sauvagerie est devenue manifeste, Ford se sent moins enclin à s’en servir d’appui pour ses contes. Il exprime ici sa sympathie pour les Indiens d’Amérique, sympathie tardive qui va cependant occuper toute sa fin de carrière, son ultime western étant un film à leur gloire, Les Cheyennes (1964).

Note globale 76

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Suggestions… Le train sifflera trois fois 

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WELCOME **

18 Fév

2sur5 Contrairement à Le Havre, ce film essaie d’être réaliste et ne se confond pas en niaiseries. Au lieu de fantasmer carrément, il se contente de multiplier les approximations et d’exagérer sans tambouriner pour amalgamer l’ennemi avec un régime policier. Ce qu’il contient de misérabiliste n’est pas théâtral ou unilatéralement flatteur pour l’ego et la pureté supposés de l’hôte européen en lutte contre le Mal et ses vils concitoyens ; l’étranger n’est pas réduit à une espèce d’ET sympathique, coopératif et exclusif. Welcome réussi à placer le spectateur en position de responsabilité, à s’imaginer lâcher ou trancher avec sur les bras des éléments de contexte lourds ou contraignants, peut-être en commettant les erreurs ou en éprouvant les ambiguïtés affichées à l’écran.

Il se rapproche du documentaire ou reportage non-sensationnaliste sur certains points (tout le début avec les passages en camion). Globalement, c’est regardable voire appréciable même si on est fatigué de la propagande pro-migrants – ce film-là a des qualités d’humanité et d’exécution, situe la barre loin des enjeux de remplacement et ne se soucie pas directement d’appels à l’ingérence. Même Lindon, l’écorché agressif-parfois mais sensible au-fond et épris de justice, n’est pas exaspérant cette fois-ci – s’est-il rattrapé sur les plateaux télé lors de la promotion ?

Pour autant le poison récurrent est bien présent et à haute dose, simplement plus nuancées. Les excès typiques des humanitaristes et des cosmopolites restent bien sûr de la partie ; le cher point Godwin arrive au bout de 30 minutes, au supermarché où une fille se réfère à l’Histoire pour défendre la Générosité et le Bien : ‘l’interdiction d’entrée dans les magasins, c’est comme ça que ça commence’ ! Bien sûr les geôliers ne sont pas des sadiques ravis, les jeunes migrants ne sont pas des anges en communion et le peuple de l’amour universel et du progrès manque de courage, mais toutes ces couches de gris n’affectent pas l’idéal et le jugement de fond ; aussi Welcome est bien de l’avis de cette bonne dame et dénonce le ‘délit de solidarité’ (en interview le réalisateur a été au bout en commettant le parallèle final [avec les Juifs cachés sous l’Occupation]).

Puis nous avons les procès en lâcheté et les stéréotypes ou accusations qu’on décrétera soit fondés sur des fantasmes, soit du rigorisme ou du matérialisme idiot. Ainsi, même les gens prenant la défense des malheureux migrants sont nourris de préjugés à leur encontre ; Lindon, à fleur de peau, après une déception accuse son invité de l’avoir volé ; son ex-épouse, inquiète du sort de son Simon, lui recommande ‘d’arrêter avec ce truc trop risqué’ malgré ses petites envolées chaleureuses dignes du Clavier médiatique d’À bras ouverts. À ces déviances sont opposées la rédemption du maître-nageur égoïste et tout simplement sa redécouverte du goût de la vie.

Note globale 46

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Suggestions… Ceux qui travaillent + Eastern Boys + Le grand bain + Moi Daniel Blake + La vache + Le passé

Les+

  • subtil et ‘angle large’ pour un film engagé et pire ‘de conviction’
  • pas de grave défaut de conception
  • modérément prenant, aidé par son approche ‘humaine’ bien que clairement politique

Les-

  • dialogues parfois pompeux et souvent caricaturaux
  • la musique malgré sa discrétion n’est pas ‘dans les zones de gris’
  • banal et lourd dans l’ensemble surtout passé la mise en place
  • même si les deux protagonistes parlent lentement en anglais, avec leurs accents (surtout celui de Simon) c’est épuisant de les suivre et les comprendre

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MA VIE DE RÉAC (BD) **

13 Août

2sur5  Sur les appréciations du réac comme sur ses sujets, cette BD adopte un point de vue primaire. Elle donne en pâture un réac en mode ‘grincheux et réfractaire’. Il est nuisible à sa cause car superficiel et guidé principalement par ses sentiments et impressions, dans une moindre mesure ses expériences, presque jamais par la recherche ou la raison : en même temps il a le mérite de porter une parole endormie voire évanouie là où il se trouve. C’est un de ces types qui même dans les choses du quotidien exprime sa polarité réac ; en fait c’est simplement un mode d’affirmation comme un autre, ce que souligne la planche post-psychanalyse. La mauvaise foi à l’œuvre est d’ailleurs la meilleure arme humoristique de cette franchise ; en bonus, avec elle les doutes et les débats perdent prise.

Ce n’est pas du niveau de caractérisations d’À bras ouverts mais c’en est proche, la retenue (et un degré supérieur d’entendement) maintenant une marge confortable. Le catalogue zemmourien est passé en revue mais pas plus loin que les gros titres des chroniques sur RTL – et sans aller du côté des scandales (sauf par l’évocation des attentats et le viol du ‘padamalgam’), de l’Histoire, ou des graves clivages idéologiques. S’agit-il d’indulgence, de prudence ou d’indifférence ? Je ne me risquerais pas à trancher alors que l’auteur ne peut y arriver, peut-être pris dans un conflit de loyautés (sociales et intellectuelles).

Ce qui rend ce dégarni contestataire à la fois insipide et intéressant est son appartenance au monde du progressisme et du politiquement correct. Ce mâle blanc cis hétéro chauve néanmoins valide à lunettes est bien un réactionnaire mais il l’est avant tout dans le discours et certains comportements oppositionnels stériles. Ses références restent celles d’un univers post-moderne BCBG ou social-démocrate/sous-libéral aseptisé. Il est davantage un mec qui ‘réagit’, refuse généralement les innovations, qu’un droitard profond (une sorte de vieux prof comme Luchini Dans la maison d’Ozon) ; on peut le prendre en sens inverse et supposer qu’il part de loin (depuis son milieu urbain et gauchisé) mais est sur la mauvaise pente, ce que ne manqueront pas de ressentir de nombreuses personnes dans la réalité. C’est car leur niveau d’alerte est si bas que Morgan peut paraître et s’apparaître à lui-même un full réac.

La BD tend régulièrement à valider du bout des lèvres le discours du protagoniste, le ridiculise plus ou moins franchement la plupart du temps, en maintenant lisse et imperméable le monde qui lui fait face. Cette absence de confrontations autre que gentillette permet de ne pas glisser ni se dévoiler. Les arguments sont toujours trop courts ou réduits à des maximes ou des petits jeux d’esprit. En face les opposants passifs ont raison – mais passivement raison, à un point suspect qui à défaut de nourrir la ‘réaction’ ne lui fait barrage que par principe, habitude ou instinct personnel. Eux et leur monde pourraient très bien être dans l’erreur, tandis que le chauve est certainement trop borné et expéditif dans ses jugements. Son attitude est probablement le cœur du projet et doit viser à le rendre sympathique au premier ou au second degré, à la façon d’OSS 117 ; ou bien à générer du scepticisme et de l’hostilité plus prompts à animer les débats de confort ou nourrir l’aura de transgression bonhomme qu’à engager donc compromettre le personnage et son inventeur.

En tout cas ses cibles sont toujours personnalisées et jamais très fouillées : le risque de procès débile par tweeter interposés est modérément élevé, celui d’être classé souterrain de l’extrême-droite est faible, celui de créer une réelle polémique résiduel. Les occasions sont partout et Navarro va probablement déjà trop loin en donnant corps à l’incivilité ou au ‘grand remplacement’, mais il n’y aura que des replis sur tous ces sujets, par une petite chute et un recentrage sur l’individu et ses boulettes (la BD sait être drôle mais c’est rarement lors des conclusions). Sur la couverture, seulement des personnes : leurs traits distinctifs sont systématiquement relatifs aux loisirs ou au style (qui s’affiche – ou se vit dans une bulle narcissique consumériste). Il y a déjà matière à des chocs de vision mais il en faut plus pour dépasser le stade des contrastes de fin de banquet.

Ce Morgan pourrait – est déjà l’homme qui refuse de se faire marcher sur les pieds, l’homme qui n’apprécie pas qu’on fasse du bruit dans les transports en commun. Et ne pas accepter que l’autre s’étale, c’est réac – donc bête, regrettable – y compris pour le réac (le suprême con passant à côté du bon et du bien) ! Doit-on voir sous l’ironie la validation d’une bonne vieille mentalité de carpette (gauchiste ou non) ou une dénonciation désolée et peut-être effrayée ? Quand on voit que même l’autorité est saoulée, la thèse du lourd aimable en fiction et infect IRL l’emporte (c’est alors un gentil père fouettard qu’on ne saurait prendre au sérieux, ou un provocateur un brin crétin mais tout à fait ‘safe’). En même temps la directrice est rebutante avec sa propre fermeture plus proprette et d’autres sont horripilants avec leurs compulsions répressives masquées sous les bonnes intentions. Un cynisme bas-de-gamme à base de conformisme grégaire pointe constamment dans les rares contre-arguments : indirectement la BD le brocarde en retour. Mais comme elle partage les torts voire fait tout retomber sur son réac d’antihéros, elle rate sa meilleure piste.. ou glisse discrètement un miroir aux lecteurs non-réacs mais pas prêts à devenir des mollusques consentants pour autant ? Navarro tient une évidence bien plus importante que la définition (juste) qu’il donne à ‘la gauche’ (« la miséricorde sans la responsabilité ») : la soumission au réel est bien plus conservatrice que son refus, donc devrait être un meilleur indicateur d’orientation socialement ‘réac’. Sa défense acharnée à plus forte raison.

Note globale 46

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