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LE RÊVE DE CASSANDRE =+

31 Oct

Sorti entre Scoop et Vicky Christina Barcelona, le cru allenien de 2007 est l’un des plus mal-aimés. C’est même un des rares opus où la critique est prête à lâcher le névropathe new yorkais. Il faut dire qu’il est d’un abord assez trivial, avec des flottements dans l’écriture se répercutant sur la pertinence de personnages secondaires. Malgré sa nonchalance Le rêve de Cassandre s’avère une virée maline, lucide sur ses tourments. Il est un peu brouillon mais entretient la force des premiers élans, leur naïveté payante, pour raconter une tragédie contemporaine ancrée dans un monde crûment réel et palpable.

Ce n’est pas si fréquent de retrouver des gens socialement normaux (classe moyenne anglaise), aux caractères limpides et vraisemblables, alors que l’enjeu est lui-même social et économique. Les deux frères interprétés par Farell et McGregor sont des trentenaires en pleine expansion, du moins ils y aspirent. Ils sont donc tournés vers les affaires matérielles, où ils ont tout à prendre bien que déjà quelques bricoles à perdre. On parle sans cesse d’argent, d’investissements, de réussite relationnelle, d’image sociale, de propriété. Les retrouvailles avec Howard seront un ticket potentiel vers la prospérité. Cette initiation ressemble à un choc de la vie plus profond que celui de l’entrée ou la sortie de l’adolescence ; c’est le moment où le jeu se découvre vraiment, où le pilotage de sa vie s’apprivoise et se négocie, dans un couloir entre le règne de la foi pure et celui où la nécessité dicte l’ordre et la morale.

La modestie du film lui profite ; il s’agit bien de raconter, remonter toute la sombre entreprise, faire résonner les voix autour. Le rêve de Cassandre ne refait pas le monde, il en prend acte : comme pour ses protagonistes, il accepte les contraintes et dompte les situations ; il laisse ses sujets se débrouiller avec la morale et lui tourner le dos, sans prendre lui-même position. Le point de vue est cynique et mobile. Globalement la synthèse fonctionne bien, à quelques redondances près. Et surtout le spectateur est exposé ; jouer les tueurs à gages, même pour un one shot, c’est une chose étrange pour des types normaux, des flambeurs se voyant déjà loups froids ou bons petits chefs de famille.

La subtilité manque souvent et jusqu’à la rencontre avec le fameux oncle Howard, les défauts de ce mauvais Rêve sont accentués : montage (sonore notamment) à la hache, enchaînements d’idées oscillant entre pachydermique et décousu, poignée de dialogues carrément niais et amphigouriques (la comédienne). Pourtant la séance est déjà prenante à ce moment-là : si l’état des lieux est lourdingue, c’est parce que sa richesse se dispute à sa grossièreté. Les acteurs sont excellents, les deux têtes d’affiche trouvent des costumes à contre-emploi les rendant bien plus passionnants qu’à l’accoutumée, Tom Wilkinson (Gerald de The Full Monty) et Clare Higgins (Julia de Hellraiser) sont remarquables malgré leur fonction d’une moindre importance.

Note globale 66

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Suggestions…

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MINI 14 ou 2020-2 (Mars à Juin)

22 Juil

Tous les films découverts de Mars à Juin (inclus), à l’exception de ceux vus sur Mubi. Il n’y aura plus de telles distinctions à l’avenir – seulement des vagues spéciales Courts et des vagues spéciales Revus.

 

Jalouse *** (France 2017) : Un film juste concernant le thème annoncé, les relations humaines, un certain genre d’aigreur féminine. Foenkinos réalisateur est parfaitement à la hauteur. Peut-être car le sujet est moins heureux, la glue mièvre de La délicatesse n’a quasiment aucune prise. Dans ses grands moments, le personnage de Karin Viard, avec sa mesquinerie et ses urgences pathétiques, ressemble à un mélange Christian Clavier et Bridget Jones ; dans l’ensemble, le film pointe habilement la mauvaise foi des gens, y compris le bénéfice à se cacher la réalité. Conjointement aux Chatouilles et surtout à Chanson douce ce film montre les qualités de jeu de Karin Viard et la sort définitivement du lot commun des actrices légitimement reconnues mais finalement interchangeables ou abonnées aux films et personnages ‘épais’. (64)

Butch Cassidy and the Sundance Kid / Butch Cassidy et le Kid *** (USA 1969) : Slaugterhouse five/Abattoir 5 interpelle par ses ambitions et sa mise en scène ; je ne peux le retirer à son auteur George Roy Hill et son Butch Cassidy le confirme. Détails soignés et enchaînements stylés, instants ‘profonds’ et joyeux voire moments ‘magiques’ pour qui y goûte. Certains passages guillerets ou ‘aérés’ semblent triviaux aujourd’hui mais avaient peu d’équivalence il y a cinquante ans. Mais sur la forme comme sur le fond, ce sont bien des trucs de l’époque, comme l’est déjà cette transformation romantique de la dernière époque du plus fameux gangster du réel Far West. Ce western phare du Nouvel Hollywood rejoint ainsi le cortège de Sugarland Express, Seuls sont les indomptés, Easy Rider, Bonnie & Clyde avec une certaine largesse qui le rend plus universel que ces cas-là, mais aussi plus irréaliste. J’ai trouvé qu’il reflétait la tension entre la fantaisie libertaire mais humaniste et l’anarchie réelle dont elle prétend relever ; à plusieurs reprises on croit que notre bon bad boy va trop loin et in fine ça se dégonfle ; par exemple cette femme qu’il semble contraindre est en fait sa complice bien connue. Cette tempérance de fond, ces négociations voilées avec la sauvagerie et la brutalité, sont peut-être responsables de la facilité à décrocher du film surtout dans sa seconde moitié. (66)

Numéro une ** (France 2017) : Le monde des entreprises et ‘multinationales’ d’état est présenté sous un jour pragmatique. Il est terne même dans ses accès de violence. Les nuances concernant les personnes sont minces ou vaguement ridicules (l’adversaire auquel on accorde une sensibilité à double-tranchant via ses petites larmes à l’opéra). La corruption est une affaire ordinaire et peu spectaculaire – à l’héroïne on propose celle ‘sociale’ et spirituelle, d’autres se gavent déjà sur le plan matériel mais c’est loin des affaires directement gérées à l’écran. Beaucoup de choses légères ou intimes traversent la séance ; Biolay nous livre une théorie interpellante selon laquelle les mecs peuvent cumuler 2 succès sur les trois choses menant le monde : sexe, pouvoir, argent.

Malheureusement ce film garde un petit quelque chose de sur-fabriqué. Devos joue une femme de volonté, mais d’un mordant et d’une voracité très limités, il est donc bizarre de la trouver dans ce contexte et à son niveau. Finalement le film se rapetisse en se raccrochant au wagon du féminisme brutal et simplet d’époque, culminant dans la niaiserie au goût artificiel lors de son final avec la fillette sur la plage (et dans le grotesque chialoteux avec le discours de Véra/Clément à l’enterrement d’Adrienne). Or entre-temps il n’a presque rien montré d’une trajectoire spécialement féminine, de barrages aux femmes, etc. On a vu que ce club de femmes ambitieuses et effectivement leurs discours sont flattés, tout de même prudemment, à défaut d’être étayés. Numéro une se conduit un peu comme un politicien raisonnable et informé ‘verdissant’ son discours pour le rendre immédiatement recevable. Il est aussi peut-être un peu naïf, lucide mais trop ‘normal’. (58)

Les conquérantes ** (Suisse 2017) : Sur le droit de vote ouvert aux femmes si tard en Suisse (entre 1959 et 1990 selon les cantons) ; le film se déroule avant sa reconnaissance au niveau fédéral en 1971. Actrices charismatiques, forme gentillette. Montre les fautes en chemin, comme le vote à main levée. Accent sur la sexualité (avec pour conclusion la conversion au cunni du mari). (48)

On ne choisit pas sa famille ** (France 2011) : Signé Christian Clavier, le met en scène aux côtés de Muriel Robin et Jean Reno comme dans Les Visiteurs 2. Il joue encore un beauf bling-bling à la connerie truculente. Comédie efficace et idiote, bien tenue par rapport à ses concurrentes (en restant sur les rails de la bouffonnerie contrairement par exemple à Si j’étais un homme). (52)

Elle s’en va * (France 2013) : Au début du basculement de Deneuve vers les rôles de mamie-MILF déconfite dans sa vie normale. Insipide et nain. Les deux films tournés avant et après par la réalisatrice, Les infidèles et La tête haute, le sont beaucoup moins – mais tendent également à la caricature ‘crue’ à l’occasion mais gentillette au fond. La chanteuse Camille tient un personnage horrible et déboule n’importe comment dans ce film écrit et conçu manifestement à l’aveuglette. Il n’y a qu’une pauvre mise au point via engueulade convenue pour apporter un peu de consistance aux histoires de la famille. Tout l’axe narratif avec ‘Charlie’ et son personnage voisinent la nullité. (26)

Suggestions… Fête de famille, Tu mérites un amour, Le dernier métro.

Vivre et laisser mourir ** (UK 1973) : Sur le fond, continuité en douceur tout en accentuant la gaudriole. Loin d’être aussi réjouissant que les suivants (Roger est encore trop frais) mais pas décevant par rapport à l’ensemble des opus antérieurs avec Sean Connery. (58)

Midnight Lace / Piège à minuit ** (USA 1960) : Tiré d’une pièce de théâtre, un polar bavard marchant sur les pas d’Hitchcock. Sort en même temps que Le Voyeur ! Très ‘bourgeois’ par ses décors, personnages, références. Un petit côté giallo avant l’heure lors des scènes relatives à la traque de Doris Day. Notable pour son tueur à voix de lapin. Deux ans après David Miller signera Seuls sont les indomptés. (56)

Twist again à Moscou ** (France 1986) : Le drôle de contexte et l’intrusion de ces français en dictature communiste rendent le film attirant au départ ; dès que Lamotte est sorti de sa glacière, ça devient soporifique. Comme comédie c’est plutôt inepte, sur un plan dramatique c’est bordélique, les gags laissent froid, les dialogues sont sobrement débiles [peu potache ou gras] dès qu’ils cherchent à faire rire. Faible alchimie entre les personnages, plusieurs acteurs dans un costume un peu pataud (Clavier pas à son meilleur dans cette peau de jeune rebelle, Agnès lourde dans son personnage criard et geignard). Comme dans Papy fait de la résistance (avec ce même plan de Clavier fuyant un château en hurlant), on y retrouve des petits trucs plus tard employés dans Les visiteurs (cette anecdote du vieux militaire qui a tué son ami en le prenant pour un ours). Ce film reste comme une curiosité un peu téméraire et très mal arrangée ; pas à recommander, mais à essayer (surtout si vous avez la capacité à endurer la mise en scène éméchée de Jean-Marie Poiré). (48)

Raising Arizona / Arizona Junior *** (USA 1987) : Un film perçu comme ‘plus mainstream’ de la part des frères Coen, probablement car il se rattache à un genre américain devenu typique et parce que beaucoup de cinéphiles l’ont découvert enfant. L’histoire et les personnages sont naïfs (la VF accentue l’effet et celle de Cage est inappropriée), la réalisation cartoonesque et l’univers magnétiques. Splendides scènes d’action et de courses dans le désert, ou encore de rêvasserie mais avec pour elles une couche supplémentaire d’émotion et de niaiserie. Interprètes parfaits – capables d’atténuer les demandes lourdingues de la direction (notamment avec le tandem de rapetous). Esthétique outrancière, qui sera très diversement appréciée – énormément dans mon cas, musique y compris. Le ‘fond’ et le scénario sont assez évidents et pas brillants : sur tout le reste le film excelle – ou étouffe, ou paraîtra simplement daté. Pour moi c’est plutôt ce genre de films capables de vous faire éprouver une nostalgie pour un temps ou des lieux que vous n’avez pas connu, des moments qui n’ont jamais existé. (76)

Jo *** (France 1971) : Une des quelques réunions du couple De Funès/Gensac en-dehors des Gendarmes. Très court et clairement issu du théâtre. De Funès est dans un de ses grands moments, parfait en train de ramer (spécialement quand il argumente face au policier). Dialogues benêts ou rusés pour un résultat efficace. Des détails débiles (avec les personnages secondaires : l’agent immobilière, la bonne ou Galabru) et d’autres malins (surtout avec ce vieux couple, presque mignon, ou le traitement bouffon des effets spéciaux – ce qui les a empêchés de ‘vieillir’). Meilleur qu’Hibernatus, tout aussi crétin et primaire, mais moins de choses inutiles et à demi-accomplies ; le final serait décevant si on accordait un minimum de sérieux à cette histoire ; or celui de la Soupe aux choux ferme correctement la boucle alors qu’en terme de mongoleries on était parti encore plus loin. La bonne est exagérément conne et hystérique, on souhaite un accident brutal et douloureux en l’entendant beugler – ou rire aux éclats de cette manière typique de grasse bête essayant de convaincre de sa joie de vivre. (66)

Down by Law ** (USA 1986) : Valable mais seulement sur un plan esthétique – le reste est terne ou convenable, le burlesque tiède ou endormi ; surnage quand même le goût de l’évasion. Charmant au début et après la fuite, soporifique dès que les deux types se retrouvent en prison (volontairement ?). Ce n’est alors que du blabla et de l’attentisme, l’irruption de Benigni n’y change rien. Ses petites spéculations, son hoquet : on épuise les fonds de tiroir de l’espièglerie roudoudou de la culture. Que son personnage soit un étranger plein de bonne volonté est tout ce qui fait tenir le film (ou rebondir l’histoire – mais c’est digne par son principe d’une sitcom vulgaire, comme avec l’indien dans Big Bang Theory), sans quoi c’était un clip au ralenti attendant son ornement musical. J’y trouve une sensibilité de surface ou d’intention (d’après les connaisseurs, Jarmusch rend hommage à Buster Keaton) ; la seule poésie est celle de la mise en scène. J’aimerais savoir pourquoi Jarmusch tient tellement à ce désengagement apparent – peut-être pour laisser germer l’absurde qui rassure, pour éviter de souiller ce ‘flux’ par trop de faits, d’enjeux privés ? Ce Down by Law est loin d’être assommant comme Stranger in the paradise mais par rapport à lui s’avère redondant au mieux, sinon une simple récréation laborieuse. Heureusement Jarmusch a réalisé plus tard Dead Man et Ghost Dog où son style vaporeux prend plus de sens et où un minimum d’amour de l’action et de la narration permet d’élargir l’horizon (et le public potentiellement réceptif). Notez que sauf le dernier cité ces films sont en noir et blanc alors que nous sommes au moins dans les années 80. (52) 

Suggestions… Saint Amour, Johny Guitare, La fureur de vivre.

The Cold Light of Day / Sans issue * (USA 2012) : Cinéma d’action creux mais présentable, du niveau d’un anonyme Shangai Job plutôt que de Sans identité. Fait son travail mais doit son minimum d’intérêt aux seuls acteurs. Trouver Sigourney Weaver ici laisse quand même perplexe. (32)

La vie très privée de Monsieur Sim *** (France 2015) : Malgré des côtés pralineux et nostalgiques (y compris cette musique, finalement loin d’être dérangeante), c’est un joli film, généralement drôle ; une sorte de Podium gris et à terme plus gentil ; on y voit le potentiel de libération d’un type insipide dont la vie l’est autant ; c’est donc plus trivial mais aussi plus pertinent qu’avec un cas excentrique ou franchement pathétique. Il y a des façons plus spectaculaires de passer à côté de sa vie mais c’est bon aussi de le voir dans un contexte si commun et de susciter de l’empathie pour quelqu’un d’ennuyeux et crétin sur bien des points (contrairement au protagoniste de L’année des treize lunes par exemple, un individu vif et original, autrement absurde). Bien sûr on a souvent une longueur d’avance, y compris sur les détails comme celui de la photo, mais généralement c’est bénéfique aux effets comiques et ça participe à la démonstration crypto-houellebecquienne. Et bien sûr sous le sceau du réalisateur du Nom des gens une orientation gaucho-libertaire est en bout de chaîne, spécialement avec ce final ‘homo’ – un peu abusif et irrationnel mais c’est l’esprit d’irresponsabilité et de libertarisme qui exulte au mépris de toutes autres considérations ; même au mépris de la continuité identitaire d’un type, comme si suivre les pas de son parent ‘déviant’ ou ‘élargir son horizon sexuel’ était sain, naturel ou rentable. La cohabitation de cette vision un peu guillerette et optimiste avec un regard lucide sur les gens renforce le film, met à l’écart l’écueil du glauque bedonnant et moins sûrement celui de la niaiserie. (68)

This Boy’s life / Blessures secrètes *** (USA 1993) : Conventionnel mais bon ou excellent sur l’ensemble des points, relève plus du ‘teen movie’ existentiel (comme Boys don’t cry) que du biopic même partiel (dont on ne saura jamais mesurer la validité – que l’affaire se soit résolue de façon si guillerette rend soudain dubitatif, même si la lettre d’admission apportait une voie de libération objective permettant à cette comédie de la volonté libre et spontanée de s’exercer). Bons dialogues, fort émotionnellement, sans débauches de quelque sorte. Dynamité par les excellentes interprétations ; DiCaprio encore quasiment un enfant, à trois ou quatre ans de Titanic, montre un talent exceptionnel ; puis surtout Robert DeNiro est encore dans une de ses performances monstrueuses. Son personnage de sadique et semi-loser aligné est d’une précision délicieuse ; les autres aussi ont de belles qualités dramatiques (et des ombres toujours atténuées, spécialement maman l’impulsive). Si on se décentre de l’histoire et du cas du jeune homme pour s’intéresser plutôt à celui de DeNiro, le film peut tourner à la comédie glauque involontaire toujours plus jubilatoire – la souffrance et la fatalité perçues par Tobias en rajoutent. Les gens avides de cinéma pleurnichard et de dénonciation de la masculinité toxique pourront aussi y trouver leur compte – avec la conclusion c’est ce qui m’a retenu un mois avant de céder un 8- plutôt qu’un 72-74. Titre français déplorable. (76)

Dragged Across Concrete / Traîné sur le bitume *** (USA 2019) : Séduisant, dialogues et surtout casting excellent, mais dépourvu d’originalité comme une brave série B et peut-être inutilement long ; c’est entièrement raccord avec cette mode de la lenteur et des scènes ‘comme’ en roue-libre. Ce film pourrait donc être plus ramassé et efficace (surtout lors de l’épilogue), mais ce qu’il donne ne manque pas d’intérêt (la première heure) ni d’intensité (la suivante), grâce à son emphase sur les personnages au rôle clé, même s’ils sont passagers (comme celui de Jennifer Carpenter). (68)

Suggestions… Breaking Bad, Nip/Tuck.

Stockholm *** (US 2019) : Film PrimeVideo, comme The old man and the gun. La véritable prise d’otage a duré cinq jours, on en ‘ressent’ pas tant dans la prise en compte de ce film. Huis-clos plaisant centré sur une amourette impossible et prenant tout le monde de cours. (72)

Suggestions… Moi Tonya.

Elle l’adore * (France 2014) : Un film pas dynamique et bizarrement développé, au point qu’on a oublié de lui coller une fin digne de ce nom. Les premiers laissés en friche sont ces profils déjà basiques, portés par deux acteurs de qualité : Lafitte dans son rôle de sociopathe pas ou peu ‘pervers’ livre donc son travail habituel ; Kiberlain, d’abord en cruche hypnotisable mais qu’on devine ironiquement sauvée par sa petite et son étroitesse, campe un personnage plus à contre-emploi qui gagnera en densité, mais pas en épaisseur ; cette mythomane n’est qu’une baudruche – et tout dans ce film un mirage, même s’il donne l’impression de traîner d’obscures convictions (qui auraient peut-être pu mieux s’épanouir ou s’expliciter dans un roman – éventuellement en virant à la niaiserie amorale). (36)

Suggestions… Possessions.

Habemus Papam * (Italie 2011) : voir la critique. (28)

DTV> Hunger / Affamés ** (USA 2010) : Un huis-clos à la Saw vu de loin et sans doute aussi en principe, mais pas si gore ni machiavélique. Oublie de colossales évidences liées aux besoins et aux envies primaires concernant ces confinés de l’extrême ; ou n’y vient que tardivement et succinctement dans le cas de la formation de couples et du sexe. Beaucoup de gesticulations y compris verbales au début ; une dernière partie nettement plus concentrée. Le cas du responsable reste non-développé et son aperçu des plus plats. Diffusé en festivals en 2009, sorti en vidéo en 2010, début 2011 pour la France. Actuellement disponible sur PrimeVideo. (46)

Suggestions… Captivity, J’ai rencontré le diable.

L’express bleu / Le train mongol ** (Russie ou URSS 1929) : Lutte de classes et course mortelle dans un train 84 ans avant Snowpiercer – ici la victoire ouvrière est garantie, ce qui est plus ‘remarquable’ c’est de s’en remettre aux chinois [prolos] contre les [capitalist pig] anglais. Mélo laborieux qui se termine en comédie musicale ‘virile’. Une grosse démonstration, mouvementée mais ni palpitante ni interpellante faute de profondeur ; le montage survolté peut artificiellement secouer mais en-dehors de la scène de la danse l’inspiration est mal dégrossie. (52)

Looking Glass ** (USA 2018) : Un passe-temps décent avec Nicolas Cage présenté sous un jour des plus sérieux possible. Rien n’est tout à fait nul sinon le degré d’originalité, l’histoire est superficielle et le mystère largement éventé au bout d’une poignée de secondes fatidiques. La musique, les décors et les acteurs sont de bonne tenue voire carrément aimable ; tout autour est médiocre, mais en aucun cas exécrable – et loin d’être assez minable pour amuser les nanardophiles. (44)

Operation Petticoat / Opération jupons * (USA 1959) : Comédie interminable et niaise à bord d’un sous-marin. Fortement homo-érotique, avec ses ouvriers torse nu, ses dialogues curieux ou à sous-entendus ; puis les femmes n’arrivent qu’au bout de trois quart d’heure. Humour laborieux voire un peu pathétique, comme cette scène du cochon triste au maximum. Même avec le contexte puritain de l’époque et même si justement il le titille, ce film reste affreusement infantile, avec son ton à la fois gentiment paternaliste et ses aspirations hédonistes de petits garçons et de vieilles dirigistes dans des corps d’adulte bien soignés et socialisés. Je savais que Blake Edwards avait son nom associé à des inepties ou des films d’une lourdeur éreintante (comme le fameux The Party), je supposais et maintenant sais aussi qu’il a participé à des choses simplement débiles qui ne valent pas le coup pour le commun des spectateurs. (28) 

Blake Edwards… Victor Victoria, Diamants sur canapé, Allo Brigade Spéciale.

Suggestions… Underwater, La vie aquatique, Le chant du loup, L’aventure c’est l’aventure, Tu imagines Robinson.

Du jour au lendemain * (France 2006) : Un essai sur l’addiction au ronron de la lose du citoyen-bolosse intégré et la peur du bonheur : bien essayé mais immédiatement éventé et incapable de tenir et développer ses idées. C’est un peu original par son parti-pris mais simplement triste et déjà vu dans l’ensemble, avec un gros lot de clichés (peut-être à vocation humoristique, comme ceux concernant les espagnols). La scène où les gens se mettent à trop compter sur Poelvoorde est exemplaire de cette maladresse généralisée (peut-être s’agit-il aussi de superficialité) : c’est brutal, étroit, mollasson. Même dans les meilleurs moments on reste plus près de Walter Mitty que d’Un jour sans fin ou American Beauty. Un passage de comédie musicale gravement cheap. Le réalisateur est aussi celui des Femmes du 6e étage et d’Alceste à bicyclette avec Luchini, tout aussi doux, avec ce souci de ‘vivre une vraie vie’ gentillette. (38)

Charlie Says ** (USA 2019) : Le cas de la famille Manson sous l’angle des filles embarquées et aliénées. Bien écrit mais trop prudent et même un peu planqué concernant sa variété d’intervenants. (62)

Voir la critique de Vora.

The Void ** (USA 2016) : L’image est bonne, les références aussi, le reste patine. Scénario, dialogues et personnages sont essentiellement faits de clichés ou de trous d’air. Sur le plan graphique c’est joli et assez gratiné ; c’est plus musclé que la moyenne, mais comme ces démonstrations physiques et ésotériques sont le seul os à ronger, il faudrait aller plus vite et plus fort ! Une créature à la Ctulhu et une horde sectaire sont rapidement exposées, mais la première moitié proche d’une adaptation de Stephen King ne surprend jamais et donc tend à ennuyer passé la mise en place. La seconde partie sous influence Prince des ténèbres (avec un brin d’Hellraiser pour le final) est bien meilleure, mais l’impact émotionnel reste modeste et jusqu’au-bout l’encéphalogramme sera plat. (52)

L’appât *** (France 1995) : Malgré le discours convenu similaire à celui d’Haneke dans Funny Games, avec Scarface en ligne de mire, c’est probablement pertinent et réaliste, au moins concernant les humains et leurs petits commerces (avec eux-mêmes comme marchandises et trophées, ou détenteurs de trophées réduits à leur possession et à leur emballage). Les personnages sont parfaitement écrits et pensés, l’interprète principale oublie l’essentiel de la pudeur. On se doute de l’issue même sans tenir compte d’un faits divers vieux d’une dizaine d’année dont ce film se serait inspiré. Plus limpide que d’autres, aussi percutant que L.627, cet Appât arrive haut dans mon classement des Tavernier (nettement devant l’ensemble de ses productions ultérieures – mais je n’ai pas vu Capitaine Conan). (68)

The Intruder *** (USA 1962) : voir la critique. (66)

Colonel Chabert *** (France 1994) : Adaptation moins pathétique que le roman de Balzac (1832-1844), avec un énorme casting francophone. Depardieu pas furibard comme d’habitude, Luchini aussi un peu corseté par nécessité (Angelo réalisera en 2008 son spectacle Le point sur Robert), seule Fanny Ardant a la latitude pour se montrer expansive. Quelques acteurs fameux dans les seconds rôles d’affreux ou de laquais. Pas d’originalité mais mise en scène et narration sans fautes, avec des décors soignés et de beaux flash-back sur les champs de bataille. (68)

Les zombies font du ski * (Autriche 2014) : Forcément on en attend très peu et on est à peine déçu : ça reste bien nul. Comme nanar volontaire c’est routinier et banal, loin des outrances heureuses d’un Sharknado, loin de remplir décemment sa petite heure un quart. Hormis les effusions gores c’est inepte dans l’humour comme dans l’action. Dialogues et personnages sont minables, tiennent à peine en-dehors d’un premier jet de geeks éméchés. Les références sont évidentes et pauvres comme le reste. Le yodel aurait du être davantage exploité, comme toutes les autres ressources locales ; cela valait mieux que cette piteuse tentative de transformer la malheureuse de Paradis Amour en bavaroise badass, ou de donner dans la poésie décalée qui néanmoins provoquera son effet quand nous, spectateurs et vrais humains, auront connu une véritable attaque de mutants hostiles. La réalisation est cheap mais s’attache à leurrer quelques gros événements, comme cette explosion qu’on est censé ne voir que de loin avant de revenir sur les lieux pour assister à la lutte dans les décombres ; une telle ingéniosité a perdu de sa légitimité depuis un siècle. Bien sûr ce n’est pas infâme et repoussant comme La nuit des clowns tueurs mais le niveau est aussi bas ; et c’est trop tiède pour amuser (comme savait le faire Burger Kill) ou inspirer une espèce de consternation curieuse (comme Werewolves of the third reich). Au moins les films médiocres ou odieux peuvent agacer ; celui-ci va juste vous ennuyer à moins que vous soyez fatigué, désespéré, ou trop amoureux des détournements et du zombie. (24)

La mort de Louis XIV ** (France 2016) : Film manifestement de laïcard ou gauchiste de l’ancienne garde tendance sado-libertaire. Le film est techniquement irréprochable et d’une fidélité absolue à sa promesse dont on découvre rapidement le caractère obtus et pseudo-clinique ! L’expérience est à la fois bêtement divertissante et stupide. Aucune personne saine ou sereine n’a besoin ou envie de se farcir puis d’applaudir une telle démonstration. Dans le genre mieux vaut se tourner vers Amour d’Haneke ou La gueule ouverte de Pialat – même en terme de mesquinerie et de dégradation des ‘illusions’ humaines vous aurez votre compte. (46)

La vie sexuelle des belges 1950-1978, partie 1 *** (Belgique 1995) : Ce qui devait apparemment être le premier film d’un biopic en deux temps est devenu le premier d’une série de six films. Pour ceux qui aiment constater la réalité dans toute sa puanteur douillette, comique et déplorable : foncez ! Côté technique et direction d’acteurs, c’est modeste, parfois complètement miteux – mais on s’y fait vite, l’esprit vient vite surpasser les maladresses d’écriture et de présentation des dix premières minutes. Organisation et scénario à la fois malins et paresseux, pour un rendu un peu mou mais truculent. (68)

Camping Cosmos – La vie sexuelle des belges, partie 2 *** (Belgique 1996) : Où Groland peut choir et Strip-Tease se rhabiller. Le cinéma de seconde zone à son zénith, en train de juter sur son miroir. Davantage d’outrance et de gaudriole dans ce deuxième film, plus spécifiquement politisé avec ses animateurs culturels marxistes et/ou gauchistes (univers rarement traité au cinéma à ma connaissance). Moins de pathétique, plus de violence ; ce n’est plus le quotidien misérable mais les bas-fonds ludiques. Les acteurs ne sont pas nécessairement moins amateurs mais paraissent plus naturels, certains comme la fille de 13 ans sont pros. Le caractère biographique est moins évident et l’utilisation de Lolo Ferrari achève de tirer cette franchise vers l’allégorie grotesque. (72)

Battlefield Earth / Terre champ de bataille * (USA 2000) : Largement raté et plein de clichés, de conventions ringardes et de raccourcis piteux, c’est bien un nanar ; mais sa réputation invraisemblable n’est probablement pas tant due à toutes ces faiblesses manifestes ou ces ralentis grotesques qu’à ses liens avec la scientologie. La critique et les gens aiment se payer de mauvais films ambitieux et dès que la religion est de la partie, les pudeurs minimales sautent. Les spectateurs aptes à mettre ces filtres pourris de côté pourront s’amuser de Terre champ de bataille, de son abondance de bizarreries et de fautes de continuité, de ses dialogues redondants, des inconnues abyssales laissées en suspens ou mal traitées, du manque d’alchimie mais aussi d’écriture entre certains personnages (le couple en premier lieu) ; puis surtout de l’ensemble des interventions de Forest Whitaker et John Travolta, complètement grotesques. Au niveau de l’univers ce n’est pas si mauvais (d’où le démarrage potable), peut-être car Roger Christian fut décorateur de Star Wars et d’Alien avant de réaliser de nombreux films manifestement kitsch, dont celui-ci sera peut-être le seul à passer à la postérité grâce aux amateurs de ‘mauvais films sympathiques’. La réalisation a une facture typique de la SF soap, ce qui peut la rendre agréable mais plus difficilement estimable – et l’abus de volets pour enchaîner nuit gravement à la patience du spectateur le plus indulgent. Enfin on pourrait sauver la tentative d’exprimer un propos sur la mauvaise foi flagrante d’une ‘espèce supérieure’ envers une inférieure dont elle refuse de considérer les réalisations voire les simples démonstrations.. (42)

Suggestions… Dune, After Earth, Independance Day, Matrix Reloaded.

Tetarti 04:45 / Mercredi 04:45 * (Grèce 2015) : Polar lourdaud, genre bling-bling des ‘bas-fonds’ crapuleux. Musique et photo ‘stylées’, narratif bête et sérieux, humour et logiques ras-du-bitume mais ‘propres’ sur eux. Pas compris l’intérêt des chapitres – probablement un gadget de plus. (36)

Une si jolie petite plage ** (France 1949) : Drame sombre tourné sur les plages normandes, avec une fausse pluie persistante. Avancé, affecté et appliqué concernant le casting, les dialogues et les effets techniques, minimaliste concernant le scénario. Pas loin d’être cynique en plus d’être tragique, d’où cet avertissement contraint pour protéger l’honneur des ‘pupilles de la nation’ [en rappelant à m’sieurs-dames qu’elles sont pas toutes criminelles et donnent même parfois des médecins ou architectes]. (62)

Neruda ** (Chili 2016) : voir la critique. (48)

L’homme qui en savait trop peu ** (USA 1997) : Bill Murray en semi-Bean passant grâce à sa chance et son insouciance pour un génie du banditisme et un manipulateur sensationnel. Comédie simple et efficace, qui n’aurait plus que sa bonne inspiration avec des acteurs plus fades à la place du couple principal – mais aussi avec une réalisation moins savante, qui manifestement sait relever le niveau quand les blagues ou les ressorts planifiés par le scénario sont moyens ou médiocres. Le film ressemble à plusieurs comédies britanniques de l’époque sans se perdre comme elles en bavardages. Réalisé par Jon Amiel, dont j’ai apprécié Haute Voltige et surtout Copycat. (62)

Tant qu’il y aura des hommes *** (USA 1953) : Sur l’adultère et les tentations d’évasion individualistes et amoureuses de la part de gens engagés dans (les hommes) ou pour (les femmes) l’armée. Réalisé par Zinnemann un an après Le train sifflera trois fois. Casting monstrueux, avec ses deux ‘couples’ puis Sinatra et Bornigne dans des rôles secondaires. Apprécié à l’époque et multi-oscarisé probablement parce qu’il percute l’armée (bien que les brimades soient fadasses au possible quand on pense à Full Metal Jacket) ; mais ses qualités sont réelles, l’écriture et les enjeux assez adultes pour convaincre un public un peu blasé, l’érotisme assez corseté et compartimenté pour apporter un contrepoint glamour à cette ambiance matérialiste et sévère. Malheureusement la réalisation et peut-être le film en tant qu’adaptation sont un brin paresseux et la conclusion pas solide. (64)

Four rooms / Groom Service * (USA 1994) : Film à 4 sketches, le troisième tourné par Rodriguez, le dernier avec Tarantino. Le jeu de Tim Roth laisse pantois, trouve peut-être sa source dans des ringardises plus anciennes que La Panthère Rose, inspiration probable du générique. Rarement une interprétation aura été aussi consternante de fausseté ; même dans les films pour enfants on ne voit pas de tels tics si étriqués et abondamment répétés. Au moins ce détail rendra mémorable ce spectacle rarement drôle, démesurément bavard, lent malgré son hystérie (hystérie plutôt ‘masculine’ la plupart du temps). Le premier sketche est inepte mais pas désagréable et finalement pas plus aberrant que la suite, le deuxième sketche avec son drame psychosexuel est de loin le plus lent et rebutant, le troisième avec Banderas surjoue la carte ethnique. (38)

Suggestions… Les sorcières (1990), Une nuit en enfer, Kingsman, The Grand Budapest Hotel.

Viral *** (USA 2017) : Film de contamination donnant l’occasion à des zombies mutants de s’illustrer ailleurs que dans des comédies ou du bis flamboyants. Taillé pour me plaire : j’accroche au style, à cette photo chaude et orangée, j’aime forcément l’ambiance et les ingrédients. Ce n’est pas irréprochable sur le fond mais une suite, ou un simple épilogue, pourrait tout arrondir rapidement avec quelques éclairages concernant la nature de la maladie. (72)

Kiss Kiss Bang Bang ** (USA 2005) : Comédie policière impudique, racoleuse (à la fois cynique et flagorneuse envers le public) et cousue de clichés (ceux relatifs aux vieux attouchements sont malvenus et pas justifiés par la semi-parodie), tirée vers le haut par ses interprètes et personnages. Très lourd avec ses petites farces méta mais c’est pardonnable par rapport à la concurrence et dans la mesure où la mode démarrait. Proche de Guy Ritchie, peut-être encore plus vulgaire mais moins kikoo-affranchi. A pu inspirer la série Castle. (56)

Faute d’amour * (Russie 2017) : Oh la la que le monde contemporain est froid et que les gens sont absurdes et ingrats surtout les bourgeois. Oh la la que l’homme est blasé et amorphe et comme sa femelle est rageuse et comme cette désolation ne date pas d’hier (la visite chez la mère, grotesque mais seule scène vivante du film). Observons-donc cette triste réalité avec langueur et distanciation – et probablement beaucoup de complaisance. Profitons de l’occasion pour satisfaire en loucedé nos petites envies en sensationnalisme que nous n’assumerions en aucun cas sinon – nous ne sommes pas dans du vulgaire cinéma d’horreur ! Et au terme de démonstrations pachydermiques on subit le regard face caméra de la femme banalement abjecte. Oui ce film illustre bien l’absence d’amour et l’absence tout court, l’absence de sens à la vie, l’émoussement de la vitalité ; il ne fait rien de neuf et ne sait que déplorer sans y toucher. Marre de ces films pompeux, superficiels et passif-agressifs. Que leurs auteurs retournent consulter Le septième continent et passent à autre chose ; un cinéma plus dramatique posant des alternatives ou au moins des issues à la triste condition d’humains vernis qui s’ennuient, par exemple. Marre de ces gens et de ces œuvres pleurnichant sentencieusement en pensant rejouer du Bergman ou atteindre de pédantes hauteurs tarkovskiennes. (38)

Mon nom est Clitoris * (Belgique 2019) : voir la critique. (22)

Le professionnel *** (France 1981) : Le fameux film d’action de la grande époque du Belmondo ‘bad boy’ et/ou flic (pourri), avec cet air insistant [Chi Mai de Morricone] dont une pub canine a ruiné la crédibilité dès 1986. Le héros badass ressemble à un cousin libertaire ou ‘dissident’ de Rambo (sorti en 1982), plus fort que ses traumatismes, d’une adaptabilité à toute épreuve. Le film est caricatural et racoleur voire nanar plus qu’aux entournures ; quand même un plaisir. Du bon même dans le mauvais et l’outrance – plaisir coupable ou ringard selon les occasions. À l’image de cette fin, lourde mais pas pour rien, en remettant un coup contre les services et le cynisme de l’État (français mais aussi abstrait ou générique ; pour le particulier c’est la ‘Françafrique’ pour le général la raison d’État). Si vous cherchez un bon candidat pour dénoncer la culture raciste [attention dans certaines scènes le mal et l’exploitation s’exercent en-dehors des nations ‘blanches’ ou ‘jaunes’], misogyne [les femmes sont rares et faibles au cours de la séance], lesbophobe [cette scène de la baignoire !] et l’idéal de l’aventurier macho héroïque, ce film va vous régaler – pas autant bien sûr que si vous considérez ces qualificatifs exagérés mais que vous aimez ça. (66)

Paterson ** (USA 2016) : Du Jarmusch qui ne défrisera personne et laissera dans l’expectative les nouveaux entrants – qu’ils voient plutôt Ghost Dog, Dead Man, ou même Stranger than Paradise pour des choses plus représentatives. Toujours aussi décontracté et pauvre en scénario comme en conflits, mais plus humainement consistant et donc plus sûrement sensible. Refus du drame comme de la tragédie, de la part du réalisateur comme du protagoniste. Sans les estimer j’ai apprécié les personnages, leur indifférence aux pressions extérieures et leur existence mi-végétative mi-bohémienne sans tambour ni complexe, ainsi que cette tentative de relever la poésie dans le quotidien où s’engluent des damnés modérés et civilisés vivant malgré la médiocrité dans le confort standard. Des jolis plans et une jolie volonté pour une version intello, affinée et différemment futile de cinéma amoureux des poètes de l’ombre et/ou losers magnifiques (même si celui-ci et ses camarades n’en seront que d’un point de vue ‘socialement objectif’). Condamné à une certaine inanité par sa vision angélique des êtres humains et certains petits tours faciles et un brin stupides ou crémeux (avec la gamine ou le chien) – le tout en restant adulte, sans niaiserie (mais avec tout de même des effets bien pourris lors des déclamations intérieures et des cameos lourdauds). (56)

Suggestions… Neruda, Le feu follet, The Big Lebowski.

Harmonium ** (Japon 2016) : Sur les remontées de haine et de désir de violence envers ses proches immédiats. C’est correct mais potentiellement un film raté, je ne sais trop à quel degré (et j’en fait le 12e de ma liste « Les immenses gâchis »). Les partitions sont médiocres, dramatiquement c’est à la fois profond et con, les acteurs bons, ‘ça’ ne prend pas. On dirait du Haneke sans la quantité d’aigreur et de foi en ses conneries. Ça ne dégouline pas, ça se veut et c’est malaisant mais ça s’oubliera rapidement (sauf pour les images chocs avec les corps plus ou moins dépourvus de vie) ; trop d’expectative et de mystères misérables pour des réalités dont on se fout poliment après tout. Oeuvre de dépressif(s) très ‘conscience-professionnelle’ ayant trouvé plus passionnant en chemin ? (44)

Jeune et innocent ** (UK 1937) : Un autre de ces films pas déplaisants ni complètement ordinaires mais finalement anodins signés Hitchcock. Cette fois il flirtait avec la comédie policière, d’où plusieurs scènes, final compris, laissant dubitatif ; d’autres prêtant à sourire, pour des raisons burlesques (les deux policiers bourrus invités à monter à l’arrière avec les cochons) ou de ‘mœurs’ (la mère [?] de la sauveuse). Le véritable tueur est bien sûr un désaxé au rire tordu (en plus il pratique le Black Face !) et aux motifs évanescents.. sommes-nous censés être glacés, amusés, rassurés par cette représentation pleine de bon sens, tout cela à la fois ? Livré par arte et arteTV avec sa VF surfaite, spécialement grotesque et énergique lors de la scène d’ouverture. (52)

Diplomatie *** (France 2014) : Je l’ai regardé à cause du réalisateur et une fois encore il pose des bonnes questions, se soucie de l’essentiel : la conscience individuelle, la consistance et la vérité d’un être et plus spécifiquement des êtres objectivement les plus arrachés à eux-mêmes, par le devoir d’État (national ou diplomatique). Forcément nous arrivons avec le souci de préserver Paris et/ou le refus de la destruction, mais le film sait tenir compte du point de vue du militaire, reconnaître ‘passivement’ sa validité, tout en intégrant les à-côtés cyniques à son logiciel (et ces ‘contradictions’ [cristalisées en la Spippenhaft] qui n’en sont qu’en raison de nos têtes pourries par l’hystérie collective et la diabolisation) ; quand on aborde une guerre et en particulier cette guerre, c’est assez rare. Bien qu’en-dessous des 90 minutes le film semble encore un peu long, il aurait fallu s’autoriser quelques libertés supplémentaires ou simplement des scènes d’action plus étoffées – en prenant le risque de gâter l’ensemble. Comme il est tiré d’une pièce et que ses dialogues sont excellents, il fallait un duo charismatique ou magnétique ; difficile d’imaginer de meilleurs supports qu’Arestrup [surtout] et Dussolier (d’autres directeurs d’acteurs auraient probablement pris un général plus raide et borné, un consul plus mielleux). Pour le reste, n’attendez de grands effets de mise en scène, d’originalité ou de pédagogie historique de ce film, sous peine d’en sortir consternés. Vous aurez tout de même les images d’archives [laissées en noir et blanc] pour entamer et clore le film, puis « J’ai deux amours » accompagnant le générique de fin : les publics scolaires et les amoureux de Paris ne seront donc pas perdus. (72)

HS : D’ailleurs je classe ce film en ‘Cosmopolitiquement correct’ et l’ignoble scénographie à l’Ossuaire de Douaumont pour le centenaire de Verdun a prouvé que Schlondorff, comme beaucoup de gens moins sensibles que lui, plaçait plus haut son pacifisme ou du moins son mépris des faits militaires que le respect pour les morts, les sacrifices peut-être idiots mais en tout cas accomplis, les références d’une nation pourtant voisine de la sienne (voire la sienne en pratique).

Le Chemin du passé / I’ll Follow You Down * (Canada 2013) : Difficile de croire que ce soit si récent. On croirait voir un téléfilm plus vieux de dix à quinze ans, avec sa photo sombre à la fois ‘rassurante’ et repoussante, sa dramatisation raide et sirupeuse, ses grands plans susceptibles de changer le monde et la connaissance. Le principe interpelle et il y a de bons moments, des échanges graves, mais on sait d’emblée que ces grandes possibilités vont être ratatinées voire niées au bénéfice des sentiments et d’une morale pro-famille conservatrice et/ou universellement religieuse. Ce n’est pas un mal mais cela relève d’un certain nihilisme : en-dehors de ses proches et des traditions, rien ne serait tellement important ; soyons humbles et évitons de repousser les limites quand bien même nous en aurions les capacités. Ce n’est pas si idiot ni infamant mais cette morale doit bien s’incliner quand s’offrent de si grandes opportunités pour l’Humanité ; d’où l’impression, confortée par l’absence d’humour, de contempler un film à la fois profond et dérisoire. Un peu comme Diplomatie ce Chemin du passé met en relief les tensions entre les nécessités personnelles et l’implication dans des projets où le ‘soi’ disparaît ; mais dans ce cas c’est pour ramener à la poursuite du père (comme dans Contact) et du bonheur familial, avec les autres considérations finissant leur course en simples obstacles à ce contentement. Je retiens ce film comme un exemple d’Individualisme et de Conservatisme poussés à leur comble (sans être extravagants, simplement intransigeants), par ce dédain pour le sacrifice de sa ‘petite vie’ au bénéfice de toutes sortes de progrès ; classé dans ma liste « Cinéma & Politique ». (42)

Sabotage / Agent secret *** (UK 1936) : Un nouvel opus des débuts d’Hitchcock, avant Une femme disparaît, après Les 39 marches et L’homme qui en savait trop. Je suis plus client de celui-ci, avec ses personnages ‘borderline’, hors-la-loi ou la morale dès le départ ou à cause de leur entourage, ces jeux de responsabilités qui les travaillent tous. Même si le récit [tiré d’une nouvelle de Joseph Conrad] est court, cet activiste sacrifiant sa propre sécurité et celle de ses proches est fascinant, sa conjointe vivement pathétique ; un beau couple tragique mal assorti et servi par des fortes gueules. La mise en scène est par endroits remarquable, au service du suspense ou de sous-entendus déstabilisants (scènes de la bombe ou du train, scène fatale du dîner). Cet Hitchcock britannique m’est donc apparu moins quelconque et ennuyeux, plus assuré dans ses initiatives, que Jeune et innocent. Le titre VF Agent secret crée la confusion avec Secret Agent (en VF Quatre de l’espionnage) sorti quelques mois avant ; le titre VO avec le futur Saboteur (en VF Cinquième colonne). (68)

Bugsy Malone ** (UK 1976) : L’initiative est originale et même téméraire ; les ingrédients sont des plus rebattus. Le défi est relevé, la direction d’acteurs et plusieurs jeunes acteurs sont d’une qualité inespérée. Pourtant c’est l’ennui car le film ne s’émancipe à aucune seconde de la parodie ; à quoi bon rejouer le programme des autres ? À initier les enfants au cinéma de gangster, supposé trop violent pour un spectateur de 12 ans ? Le problème c’est que, malgré de bons dialogues du couple principal, rien ne pèse et rien ne surprend ; tout peut arriver ou échapper, peu importe ; mais rien ne va arriver qui ne soit déjà largement encadré. Alors quand en clôture on décide que les tartes à la crème ne sont que ce dont elles ont l’air, on se dit qu’on aurait mieux fait de naviguer d’un numéro musical à l’autre – pour le son plutôt que pour les chorégraphies type ‘spectacle de fin d’année’, sans parler de la façon dont le scénario se raccommode à ces moments. La VF rend ridicule certains personnages mais s’efface lors des moments musicaux. (52)

L’homme à la Buick * (France 1968) : Comédie douce soporifique avec Fernandel mille fois moins à sa place que son personnage lui-même imposteur. Casting énorme (Piéplu, JP Marielle, Lonsdasle), partitions à fort potentiel, résultat inepte sans devenir désagréable. Dialogues potables. Une perte de temps manifestement diffusée en HD par France 3. (32)

Suggestions… Pour 100 briques t’as plus rien + Tenue de soirée + Quai des brumes.

La tour de Nesle ** (France 1955) : Très proche de l’ambiance des films de cape et d’épée de l’époque. C’est très bavard, pompeux, superficiel, mais aussi assez mouvementé et violent. C’est aussi très carton-pate avec rarement les moyens ou le culot de tenir ses promesses (en premier lieu, mais qu’importe car on s’en doutait, les plus sulfureuses) ; si au moins la politique, même en pure projection, pouvait se mêler aux intrigues.. peut-être s’ennuierait-on moins. Mais le film fait du surplace pendant que son récit gesticule, jusqu’à ce dénouement de mélo criard pénible. L’interprète de Marguerite de Bourgogne se donne beaucoup de mal. (46)

Suggestions… Le masque de la mort rouge + Othello.

Marie-Octobre ** (France 1959) : D’un tiers trop long et redondant. Manque d’éléments cruciaux, ne serait-ce que concernant le seul suspense. La dernière partie joue avec les mêmes hypothèses de coupable et un tout petit nombre d’enjeux. Le passage en revue des embourgeoisements est de loin plus convaincant. (58)

L’amant de Lady Chatterley ** (France 1955) : De bonnes répliques et de jolis moments – de vérité ou de sensualité (je préfère les premiers). D’une intense lourdeur dans sa démonstration ‘libertaire’ et les psychologies, comme dans la mise en scène quand soudain elle décolle. Les enjeux et les conflits sont importants mais pour le moins réduits et le récit pas loin de l’inertie. Les effets de l’engagement seraient aussi intéressants à voir que la route vers celui-ci ; encore une fois le film s’arrête quand le meilleur commence – le moins romantique probablement, avec la mise à l’épreuve de cette autorité de l’attraction et du désir sur la vie humaine. Le film gagne à être complaisant envers cette polarité hédoniste et féminine pour mieux la représenter, mais forcément il s’en tire avec une insouciance en rien obscène, mais irréaliste et certainement stérile. (58)

Cheech & Song : Still Smokin ** (USA 1983) : Un des films des humoristes Cheech & Song, parmi cette longue série suivant leur premier succès Up in Smoke/Faut trouver le joint. Comédie potache, laxiste et chargée ; ou stoner movie énergique. La construction est douteuse : le pseudo-scénario s’étiole et est dégagé au profit des sketches à la moitié du chemin. Mais l’essentiel est ailleurs et on est plus près du spectacle enregistré et étoffé pour l’édition DVD. Les performances sont bonnes et Cheech Marin toujours parfait dans ses personnages diversement grotesques. Ça vole très bas (avec une préférence pour l’étage du minable) et ça ne rompt pas ; l’ennui suit le respect dans la tombe. (56)

True Colors / Le jeu du pouvoir *** (USA 1991) : Sur l’arrivisme et le cloaque que constitue le milieu politicien. Le film est un brin candide concernant ses propres personnages mais dans l’ensemble il tape juste – et d’un point de vue strictement dramatique ça lui est bénéfique. À l’image du héros positif (par James Spader), il n’en fait pas trop et ne se laisse pas griser ou dégrader par le cynisme (ou sa dénonciation, ou un quelconque moralisme baveux). Le cas concret est assez étoffé, la démonstration assez précise, les motifs assez généralistes pour que le film garde du sens tant que la politique politicienne n’aura pas été dépassée ; il faudra alors reconsidérer la chose en fonction des artifices remplaçants. La forme pourra agresser un public de bon goût ; l’enrobage bien kitsch et d’époque, la bande-son un témoignage remarquable de cette ère d’ambiances et musiques d’ascenseur ou tapis roulant – Herbert Ross est plus connu pour Footloose. (72)

Le festin de Babette ** (Danemark 1987) : L’hédonisme conservateur-traditionaliste illustré. Apprentissage d’un chapitre du sens de l’existence pour des protestants normalement crispés : la grâce n’est pas que dans l’austérité et la repentance, aussi dans les satisfactions et joies de la vie ; avant le monde d’après il y a ce monde d’avant, sans l’adorer nous devrions savoir l’apprécier. Le film est bien conçu, intimiste et sans excès, pour une séance tranquille et doucement sensible. Le choix de la française reste stupide d’un point de vue économique ou simplement individuel – sa capacité de générosité vient de disparaître en même temps que celle de pourvoir à son égoïsme. Ce point continue à me gêner et limite donc ma note ; j’acceptais plus facilement ce mélange de religiosité policée et décontractée, cette passion d’humilité (qui ne va pas sans petites mesquineries) et naturellement cette fermeture au monde. (62)

Le corsaire noir ** (Italie 1976) : Une des adaptations d’un cycle de romans considéré comme anticolonialiste (le plus fameux de ces personnages et cycles signés Salgari est Sandokan). Proche des films d’aventure hollywoodiens et au début d’une bande-dessinée. Beaucoup trop long, épuise vite ses cartouches au niveau des personnages et du scénario. (48)

125 rue Montmartre *** (France 1959) : De la comédie au polar vicieux en passant par le drame psychologique : une bonne séance pleine d’affabulations, de manipulations – à l’étage individuel et dont on ne sait trop ni la nature, ni les intentions véritables. Le pleurnichard est joyeusement exaspérant mais le bourru n’est pas mieux : les deux s’échauffent et se poussent à bout. Un tel tandem a pu participer à l’invention de François Pignon et de L’emmerdeur, où le même Lino se coltinera Jacques Brel. Seul problème : tout ce montage tient à peu de choses, le film a peu de réserves, sa courte durée nous évite donc probablement des déconvenues sinon un gentil dégonflage. (66)

Gun Fury / Bataille sans merci ** (USA 1953) : De Raoul Walsh, avec Leo Gordon le filouté de The Intruder. De bonnes scènes en extérieur dont l’effet est passablement laminé par les plans de papier pour les fuites de diligence. L’écriture est bien épaisse et donne lieu à quelques dialogues savoureux de lourdeur ou de crétinerie mielleuse (via Rock Hudson). Morale ‘freedom’ vaseuse bonne pour la pose et cadenassée par la véritable orientation, la ‘fleur bleue’, pas absolument sage ou docile mais résolument gentillette et auto-satisfaite. Rien de dégoûtant, rien d’attachant (ou si vaguement) – on oublie vite ces séances-là, de ‘bons’ moments de faible intensité. Sous l’1h30, tourné en 3D et Technicolor. (52)

L’espion qui venait du froid *** (UK 1965) : Espionnage de basse intensité avec abondance de dialogues (certains un peu ronflants au début). Protagoniste amer, dans l’auto-dépréciation – un aliéné qui ne croit pas ou plus en lui ni en rien, n’a ni passé ni futur ni acquis à son compte. C’est potentiellement ennuyeux mais aussi captivant, si on est sensible aux ‘films noirs’, aux antihéros adultes, aux intrigues cyniques sur fond géopolitique. Adapté de John Le Carré. (68)

La Menace *** (France 1977) : La première moitié est séduisante (fait parfois penser aux belles heures du bis italien de l’époque), la poursuite de l’enquête bien plus poussive (le scénario devient trop démonstratif, le commissaire n’affiche que des facettes médiocres ou de demi-abruti complexé). Des plans superbes (dans la région bordelaise et en Colombie-Britannique) et sur le tard du ‘gros spectacle’ avec cette traque mutique d’une vingtaine de minutes. Jeu intense de Marie Dubois en femme désespérée et vengeresse. En-dehors des scènes excellentes avec elle, le film aurait gagné à être raccourci ou plus rapide. Acteurs assez brillants, Montand dans le polar et les configurations sombres et sans baratin est définitivement plus convaincants. (66)

Alain Corneau : Police Python 357, Série noire, Le choix des armes, Crime d’amour.

Le monde de Charlie ** (USA 2012) : Plutôt poignant sans être renversant, casting excellent, enrobage un peu nostalgique, avec même quelques effets de montage ‘criards’ eux aussi typiques des alentours de l’an 2000. Fin pas à la hauteur qui laisse sur un sentiment de superficialité voire de gâchis ; presque tout est laissé en plan sous prétexte de fin d’année scolaire. Le recours au traumatisme est d’un triste conventionnalisme et assez pleutre, même si l’illustration de ce cas précis, avec les amnésies et cette sorte de ‘confusion’, est légitime. Pourrait-on simplement aborder les phases difficiles du développement humain sans aller chercher des accidents outranciers ? Pourrait-on accepter que les événements sales et les expériences malsaines ne sont pas nécessaires pour expliquer bien des maux, des bizarreries, ou même des petits décalages ou des souffrances ? Cette incapacité à dépasser les masques rend le film vain ; à quoi bon montrer l’Humanité dans sa lâcheté, relever des traits et des manières si décisives, si c’est pour se planquer derrière ‘l’exception’ ? Simplement car cette œuvre est aussi un produit-doudou, une sorte de bonbon pour les ados ou ex-ados qui se sont sentis ou ont été exclus par les autres ou malmenés dans leurs premiers contacts avec la vie – mais avaient, forcément, beaucoup de charme et de talent. (62)

Meurtre au soleil *** (UK 1982) : Sûrement un peu moins bon que Mort sur le Nil mais pas moins plaisant. Les voix françaises tendent au cartoonesque, flattant la légèreté bigger-than-life du ton. Retrouver celle tonitruante de la vieille dans Tom & Jerry le film m’a rendu spécialement réceptif. Des dialogues curieusement crus voire salaces ! Seule réserve sérieuse : la tactique de Poirot pour boucler l’affaire pouvait être anéantie par un minuscule incident. Sinon l’enquête et la mise en scène sont carrées, laissant de nombreux indices qu’on peut repérer facilement sans savoir les déchiffrer avant la résolution. (72)

Scrooged / Fantômes en fête ** (USA 1988) : Une poignée de scènes potentiellement mémorables quand le film pousse à fond dans le fantastique. Un loukoum de mongolos contents de se tenir chaud en guise de fin. Film de l’alcoolisme joyeux. Les fans de Murray ne seront pas déçus par son jeu hystérique ; ils peuvent loger des espoirs dans son personnage mais pas dans le scénario ni le traitement qui lui est réservé. L’entrain de la comédie et des interprètes permettent de digérer en douceur la moraline ; car on est bien dans une énième sérénade prônant l’humilité et l’esprit de Noël, seulement le ‘salaud’ est notre héros et on le sent trop vivement racheté d’avance. (52)

Shiraz ** (Inde 1928) : Film romantique utilisant le Taj Mahal pour tailler une conclusion fleur bleue (le prince et l’amour d’enfance, soudés et apaisés, rendent hommage à l’ex-esclave et impératrice morte précocement). Tournage et équipe indiennes, mais réalisateur et financement allemand ; probablement raison pour laquelle nous parvient. Long à développer mais pas nécessairement plus que le commun de l’époque et sans trop ennuyer. (54)

Miss Daisy et son chauffeur ** (USA 1989) : Un film de ravis de la crèche avec peu de politique bien que la ségrégation soit de la partie – et même un discours de Martin Luther King, qu’on ne voit pas. On a droit à une scène suggérant la proximité des difficultés entre mamie juive allemande et papy descendant d’esclaves ; même à cette occasion le focus est sur l’individu et pas la société. On ne risque pas de dépasser les clichés avec ce Miss Daisy et son black souriant, plein d’entrain en théorie comme en pratique, peut-être légèrement déficient ou niais (contrairement à son employeuse qui est seulement une conne pontifiante) – interprété par Morgan Freeman censé avoir près de 70 ans !

Mais ce film est surtout une jolie histoire de vieillesse et de femme planquée inapte à regarder ses vérités, d’où ses ratés décisifs et un rabougrissement de l’esprit. Son ego est probablement le premier responsable de sa dégénérescence finale. (58)

Le jouet ** (France 1976) : Le postulat est excellent, on a immédiatement compris où le film veut en venir et lui n’a aussitôt plus rien à nous dire. C’est mou, carré, forcé. Gentiment amusant et convaincant. Les scènes tendues avec le patron et la mise à l’épreuve de la dignité de ses sujets auraient suffit. Celles avec Pierre Richard resteront difficilement en mémoire mais on risque moins l’ennui qu’avec son Distrait ou toute autre franche comédie loufoque ; le film n’a donc pas les moyens de ses ambitions mais il en tire bien un bonus, un ‘supplément d’âme’. Pour des films sur la déshumanisation et malgré une poignée de dialogues bien sentis dans celui-ci, je recommande plutôt les films de Bunuel de cette époque ou le récent Chien avec Macaigne. (52)

Paris brûle-t-il ** (France 1966) : Pas une ombre sur Paris ! Ni en son sein, ni dans son passé récent ; il n’y a que des hommes et des femmes bien braves déjà au bout de la pente de la Résistance. Ce triomphalisme obtus a ses vertus pour l’ensemble du champ social et politique : on ne peut lui reprocher de jeter de l’huile sur le feu. C’est de la propagande bien française, sans méchants ni conflits internes, terrienne mais artificielle, toute en joie démonstratives et gouaille cadenassée. Que le PCF soit également partie prenante achève peut-être de neutraliser tout élan un peu riche ou sincère. Certains acteurs déjà reconnus mais bientôt des plus éminents y apparaissent dans de pauvres rôles et sont douloureusement faux, Belmondo au garde-à-vous est en pleine gêne et Montand est déjà dans une posture de pseudo-populeux héroïque. Les acteurs américains ont l’air naturels, Kirk Douglas comme tant d’autres s’oublie rapidement, Perkins après Norman Bates (Psychose) est relativement magnétique. De jolis mouvements de caméra et une mise en scène grand angle, pourtant on pouvait donner au film dix ans de plus sans que ça paraisse trop louche. (46)

Jennifer 8 ** (USA 1992) : Il ressemble bien aux thrillers de sa décennie mais plus encore à ceux coréens sortis dix à vingt ans plus tard. Convaincant sur le rayon polar et celui des sentiments. La trentaine de minutes précédant la conclusion est très différente, la mise en accusation d’un des personnages principaux rapproche le film de tunnels conventionnels dans le genre, avec faux doutes et interrogatoires interminables – même sur ce terrain le film s’en sort en remettant en jeu la relation entre l’aveugle et l’enquêteur, en jouant de ce qu’elle peut avoir d’inconfortable voire de trouble dans un œil extérieur. (72)

PRÊTE A TOUT ****

19 Juin

5sur5  Deux ans après Malice, Nicole Kidman nuance son personnage de ‘perverse narcissique’ pour interpréter une psychopathe lisse, attrayante, douée, à la petite portion d’âme obnubilée par ce qui brille. Comme elle le démontre avec une si belle application dans les apartés face caméra sur fond blanc, elle a intériorisé les attentes culturelles, la ‘véritable’ hiérarchie sociale, ce qui est ‘véritablement’ éthique, donc ce qui vaut d’être aimé, désiré, respecté (et pas ce qu’on approuverait mielleusement sans vibrer) : la réussite sociale et une prestance supérieure irradiant les médias et les spectateurs. Qu’importe si cela revient à meubler si on est le plus ravissant des meubles.

La construction en flash-back donne l’occasion à la poupée de porcelaine assertive de participer au commentaire sur sa vie, son œuvre, manifestement maléfique et méprisable aux yeux des autres – ce qui ne semble pas la préoccuper puisque ses performances ont été parfaites. Les témoignages permettent de prendre une distance avec son cas, distance émoussée le reste du temps par la complaisance. La rigueur de la mise en scène ne permet pas ce sursaut moral, seuls des recours tranchés comme les laïus de Janice (jalouse et frustrée plutôt qu’avisée) et quelques décharges humoristiques peuvent enrayer la machine – c’est peut-être pourquoi ils sont insipides et éventuellement lourdauds (les deux familles sur le divan télé, l’introduction de Jimmy et Russel). L’humour est meilleur quand il accepte le jeu de Suzanne, en œuvrant comme elle dans le sarcasme sans affectation. Les meilleurs exemples concernent un homme chéri, avec l’usage d’All By Myself et l’irrésistible dédicace en fin de flash météo.

Le point de vue sur la captation des fantasmes par la télévision est assez habile et s’étend immédiatement aux réseaux sociaux. Même s’il surfe sur la morale à l’égard de la corruption des âmes par les médias, il ne tombe pas dans le niaiseux et ne prend pas le support dominant dans le présent pour un responsable à l’initiative du ‘mauvais’ (si c’est à cause d’une critique à la présence opportune dans un ‘produit de commande’, qui n’a pas eu la chance de se développer, alors ce ratage est bienfaiteur). L’époque se prêtait parfaitement à une telle représentation (la gamine assujettie partage les rêves miteux de l’ado shooté du Storytelling de Solondz). Network et Videodrome avaient déjà fait le travail de fond à propos de cette emprise des écrans sur les masses ; To Die For fait plutôt celui de démonstration, quasi parodique, que fera douze ans plus tard Live ! à propos de la télé-réalité (où Eva Mendes s’expose afin de remplir sa fonction de maîtresse d’une expérience certes répugnante, mais remarquable, sommet et climax dans l’histoire de son secteur).

Si Prête à tout fonctionne tellement c’est grâce à cette candide froide portée haut par sa détermination à toute épreuve (l’écriture est excellente mais tout est prémédité, il ne faut donc pas compter sur le suspense pour accrocher – puis la conclusion est d’un guilleret plombant, peu importe le visage du tueur à gages). Suzanne est une enveloppe magnifique sur une coquille d’un genre répandu, presque condamné à la poursuite compulsive du succès ou bien de la visibilité, sinon vautré dans l’ennui et rongé par la mesquinerie. Un genre transversal ici incarné dans une ‘vraie’ et extraordinaire femme fatale – pas la fantaisie tirée d’un imaginaire présumé strictement masculin (si elle relève c’est via le type rationnel, comme dans La fièvre au corps). Jouer la femme objet pour la galerie ? Avec joie – si c’est ce qu’il faut [pour imprimer son image] elle coche cette case aussi ! Son énergie, son ambition et sa vanité immenses se répandent sur ce qui se trouve là en attendant mieux ; Larry est son amant entrée de gamme en attendant mieux et car il permet de viser mieux (mettre un voile sur la nature criminelle de sa belle-famille n’est même pas nécessaire, car ce qui reste hors-champ et hors-lumière n’existe pas pour elle – et probablement pas pour ‘l’opinion publique’).

Finalement la grande force du film, passé cette fusion avec le côté grotesque et éblouissant du personnage, est sa capacité à montrer, sans emballement, les limites et fatalités inhérentes à son triste génie. Elle sait innover et initier des projets (dans cette modeste chaîne locale où une telle « tornade » est décalée), mais est dépourvue d’une intelligence créative et surtout d’une quelconque lucidité ‘en profondeur’ (et elle est sans doute trop jeune et vernie pour le savoir). En revanche elle a celle de faire le nécessaire – et s’y applique sans les limites de ‘petits esprits’ englués par des barrières communes – morales en particulier. Elle excelle dans une sorte de flatterie supérieure – cette capacité de faire passer les désirs de l’autre pour une réalité, lui faire croire qu’il vit quelque chose (même si elle la déploie rarement à fond car cela exige de se décentrer de sa propre valeur). Mais la satisfaction la broie. Quand elle obtient l’attention des caméras, ses efforts et ses effets deviennent trop voyants. La prestation se rigidifie, la spontanéité s’éteint – l’enthousiasme et l’émotion dévorent cet esprit plastique et neutre, il n’y a plus d’espace pour souffler entre les emprunts et les paroles toutes-faites, la confiance creuse en ces formules devenant fatale sans le relais de ce don de l’adaptation.

Quand Suzanne a obtenu ce qu’elle voulait, elle n’arrange plus le masque, laisse à l’air libre ses priorités – un gros cynisme, voire un bon sens réaliste l’emporte ouvertement. Son obsession d’être vue, comme tous les dopants, a des contre-coups terribles et l’éloigne de la réalité (dont elle est tellement dépendante). Les assauts des journalistes, même s’ils sont grossièrement avides ou dédaigneux, sont perçus comme des applaudissements (bande-son subjective à l’appui). Suzanne est entièrement dans la logique de ces marchés où la visibilité est l’essentiel. Il faut rester à l’affiche en suscitant une demande (même assassine), peu importe la qualité de la réception, peu importe la défiance – mais dans son cas cette notion d’hostilité est naturellement dans l’angle mort, ce n’est pas un calcul ; en elle il n’y a jamais l’once d’un début de polémique, aussi elle n’en soupçonne pas la portée chez les autres. Cette inertie intérieure est pour beaucoup dans ce qui la rend à la fois désirable et sympathique malgré sa dangerosité – un tel démon vivant dans la parodie ne connaît que des tragédies sans douleur.

Note globale 86

Page IMDB  + Zogarok Prête à tout Kidman sur Sens Critique

Suggestions… Rusty James * Le Conformiste * Eyes Wide Shut * Serial Mother * Bronson + Gone Girl 

Scénario/Écriture (7), Casting/Personnages (9), Dialogues (9), Son/Musique-BO (7), Esthétique/Mise en scène (9), Visuel/Photo-technique (8), Originalité (6), Ambition (7), Audace (7), Discours/Morale (6), Intensité/Implication (8), Pertinence/Cohérence (8)

MBTI-Caractérologie : Typiquement une ennea-3 malsaine. Active-Froide dans la caractérologie de Le Senne, tombe dans la case du type Sanguin.

Les +

  • un de ces films parfaitement remplis, plein de détails éloquents et permettant de soutenir la revoyure
  • percutant, précision des dialogues
  • Kidman est formidable, les autres acteurs excellents également
  • souvent réjouissant
  • fin concernant les personnages, même si c’est en laissant la plupart faire de la figuration
  • peu ou pas de sérieux défauts, surtout des points ‘moins forts’ (à force de se frotter à l’artificialité le film s’y converti, son originalité n’est pas ‘en propre’) – ou relatifs au niveau d’adhésion du spectateur
  • sait passer au-delà de la condamnation ou de la suspicion pour apprécier le personnage et ses biais de perception (tout en rappelant sur quelques plans que c’est une charmante psychopathe)
  • toutes ces beautés artificielles qui sembleraient simplement criardes ailleurs et sans Kidman

Les –

  • le premier quart-d’heure est relativement lourd (quoiqu’enthousiasmant) avec son semblant d’enquête et la trop grande place du documentaire
  • un peu moins bon sur la fin à cause du champ réduit par le crime et de la conclusion un peu ‘légère’
  • des scènes moins pertinentes avec les ados mâles ; du forçage dans certains détails (dans les musiques, sur certains plans)

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LE CRIME ÉTAIT PRESQUE PARFAIT ***

26 Juil

le crime était presque parfait

4sur5  Appartenant à la période de l’Hitchcock classique, grand maître, Dial M for Murder sort en 1954 et se situe juste avant Fenêtre sur cour et La main au collet. Manifestement moins ambitieux que d’autres, c’est pourtant l’un des meilleurs opus hitchcockiens, en tout cas l’un des plus délectables. Craignant une séparation qui le mettrait financièrement dans l’embarras, Tony Wendice contraint un homme à tuer sa femme. Mais celui-ci rate son assassinat et Margot Wendice se défend si bien qu’il meurt un ciseau planté dans le dos.

Le mari est alors au téléphone à l’extérieur. Il doit rejoindre sa femme à leur domicile : comment la gérer, comment se protéger et orienter la police qui arrive ? Le spectacle est assez balourd au départ, quoique le face-à-face du commanditaire et de l’exécutant forcé corrige rapidement le tir en mettant au placard les discussions oiseuses. Lorsque l’unique véritable criminel est le seul (avec nous spectateur) à connaître la menace pesant sur lui et devoir la déjouer, le film devient passionnant. Puis le piège se referme sur sa femme et arrive le climax du film, où la victime manipulée est doublement bafouée.

Le spectacle charme énormément par sa précision retorse et l’aspect ludique de sa construction. Son tournage en quasi huis-clos lui apporte plus que sa 3D (dont quasiment personne n’a pu profiter pendant une cinquantaine d’années, en-dehors des festivaliers). De l’aveu du réalisateur lui-même, peu d’effets se fondent sur le relief (les remarquables sont relatifs à des gestes manuels), mais Le crime était presque parfait a ainsi l’honneur de figurer parmi les premiers à employer le procédé. Le film profite de ses excellents personnages (Grace Kelly, l’inspecteur) et notamment de son criminel quasi parfait.

En dépit du risque d’échec pesant sur lui tout le long du film, Ray Milland est un stratège et acteur brillant, d’autant plus inquiétant qu’il ne souffre d’aucun trouble intense ni d’aucune culpabilité (seulement l’anxiété du dissimulateur). Sa position d’aliéné modéré et son élégance, face à un amant plus grossier (dont la perspicacité sonne faux), le rendent plus sympathique que les autres protagonistes, dont l’enthousiasme creux et la froideur mondaine semble être devenue une seconde peau ‘sincère’ : le spectateur voit une hypocrisie et un maillon (faible et moralement abject, pourtant sans méchanceté) qui ne s’en accommode pas. En dernière instance son obscurité est plus digne que leurs couleurs pastels – c’est un franc antihéros, les autres sont rangés aux mesquineries ordinaires. C’est aussi un vrai sujet de tragi-comédie tant il est objet d’ironie ; il fait entrer le Mal dans la maison, évidemment pour son propre compte, or il travaille au succès des besoins amoraux de ses adversaires, qui demeurent les gentils de l’affaire.

Note globale 72

Page Allocine & IMDB   + Zoga sur SC

Suggestions… Hannibal + Douze hommes en colère

Scénario/Écriture (4), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (4)

Critique complétée suite à un second visionnage en janvier 2019.

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PERFECT BLUE =+

25 Mar

perfect blue

Premier long-métrage d’un génie de la japanim, mort avant d’élever sa notoriété au niveau de Miyazaki ou Takahata, Perfect Blue est une démonstration remarquable mais aussi un spectacle intensément frustrant. La découverte d’un style neuf et une intelligence roublarde font de ce film une référence classique de l’animation japonaise mais un parfum d’escroquerie flambante reste. Inspirant considérablement Black Swan de Arronofksy, Perfect Blue renvoie lui-même à des références très fortes : De Palma et surtout David Lynch.

Satoshi Kon crée une atmosphère lynchéenne, casse les repères, instaure une ambiguité avec la réalité, d’autant mieux cultivée que l’héroine doit créer un rapport à son nouveau milieu (une chanteuse passant au cinéma). La dépersonnalisation connue par l’héroine sert cette démarche tout en donnant à ressentir la condition d’idole, la puissance acquise par son image, la perte de soi et les menaces de cette exposition. Satoshi Kon se réfère à cette catégorie comme à une institution impersonnelle et durable, ce que ses figurants ne sont pas.

Audacieux en apparence, l’édifice est fragile et l’originalité chiquée. Le film s’appuie sur des images sensationnelles, parfois brillantes, mais vides ; tisse son histoire sur des clichés culturels, mais aligne de jolis motifs en faisant de la schizophrénie latente une méthode de mise en abyme. Néanmoins les ficelles sont trop volumineuses et l’agacement règne, même si une tension très esthétique maintient l’intérêt en toutes circonstances. À ce moment-là, cet ambitieux bricolage ne fait pas seulement la synthèse de Lynch, il se rapproche (et sans doute se nourrit) fortement du De Palma le plus théorique et clinquant.

Les références sont spécifiquement Body Double et Dressed to Kill. Même aspiration au calcul virtuose, au film de malin étourdissant et implacable ; même propension kitsch malgré une prodigieuse élégance, ou au moins une tension vers elle. Perfect Blue n’a pas leur grâce et son intelligence apparaît du coup plus frelatée, le tour de magie plus grossier. À la place, Perfect Blue est plutôt le Machinist de la japanim : un délicieux objet laqué, puissamment stylé, doté d’un certain pouvoir d’envoûtement, si creux malheureusement, si pâle fondamentalement tant il investi des sentiers éculés comme un fantôme arrogant aux parures luxueuses.

Les autres réalisations de Satoshi Kon seront généralement plus convaincantes que cette œuvre-clé là. Le Satoshi Kon expérimental et conceptuel a toujours été plus pesant et Millenium Actress, malgré son initiative lumineuse, sera assez pénible tout en suscitant le respect. Au contraire, Tokyo Godfathers, simple chronique avec des marginaux est un spectacle grisant et émouvant, un film de Noël exceptionnel. Puis Paprika sera le chef-d’oeuvre, où la dialectique sert la profusion et non la supercherie virtuose. La mort prématurée de Kon en 2010 est tragique car elle coupe dans son élan ce qui s’annonçait, dès ce Perfect Blue adulte et introspectif quelque soit ses défauts, comme un nouveau maître de l’animation, tout court.

Note globale 62

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

Note relevée de 60 à 62 suite à la suppression des notes en -0.

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