Tag Archives: Lars Von Trier

THE HOUSE THAT JACK BUILT **

23 Mar

2sur5 Je comprends qu’on soit écœuré ou ennuyé par ce film, qu’on le trouve démagogue, pompeux, malin ; je ne peux m’empêcher de le trouver simplement débile et carré, efficace dans son petit espace aux allures importantes. C’est surtout trop bête et systématique pour émouvoir. La radicalité pourra ébranler des cinéphiles tout frais, gêner et ‘poursuivre’ raisonnablement d’autres, car Larsounet aime briser des tabous élémentaires (en se foutant de leur légitimité mais peu importe l’époque permet).

Régulièrement, au travers de Verge-ile essentiellement, on prend de la distance avec Jack et est invité à le considérer comme un imbécile pimpant ou un raté folklorique, mais dans l’ensemble la fascination est censée l’emporter – cette charge suffit à rendre la séance un minimum attractive. Lars est évident au travers de nombreux traits de ce protagoniste, de ses discours et présentations. Les références au nazisme sont complétées par celles aux autres grands dictateurs du XXe, belle brochette de prédateurs ultimes donc pontes de l’ « art extravagant » (quelle place doit occuper Glenn Gould face à eux ? lui dont la même archive est recasée régulièrement – la légitimité et le goût de la chose m’échappent). Les laïus ne sont que des dissertations fumeuses à terme (même contradictoires) de narcissique affranchi, visant directement les gros et grands thèmes.

Jack comme Lars ont sûrement raison d’y aller à fond. C’est simplement dommage de toujours revenir au stade du sociopathe adolescent ou adulescent gargarisé de maximes subversives. Jack & Lars nous resservent ces vieux refrains de nietzschéens, ces conneries sur la beauté de l’art-boucherie (hormis la maison finale, pas une once de valeur esthétique dans les concrétisations).. L’humour est autrement agréable (la solitude et la fatalité sont facilement drôles) même si la volonté de provoquer entame là aussi son pouvoir et surtout lui interdit une véritable.. intelligence ? Enfin en termes de psychologie et de scénario le film n’a pas grande valeur, la présence de l’auteur agrégeant tout progressivement, tandis qu’à force d’être concentré sur le monde de ce type on sacrifie la consistance en plus de la vraisemblance – car berner des victimes et des policiers peut se concevoir mais à force de cumuler on sort de la bêtise, de l’aliénation et de la cécité humaine pour entrer dans la niaiserie catégorique.

Note globale 54

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Suggestions… The Addiction/Ferrara + I am not a serial killerLe triomphe de la volonté

Scénario/Écriture (5), Casting/Personnages (7), Dialogues (5), Son/Musique-BO (5), Esthétique/Mise en scène (7), Visuel/Photo-technique (6), Originalité (6), Ambition (9), Audace (8), Discours/Morale (4), Intensité/Implication (6), Pertinence/Cohérence (3)

Les +

  • mise en scène toujours originale même si crasseuse
  • acteurs irréprochables
  • envoie du lourd même si le résultat reste peu intense
  • la jolie séquence finale, meilleure dans ses aspects bisseux que pompeux

Les –

  • peu marquant par rapport à tout ce qu’il engage
  • déblatérations pas dégourdies
  • ce que Jack et Lars veulent faire au début n’est évident ni pour eux ni pour nous
  • du déjà vu et du niaiseux dès qu’on gratte un peu

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DOGVILLE =+

26 Jan

dogville

Dogville se distingue d’abord par le dispositif improbable choisi pour la mise en scène. Lars Von Trier installe son film dans un décors théâtral au sens strict, sur un petit espace à fond noir, dont on ne distingue ni début ni fin. Quelques meubles sont disposés, sinon le reste (les maisons par exemple) est simulé par des lignes blanches, quelquefois accompagnées de légendes. Jamais un cinéaste n’avait imité le théâtre de façon si achevée. Cependant, les sons de l’environnement sont installés (surtout au début), là où Manderlay, film suivant de Lars Von Trier reprenant les mêmes procédés, sera encore plus austère et abstrait à la fois.

Un narrateur (John Hurt) guide le spectateur, dont l’attention est concentrée sur les personnages et le scénario. Le film se décompose en neuf chapitres (plus un prologue), construction récurrente chez Lars Von Trier. Le casting est essentiellement anglo-saxon et réunit plusieurs  »stars » (une première pour Lars, excepté Dancer in the Dark avec Bjork et Deneuve, tourné un an avant), avec surtout Nicole Kidman dans le rôle principal. Elle est donc Grace, manifestement poursuivie par des gangsters et peut-être recherchée par la police, trouvant refuge dans un petit village au bord de la montagne, Dogville. Omettant toute explication pour ne pas mêler les gens à son secret, elle tente de s’intégrer en se rendant utile.

Le séjour de Grace à Dogville sera un calvaire pour Grace, poliment refoulée ou snobée, puis mise à l’épreuve, exploitée et finalement réduite à la détention voir à l’esclavage. Elle devient le défouloir de la petite communauté et l’otage des besoins de ces concitoyens refusant de l’assimiler ; à Dogville, il y a deux classes, les humains et elle. Si les hommes du village assouvissent leurs tensions sexuelles sur elle, son ange gardien Tom (Paul Bettany) n’est pas moins sordide. Cet écrivaillon en besoin d’affirmation se sent non-reconnu (et gratifié) par Grace, pour laquelle il considère prendre de grands risques. Lars Von Trier en fait l’humaniste pleutre par essence, armé de postures et gadgets (il prône l’ouverture à l’Autre) auxquels il croit sincèrement, mais lui servant de faire-valoir.

L’habit humanitaire et la conscience sociale affichée recouvrent une grande impuissance à comprendre la nature humaine, devancer les tendances, accomplir une introspection véritable.. Lars charge comme aucun autre ce personnage (dont la fonction sera reprise par Grace elle-même dans Manderlay) ; le reste des villageois est irrécupérable mais sa mesquinerie, ses ambivalences, sont plus ordinaires et limpides, surtout sitôt qu’on a largué toute croyance dans la domination universelle de la bonté humaine. Lars Von Trier frappe plus fort et plus loin que Le Ruban Blanc de Haneke sur un terrain similaire, mais sans avoir l’attitude professorale du réalisateur de Funny Games. Le totalitarisme sévissant à Dogville n’est pas le résultat d’un contexte historique donné, ni même géographique : le village en campagne rend la tyrannie de la majorité plus éclatante, il ne l’invente pas.

Le choc esthétique et conceptuel engendré par la mise en scène peut inquiéter au départ, la durée de la séance sembler exagérée. Et bien qu’il ait pu courir vers la catastrophe ou les abymes du cinéma d’auteur lourdaud, Lars Von Trier réussit à captiver. Le spectateur trouve rapidement ses repères dans ces décors minimalistes. Servies par les manières brechtienne de la démarche, les trois heures sont avalées sans peine ni regrets grâce au dynamisme et à l’intelligence de l’écriture. Cette puissance d’esprit alliée à la composition de Nicole Kidman engendrent cet état particulier où le spectateur oublie l’objet et est tout entier dans le sujet. C’est-à-dire qu’il fait abstraction du film en tant qu’observateur, pour réfléchir activement sur son contenu à un degré quasiment littéraire, sans se replier dans son esprit car le dialogue est vif et incessamment renouvelé. L’expérimentation est donc une franche réussite, au-delà du fond du discours. Toutefois il reste la sensation que Lars occulte un plus grand saut et préfère s’en tenir au développement, très instinctif, d’idées fortes.

Note globale 68

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Suggestions… Eyes Wide Shut + The Hours

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EPIDEMIC =-

22 Jan

epidemic

Second film de Lars Von Trier et de sa trilogie Europe. Dès Element of Crime, sorte de Querelle lynchéen, Lars a été considéré comme un cinéaste à suivre, à raison quelque soit l’adhésion à son travail. Avec Epidemic, le danois réalise un peu sa version de L’antre de la folie. Au programme sont associés deux niveaux narratifs : la collaboration d’un cinéaste et son scénariste pour le film baptisé Epidemic ; et le déroulement de ce film, où un médecin lutte contre la propagation d’une épidémie.

Epidemic est loin d’être nul, il a la vertu des premiers films d’auteurs intransigeants (la brutalité), il a également les vices et les lourdeurs des produits de petits malins surjouant l’hermétisme et l’anticonformisme. Le résultat baigne dans un climat légèrement surréaliste, avec quelques séquences larguant les amarres du vraisemblant. Epidemic n’a à peu près aucun intérêt, sinon celui de voir Lars quand il était jeune et élancé, de considérer sa fougue de jeune cinéaste, son intégrité stylistique et sa singularité.

On peut dire d’Epidemic qu’il a des airs de Bergman (Cris et Chuchotements) corrigé par Tsukamoto (Tetsuo). Cela semble alléchant, sauf que cette considération n’est qu’un aperçu, tout comme Epidemic n’est qu’un gros aperçu des aspirations de Lars Von Trier. Il est moche, illisible d’un point de vue plastique et narratif, brouillon dans l’idée et planqué dans le concept. C’est le spectacle underground bidon mais vaniteux par excellence, ressemblant à un amalgame de rushes en noir et blanc, où le contentement sur son présupposé génie prend le pas sur la démarche de créateur.

Note globale 43

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Suggestions…  Idiocracy 

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LES IDIOTS =-

17 Jan

les idiots

« Réalisé par des idiots, avec des idiots, pour des idiots », c’est un de ces films somme où un auteur vient dresser la grande synthèse démonstrative de ses tribulations mentales favorites. Un film-concept où un artiste vous énonce le fond de son idée, avec une fougue adolescente et des prétentions de vieux sage. Lars Von Trier met en scène un groupe de jeunes gens en quête de leur « idiot intérieur ». Leur démarche est anarchiste et se veut anti-bourgeoise : à cette fin, il s’agit donc de cultiver le terroriste sommeillant en soi.

Il y a d’autres façons pour mettre le feu que la lutte armée : désacraliser tout, jusqu’à l’intégrité de l’homme, se détacher par la farce et la régression, c’est autrement puissant. Quand on choisit le trollisme et la dégradation (de soi), on montre au monde extérieur et à la société que toute quête de sens est inutile ; ou bien, qu’on a pas de respect pour ça et c’est au moins une dérive d’individualiste accompli. Il y a un peu de tout ceci dans Les Idiots. Sauf que contrairement à ce que croient ces anti-bourgeois, ils n’expriment à peu près rien et ne ridiculisent qu’eux-mêmes.

Leur démarche est soutenue de façon si faible et de toutes manières viciée à la racine : que font-ils en groupe pour trouver leur idiot intérieur ? La tâche consiste pour eux à singer l’idée qu’ils sont des handicapés mentaux et un peu harceler les gens ou leur jouer de sales tours. Leur quête abouti néanmoins, car ils finissent tous par se crétiniser réellement. Pour autant, ils sont incapables d’être idiots de façon profonde ou pertinente ; ce sont des gens vides qui ont trouvé un passe-temps piteux mais à la justification grandiloquente, avec l’illusion du génie, ou au moins de quoi en laisser supposer un soupçon.

Le meneur de la troupe, Stoffer (Jens Albinus), qui sera à nouveau le protagoniste bouffon du Direktor de Von Trier 10 ans plus tard, est un pauvre gars en guerre contre des fantômes : il voit les bourgeois partout, même dans d’humbles personnes, il se prend très au sérieux en soutenant une doctrine injustifiable et vide, il veut la gloire objective et celle de la disgrâce à la fois. Lui et son gang essaient de théoriser lourdement et s’en montrent incapables car ils s’expriment sans avoir quoique ce soit à exprimer. Ils ont sans le savoir l’un des maux de leur temps : se prendre pour des concepteurs géniaux et des thérapistes avant-gardistes, alors qu’ils ne font qu’empiler de la merde en mode automatique.

Naturellement, le film lui n’est pas si spontané. Les Idiots marque pourtant le lancement du Dogme 95, programme mis au point par Lars Von Trier et Thomas Vinterberg, se posant comme un mouvement d’avant-garde en rupture avec l’industrie dominante. Il s’agit d’un traité reposant sur dix règles favorisant une approche plus immédiate et vivace du cinéma, en refusant les catégories formelles habituelles, mais aussi l’ensemble du travail propre à la post-synchronisation, etc. Les Idiots est le Dogma 2, juste après Festen de Virtenberg. Lars Von Trier y respecte ses parti-pris, mais il n’est pas un directeur absent pour autant : il oriente les dialogues et il simule une attitude de bricoleur improbable.

Il simule si bien qu’il s’y complaît ; et en rajoute. Il faut bien souligner l’attitude, aussi Lars prend à cœur de livrer le spectacle le plus formellement indigent possible. Les perches dépassent plus fois, les reflets de la caméra dans les vitres d’une voiture sont manifestes. Mais c’est une gravec contradiction, car si Les Idiots apparaît ainsi spontané et en prise direct avec l’ici et maintenant, il est aussi un film où la fabrication prend le pas sur ce qui est montré. Dans la réalité, y compris celle d’un film, il n’y a pas ces éléments parasites.

Résultat : Les Idiots est à la hauteur d’une prestation d’aspirants théâtreux, avec mise en scène à l’arrache et délires qu’il vaut mieux exécuter que contempler. Lars prétend avoir quelque chose à dire, exprime une volonté et dedans, ne met rien. Mais il pose avec, l’orgueil de concevoir une chose visionnaire, dont le postulat justifierait absolument n’importe quel contenu ; celui-ci devenant donc l’affaire de quelques heures d’errances, mais au sein d’un cadre déterminé. Les Idiots est bien représentatif du Dogme95, initiative audacieuse ne conduisant à rien de productif, ouvrant une brèche dans laquelle se précipitent tous les petits malins sûrs de leur singularité géniale.

Note globale 46

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LE DIREKTOR =+

14 Jan

Un comédien au chômage est mandaté par un PDG pour incarner l’abstrait « grand patron » qu’il mentionne à ses salariés depuis dix ans pour ne pas assumer face à eux ses propres décisions et gagner leur affection. Mais alors que le comédien ne devait s’exécuter que devant cet investisseur islandais exigeant, il se présente à toute la petite communauté. Le lointain patron a maintenant un visage et il va falloir l’incarner.

Après Dogville et Manderlay où il adoptait un dispositif théâtral extrêmement lourd, Lars Von Trier livre ce Direktor, bizarrerie dans sa filmographie. C’est une comédie revenant aux principes du Dogme95 qu’il avait soutenu originellement, avec Thomas Vinterberg (Festen), ou plutôt les ressert pour mieux les transgresser ouvertement et avec malice.

Car si le manque de ressources est revendiqué et la dimension artificielle de cet espace-temps mise en avant, Lars Von Trier est en plein discours au travers de ce film. Il donne un justificatif à sa vision très noire de l’entreprise et par extension de toutes les communautés humaines, formant des psychoses collectives aberrantes vues de dehors – déjà dans Les Idiots elle concernaient même les plus récalcitrants.

Pour capturer l’objet en faisant mine de ne pas s’ingérer, Lars Von Trier laisse donc l’Automavision faire son office. Il s’agit d’un procédé rarement employé où la machine modifie toute seule les caractéristiques de la prise de vue. Le film en viendrait facilement à manquer de substance facilement et il flirte de toutes façons avec la vacuité. Mais les intentions sont là, comme le goût du bon gros canular et soutiennent l’improvisation. Le Direktor se suit comme un grand sketch consistant à mettre à mort le fragile équilibre de la bulle triste où sont enfermés ses personnages. Les allégories concernant les relations entre l’art et l’économie ne sont que des outils.

Lars Von Trier installe donc une distanciation généralisée, tout en répondant présent. Il est exactement comme cet acteur amoureux de la technique de Gambini et se prenant un peu trop au sérieux : il est candide et acide, mais c’est sans mesquinerie, juste des observations d’un type détaché et stoique, avec un égo incommensurable c’est vrai. Les acteurs sont en roue libre pour de faux, se laissent conditionner par leur environnement et par les plans de Lars. Les petits commentaires du réalisateur pour encadrer le film sont un peu agaçants, mais somme toute, compris comme un farceur trivial et machiavélique, il fait un travail honnête et précis.

Note globale 57

 

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Suggestions… La Méthode + Ex Drummer+ La Fille de Nulle Part

 

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