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SUR MES LÈVRES =+

16 Mai

sur mes lèvres

Troisième film de Jacques Audiard (fils de Michel) et début d’une série de succès, avec à venir : De battre mon cœur s’est arrêté, Un prophète, De rouille et d’os. Le postulat est très classique : rencontre de deux abîmés ou exclus, lui socialement, elle sur le plan affectif. Employée sous-estimée et malmenée, célibataire passive à la vie sans relief, Carla est sur la voie de l’aigreur. Elle prend un secrétaire, espère un homme : Paul Angéli lui est envoyé, c’est-à-dire Vincent Cassel, avec une prothèse en guise de nez et un air un peu shooté. Prolo ultra-typé, ce paumé-là est fraîchement sorti de prison.

Leur histoire se déroule d’abord sans surprises, leur relation est bourrue et maladroite, ils sont loin de s’aimer et sont plutôt conduits par leurs besoins, leur existence ne prenant de direction que sous la pression : lui est endetté, elle est fatiguée de se noyer dans sa tristesse et ses obligations ingrates. Une certaine intensité caractérise Sur mes lèvres, jusqu’au-bout, même quand le manque d’originalité est éclatant. L’écriture est parfois très brutale, impérieuse, les personnages secondaires assez caricaturaux, mais c’est aussi ce qui fait la force de la séance. Lorsque s’ouvre la deuxième heure, un tournant assez boiteux s’opère. Le spectateur plonge avec Paul et Carla dans des aventures criminelles où leur lien, déjà si crispé, est étouffé, réduit à une collaboration sèche et sauvage.

Au départ, Carla aimerait sans doute faire de Paul ‘sa chance’, puis elle se retrouve à s’enfoncer dans ses embrouilles davantage pour être dans l’action et éviter de tranquillement s’affadir. Elle est portée par l’espoir, puis une espèce de devoir et enfin par le seul intérêt. Il fallait sans doute cette transformation pour qu’elle accède enfin au cœur de Paul, qu’elle soit de son monde et ‘vraiment’ de son existence ; que lui n’ait plus à faire à un gadget ou un inéluctable futur antagoniste. Cette phase de latence implique cependant un engourdissement général pendant quelques temps, où Sur mes lèvres prend des airs de film policier un peu à l’ancienne, sans que sa sève vienne de là ; cela donne des séquences potentiellement très fortes, dans le contexte un peu creuses. Le conflit couvert entre Carla et Paul, puis leurs manigances ambiguës, redonnent au film une unité ; s’ouvre un chemin tortueux et violent, débouchant sur un happy end poisseux. Sans sombrer ni s’émanciper, les dominés prennent leur revanche.

Note globale 61

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Suggestions… Les rivières pourpres + Un son qui déchire

Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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DEAD MAN’S SHOES +

6 Mar

Tourné en 2004, Dead Man’s Shoes a permis au britannique Shane Meadows de gagner du terrain. Si ce film, comme les précédents de Meadows, est resté très confidentiel (deux salles aux États-Unis pendant une semaine), il a connu un vif succès d’estime et conduit beaucoup de cinéphiles à s’intéresser à lui. Deux ans après, Meadows présentait This is England.

Revenu au village de son enfance, voisin d’une petite ville où résident les malfrats qui ont violenté son frère, Richard va le venger. Il est déterminé, a médité son coup et n’a rien à perdre.

On avait pas vu une telle réussite dans ce genre de configurations depuis les Pusher de Winding Refn. Dead Man’s Shoes nous situe autour d’un monde de petits gangsters de rue, vivant dans des conditions chaotiques et un univers moral tribal. Un territoire où un homme seul est en rupture et doit purger une partie de ce monde-là pour restaurer son propre équilibre.

Dead Man’s Shoes est un modèle de film sans moyens, sans concession, bourré de talent et de radicalité. Registre, le réalisme sauvage. Sur le plan formel Meadows s’illustre par une manière spécifique de capturer ses plans, pour un rendu automnal quelque soit les circonstances. Quelques années avant les mastodontes La Vengeance dans la Peau ou Le dernier pub, Paddy Considine s’illustrait ici dans une performance simple et puissante.

Note globale 75

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Suggestions… Harry Brown + L’Impasse + Bronson + Bons Baisers de Bruges + Chute Libre + Citadel

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LE PAYS DU SILENCE ET DE L’OBSCURITÉ +

2 Fév

Ce peuple ‘du silence et de l’obscurité’ vit ce qu’éprouve l'(anti)héroïne de Chronique d’un scandale – sauf qu’elle n’a pas la maladie (l’infirmité réelle) pour l’excuser et la ravager, l’abattre complètement (ou pour trente ans comme ce fut le cas de Fini Straubinger, rencontrée par Herzog pendant le tournage de son précédent documentaire, Behinderte Zukunft/Handicapped Future – 1971). Ils sont sourds ou aveugles, les deux pour la plupart, par accident, dégénérescence ou de naissance. Ils vivent l’exclusion véritable et entière, irrécupérable (sauf peut-être via Hollywood) ; contrairement à l’exclusion sociale, la leur gardera une emprise définitive et manifeste, quand bien même il y aurait réparation, amélioration, soutien – d’ailleurs ce dernier est là, pour les cas qui nous occupent et ne fait que les retenir aux bords de la normalité.

Herzog observe avec attention mais sans émotion [perceptible] des situations sociales et démonstrations pathétiques propres à ces individus. S’il y a une sensibilité vibrante, alors c’est une empathie froide, de l’empathie volontaire, active en esprit et qui s’accepte impuissante – à résorber et à ‘entrer dans’, comprendre ; une empathie n’apportant rien par elle-même, sinon [à] voir avec bienveillance, recomposer, emprunter des détours pour simuler une proximité. Techniquement cela implique caméra à l’épaule, intérêt pour les objets et les données concrètes, à la façon d’un explorateur enthousiaste malgré ses limites. Nous restons différenciés, tout en considérant leurs moyens de se relier au monde extérieur – ou simplement leur façon d’y être. La mise en scène n’essaie pas de nous immiscer en eux, les laissent seuls à développer sur leurs ressentis ou à présenter leurs expériences – à l’exception d’un artifice (l’ouverture ‘introspective’) et de quelques superpositions orientées (de courts extraits de Bach et Vivaldi). En revanche, le rapport à la société et le regard qu’elle pourrait jeter sont absolument évacués (l’homme politique reste un représentant lointain, un commissionnaire passant un instant sans rien venir prendre ni donner, sans que des mondes se croisent et échangent).

L’équipe du tournage et les spectateurs traversent ces arrières-mondes terrestres avec pour guide Fini Straubinger. Sourde et aveugle depuis l’adolescence, elle s’exprime avec facilité et reçoit les informations [portées par les autres] grâce à des signes dans les paumes. Elle est en charge d’un groupe de sourds-aveugles de Bavière depuis quatre ans, mobilisé en début de séance à l’occasion de son 56e anniversaire. Les groupes d’handicapés réunis autour d’elle forment une communauté paradoxale jusqu’à l’absurde, puisque tous sont radicalement insulaires par leur condition physique – pourtant ils sont davantage soudés qu’on ne le serait entre des hommes liés par l’affection ou les idéaux, car c’est une lecture du monde sur-encadrée qui les réunit. Lors du premier rassemblement, celui de l’anniversaire, leur réunion trouble à peine le silence, la solitude et la désolation dans lesquels ils sont enfermés ; l’excitation de deviner ses prochains à proximité suffirait presque, s’il n’y avait la place démesurée du toucher, sens décuplé et parfois dernier espace de contact avec l’extérieur – car la parole se perd ou se gâte, voire est privée chez les enfants mal-nés.

Dans la seconde moitié, après deux enfants diminués, nous en découvrons un autre à la périphérie de l’humanité. C’est en fait un jeune homme de 22 ans (Vladimir Kokol), sourd-muet de naissance, gamin délaissé, échoué comme un animal fébrile n’ayant profité d’aucun dressage. Il a faciès de mongolien, aucune maîtrise psychologique, ne sait saisir ni soi ni l’environnement ; étranger à tout, il est proche de l’objet animé mais sans esprit, s’envoie un ballon dans la figure, se répand en bruits de bouche. C’est comme un chien qui se serait pris un coup de tonnerre, puis aurait par miracle eu le droit de poursuivre en miettes. Il est trop tard pour l’amener à la raison et probablement même à l’intelligible, mais Fini Straubinger lui apporte deux béquilles aux bénéfices immédiats : la conscience qu’il existe, est relié et pris en compte, le réconfort et l’ouverture par la musique. L’étendard du syndicat des handicapés prononce la phrase de fermeture : « Si une guerre mondiale éclatais, je ne m’en rendrais pas compte ». Comme on peut le constater sur Julie malgré l’effroi que son regard et son timbre de voix inspirent, le martyr a aussi, à l’usure, ses vertus.

Note globale 77

Page IMDB  + Zogarok Le pays du silence et de l’obscurité sur Sens Critique

Suggestions… Mary & Max + Martyrs/Laugier + Incidents de parcours/Romero

Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (4)

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THE UPSIDE **

9 Juin

2sur5 L‘essentiel de la trame et des événements s’y retrouvent, mais il y a plus que des nuances dans les agencements et le cheminement. Par les premiers on constate le fossé mental entre français et américains ; par le second le remake dépasse objectivement l’original – sauf si on a le goût de lire ‘entre les lignes’ et en fait, de boucher les trous d’un film finalement plus soucieux de brasser large et s’en tirer par des pirouettes [oh oh oh, la cible est lesbienne !] que de porter son attention sur ce dont il est en train de nous parler. L’écart entre les deux millionnaires invalides est à l’image de l’essentiel : Cluzet est plus dramatique, a des tabous, il inspire tristesse et ridicule, il peine à s’affirmer ; Cranston est plus enclin à jouer le jeu, ne fronce pas des sourcils, bougonne seulement à l’occasion, se fiche [autant que socialement possible] de ce dont il a l’air, peine à trouver des raisons de vivre encore.

Le premier avantage de ce remake est son efficacité. Et cette efficacité n’est pas un accident, elle est le témoin de deux cultures différentes – le style et les plis de mentalité des personnages le traduisent constamment. Dans les deux cas il y a main tendue avec sa petite charge subversive, d’abord condescendante puis complice. En France elle est prise au sérieux et sert l’idéal national tordu d’inclusion ; aux USA c’est davantage une formalité et elle vise l’optimisation des situations personnelles. Dans les deux cas, il s’agit de se conformer sans se sacrifier : en France cela implique rentrer dans le rang et d’avoir droit à ses différences comprise dans un cadre restreint ; au pays de la foi dans le ‘self-made-men’, cela signifie saisir ses opportunités et ne pas ennuyer le voisinage avec ses problèmes (c’était le cas aussi en France mais le présenter ainsi aurait pu compromettre son succès). ‘Compose et tu auras le droit d’exister’ versus ‘Marche ou crève’ en versions atténuées, dans un bain d’apparente abondance, où l’effort (France) et la prise de risque (USA) peuvent payer. En France, le ‘réalisme’ compassionnel effleurant sa cible, en Amérique du compassionnel tout court et sans appesantissement ; une conscience pragmatique versus une conscience du [de] malheur.

Et bien sûr dans tous les cas la caricature règne, mais là aussi l’approche diffère : en France, elle est infantilisante et pleurnicharde – même pas par conviction, seulement par réflexe ; dans la version américaine, elle est plus franchement joyeuse et on ne fait dans la surenchère de signes extérieurs de tendresse ou de compréhension. Les noirs des cités françaises ont l’air de grands enfants souvent un peu à la ramasse ou ronchons mais l’espoir est permis. Ceux des États-Unis ne sont pas à ce point coupés de la société tout en ayant une culture propre largement mieux développée et honorable ; c’est peut-être pourquoi ils ont l’air moins susceptibles au quotidien – mais dans The Upside, on les voit à peine, de même pour la pauvreté – et là on se rejoint en humanité, car universellement, les situations pourries des autres sont regardables à petite dose et de loin (et dans les pays à faible ‘névrosisme’ cette révélation se digère simplement). Avec le contexte racial aux USA, l’assistant ne saurait y être le gentil négro souriant de service, qu’on s’attend à voir sautiller comme un grand enfant. On ne le regarde pas comme le représentant d’une entité menaçante qui aurait été disciplinée voire assimilée ; on le voit comme un invité lourdaud et potentiellement incontrôlable. Il n’y a pas de tension dans le film français, il y en a dans l’américain et c’est notamment pourquoi la séance reste un peu surprenante : dans notre pays sont mis à l’avant des Jamel, des braves petits bonhommes ; dans The Upside, on sent qu’il peut se passer plus grave qu’une grève ponctuelle du personnel. On sent que les flingues peuvent être dégainés et que le malaise n’est pas qu’existentiel : il y a une pente à ne pas redescendre. Et puis on élève le niveau avec Aretha Franklin au lieu d’un titre disco-funk plus insignifiant.

À la revoyure (où il perd de sa force mais pas nécessairement du respect poli [blasé ?] qu’on lui porte), par rapport à ce remake où tout est fluide, Intouchables intègre la lourdeur française comme d’autres porteraient leur croix. Alors que nous sommes dans une comédie, avec un thème pris à la légère et des ‘réalités’ creuses, le rigorisme français est encore là, dans le visible et dans le caché, dans la morale et le pseudo-instinctif. Cela se sent dans les vannes un peu trop ‘installées’ du film de Toledano ; dans la version US ironiquement, elles sont moins attendues, la scène ne semble pas si candidement faite pour arracher un rire ou envoyer ‘un truc’. Les dialogues en VF/VO sont pleins d’ironies, avec un côté pincé ; les nantis de la version US semblent plus tranquilles concernant leur distance ou leur proximité avec les petits, les ressentiments coulent plus simplement – c’est aussi parce qu’on veut encore davantage, là-bas, éviter les échos bouillants, dans un pays où la notion de dialogue interracial est depuis toujours autre chose qu’un sujet à débats de confort. Ce n’est pas qu’une question de bon ou moins bon positionnement justement – dans cette ambiance américaine on tient moins à sa place, on a pas cette obsession du statut, les frontières au niveau des rôles et de ce qui s’autorise ne sont pas si étanches. En 2011 on a un peu le souci de l’histoire personnelle, en vérité du contexte, de la situation sociale – on n’y peut rien et on n’a pas envie d’en tirer une thèse, mais on n’ose pas le nier carrément ; en 2019, peu importe en dernière instance, l’amélioration de la situation et les choix actuels concentrent l’attention. En France, « ce qui m’intéresse c’est son présent pas son passé » a besoin d’être dit ; Cranston n’a pas à le sortir, c’est la norme.

The Upside tire le voile sur ses problèmes locaux, donc les français verront même sans se repasser Intouchables les hypocrisies, les beautés et les insanités de chez eux. On sent la France pays du faux naturel, de la simplicité copieusement étalée, où on ne l’ouvre pas mais où on peut râler dans son couloir ou bien en s’adaptant (ou en se joignant aux concerts des plaintes, mais ça, ce n’est pas pour ce film ‘optimiste’) ; où les décisions sont lentes, où on croit à la profondeur des êtres et des choses (en tout cas, plus qu’aux USA), même si parfois on préfère les mépriser ou si on l’interdit à ce qu’on aime pas. À rebours de cette tendance : les grivoiseries. Sur ce terrain en France on peut se lâcher (même Christine Boutin a des prétentions) ; il n’y a quasiment aucune de ces vannes portant sur le sexe dans la version US. Ce n’est qu’une grasse exception : les moments crus concernant les soins sont bien plus abondants dans The Upside, les difficultés relationnelles sont moins sujet à gaudriole niaiseuse et plus assumées (l’axe narratif du rendez-vous avec la correspondante est métamorphosé, le résultat est ce qu’il y a de plus honnête et émouvant dans les deux films). Le ‘nihilisme’ du vieux en fauteuil aussi est assumé, alors que Cluzet gardait ses impressions et sentiments pour lui. Tout de même on omet « Pas de bras pas de chocolat », peut-être jugé stigmatisant.

Malgré la tonalité décalée, Intouchables était bon pour le marché américain. En particulier, l’idée ou l’envie que tout soit possible au mépris des déterminismes, s’accorde avec la culture de masse américaine ; même si en France ça signifie pouvoir se ranger – dans sa case mais avec dignité et considération – avec ses espaces récréatifs (donc devenir un ‘sage’ immortel dans le cas où, vraiment, on a ‘réussi’). Quoiqu’il en soit Intouchables est positif et superficiel avec en bonus le saint badge « based on a true story » ; outre-atlantique on le rend plus vif, enlève le côté cheap, se débarrasse de cette espèce d’humilité et de souci de la collectivité l’habitant peut-être malgré lui. L’ouverture à l’expérience, sans états d’âme, aspiration de fond du film original, s’épanouit franchement dans le remake – bien sûr l’expérience reste digne de celles d’un Capra, en termes de virulence et de crédibilité sorti de la salle. D’autres handicaps bien français plus subtils sont aussi sortis de l’écran : en France, l’élan ne vient pas de toi (parce qu’on ne se fait d’illusion et aussi car c’est moins flippant ainsi). Dans le film de 2019, c’est l’assistant qui souhaite récupérer le livre qu’il a volé le premier jour ; dans l’original, c’est le patron qui fait la demande. À ce détail on voit que la ‘self-reliance’ n’est pas facile à admettre pour l’hypothétique français du quotidien (ça ne veut pas dire qu’il ne la connaît pas) ; on doit plutôt accepter le plan des supérieurs, ou celui qui croise notre route, en épuisant éventuellement notre quota d’audaces. Enfin il faut reconnaître que The Upside, conformément à son modèle, est assez con et multiplie les contrastes primaires – moins en se fondant sur des trucs ringards, c’est déjà un point ; sans passer par les finasseries et la pudeur, c’est le second et le meilleur. Il a aussi purgé le nombre de personnages récurrents et Yvonne est devenue bien plus importante (sous les traits de Nicole Kidman, parfaite comme toujours sauf peut-être quand on elle doit relever le défi de jouer l’intime de Cage).

Note globale 54

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Suggestions… Pour 100 briques t’as plus rien + Training Day

Les+

  • légèrement supérieur à l’original
  • plus drôle car plus cru
  • les tensions sont plus sérieuses entre les milieux
  • trio excellent
  • ne louvoie pas (bien que la durée soit équivalente)

Les-

  • encore plus bête et certainement plus vain
  • toujours pas tellement ‘réaliste’ pour autant
  • heureusement que ce trio est de tous les plans car la platitude déborde déjà

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EX DRUMMER +

14 Mai

Comédie trash et misanthrope, Ex Drummer est à peu près l’antithèse de ces braves films sociaux, généralement américains, parfois  »indépendants », nous présentant les damnés de la Terre oubliés de la civilisation occidentale, les prolos crasseux et sans perspective (Les Brasiers de la Colère, pour prendre un exemple très respectable). Au lieu de s’apesantir sur leur sort en bons bourgeois compatissants ou en socialistes consciencieux, Ex Drummer est un geste punk, transgressif. Une balade imprévisible qui peut sembler vaine à certains et immorale à d’autre, mais s’affirmant comme un uppercut quasiment digne de Seul contre Tous.

On entre dans ce monde de misère, masculin, régressif, portant en lui toutes les pathologies normalement résolues chez les gens sains, via un écrivain vaniteux. Dries, un artiste, un intellectuel, un mec sans contraintes et sans activité productive, en visite. Interpellé par trois handicapés venus sonner chez lui, il accepte d’être leur batteur. Son handicap, ce sera de ne pas savoir jouer de la batterie. Il fait appeler le groupe  »The Feminists » et se laisse appréhender comme un sauveur voir un dieu vivant, alors qu’il est un troll mesquin venu les regarder tomber. Un bourgeois individualiste et élitiste, qui va s’amuser à harpenter ce monde de laideur, sans y participer.

Nous orientant pour l’essentiel au travers son regard d’anthomologiste condescendant, Ex Drummer se montre impitoyable. C’est un peu comme dans Killer Joe, sauf qu’ici, le dieu traître reste au-dessus de la mêlée et son cynisme semble partagé. On nous invite justement à regarder la fange tout en étant protégé par son point de vue. Toutefois, Ex Drummer n’est pas une pièce à charges pour une improbable lutte des classes, ni même des niveaux d’existence ou de développement moraux, qui dirait en somme : nous valons mieux que ces gens. De plus, Dries étant sans but et finalement sans volonté, sans foi, sans consistance surtout, il pourrait très bien basculer dans cette abyme. Lui aussi n’est qu’un gros dégueulasse à tous les degrés.

Ce film éclabousse tout le genre humain et sa parcelle d’humanité infirme matériellement, sans éducation, mais aussi sans ouvertures, sans horizon supérieur, contient tout ce que nous refoulons. D’ailleurs, la fille du Ministre vient s’encanailler ici et assouvir ses fantasmes.. et Dries en est là également, quoiqu’il en pense. Et lorsqu’il estime ce monde, entre autres choses, « artificiel », il se trompe. C’est la réalité, sans doublure, sans calcul elle et donc son caractère ne semble  »artificiel » que pour le bobo en safari qu’il est.

Il est aussi notre connard, notre mauvaise conscience, venue s’abimer en s’immiscer dans cet espace de dégradation et de bêtise. Aussi il peut être apathique à leur égard, mais ne peut demeurer simplement contemplatif. Solidaire ou pas (pas, en l’occurrence), il est face à un univers dont il n’avait pas conscience. Cela ne fera que renforcer sa neutralité malveillante et Koen Mortier montre sa belle vie : regardons-le baiser la nièce d’un ministre, invitée par sa femme pour une partie de triolisme, assistons-le disserter la queue libre face à la ville éveillée. Puis surtout, voyons-le épanoui dans le luxe, faisant sereinement l’amour à sa femme, pendant que dans la fosse laissée derrière lui une fois que le dégoût l’eut emporté, s’enchaînent en une même scène les expressions de violence, de chaos, de crasse et de mort.

Il ne s’agit pas ici de se complaire dans la sauvagerie, pas plus que d’amuser la galerie, que ce soit de façon racoleuse ou light (Trainspotting par exemple). Le bigger-than-life est là (grosses anecdotes), dans la continuité et il est à sa place. Il relève surtout du travail de mise en scène, efficace, frontal, avec des outrances maîtrisées et légitimes, puis quelques essais purement formels comme les crédits incrustés dans l’environnement de l’action (sur les murs, les vitrines, voir les fronts) lors d’une introduction suivie à rebours. Ex Drummer est un film punk par fatalisme.

Note globale 81

 

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Suggestions… Affreux, sales et méchants + Schramm + Alabama Monroe + Funny Games

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