Tag Archives: Sentimental – romance

50 NUANCES DE GREY –

20 Fév

Voilà un film comme les masses en méritent – et elles le méritent tellement. Bien qu’elles fassent semblant elles ramperont toujours à temps pour jouir du spectacle et en ausculter chaque miette. Elles n’auront qu’à se dire écœurées ou consternées par tant de médiocrité, tous les complices seront là pour alimenter la grande chaîne de dénégations et de mise à distance hypocrite. Seuls les haters abonnés aux avant-premières et les cinéphiles bousilleurs systématiques de derniers blockbusters sont de plus éclatants abrutis. Au moins l’insipide mégère venue en toute bonne foi tâter du Grey a le mérite d’assumer – ou de ne pas s’inventer des raisons, ce qui vaut mieux que toutes les revendications.

Cette adaptation de best-seller doit son immense notoriété à sa prétendue nouveauté. Elle initierait le grand-public au sadomasochisme ; dans les faits, elle vulgarise celui des formalistes. En vérité les foules sont déjà bien initiées, mais hors d’épisodes de séries télé policières ou autrement racoleuses, elles ont peu eu l’occasion de se concentrer sur le sujet pendant une heure et demi (il en va autrement pour les et même pour ‘l’individu’, bien entendu). Cinquante nuances de grey a toutes les chances de décevoir ceux qui auront voulu laisser leur chance à la bluette scabreuse. Vu en tant que produit cynique, flatteur et rabaissant à son profit, le film peut tout de même susciter un certain intérêt, tant il se montre conséquent et manifestement efficace (ce qui ne plaide pas [‘dans l’absolu’] en sa faveur ou n’augmente pas ou peu sa valeur par ailleurs).

Les logiciens de service s’arracheront les cheveux, mais s’ils sont honnêtes ils verront que les concepteurs du film sont loin d’être négligents. Les incohérences objectives ou seulement apparentes sont fondées sur des pseudo-vérités égotiques largement répandues. La petite héroïne est contradictoire et superficielle (une véritable Bridget Jones, une intello maladroite, une effrontée passive-agressive, une gamine admirative et offerte, une fille fluette et anxieuse, une bonniche blasée et lucide, une intrépide rieuse et épanouie) ; on pourrait la juger mal écrite et cela reste défendable ; mais elle est parfaite ainsi, si le but est de fédérer en elle la part avide, bestiale et quelque peu servile d’une multitude de femmes. Cinquante nuances de Grey mise surtout sur des nuances de types féminins, d’ombres honteuses ou de facettes leurrées. Ce sera aussi une manière d’atténuer les dossiers à charge contre le film et sa représentation des femmes. C’est le rôle de la prise d’assurance d’Anna et de son coup de poker final, où l’orgueil semble soudain la prendre toute entière, au point qu’elle se sente maîtresse de la situation, indépendante malgré sa légère confusion et ses états peu constructifs. Le film reste ouvert et peut être soupçonnable d’une chose et son contraire en matière de féminisme ou d’adhésion énamourée au patriarcat, voire de romantisme ou de pragmatisme. Même si concrètement, il est totalement romantique, pour le bénéfice d’une femme qui ne l’est pas beaucoup (hors de ses espoirs peut-être, mais ils sont trop communs et de basse intensité).

La représentation de Christian (et non ‘de l’homme’) en tout cas est totalement romantique, d’une espèce de sobriété d’hystérique. Il fait le cynique [etc] mais a du cœur ; il aime dominer mais ne fera jamais de mal, n’abusera vraiment jamais. Il pratique aussi l’humanitaire – mais c’est dit-il pour le business (pudique mâle alpha). Il rappelle Pretty Woman : lui aussi n’embrasse pas sur la bouche, d’ailleurs il ne faut pas le toucher. Car il tient à rester fort et garder son armure intacte, enfin ce n’est pas tout – il a aussi un côté sombre et en est conscient. On croit qu’il la fait mariner, or il ne veut pas blesser ce pauvre oiseau paumé (scène du café). Enfin il peut tout faire, surpassant Hannibal Lecter. Il a tout pour : davantage de moyens, pas de barrières – sinon son esprit probablement torturé et plein de secrets si difficiles. Et en plus il sait traiter l’Anna comme le ferait un godemiché turbulent et complice soudain pourvu d’une âme (« Je ne fait pas l’amour ; je baise, brutalement »). Last but not least, il aime malgré les défauts (il reste tolérant -mais dirigiste- lorsqu’elle est pathétique face à lui) – et lorsque la fille devient sale ou décevante, lui ne perd rien de sa superbe. Naturellement, comme il est tellement parfait (« sexy » pour être précis), Kate (l’extravertie aimable et décontractée) le soupçonne d’être gay ! C’est qu’on ne saurait oublier un des archétypes discount avec lesquels les bécasses donnent du sens à la réalité, s’approprient le langage et les références humaines. Le déroulement et les expressions sont remplis de ce genre de singeries – le film répète des tics lourds et indices limités à tous points de vue, comme les mordillements de lèvres, entre deux clichés de lovers (le piano après l’amour c’est plus propre que la cigarette) ou révélations cocasses (… et en plus elle est vierge !).

Sous ses dehors de grande ‘petite fille’ timide et sensible, Anna renferme une âme de mégère commune. Elle essaie d’être normale et y arrive au fond d’elle-même. Le film épouse les points de vue grossiers qu’Anna véhicule spontanément. Ainsi Christian Grey est une sorte de pervers, un sadique, pourtant nous voyons comme il est ‘bien sous tous rapports’ : décidément cet homme ne saurait être totalement corrompu ; or ces penchants de prédateurs sont bien ceux des méchants, dont il n’est pas, donc il les a acquis de force ! (Or lui-même a été introduit au BDSM – par une sorte de pédophile, comme la qualifie Anna ?) Autrement dit : on ne peut apprécier une chose ‘déviante’ sans être un déviant global sur le reste, ou sans avoir connu (et de préférence subi) un événement douloureux (ou pire). Christian ne peut pas ronger son frein lorsqu’on lui refuse le fist car on le priverait de la satisfaction d’un penchant naturel ; il faut des raisons livrables en un petit pavé ou même en un mot, un traumatisme. Donc que ça se ‘règle’ – et il est probable qu’Anna bataille dans ce sens lors des suites prévues à cet inévitable triomphe au box-office (ou obtienne satisfaction en voyant son pseudo-maître chamboulé).

Finalement ce film n’est qu’un cas particulièrement transparent d’appât ‘transgressif’ pour foules éblouies par le luxe et les ‘plaisirs’ sophistiqués – comme les suites de Saw ou certaines émanations de la real-TV en ont été, dans leur registre (et comme Le Loup de Wall Street pouvait l’être, en l’affichant et y participant). Les procès moralistes, qu’ils se définissent comme tels ou non, ne sont ni francs ni appropriés si à côté des productions plus soft mais également racoleuses restent ‘impunies’. Les jeux autour des fantasmes d’hommes ou des désirs des femmes ne choquent que des minorités (aux perceptions structurées par l’idéologie) lorsqu’ils se diffusent dans les films avec Cary Grant ou les romcom modernes qui oublieraient leur second degré ou leur dose de circonvolutions progressistes. 50 nuances reste bien pire que Le Milliardaire (de Cukor) avec Marilyn et Montand et bien nul face à La Secrétaire, où les notions de pouvoir, de (ré)confort et de confiance étaient prises en compte avec humour et subtilité (quoique les charmes de l’aliénation consentie sont correctement survolés entre Grey et Anna). Les spectateurs contemporains seront ennuyés ou embarrassés par les bouffées de niaiseries et par l’hypocrisie du programme, plutôt que par les élans ‘SM’. Car ce film promet beaucoup et donne peu, avec un rendement très en-dessous en termes de violence (une scène ‘torride’ et ‘hargneuse’ déprimante pour tous) mais généreux pour l’érotisme. Que de grosses suées pour trois [salves de] fessées (et des bribes de sensualité qui n’apportent rien de neuf ou d’assez puissant) – mais tout ça est trop précis et harmonieux, trop implacable, pour être totalement désagréable. La seule partie largement repoussante est la musique, outrancière dans le moche exalté quand Anna vit ‘le rêve’.

Note globale 36

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Suggestions…

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (1), Son/Musique-BO (1), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (1)

MBTI-Ennea : Lui ENTJ 3, dinde probablement 9 ISFP.

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L’AMOUR EXTRA LARGE =-

20 Jan

amour extra large

Au départ s’annonce un désastre. Le style est très télévisuel (avec les ellipses courantes dans certaines séries US, sitcom surtout) et les Farrelly visent bas y compris dans la présentation. L’écriture est un peu idiote au point de rendre certains éléments peu vraisemblables. Une comédie battant des records d’inanité et de médiocrité avinée semble poser ses balises. Et très vite ça dérape ; dès la fameuse séquence de l’ascenseur, c’est un tout autre film, y compris au niveau de la mise en scène, banale mais claire et sans dégueulasseries.

Même si on nous donne matière à rire, le programme se déployant sous nos yeux ne vise pas tant à cet endroit. Les Farrelly ont toujours eu une affection pour les personnages aberrants, en jouant d’autant plus librement avec eux qu’ils étaient bien portants. Or Rosemary n’est pas une crétine épanouie, c’est une obèse malheureuse, accessoirement une femme brimée et honteuse. Elle est bien au cœur de quelques gags bourrins, sauf que le spectateur les vit avec le décalage perceptif du héros, Hal – ce machiste au physique ordinaire et à l’attitude exécrable ne voyant plus que la « beauté intérieure » de ses nouvelles rencontres depuis que le gourou Tony Robbins lui a jeté un sort.

Par conséquent et en dépit de leur caractère outrancier, ces gags sont anesthésiés ; et pour la cible, pas tellement corrosifs. La dynamique comique est cassée et se fait de plus en plus douce au fur et à mesure ; à la place nous avons un mélo un peu WTF, assez touchant malgré un esprit très candide. Plus on avance et plus des éléments relevant de la farce sont jaugés avec sérieux : leur ridicule n’est pas nié mais une prise de recul s’invite. Lorsqu’il s’agit des enfants, le ton est plus dramatique, ne laissant place à aucune ambiguïté – le moment le plus émouvant sera là. Les Farrelly se sont laissés aller à la sensiblerie et ça fonctionne.

Néanmoins, quelques spéculations germent sur le ressenti de fond des concepteurs ; on ne sait trop s’il y a un fond mesquin déguisé, une naïveté humaniste digne de Patrick Sébastien (auteur de T’aime), une culpabilité à purger. La façon dont est relativisée la ‘queue’ paraît trop énorme, surtout que le rapprochement est grotesque – mais ce détail est de toutes façons assez absurde, une sorte de deus ex machina sorti de la besace d’un scénariste déshydraté. Il y a surtout un amalgame de malice et de tendresse. Les maîtres du happening potache ont vieilli et se découvrent un cœur saignant plein de bons sentiments ; ils sont politiquement correct du mieux qu’ils peuvent, mais ils restent qui ils sont, des amuseurs grivois et impudiques, aux sympathies parfois déroutantes.

Note globale 53

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Suggestions… The Crying Game + Madame Doubtfire + Jennifer’s Body

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PERFECT SENSE =-

22 Déc

perfect sense

Dans cette romance avec Eva Green et Ewan McGregor, l’Humanité est affectée par une maladie nouvelle : la perte progressive de tous les sens, avec des troubles comportementaux à chaque étape. Au début, les gens pleurent, assaillis d’une immense douleur morale, puis perdent leurs sensations, d’abord le goût. Michael et Susan se découvrent à ce moment et ensemble, cherchent les derniers plaisirs et commentent la situation, au lit le matin avant de partir au travail, ou entre deux étreintes heureuses ou contrariées.

Diverses théories seraient dressées par les membres de l’Humanité dans Perfect Sense. Il y aurait beaucoup à explorer ! C’est loin d’interpeller les auteurs de ce film, supervisé par David McKenzie, notamment connu pour My Name is Hallam Foe ou Toy Boy, produit prétexte à la mise en valeur d’Ashton Kutcher, acteur pour gamines grégaires de douze ans. McKenzie lâche les torrents d’émotion et envoie du violon à tout-va. Il conduit son sujet sans vision, imite la grandeur et la solennité des films apocalyptiques ou des films de contagions (romantiques ou pas) réussis ou remarqués.

Tout a déjà été vu et senti ailleurs, de Blindness aux Fils de l’Homme. Il n’y a aucune singularité, sinon dans les deux protagonistes piliers éventuellement. McKenzie met l’accent sur des accès de claustrophobie et cherche à évoquer la solitude morale galopante des personnages. Sa mise en scène se veut réaliste, un peu morose mais pas poisseuse. Son approche existentielle se traduit en un alignement de phrases creuses. Les hommes finissent par  »péter les plombs » et se dire des vérités crues : et là, c’est le grand plongeon. La perception des tréfonds de l’Humanité exprimée ici est du niveau d’un soap opera pour mégères fatiguées ou travailleurs sociaux zélés.

Au lieu de ce Perfect Sense il aurait mieux valu se tourner vers une publicité larmoyante pour clientèle anormalement émotionnelle. Le film est parsemé de débuts de déductions intelligentes dont il ne sait rien extrapoler d’un point de vue tant conceptuel, logique, que formel. Au lieu de ça, superlatifs et baratin lacrymal règnent en maître. Alors de la bouche d’Eva Green, on s’impose d’affirmer que la vie continue, tout en montrant l’amplification du phénomène, à renfort de musiques lyriques omniprésentes. Le symbolisme est mobilisé : syndrôme olfactif sévère, ça veut dire SOS. C’était un spectacle pittoresque, faisant le choix de la pauvreté.

Note globale 40

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Suggestions…  The Jacket 

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BRÈVE RENCONTRE +

7 Avr

brève rencontre

Si David Lean est adulé pour ses fresques épiques (Le pont de la rivière Kwai et Lawrence d’Arabie), son œuvre est aussi remplie de films plus intimistes ou sentimentaux, tel Brève rencontre. Ce quatrième long-métrage est son premier grand succès et a été dès le départ tenu comme l’un des meilleurs films britanniques. Il demeure célébré dans les classements de prestige (British Film Institute, magazine Total film) et cité comme l’une des romances les plus importantes de l’histoire du cinéma.

Tourné à la gare de Carnforth, le film commence sur la dernière rencontre d’Anna et Graham. Le premier quart-d’heure suit leur séparation, puis le film retrace leur histoire. À la fin du film s’opère un retour éclairé sur cette dernière rencontre. Entre-temps, le spectateur partage les états d’âmes et réflexions d’Anna, objectivisés à l’aide de la voix-off. Il raconte la culpabilité de ces deux amants, tous deux mariés et parents, incapables de consommer leur adultère et sachant dès le départ que leur histoire est impossible.

Ils mèneront toutefois cette idylle, ponctuée par une seule habitude, le passage au café de la gare. Dans ce lieu symbolique se trame une intrigue secondaire, une liaison elle aussi inaccomplie, avec la tenancière très guindée et le chef de gare rentre-dedans ; en vain, mais madame laisse faire. Anna et Graham n’ont pas le loisir de faire durer ni de se prêter à la comédie. Sauf dans les moments les plus innocents comme à la sortie du cinéma, le travail d’Anna consiste à ne vivre cette aventure qu’en étant déjà dans la repentance.

Se sentant comme une criminelle et craignant avec lui d’être vus par des connaissances, elle accepte le contentement ordinaire, voit aussi ce qu’on égare en lui préférant une romance versatile. L’aventure baigne dans un climat indéterminé, atemporel, le contexte est presque occulté, l’époque de l’année, les événements sociaux n’existent pas, les lieux sont sans attache, anglo-saxons simplement. Il reste aux deux amoureux évanouis à consommer le souvenir d’une petite séquence magique de leur vie et la faire tourner dans leur esprit, la vivre simplement en y pensant, sans se compromettre et en restant attachés à leur cadre réel, qu’ils ne voudraient en aucun cas blesser.

David Lean fait preuve d’une grande finesse tout en ne laissant aucun angle mort dans sa narration, contrairement à la pièce de théâtre en un acte qu’il transforme. Il signe un mélodrame remarquable, servi par une mise en scène d’une grande précision, reflétant parfaitement ce sentiment d’être au piège dans une jolie cage et isolé par des sentiments menaçant notre équilibre tout en n’appelant que la frustration. L’idylle de Graham et Anna met en lumièr ces limites qu’une simple passion ne saurait nous faire franchir, quand bien même on en serait tenté ; et donc, met en lumière la préférence pour la satisfaction d’une vie réglée et harmonieuse, au détriment d’une liberté qui n’apporterait que le plaisir tout en risquant de précipiter notre existence dans la vacuité.

Note globale 75

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Suggestions… Voyage en Italie + Sur la route de Madison + La Sirène du Mississippi

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LE CHEIK =-

19 Déc

Un pionnier du cinéma avec fausse princesse ou fausse femme forte trouvant son prince charmant exotique ou ténébreux. En 1921, Rudolph Valentino commence à séduire les foules grâce à son rôle dans Les quatre cavaliers de l’Apocalypse. La même année il enchante et suscite d’autres réactions extrêmes (et hostiles) grâce à sa prestation dans The Sheik de la Paramount (maison du champion Cecil B.DeMille). Cette adaptation du best-seller international The Sheik (1919) de l’anglaise Edith Maude Hull (qui serait responsable d’un courant littéraire de romances dans le désert avec bel arabe) reflète l’intérêt d’époque pour l’Orient mythique ou luxurieux. De nombreux films en témoignent, tels que The Young Rajah de Rosen (1921), la deuxième moitié du Die Spinnen de Lang (Das Brillantenschiff – 1920), puis surtout Le voleur de Bagdad (1924).

Agnes Ayres interprète une femme libérée, rejetant le mariage, tombant sous le charme d’un riche arabe lors d’une excursion dans le désert. Malgré le viol qu’elle semble subir, la sujétion en tout cas, elle change progressivement d’opinion sur son compte. Son ressenti va s’éclaircir et elle finira captive volontaire du bellâtre, dont l’aplomb et l’autoritarisme sont constamment soulignés. Le film provoqua des controverses en remuant des tabous raciaux et surtout sexuels ; il attira les foudres du sénateur qui donnera son nom au Code Hays (le républicain William Hays). Avec son idéal de domestication heureuse, Le Cheik de Georges Melford (Gouverneur malgré lui, Brigham Young) peut, surtout avec le recul, dégoûter ou réjouir des cibles partageant les mêmes convictions ou les mêmes préférences. Le spectacle peut être détestable à cause de motivations misogynes, d’instincts conservateurs ou de tendances moralistes ; ou délectable pour les mêmes motifs, à la condition d’accepter de concevoir le cheik en mâle recevable, ce qui n’était pas le cas à l’époque. L’androgynie de Valentino aurait été la raison principale du malaise chez les spectateurs masculins (ainsi que le cortège de paradoxes comme l’amour doucereux malgré l’emprise, ou l’affaiblissement récurrent du macho).

Il aurait de toutes manières été difficile de se reconnaître dans ce manège même sans cet élément. Concernant la prestation de Valentino : au mépris du réalisme et de l’honnêteté culturelle (là aussi il y a une forme de domestication, de négation digne de faux amis – mais sûrement enivrés par leur curiosité et leur bonne volonté) s’ajoute l’omission de la virilité. On est au niveau des danseurs châtrés ou des boys band années 1990 faisant frétiller pucelles et hystériques étranges. Les simagrées, la fascination surlignée, le mix de plans de dunes ou d’intérieurs sous la tente, rendent l’exercice mollement grotesque pour qui n’est pas prêt à fondre activement (la constitution ‘mentale’ peut donc aider). Les intertitres raffinés avec leur option carte postale viennent ponctuer d’interminables va-et-vient balourds aux poids creux. The Sheik file avec vivacité en articulant ses repères sentimentaux pour rappeler qu’il n’a rien à ajouter. Le film aura pourtant une grande influence sur les arts américains dans les années 1920, ressortira plusieurs fois et donnait à son tandem les rôles d’une vie. Valentino devient immédiatement un merveilleux outil du star-system, via lequel studios et journaux adorent fabriquer des mythes, avec en soutien le premier troupeau d’adulatrices recensé dans l’Histoire du cinéma.

Note globale 42

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Suggestions… Or noir/Annaud

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (-), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (3), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

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