BRÈVE RENCONTRE +

7 Avr

brève rencontre

Si David Lean est adulé pour ses fresques épiques (Le pont de la rivière Kwai et Lawrence d’Arabie), son œuvre est aussi remplie de films plus intimistes ou sentimentaux, tel Brève rencontre. Ce quatrième long-métrage est son premier grand succès et a été dès le départ tenu comme l’un des meilleurs films britanniques. Il demeure célébré dans les classements de prestige (British Film Institute, magazine Total film) et cité comme l’une des romances les plus importantes de l’histoire du cinéma.

Tourné à la gare de Carnforth, le film commence sur la dernière rencontre d’Anna et Graham. Le premier quart-d’heure suit leur séparation, puis le film retrace leur histoire. À la fin du film s’opère un retour éclairé sur cette dernière rencontre. Entre-temps, le spectateur partage les états d’âmes et réflexions d’Anna, objectivisés à l’aide de la voix-off. Il raconte la culpabilité de ces deux amants, tous deux mariés et parents, incapables de consommer leur adultère et sachant dès le départ que leur histoire est impossible.

Ils mèneront toutefois cette idylle, ponctuée par une seule habitude, le passage au café de la gare. Dans ce lieu symbolique se trame une intrigue secondaire, une liaison elle aussi inaccomplie, avec la tenancière très guindée et le chef de gare rentre-dedans ; en vain, mais madame laisse faire. Anna et Graham n’ont pas le loisir de faire durer ni de se prêter à la comédie. Sauf dans les moments les plus innocents comme à la sortie du cinéma, le travail d’Anna consiste à ne vivre cette aventure qu’en étant déjà dans la repentance.

Se sentant comme une criminelle et craignant avec lui d’être vus par des connaissances, elle accepte le contentement ordinaire, voit aussi ce qu’on égare en lui préférant une romance versatile. L’aventure baigne dans un climat indéterminé, atemporel, le contexte est presque occulté, l’époque de l’année, les événements sociaux n’existent pas, les lieux sont sans attache, anglo-saxons simplement. Il reste aux deux amoureux évanouis à consommer le souvenir d’une petite séquence magique de leur vie et la faire tourner dans leur esprit, la vivre simplement en y pensant, sans se compromettre et en restant attachés à leur cadre réel, qu’ils ne voudraient en aucun cas blesser.

David Lean fait preuve d’une grande finesse tout en ne laissant aucun angle mort dans sa narration, contrairement à la pièce de théâtre en un acte qu’il transforme. Il signe un mélodrame remarquable, servi par une mise en scène d’une grande précision, reflétant parfaitement ce sentiment d’être au piège dans une jolie cage et isolé par des sentiments menaçant notre équilibre tout en n’appelant que la frustration. L’idylle de Graham et Anna met en lumièr ces limites qu’une simple passion ne saurait nous faire franchir, quand bien même on en serait tenté ; et donc, met en lumière la préférence pour la satisfaction d’une vie réglée et harmonieuse, au détriment d’une liberté qui n’apporterait que le plaisir tout en risquant de précipiter notre existence dans la vacuité.

Note globale 75

Page Allocine & IMDB  + Zogarok sur SensCritique

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