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LES MOISSONS DU CIEL =-

29 Jan

moissons du ciel

Second film de Malick (après La Balade Sauvage), avant qu’il ne s’évapore pour vingt ans, revenant en 1998 pour La Ligne Rouge, Days of Heaven est une espèce de Petite maison dans la prairie éthérée et jouissant de très gros moyens. Son tournage a d’ailleurs connu quelques complications à cause de changements d’orientation tardifs de la part de Malick, mettant en péril ses fournisseurs et agaçant son casting. Toutes ces frustrations (en plus de n’avoir pas obtenu Travolta pour incarner l’homme – car il y a l’homme et la femme de la nature dans tout opus malickien) auraient en grande partie motivées sa longue parenthèse.

Que c’est beau, oh oui, c’est très joli, car National Geographic c’est joli et en plus servi par une pyrotechnie délicate. Un charme bucolique relatif irradie, transformé par le panthéisme réactionnaire. Les Moissons du ciel ont ce côté feuilleton rural US boosté par une virtuosité langoureuse, un regard d’auteur intransigeant. Ce regard profond et impitoyablement démoralisant, au-delà du fatalisme, postulant sur la contemplation pure, rapportant tout à une transcendance pour dénier la moindre considération sur sa condition, son existence, son usage de la raison, ceux-là n’étant somme toute que des vanités dans l’œil de Malick.

Alors il y a le joyau de l’absolu : la femme malickienne. Son bonhomme aveuglé (Richard Gere) s’agace que sa femme soit ainsi l’objet de tous les regards : il est désarmé face à la femme malickienne, il ne sait pas bien cerner la valeur et la puissance de son intégrité. Passive esclave dans ce monde, la femme malickienne est au-dessus de tout. On peut bien sûr y voir une connasse léthargique. Son aliénation n’est pas forcément regrettable car elle a en effet des bénéfices pour tous et l’harmonie de cette communauté n’est pas sans charmes : tout le monde n’a pas la même place mais chacun en a une et est respecté.

Toutefois Abby n’a pas tant de mérite : elle n’a ni la force de ne pas être cet objet soumis, ni la profondeur suffisante pour creuser la relation avec son conjoint. Sa dévotion est celle d’un robot dépourvu d’intention, tenu bien au chaud, à la conscience totalement évanouie. Malick projette sur elle un idéal de pureté tout à fait démoralisant : elle ne sert ni elle-même, ni la Nature ni les h/Hommes, elle est là et elle dort, refusant tout investissement véritable mais méritant manifestement les honneurs. C’est normal, Malick n’aime que ça : ces misérables petites âmes de victimes intégralement vierges, ces tableaux blancs extatiques.

La voix-off accompagnant le récit est bien sûr celle d’un enfant dont le stoïcisme se partage entre honnêteté candide et attitude de martyr obtus et arrogant. Les créations de Malick relaient un idéal de bon petit méditant comme une mamie humble et peut-être un tantinet restrictive ; une mamie catho mais pas gâteau avec des moyens de géant. C’est aussi un des seuls cinéastes de son niveau à sortir aussi peu de films ; d’ailleurs, depuis qu’il a accéléré le mouvement après Le Nouveau monde, il s’est un peu crashé. Mamie prophète devrait plutôt garder son rythme et éviter les grands élans, ça donne des résultats photoshopés un peu dégueu diluant la sève fonctionnelle jusque-là (la beauté plastique, la solennité valide, le lyrisme sans aspérités).

Note globale 46

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Suggestions… Le Village + La Horde Sauvage + Martyrs

Note arrondie de 45 à 46 suite à la mise à jour générale des notes.

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LA RENCONTRE (Cavalier) =-

22 Sep

Cinéma de vieux pré-séniles sous codéine – ou d’une sérénité et d’un dépouillement confinant à la mort, peut-être dans ce qu’elle a de plus agréable. Cavalier (L’Insoumis, Un étrange voyage) filme des objets, bouts de lieux (privés en général, parfois publics comme le métro parisien), éventuellement une moitié d’un corps (mais aussi un oiseau, vivant puis mort). On ne verra presque pas les deux personnes (lui et sa compagne Françoise Widoff au débit ralenti et à la voix de niaise énamourée) ; on les entend. De même les autres humains apparaissent généralement au mieux par bouts (le visage du père à la 26e minute).

Cavalier veut nous faire regarder le monde comme eux, avec leurs gris-gris, leurs petits repères, etc. Il y a toujours eu, même dans ses fictions ‘normales’, cette tentation de la régression et du nombrilisme – en étant dépendant du monde extérieur (Le plein de super était déjà largement passif et aléatoire, comme écrasé volontairement par ses cibles et aliéné dans le flux de leurs vies). Il pousse à fond cette tendance en constituant un film spontané le plus possible, constitué par des morceaux pris sans filtre et sans but déclaré pendant de nombreux mois.

Le résultat a été conceptualisé – on lira « un cinéaste rencontre une femme ». Concrètement Cavalier a capturé son intimité de manière brute, sensorielle exclusive avec la parole pour accrocher. Sa démarche est généreuse car il livre des bouts authentiques et dérisoires de sa petite existence de personne – et non de cinéaste, ou d’individu étiqueté de quelque manière. Il exhibe aussi une relation alors encore fraîche (ce qui a pu le conforter dans son abandon généralisé). Le spectateur est immiscé dans un quotidien trivial, avec un regard de tendres, proches du minimum soutenable dans le jugement – sauf s’agissant d’accepter et de s’enthousiasmer très doucement. L’exercice se produit sans narcissisme de vaniteux – des accès dépressifs seraient plus suspects.

Ce premier film sous format vidéo du minimaliste Cavalier rejoint également un trio ‘voyeur’. Y participent Ce répondeur ne prend pas de messages (passé et encore dans la distance, ‘l’art’ ou le formel) et Le Filmeur (où les spécificités expérimentales se perdront, ainsi que le reste d’équipement purement cinématographique).

Note globale 46

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Suggestions… The Bugs Bunny + Pig

Scénario/Écriture (-), Casting/Personnages (6), Dialogues (-), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (-), Visuel/Photo-technique (5), Originalité (6), Ambition (7), Audace (7), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (5), Pertinence/Cohérence (-)

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BASIC =-

20 Mar

Connu pour Piège de cristal et Prédator livrés en début de carrière, John McTiernan tourne ici le dernier film avant son retrait (aidé -mais non provoqué- par des déboires judiciaires). Contrairement aux opus précédents (comme Le 13e guerrier ou Last Action Hero), ce Basic n’a pas compensé l’échec en salles par une revalorisation à terme (les deux cités étant vulgairement ‘culte’). Il arrive à la fin d’une vague de thrillers militaires (comme Le Déshonneur d’Elisabeth Campbell quatre ans plus tôt, où Travolta menait déjà l’enquête) aux alentours de l’an 2000.

Le meilleur tient au souci de vraisemblance dans la forme, les mystifications sur le fond étant nettement moins impressionnantes. Le sergent-chef Charles Fails est à nouveau recruté en tant que conseiller technique, après avoir assisté Schumacher pour Tigerland et Ridley Scott pour A armes égales. Le tournage se déroule à Panama pour l’ensemble des scènes d’enquête, en Floride [à Jacksonville] dans un terrain d’aviation délaissé déguisé en forêt tropicale pour la partie à dénouer. Le film démarre avec la convocation de Travolta, ancien militaire récemment mis au placard à cause de soupçons de corruption.

La séance se partagera entre ses interrogatoires et recherches aux côtés d’une jeune capitaine (Connie Nielsen) et, en parallèle, les scènes d’entraînement menées par le sergent (Samuel Lee Jackson) disparu dans des circonstances inexpliquées. Une grosse mécanique est déployée, lâche des coups précis et gratuits. La mise en scène et le scénario s’échinent à étoffer un matériel absurdement ‘light’. Les chevauchements de points de vue et subtilités affiliées sont adéquatement glissées dans le carcan du blockbuster pour la télé ; c’est un peu comme si DePalma étalait sur deux heures son talent et ses ambitions en des variations sous forme de teaser.

Toutes les fourberies sont permises mais les coups sont mesurés ; il y a toujours de quoi égayer à défaut de surprendre, l’illusion d’une relance constante est maintenue. Au moins les intentions des créateurs et décisionnaires sont claires. On imite avec brio quelque chose de fracassant (les quelques titres de la BO sont dans le même esprit – platement ‘trop’, mais/donc dans l’ambiance), équipé en ce sens, mais soit pas assez mûri soit trop lifté au montage. Il reste la langue visuelle tranchante de McTiernan, les efforts physiques des uns et des autres, quelques dialogues démonstratifs et pointes de cynisme truculent. McTiernan essaie maintenant de revenir avec une suite à son ultime gros succès, Thomas Crown.

Note globale 46

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Suggestions… JSA

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HELLRAISER 3 : HELL ON EARTH =-

8 Jan

Troisième Hellraiser, déjà la chute. Les deux premiers opus resteront à part, tout ce qui suivra ne sera que bonus avariés avec quelques échappées remarquables, c’est-à-dire Hellraiser 4 et quelques aspects de tous les autres, notamment celui-ci. Entre continuité et rupture, Hellraiser III ne conserve que Kirsty et Pinhead dans ce nouvel opus, la première étant réduite à une courte apparition au début, presque un cameo. Elle en fera un autre dans Hellseeker, sixième opus exclusivement sur le marché de la vidéo.

 

Dès que les santiags rouges sont posées, il faut s’en douter : Hell on earth est bien plus mainstream. Une série B, mais ouverte au grand-public et ne posant guère de problèmes manifestes concernant la censure ou les atteintes aux bonnes mœurs – tout en étant monstrueusement beauf par endroits. Hellraiser III se rapproche de l’univers horrifique pour teen et jeunes adultes typique des 80s, avec un lot d’excentricités dans la lignée des Freddy. Réalisateur des Waxwork, Anthony Hickox est compétitif en ce qui concerne la création d’une galerie des horreurs.

 

Orphelin de Julia et Franck, le film suit une jeune journaliste, témoin d’une victime des Cénobites lors de son transfert à l’hôpital, infiltrant le monde de la nuit ; et un artiste badass, manipulateur et addict au sexe, vivant dans un cocon luxueux à côté de la boîte. Ils vont s’approcher de l’enfer de la boîte et lui va provoquer le retour de Pinhead, tout en passant vers la force obscure d’une kitschissime manière. Le démon à la face cloutée prend contact par le biais d’une statue et exige d’ingurgiter des corps femme pour pouvoir se matérialiser. La forme évolue, la méthode reste.

 

L’optique se veux  »fun » : outre les loubards ou blousons noirs de l’époque (1992), on entre directement dans le bain avec des performances grand-guignoles radicales. C’est la bouffonnerie pure et simple, infamante à l’égard des prédécesseurs, où le climax est atteint avec le massacre en boîte de nuit par Pinhead et où de nouveaux Cénobites (caricatures de Playmobil inexpressifs et disciplinés) sont lancés pour épater la galerie. Hellraiser III est l’opus couillu, surtout vers la fin avec ses quartiers louches et ses costumes heavy metal. Les protagonistes font penser au méchant gang de souris dans Tom et Jerry le film, l’univers autour, le leur et surtout celui de Pinhead, étant plus iconoclaste.

 

Ce qui fait de Hell On Earth un échec dans tous les cas, en tout cas une chose minable face aux deux premiers opus, c’est son attitude pour renouveller le mythe et la franchise. L’utilisation d’un large panel de techniques (flashbacks, voyages temporels, slapstick) a pour effet de divertir mais il n’y a pas de suite dans les idées. Découvrir le visage humain de Pinhead par le biais capitaine Elliot Spencer en pleine guerre du Viet-Nam est curieux mais stérile. Le cheap mélodramatique et onirique des séquences concernées est légèrement déconcertant.

 

Le final mettant en scène Pinhead face à lui-même est certes inattendu, pas spécialement mauvais, mais n’amplifie pas son personnage, le dénaturant tout à fait. Pinhead a beau avoir lâché un pittoresque « Il n’y a pas de bien Momo, il n’y a pas de Mal, il y a uniquement la chair », nous voilà devant une lutte Bien/Mal ridicule (dont l’opus suivant ne se défendra pas, même si comme toujours il ne s’agira pas du filtre fondateur). Le délire de Pinhead comme icône satanique burlesques, professant ses menaces sardoniques dans une Eglise dont les vitraux éclatent à sa présence, est très brave et inventif. Il ne peux cependant que nourrir l’amertume du fan du chef-d’oeuvre de Clive Barker et aurait été méprisé ou à peine relevé, comme il se doit, si cet Hellraiser III n’était qu’un quelconque Hell On Earth détaché de toutes références. Le destin de Pinhead est d’être l’administrateur de Sodome et Gomorrhe version BDSM, pas de se comporter comme un simple farceur ténébreux.

 

Globalement c’est donc un petit nanar (en aucun cas un navet) relativement plaisant à suivre, mais relativement banal aussi. On dirait une espèce de comic-book kitsch adapté pour un public de groupies exclusif. Intention maligne dans ce cas, mais c’est Hellraiser 4 qui remportera la mise de ce côté, en développant avec brio et furie graphique les promesses de la dernière image de cet objet désolant.

Note globale 46

 

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Suggestions… Le Blob 

71 FRAGMENTS D’UNE CHRONIQUE DU HASARD **

1 Avr

2sur5  Fragments d’existences vides qui se croisent – semblent toutes au bord du précipice, de l’extinction, mais celle-ci doit se dérouler bien tranquillement la plupart du temps. La lourdeur hanekienne est à son comble, l’amalgame avec une société décrétée morbide et automatisée aussi. Tant de plans-séquences et de démonstratives abusives, pour un propos d’autant plus étroit qu’il a déjà été étayé dans les deux précédents opus de ‘la glaciation’ (Le septième continent et Benny’s Video, qui montrent justement en quoi Haneke est un cinéaste intéressant). Autant (re)voir directement Elephant ou Paranoid Park de Gus Van Sant. Et si les coups portés contre l’omniprésence des médias ne sont pas ‘si’ triviaux pour un film datant d’un quart de siècle, cette façon d’aligner des reportages de guerre issus des Journaux de 20h l’est totalement.

Représenter la froideur des rapports, la déshumanisation spécifique dans notre espace et à notre époque, permet au film d’interpeller en théorie et parfois en pratique (l’aliénation du joueur de ping-pong opposé à une machine, robot jusque dans ses loisirs ; le pauvre « Je t’aime » suivi de la gifle du mari misérable, humilié) ; mais la concrétisation est falote (délibérément certes, c’est d’ailleurs pour cette raison que le travail d’Haneke en intimident – il ne faudrait pas être la cible de cette cruauté froide, de cette critique féroce dont l’objet et la motivation ne sont pas clairs).

On ne saurait se projeter autrement qu’a-priori ou en théorie dans ces destins ; on doit se reconnaître dans cet anonymat sous le rouleau-compresseur d’une société du bitume et du béton, on a pas la permission de connaître ces gens. Serait-ce si sale de sonder leur psychologie personnelle, obscène de trouver dans leur existence ce qu’elle a d’autonome, de différenciée et même, d’accomplie ? Le refus du spectacle divertissant a le tort d’être martelé. Il dévore toute la mise en place, comme des détails retors dévorent l’énergie d’un employé à la conscience dévoyée. 71 fragments laisse hors-champ les morts, supprime les cris (encore présents dans Benny’s Video), comme pour évacuer toute signature ; puis, comme toujours, il renouvelle son petit manège mesquin, en s’attardant sur le sang coulant près d’une main sans vie.

La mauvaise situation du type violemment recalé à la banque peut déranger ; tout ce qui pouvait naître de pertinent ou de sympathie à cet égard est anéanti par sa réplique démesurée. Et oui, à l’échelle nationale et internationale, ce drame humain n’est qu’un fait divers. Et l’inverse n’est pas désirable. Qui sont vraiment les fétichistes du fait divers ? Peut-être des petits Haneke qui n’ont pas eu le temps ou l’occasion de mûrir. Comme tous ces gens normaux nivelés vers l’indifférence, comme leur monde, ce film est stérile, triste et ronronnant. Il vaut en tant que témoin mais finit par n’être qu’un pseudo-symptôme. Manque seulement le cynisme (assumé) pour l’animer.

Ces fragments doivent montrer pour dénoncer, pour induire un inconfort tel que le spectateur ne puisse plus se résigner et se laisser couler comme le font les protagonistes. Nous devrions être les petites ouailles averties, en fait nous sommes les cobayes d’une insurrection aussi plate que sa cible. Haneke souhaite nous chambouler, mais à quoi bon ? Pour décréter que tout est laid, tout va si résolument mal ; et pour quelle alternative, au nom de quelles préférences ? On en saura jamais rien et la suite de sa carrière le confirmera. Les défenseurs évoqueront la liberté du spectateur ; comme en religion, le spectateur a donc pour seules libertés d’évaluer son impuissance, se blâmer au moindre soupçon d’éveil, errer dans des fantasmes compensatoires (fournis et fermés de préférence).

Note globale 46

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Suggestions…

Scénario/Écriture (4), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (5), Esthétique/Mise en scène (6), Visuel/Photo-technique (7), Originalité (6), Ambition (8), Audace (7), Discours/Morale (4), Intensité/Implication (5), Pertinence/Cohérence (5)

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