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LE PAYS DU SILENCE ET DE L’OBSCURITÉ +

2 Fév

Ce peuple ‘du silence et de l’obscurité’ vit ce qu’éprouve l'(anti)héroïne de Chronique d’un scandale – sauf qu’elle n’a pas la maladie (l’infirmité réelle) pour l’excuser et la ravager, l’abattre complètement (ou pour trente ans comme ce fut le cas de Fini Straubinger, rencontrée par Herzog pendant le tournage de son précédent documentaire, Behinderte Zukunft/Handicapped Future – 1971). Ils sont sourds ou aveugles, les deux pour la plupart, par accident, dégénérescence ou de naissance. Ils vivent l’exclusion véritable et entière, irrécupérable (sauf peut-être via Hollywood) ; contrairement à l’exclusion sociale, la leur gardera une emprise définitive et manifeste, quand bien même il y aurait réparation, amélioration, soutien – d’ailleurs ce dernier est là, pour les cas qui nous occupent et ne fait que les retenir aux bords de la normalité.

Herzog observe avec attention mais sans émotion [perceptible] des situations sociales et démonstrations pathétiques propres à ces individus. S’il y a une sensibilité vibrante, alors c’est une empathie froide, de l’empathie volontaire, active en esprit et qui s’accepte impuissante – à résorber et à ‘entrer dans’, comprendre ; une empathie n’apportant rien par elle-même, sinon [à] voir avec bienveillance, recomposer, emprunter des détours pour simuler une proximité. Techniquement cela implique caméra à l’épaule, intérêt pour les objets et les données concrètes, à la façon d’un explorateur enthousiaste malgré ses limites. Nous restons différenciés, tout en considérant leurs moyens de se relier au monde extérieur – ou simplement leur façon d’y être. La mise en scène n’essaie pas de nous immiscer en eux, les laissent seuls à développer sur leurs ressentis ou à présenter leurs expériences – à l’exception d’un artifice (l’ouverture ‘introspective’) et de quelques superpositions orientées (de courts extraits de Bach et Vivaldi). En revanche, le rapport à la société et le regard qu’elle pourrait jeter sont absolument évacués (l’homme politique reste un représentant lointain, un commissionnaire passant un instant sans rien venir prendre ni donner, sans que des mondes se croisent et échangent).

L’équipe du tournage et les spectateurs traversent ces arrières-mondes terrestres avec pour guide Fini Straubinger. Sourde et aveugle depuis l’adolescence, elle s’exprime avec facilité et reçoit les informations [portées par les autres] grâce à des signes dans les paumes. Elle est en charge d’un groupe de sourds-aveugles de Bavière depuis quatre ans, mobilisé en début de séance à l’occasion de son 56e anniversaire. Les groupes d’handicapés réunis autour d’elle forment une communauté paradoxale jusqu’à l’absurde, puisque tous sont radicalement insulaires par leur condition physique – pourtant ils sont davantage soudés qu’on ne le serait entre des hommes liés par l’affection ou les idéaux, car c’est une lecture du monde sur-encadrée qui les réunit. Lors du premier rassemblement, celui de l’anniversaire, leur réunion trouble à peine le silence, la solitude et la désolation dans lesquels ils sont enfermés ; l’excitation de deviner ses prochains à proximité suffirait presque, s’il n’y avait la place démesurée du toucher, sens décuplé et parfois dernier espace de contact avec l’extérieur – car la parole se perd ou se gâte, voire est privée chez les enfants mal-nés.

Dans la seconde moitié, après deux enfants diminués, nous en découvrons un autre à la périphérie de l’humanité. C’est en fait un jeune homme de 22 ans (Vladimir Kokol), sourd-muet de naissance, gamin délaissé, échoué comme un animal fébrile n’ayant profité d’aucun dressage. Il a faciès de mongolien, aucune maîtrise psychologique, ne sait saisir ni soi ni l’environnement ; étranger à tout, il est proche de l’objet animé mais sans esprit, s’envoie un ballon dans la figure, se répand en bruits de bouche. C’est comme un chien qui se serait pris un coup de tonnerre, puis aurait par miracle eu le droit de poursuivre en miettes. Il est trop tard pour l’amener à la raison et probablement même à l’intelligible, mais Fini Straubinger lui apporte deux béquilles aux bénéfices immédiats : la conscience qu’il existe, est relié et pris en compte, le réconfort et l’ouverture par la musique. L’étendard du syndicat des handicapés prononce la phrase de fermeture : « Si une guerre mondiale éclatais, je ne m’en rendrais pas compte ». Comme on peut le constater sur Julie malgré l’effroi que son regard et son timbre de voix inspirent, le martyr a aussi, à l’usure, ses vertus.

Note globale 77

Page IMDB  + Zogarok Le pays du silence et de l’obscurité sur Sens Critique

Suggestions… Mary & Max + Martyrs/Laugier + Incidents de parcours/Romero

Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (4)

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MINI 15 ou 2020-3 (Juillet et Aout)

4 Oct

Le coup du parapluie * (France 1980) : Pierre Richard enfile le costume de Christian Clavier une quinzaine d’années avant Clavier. Et ça le rend invisible ; on ne voit plus qu’un pantin en dissociation prêtant son corps à celui d’un hypothétique hystérique raillant volontiers les « bamboula ». Comme les autres films de Gérard Oury (Grande Vadrouille, Le Cerveau) celui-ci multiplie les aventures mais ne reste qu’une comédie un peu turbulente, trop artificielle pour paraître sérieusement éméchée – elle risque de n’amuser à aucun degré. Il faut croire que les acteurs appropriés ou des personnages de qualité sont l’essentiel pour que ce cinéma fonctionne. C’est un feu-d’artifice de joyeuses crétineries et plus certainement une perpétuelle fuite en avant pour compenser l’absence d’inspiration voire de plan un peu mâché. Le rôle de Valérie Mairesse est abominable. Les scènes sont longues, déséquilibrées, presque confuses (en avion pour l’introduction de ‘la folle’). Le seul point positif ou du moins aimable est la musique de Vladimir Cosma, tout le reste est médiocre ou indigne. (34)

Olivia / Audry ** (France 1951) : La réalisation et l’écriture sont propres, le casting assez bon et les personnages le sont franchement, mais j’ai une réserve difficilement surmontable face à ce film complaisant mais a-priori pertinent. La tenancière de l’école est une sorte de matriarche soufflant le chaud et le froid – ce qui ne semble pas devoir perçu ainsi ; les commentaires soulignent unanimement l’aspect positif de cette relation, la dignité de leurs attitudes – ou apprécient simplement qu’un film si ancien soit centré sur des homosexuelles de façon bienveillante et non-graveleuse. J’ai vu une histoire classique avec une quarantenaire charismatique et sophistiquée manipulant avec un peu de vice ses petites créatures, s’amourachant d’une à l’occasion ; et celle-là encore bien niaise, doublement éblouie puisqu’elle éprouve jusqu’à la vivre une attirance non-conventionnelle, sert les besoins de la femme mûre. (58)

La clef *** (France 2007) : Polar plus préoccupé par ses personnages que par le suspense et les scènes d’action, néanmoins convaincants. De très bons acteurs, un tandem assez touchant avec les vieux flics (Cohen et Balasko). Rochefort ressemble à Houellebecq ; or ce film implique le réal et l’équipe qui l’ont embarqué pour deux films la décennie suivante (L’enlèvement et l’an dernier Thalasso). Il est possible que dans cette collaboration la part relativement assertive (et ‘achevée’) du personnage ait eu l’occasion de se révéler ; dans les vieilles interviews, Houellebecq semblait plus facile à troubler. (68)

Finding Oscar ** (USA 2016) : De nombreuses images ‘utiles’ et quelquefois édifiantes à propos du génocide au Guatemala sous Rios Montt (abordé indirectement dans La Llorona). Informatif, efficace, même émouvant, mais très lourd pour arriver à ces fins. Saute d’un fait ou témoignage à l’autre, documentaire zappeur américain – puis parfois s’étale, jusqu’à finalement converger sur cette affaire d’un enfant survivant retrouvé sur le tard par son père biologique. (56)

Tous les dieux du ciel **** (France 2019) : Multi-genre captivant. De la comédie un peu grasse voire potache, un soupçon de fantastique, un mélodrame en fond et un aspect de film d’horreur ou de polar campagnard. Meilleur film vu cette année, près de Jumbo et L’année des treize lunes. (82)

Canicule * (France 1984) : {Un chef-d’oeuvre qui montre bien l’aptitude à la résilience, la bonhomie rassurante et l’intégrité du monde paysan, cet univers à part et pur. Souvent pris pour un film d’action alors qu’il est, naturellement, bokouplus’que-ça.} Un thriller navrant en guise de brûlot de la part d’Yves Boisset, où les personnages sont particulièrement débiles et les campagnards malmenés. Moins pourri que ce que laisse présager la bande-annonce (certes souillée puisqu’on trouve un résidu VHS). Consternant de bêtise et de gratuité, plutôt que simplement mal agencé (ce qu’il est pourtant – de façon flagrante dans les scènes urbaines). Seuls personnages positifs : les trois sont plus ou moins des étrangers – des égoïstes ‘aventuriers’ et transgresseurs. Certains dialogues sont surprenants, spécialement celui où le gamin dit à Lee Marvin que ce n’est pas le moment d’avoir « une vie intérieure ». Amusant à regarder mais déplorable sur tous les plans. (36)

Bliss ** (USA 2019) : Sur l’expérience de la drogue hallucinogène et des visites dans les bas-fonds urbains et nocturnes. Succédanée d’Enter the Void et d’une poignée de films sur les vampires. Filtres et néons roses-violets typiques des films ‘psyché’ ou étranges (c’est le même champ chromatique que Color out of Space a retenu, en-dehors des ). Ennuyeux, confus, pas timide quand il s’agit de faire gicler le sang. Éveille l’intérêt dans la dernière ligne de droite en basculant dans le fantastique et forçant la fille à aller au bout de sa démarche. (44)

Suggestions… The Baby + Byzantium + Wedding Nightmare + Mandy.

No Blade of Grass / Terre brûlée *** (USA 1970) : Film écologiste violent et dévastateur (doté d’un budget assez modeste par rapport à l’entreprise -1,5 millions de $- et tourné par le réalisateur de Naked Prey/La proie nue). Survie au moment d’un effondrement, au départ à Londres, le reste à la campagne. Démonstratif et pas subtil, mais ne s’éternise jamais, accumule les bons points ; tout comme les gens acceptent rapidement chaque nouvelle donne. Dédaigneux envers l’Humanité consumériste et malthusianiste si on prend son ouverture au sérieux (succession de plans montrant trop de gens, trop de voitures, trop d’appartements alignés et dépersonnalisés). Des choses hasardeuses d’œuvre ‘essuyant les plâtres’ (notamment les flashforward dont la pertinence ou la valeur ajoutée restent à démontrer). (76)

Mindwarp / Dream System *** (USA 1992) : Film post-apocalyptique avec un certain génie mais un manque de structure et une absence de précision de ses concepts, de ses projections. Connaît un coup de mou colossal le temps de se frotter à Cornellia. En cause, des individualités loufoques et un scénario bancal, surtout le temps de la descente. Le point le plus gênant est ce personnage joué par Bruce Campbell, caricatural d’abord, évanescent ensuite. Plus que tout autre élément il manque de préméditation – ses références, ses représentations ne tiennent pas ; il devrait être quasiment un sauvage, en tout cas largement un ignorant, d’autant que son « peuple » éteint n’était que sa famille immédiate, or il se comporte comme un survivaliste courtois qui aurait choisi de prolonger ses vacances expérimentales en zone hostile. À voir si on s’intéresse à la domestication des humains via la technologie et aux remontées primitives en-dehors des zones de conforts offertes par la civilisation, mais il faut s’attendre à du gore et un talent dans l’outrance plutôt qu’à de la réflexion. (64)

Die Farbe * (Allemagne 2010) : D’excellente facture [à son niveau] – mais les personnages sont absolument vains, la mise en place lourde et longue, le développement inutilement besogneux. Le noir et blanc ne sert qu’à couvrir les limites budgétaires et renforcer (pour ne pas dire garantir) l’effet de l’exhibition de la fameuse couleur venue du ciel (forcément, du magenta fluorescent). Ça pouvait être bien pire et surtout amateur ou bric-à-brac, ou simplement crétin, comme d’autres et comme un tout petit nombre conçu dans des conditions similaires (crowfunding, films de fans) ; mais ça n’est encore que poliment estimable et loin des envolées bisseuses de Gordon, ne serait-ce qu’en terme de capacité à amuser. C’est même assommant sans qu’on perçoive bien l’intérêt, hormis visuel – mais devant des images figées on a plus de liberté. La timidité en la matière est plus fatale qu’ailleurs ; si reprendre Lovecraft inhibe tellement, qu’on se passe de ce genre de productions, qu’on laisse d’autres réalisateurs ou illustrateurs s’en charger ; que les créateurs s’inspirent sans passer par la case adaptation. (42)

Suggestions… The Call of Ctulhu/2005 + Cannibal + L’énigme de Kaspar Hauser + Triangle/2009.

The people that time forgot / Le continent oublié ** (UK 1977) : Suite de The land that time forgot du même réalisateur Kevin Connor, également inspiré de Burroughs. Cinéma d’aventures kitsch – monstres souvent très artificiel et à l’occasion très cheap – le dernier barrage est nanardesque ; l’odeur du nanar planait depuis longtemps, en approchant de sa conclusion le film devient à la fois plus réjouissant mais aussi confirme son grotesque. Prévisible et superficiel, des plans épiques (à tous degrés) mais les répètent. La dernière créature lors de la fuite est tellement désespérée et pitoyablement rageuse, les effets l’accompagnant tellement ravagés, que la scène est à mes yeux un classique instantané du nanar. (52)

Fast & Furious Hobb & Shaw ** (US 2019) : Un neuvième opus rafraîchissant légèrement la formule, par son casting et sa plus grande proximité avec les blockbusters d’espionnage récents. Beaucoup d’humour insistant, pas ou peu drôle. Divertissement HD et décemment teubé comme annoncé. Formellement et considérant la capacité à se présenter devant un large public en faisant honte le moins possible, ce Fast & Furious est dans la moyenne haute de la saga voire au sommet – mais il a moins de charmes que ses prédécesseurs, car il dégouline la sur-préparation et la volonté d’assimilation. Il manque aussi d’exploits convaincants ou particuliers. (48)

Lik wong / Riki-Oh : Story of Ricky *** (Hong-Kong 1991) : Parmi la catégorie 3 hong-kongaise [films violents interdits aux moins de 18 ans], c’est le plus fameux, devant Ebola Syndrome, qui garde a-priori ma préférence (à cause de l’ignominie burlesque du ‘héros’ – mais cette découverte-là date de 7 ans et demi, alors la préférence est à reconsidérer). De ces deux champions, celui-ci est plus approchable, va amuser (et être toléré par) un plus large public. Difficile de savoir comment ses auteurs considèrent leur création : avec humour, distance, cynisme, avec des vues partagées ou un idéal expérimental ? En tout cas c’est une excellente comédie (peut-être) involontaire et un film sentimental joyeusement risible ; un film d’action épais et sanguinolent, aussi jubilatoire ; une fantaisie avec de beaux exploits gores et grotesques. (74)

Blair Witch ** (USA 2016) : Suite beaucoup plus généreuse. Pas très estimable au départ, remarquable pendant les vingt dernières minutes. Deux passages effrayants, ce qui est rare dans le genre et extraordinaire de la part du found footage – celui-ci a d’ailleurs le bon goût de ne pas surjouer l’amateurisme. Finalement l’essentiel des personnages, sans être agaçant, était futile. Reste un divertissement insignifiant, seuls les clients du genre n’y perdront pas leur temps. (54)

The Nest / Voyage au bout de l’horreur ** (USA 1988) : Opportuniste, des plans horrifiques conventionnels, mollement alléchants ou convaincants au mieux ; des fixettes et des pesanteurs, de la paresse, ce retour ridicule sur le visage de la ‘djeunz’ souriant à son reflet sans entendre sa tante hurler à la mort. Méchante réussie, un côté Julia d’Hellraiser et typique scientiste liée à un establishment pourri ou malveillant. Les animaux tueurs font de rares apparitions : on voit des agrégations de cafards la plupart du temps, puis une créature loufoque sous influence The Thing pendant les dernières minutes dans la caverne. Quelques plans à retenir et une mise en scène honnête, maline s’agissant de compenser les limites budgétaires. Personnages insipides et réactions débiles, scénario lent et creux mais pas indécent – rien de tout ça n’est antipathique, mais le sacrifice d’une des principales figures masculines et une poignée d’agissements outranciers tirent rudement vers le nanar. (48)

Class of 1999 * (USA 1990) : Suite contre-nature de Class 1984, peut-être pondue par des réacs et des opportunistes blasés courant après les modes et une représentation crédible d’une jeunesse qu’ils méprisent (bien que le film en prenne théoriquement le parti). Bat des records en terme de costumes bouffons et de personnages les plus invraisemblables. Les personnages (robots compris) sont amusants et absolument pas crédibles. La consternation ressentie devant tant de bêtises et l’hystérie évitent l’ennui. (42)

Album / Album de famille * (Turquie 2016) : voir la critique. (24)

Jeune femme ** (France 2017) : Avec une fille turbulente poursuivie par des lourdeurs – elle est certainement névrosée, mal maternée et mal ‘fiancée’, mais le film à son image prend la fuite. La séance est donc aimable mais futile. L’actrice (excellente), même si elle paraît usée tout le long, n’est pas aussi enlaidie que pour La bataille de Solférino – où tout était rendu agressivement terne ou tièdement glauque. Cet enlaidissement raisonnable fait partie d’une panoplie de marqueurs ‘réalistes’ de la part du film ; malheureusement il se tient autant à l’écart du sérieux de ce qu’il brasse (et si on essayait d’en savoir plus sur ce cas, au lieu de la laisser s’étourdir – et faire l’éloge de la parlotte humaniste) que des codes des diverses comédies romantiques. (48)

L’éloge du rien ** (Serbie 2017) : Présent en entier sur Youtube mais très mal référencé, sans fiches Wikipedia états-unienne et française par exemple, absent même des fiches consacrées à Iggy Pop (narrateur). Traversée plus ou moins placide ou enjouée du globe. Remarques candides, creuses ou pertinentes. (58)

Le vagabond de Tokyo ** (Japon 1966) : Film de yakuzas coloré, en plein dans les joies de son temps mais spécialement beau et avec plusieurs partis-pris atypiques (mais à une échelle anodine et toujours en restant otage d’une posture de parodie élégante). Pas timide mais quand même ennuyant, à cause d’un scénario et de personnages faibles, de dialogues ambitieux et crétins. (48)

Le nouveau protocole *** (France 2008) : Polar d’honnête facture, pas génial par son style ou sa technique, mais doté d’un suspense et de poursuites efficaces. Contient une scène de mort cruelle, relativement réaliste et s’avère d’emblée politisé. L’approche est intéressante car sans sacrifier sa dénonciation [de ‘Big Pharma’], il accorde une place au doute, ne rejette pas dans un camp étanche (celui de la vilenie et de la corruption) les fautifs – sans pour autant baratiner, peut-être faute de temps, sur la pourriture systémique qui engendrerait tout et embarquerait les pauvres ouailles (comme si le ‘système’ lui-même était distinct de ceux qui l’ont produit et l’entretiennent – ce que veulent croire les critiques constructivistes). Ni projection aveugle du mal, ni idéalisation des êtres qui seraient soit purs soit coupables déresponsabilisés ; les gens paraissent capables, mais choisissent l’omission et la continuité intéressée (y compris l’espèce de syndicat d’agitateurs-animateurs, correctement épinglé comme une troupe d’anti, bons pour brailler leur hostilité là où on le leur indique). Le monstre de sang-froid a raison de pointer la complicité de l’ensemble des citoyens-consommateurs. Dans cette organisation du cheptel, la logique froide, le calcul rationnel ou conservateur et la gestion de la marchandise l’emportent, l’Humain est encore à moitié Homme et pour partie lui-même marchandise et consommateur alternativement. Signé Thomas Vincent, crédité pour peu de films et dont j’avais beaucoup aimé La nouvelle vie de Paul Sneijder. (66)

Alien Crystal Palace * (France 2019) : OCNI aberrant et probablement culte d’ici quelques années, signé Arielle Domsballe. Il y a du beau monde au casting (Asia Argento, Mr.Nouvelle Vague) et surtout on découvre Nicolas Kerr. La collaboration musicale de ces deux-là est parfaitement respectable, par contre ce film n’a aucune dignité. L’écriture est inexistante, la mise en scène à l’inspiration, avec des problèmes d’échelle, de consistance, de vraisemblance et même de personnalité – c’est à la fois audacieux, stérile, ignorant et déterminé dans ses délires occultes et ses représentations. Rincé au bout de la moitié, je l’ai repris et vu intégralement plus tard. À ne pas tenter seul sous peine de renoncer immédiatement. Misérable mais mémorable et remarquablement ‘désinhibé’. (34)

Mon curé chez les thaïlandaises * (France 1983) : Stupide bien sûr, mais surtout presque nul. Musique disco récurrente, seins nus en abondance, humour de fin de banquet, acteurs franchouilles interprétant lourdement des étrangers (asiatique ou écossais). Visuellement modeste mais pas spécialement fauché ; direction d’acteurs, scénario et peut-être préparations inexistantes. Pas d’alchimie spontanée, mais le millier de bouffonneries au programme peuvent plaire ; les acteurs sont impliqués et raccords. (22)

Once Upon a time in Hollywood ** (USA 2019) : Film d’immersion, moins tarantino-guignolesque que d’habitude ; le début, avec la petite vanne minable concernant le lance-flammes (cet espèce de ‘c’est comme ça’ théoriquement pince-sans-rire) et le déballage du producteur joué par Al Pacino est repoussant ; l’essentiel est doucement prenant. Par rapport à l’ensemble de la carrière du réal, on est proche de Jackie Brown, avec des éclats de violence à peine plus prononcés. Une nouvelle fois Tarantino refait l’Histoire et choisit une fin positive. Façon d’indiquer à ceux qui s’en prennent à la forteresse Hollywood qu’ils sont des ombres et des nuls qui n’empêcheront pas la légende de s’écrire, les pros de l’illusion et les happy few de la culture de briller ? Seule certitude, Tarantino avec ce film dorlote son univers et laisse de côté les autres considérations, y compris les marquages politisés qu’il a cumulé depuis une dizaine d’années. Ce qui participe à un projet d’une éclatante -mais agréable- futilité. Le casting est éblouissant mais les personnages mono-traits jusqu’à la fin, les conflits sont tamisés ou grossiers (le passage à la ferme). L’histoire est des plus plates mais quelques personnages et embrouilles secondaires tiennent le film à flot ; bien sûr tout suspense s’avérera une escroquerie et rétrospectivement des petites scènes d’expectative a-priori sans but ou obscures, comme celle où on voit Polanski sortir prendre son déjeuner au jardin, ne servent effectivement à rien (hormis meubler ou laisser de petites spéculations germer). (54)

Black snake la légende du serpent noir * (France 2019) : Clichés et contre-clichés déplorables habillent cette comédie pour gosses. Les vannes [raillant l’attitude des] racistes oscillent entre la médiocrité convenue et la nullité aseptisée. Edouard Baer poussif en représentant de la Françafrique et OSS 117 bureaucrate permet quand même de sauver l’honneur lors de la scène avec Jackson. Thomas Ngijol est mauvais et faux. Tout est appuyé et bête dans son film, mais pas méchant ; c’est trop candide, trop mécaniquement aveugle et bon-enfant pour inspirer la colère ou le ricanement. L’apparition de la blanche [avec sa gueulante elle fait fuir une bande armée de passage au village] serait à mourir de rire dans d’autres circonstances, avec du talent et de l’énervement à la conception. Il est plus facile de verser dans le complotisme et flatter des populations en attribuant tout le malheur aux magouilles du G7 constitué exclusivement de blancs (et de japonais), pompant l’Afrique et encourageant sa corruption. Sur ce dernier point évidemment le film n’a pas tort mais comme c’est un truc de lâche il ne risque pas de rassasier quelque camp que ce soit ; il permet peut-être à ses hauteurs de se laisser tomber vers le camp vainqueur à l’avenir sans s’être compromis ou en ayant, quand même, ‘balancé’ à l’époque où les blancs contrôlaient tout ! (26)

Les assassins sont parmi nous *** (Allemagne 1946) : Identifié premier film allemand au sortir de la 2e guerre mondiale. Comme dans Allemagne année zéro, on voit les ruines de la capitale. Par rapport à ce qui pouvait se dire et s’entendre à l’époque, c’est loin d’être tiède. Et c’est le film d’un pays déchu déjà inscrit dans le repentir. La mise en scène est éloquente, le début plein de plans obliques et de nombreuses scènes sentent l’influence de Fritz Lang. Les soviétiques contrôlaient la production et ont donc limité toutes dérives ou spontanéités qui, vu plusieurs décennies après, seraient les bienvenus car le sujet en l’état est traité superficiellement. Le final contre l’auto justice garanti en contrepartie que celle des tribunaux va se charger de coffrer les salauds. Les interprètes sont brillants, le couple estimable et attachant. C’est à voir comme une histoire de culpabilité et la dévastation post-traumatique, davantage que comme un témoignage profond et étayé de l’époque ; dans ce cas bien sûr on sera focalisé sur les limites d’un tel film réalisé dans de telles circonstances. (68)

Suggestions… Rome ville ouverte + L’espion qui venait du froid + Sabotage/Hitchcock.

L’as des as ** (France 1982) : Première heure engageante, jolis moments de vol ou simplement d’évasion, rencontre avec un ours ; deuxième heure toujours plus faible, encéphalogramme toujours plus plat, gamin conçu au hasard en fonction de ce que devrait être un brave orphelin collant. Un Hitler pas ressemblant avec une sœur jouée par le même acteur. Film assez simplet dans ses vues : anti-nazi, opportunément anti-beauf (l’ami allemand estime que le Fuhrer a les goûts d’un « charcutier » arrivé à la tête de l’empire ; le militaire prend une leçon de grammaire), avec un brin de misogynie bienveillante. (52)

Prêt à jeter * (Espagne 2010) : voir la critique. (38)

Quand les aigles attaquent ** (USA 1966) : ‘Blockbuster’ d’époque avec des sensations ‘fortes’ insipides car on ne sent jamais le danger pendant ces cascades ; le scénario est trop mou et il est désespérément évident que rien ne grave ne se produira pendant au moins les trois quart du film. Superbe photo, superbe casting et surtout superbes décors, pour un total ennui avec des personnages évanescents, une histoire fadasse et quelques scènes ‘glamour’ à leur manière. (46)

Le voleur de Bagdad ** (USA 1924) : Engageant au départ avec les exactions flamboyantes du voleur, ennuyeux lors des crises de palais. En tant que divertissement ce sera très aléatoire, jamais tout à fait passionnant. De jolis effets spéciaux et même quelques monstres. Un blockbuster d’époque perfectible avec quelques coupes, mais dont la faiblesse de l’écriture sera difficilement déguisée. Les filtres sont diversement profitables : le jeune valorise les décors, le bleu gâche la lisibilité. La musique use rapidement, comme d’habitude. (62)

Blind woman’s curse * (Japon 1970) : Bis haut-en-couleur, sanguinolent, avec des yakuzas et des guerrières déterminées (et un chat noir furieusement malveillant). Humour de retardés exaltés, personnages pléthoriques, brouillon, mal raconté, cris et musiques désagréables, cadrages et mouvements de caméra pas dégueulasses. On a pas une seconde pour se reposer et toutes ces exubérances pouvaient ou peuvent sembler rares pour l’époque. Ce qui est plus sûr c’est l’ennui devant cette chose digne par l’hystérie de Tokyo Tribe. On va voir les analogues réputés comme Lady Snwoblood ou Elle s’appelait Scorpion et on lâche sans états d’âme cette chose criarde et stupide. (32)

Saya Zamurai * (Japon 2011) : Déjanté et débile comme le précédent – plus que le précédent. Ça en devient désespérant tellement c’est pas drôle ; on est même plus gêné, à la rigueur on pourrait en être triste. Probablement les non-rieurs sont comme ce petit prince, incapables de s’amuser ? Ou bien cette désacralisation du film de samouraïs prétexte à une performance masochiste cousue de dialogues mongoliens est simplement d’un niveau trop misérable pour qu’on ait le cœur ou l’esprit de descendre assez bas pour y être réceptif. À suggérer seulement à des gens en fin de vie, à bout de leurs neurones ou fétichistes ‘ouverts’ de la culture japonaise. Je sauve quand même le moment où le vieux fait semblant de perdre puis retrouver sa tête. Signé Matsumoto, connu pour des films haut perchés comme Symbol. (22)

Midareru / Une femme dans la tourmente ** (Japon 1964) : Mélo très distingué devant lequel j’ai constamment décroché. C’est beaucoup trop étroit et mielleux. (58)

Cuisine et dépendances ** (France 1993) : En approchant une telle chose à 15 ou 20 ans, on se dit que peut-être elle prendra plus de sens dans une ou deux décennies, quand on se sera mêlé davantage à la vie y compris dans ce qu’elle a de petit, mais de peu ou pas perceptible avant d’être adulte. Dans ce cas précis c’est raté.

Si ce film entend montrer ou simplement raconter quelque chose, je ne l’ai pas saisi. Les personnages sont lourdement taillés pour un résultat moyen, les dialogues sont irréguliers en qualité, dans l’ensemble des ‘bons mots’ creux. La plupart des interprètes en font des tonnes mais ces mêmes dialogues à la spontanéité démonstrative voire formolée gâchent leurs effets, leurs colères. La mise en scène est efficace, avec des manières étranges et probablement gratuites (cette musique hispanique à chaque fois que Martine est [furieuse et] filmée de dos, cet inconnu d’en face) ; pour une adaptation de pièce de théâtre c’est astucieux et vivant. Une séance plutôt agréable, conçue et écrite avec du talent, mais complètement futile. (46)

Maudie ** (Canada 2018) : Trouve le bon équilibre entre le mielleux et le complaisant envers les aspects rudes ; certainement pas critique de son sujet, plutôt réaliste. Le patron/amant/mari apparaît comme un pur tocard, lent à reconnaître les mérites de sa femme ou simplement son attachement envers elle. Manque de punch, de conflits, voire d’objectifs ; la révélation en fin de parcours est tout ce qui meuble. Mais les considérations dramatiques ne sont peut-être pas si importantes pour le film, comme elles ne l’étaient sans doute pas pour cette femme ; l’attention aux personnages, à leur façon d’être et leur sensibilité, prime – et ‘meuble’ aisément quand elle ne séduit pas carrément. On peut apprécier de voir cette fille écrasée par son mauvais tirage (social, financier et physique) se réaliser et prendre de la distance avec un entourage humainement exécrable. Les deux proches qui n’étaient en rien enclins à encourager son autonomie, sauf dans la mesure où ils pouvaient se débarrasser d’une charge, lors de sa réussite publique soudain s’inquiètent de son risque de dépendance, de son argent exposé. Malheureusement cette autonomie affective est au mieux ‘modérée’ et cette femme est restée tributaire des caprices et coups de sang d’une micro-famille toute sa vie. (56)

Ichi la femme samouraï * (Japon 2008) : Ce film d’action médiocre, de chanbara criard et piteusement moderniste, est une déviation au sein de la galaxie Zatoichi. Personnages crétins, aux crétineries de parodie – c’est encore en laissant de côté ce méchant de dessin animé ringard pour les enfants (dont le rire défie celui de Christophe Lambert). Féminisme à deux sous, pas neuf pour qui connaît un minimum le registre et les productions locales. Très bis dans l’esprit, les manières et la méthode. La VF triviale et ‘sanguine’ (pas proposée sur arte) est parfaitement appropriée et remet le film dans son bain naturel, atténuant la confusion des registres intacte en VO. Reste la musique très emphatique. Ce n’est pas une torture si on vient en touriste, mais c’est radicalement bête et les seules réelles beautés plastiques sont naturelles (l’héroïne, les chemins dans les bois, les points d’eaux, certains ciels) ; les élans esthétiques du film sont aussi pauvres et cheap que sa créativité en général, aussi inconséquents que son scénario et la tenue des personnages ou des enjeux, si foirés que l’action même peut en devenir illisible. Si vous y venez avec des attentes relatives à la franchise, il semble difficile de voir ce que vous y trouverez de notable, hormis le travestissement de synopsis déjà connus dans les Zatoichi. (28)

Foxtrot ** (Israël 2017) : Très jolis effets pompiers, convoque Mahler, place quelques scènes de danse et multiplie celles d’abstractions. Jeux avec l’illusion et le rêve – au-delà du brouillard poursuivant le vieux et justifiant directement ces manières, c’est l’ordre de la guerre, l’illusion ? (le peuple est censé prendre ce film comme un électrochoc ?) Enrobe les trucs habituels de jeunes mecs fatigués en garnison. À la fin, a remis en question la confiance en lui (et en eux) des ouailles du régime et montré une virilité malheureuse ; à quelle fin, difficile de trouver une réponse ne laissant pas dubitatif – sauf du point de vue militant, où ce film apparaît carrément comme une charge contre l’armée et spécialement celle du Tsahal, aux méthodes autoritaires et invasives. Mais d’un point de vue plus absolu le film coule sur nous, émeut peut-être, n’apprend strictement rien, ne fait jamais ressentir quoique ce soit de neuf, de purement remuant. C’est sans doute le propre des œuvres pacifistes ; elles visent un état de relâchement, y goûtent déjà et en attendant l’émancipation nous enfoncent dans la mélancolie, l’anxiété (par une petite poignée de ‘one-shot’ dans ce cas précis), les démonstrations tragiques. Hormis nous dire que les situations de guerre font mal, Foxtrot n’avance rien ; si, peut-être que l’individu s’en passerait bien (puisque ce père pète les plombs en envisageant la mort de son fils, ce jeune se sent obligé de tirer sur une fille qui l’avait immédiatement attiré, les hommes envoyés au front sont poursuivis toute la vie par leur expérience). (48)

Des roses pour le procureur ** (Allemagne 1959) : Une autre représentation originale de l’Allemagne d’après-guerre, par le réalisateur des Assassins sont parmi nous. Les événements sont maintenant plus lointain, le ton se fait léger – on approche la screwball américaine. Commence fort en comédie quasi burlesque puis satirique, perd de sa force en gagnant en sérieux et resserrant l’étau. Dans ma grille ce film marque ses points les plus mitigés dans les domaines les plus importants : mise en scène, esthétique ou goût particulier, ‘génie’, degré d’acuité ou de pertinence. Sur ces derniers points, le film bien que malin se dégonfle et n’a que des banalités à illustrer concernant la corruption – même si le ‘salaud’ reste un peu savoureux. (58)

Victoria ** (France 2016) : Porté par ses interprètes, ses dialogues relativement troussés, son once d’originalité et d’actualité. Reste une comédie romantique peu consistante, avec des effets curieux voire des errements de mise en forme (des scènes bien trop longues, des coupures insensées, une temporalité douteuse sur le court comme le long-terme). Tiède au départ, encore pataud sur la fin. L’espèce de ‘réalisme ultra’ de la Bataille de Solférino a un peu cédé, pour le bien de tous. (52)

Garde alternée * (France 2017) : Le postulat est ‘un peu’ original, le traitement pauvre (et prévisible – quelques doutes futiles, mais rapidement le plus con devient le plus sûr), l’ensemble d’une bêtise sans partage. L’écriture est décente, aussi bête que commandé ou présumé, l’exécution est sereinement lamentable. Le film oscille entre le médiocre et l’exécrable, joue avec des clichés souvent désuets, se répète (la crise en plein cours ou pire, la question du gamin, ce running-gag pour amuser les maternantes et les gâteux). C’est du cinéma trash familial, infiniment laid, ignoble et scabreux sans devenir malaisant. Il y a même de quoi (sou)rire et les acteurs sont bons ; mais leurs partitions sont pathétiques.

La réalisatrice avait commencé avec Les sœurs fâchées, j’avais aimé, là aussi les acteurs sauvaient le film de sa petitesse, puis son côté gris, vaguement poisseux mais ronronnant, était approprié. Mais en venant à la gaudriole franche et à la ‘libération’ des mœurs, ce cinéma perd ce qu’il peut avoir de gentiment touchant, pour être simplement déplorable, épanoui dans sa ringardise. On doit lui reconnaître une certaine audace et une capacité à meubler, qui rendent la séance parfaitement endurable, si on a pas de raisons de morale ou de contexte susceptibles de la rendre odieuse.

Enfin ce film restera mémorable pour sa dégueulasserie ordinaire et l’invention d’un monde parallèle où Didier Bourdon est un objet de désir ! Les copulations de Bourdon et Benneton sont plus désespérantes que drôles, tant ces acteurs même à leur avantage sont aux antipodes de ce qu’un corps et un esprit sains pourraient considérer comme désirables. Au moins on ne pourra pas reprocher à cette chose d’embellir la réalité ou d’imposer des normes inatteignables concernant les façons de vivre ou la tenue de sa carcasse. (26)

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Mini-Critiques : 16ou2020-4, 14ou2020-2, 13ou2020-1, 12ou2019-3, 11ou2019-2, 10ou2019-1, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

Mini Courts : 3, 2, 1

Mini Revus : 2ou2020, 1

Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1

NECRONOS – TOWER OF DOOM **

10 Mai

2sur5 Z horrifique fantaisiste et érotico-gore. Le début est particulièrement cheap avec la trop manifestement vieille caméra, les lense flare des plus artisanaux en forêt. Puis dans un intérieur incertain on découvre une sorte d’alchimiste avec ses sujets ; c’est grotesque, mais moins ridicule. Le début a la vertu de présenter et pousser à fond les grands défauts du film. Notamment la répétition de sortes de scènes mais aussi carrément de plans ; en particulier cette vue sur un château seul au milieu d’un paysage verdoyant. Intertitres à foison dans ces dix premières minutes – pas traduits ; pas compris tous les dialogues mais de bonnes raisons de pas s’en soucier. Plus tard on aura des sous-titres pour les deux patients anglais.

La séance vaut le coup pour les amateurs grâce à sa générosité, sa hargne et aux décors naturels. Les nombreuses kitscheries ne sont pas nécessairement un mal (mais peuvent être bien lourdes – telles ces portes en bois s’ouvrant comme un portail électrique ou celles d’une grande salle de décideurs de space opera). Ce qui plombe le film même en tenant compte de ses conditions, c’est la trop médiocre direction d’acteurs pendant le long échauffement (puis avec la fille à l’extérieur aux séquences redondantes, pataudes et interminables). Quelques exemples frappants : la partie de sexe quasi pornographique sauf que madame garde son mini-short ; un type se laisse tirer dessus et aucun de ses mouvements musculaires, sinon ceux des yeux, ne traduit une envie de résistance active ou de fuite face à son agresseur. On fait comme si (à nous de suivre) ! Pourquoi cet accidenté s’enfonce en forêt ?

L’inanité de certains comportements est évidemment au service du scénario (sinon pourquoi cet accidenté s’enfoncerait-il en forêt ?). Comme souvent dans l’extrême-bis graphique et gratiné, ou seulement ampoulé, l’équipe du film accorde son attention au spectacle et aux gestes, ne se soucie pas de ‘solidifier’. Les poses surfaites (surtout à cause des limites techniques) des personnages extravagants (plus ou moins démons) sont donc autant des fautes [de goût, de consistance] que des petits éclats cohérents et désirables dans ce cadre.

Note globale 52

Page IMDB   + Zoga sur SC

Suggestions…

Les+

  • tient ses promesses, généreux
  • décors et notamment espaces naturels
  • tous les défauts posés au début et poussés au maximum : on sait à quoi se tenir

Les-

  • peu de situations vraiment ou sérieusement percutantes
  • direction d’acteurs négligée, trop cérémonieuse avec les extravagants
  • inconsistances

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BANDAGED =+

15 Août

Maria Betty s’est illustrée dans le monde de la vidéo fétichiste et a alignés quelques courts-métrages et plusieurs moyens de trois quarts d’heure, comme Ecstasy in Berlin, célébrations BDSM légèrement transgressives. Bandaged est son premier long-métrage. Le cadre ressemble à celui de L’Heure du Loup : bourgeoisie old school et raffinée. Désireuse de s’engager dans des études de littératures, Lucille ne reçoit pas le consentement de son papa chirurgien. La magnifique jeune fille tente de se suicider et ne réussi qu’à se brûler la moitié gauche du visage. Son père fait venir une infirmière pour la surveiller en permanence jusqu’à son rétablissement.

Intentions et photographie remarquables. Pour le reste, après les bavardages d’introduction très chargés, Bandaged devient un mélo sans temps fort. La passion est induite artificiellement et les personnages n’ont jamais aucune existence. Le point de vue fait défaut et cette absence est ironique pour une cinéaste réputée pour les vertus anticonformistes et libératrices de son œuvre. Son Bandaged est un Prison de cristal s’arrêtant avant le premier obstacle. Maria Betty ne fait rien de cet amour incorrect, se sert de papa et tatie pour s’offusquer dans un dernier acte, mais hormis eux personne n’est tellement troublé. Leurs réactions disproportionnées sont assassines car elles mettent en relief le manque de substance de Bandaged.

Maria Betty n’avait manifestement pas grand chose à exprimer. La relation gagne de l’ampleur que dans le dernier tiers, où le sadomasochisme des deux femmes est généralisé et leurs rôles réversibles. La réalisatrice flirte avec l’horreur, s’inspire de tout le fantastique gothique et est manifestement sous l’influence des Yeux sans visage voir des Innocents. Elle utilise le genre pour habiller son film d’un voile de mystère, comme elle s’attarde sur les rituels (la mise en forme de l’infirmière) et les soins pour insinuer la sensualité dans les non-dits actifs. C’est ravissant à contempler, malheureusement même la séance érotique est déchargée de toute tension. Bandaged montre des objets se côtoyant les uns les autres, figés et sans intériorité.

Bandaged séduit malgré tout. Il est conforme à sa ligne déclarée, simplement inapte à décoller. Maria Betty a un talent de chef opératrice mais pas d’auteure. Elle a pourtant signé plusieurs moyens d’une durée conséquente et jouit ici de moyens corrects. Son œuvre est loin d’être un échec, c’est plutôt une affirmation molle, une occasion manquée. Sorti trois ans plus tard, La Piel que Habito est la version épanouie de ce Bandaged. Enfin les deux actrices sont parfaites, surtout l’infirmière. En les réduisant à l’état de gravures animées sans leur interdire leurs qualités d’interprètes, Maria Betty fait le meilleur choix de son film.

Note globale 57

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions… Canibal + Dead & Buried

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MINI-CRITIQUES 5

31 Juil

The Monster Squad ** (USA 1987) : Réunion des grands monstres de la culture anglo-saxonne. Autour de Dracula (qui se déplace en voiture lorsqu’il est lassé de se transformer en chauve-souris) : la créature marais, momie, le loup-garou, puis le clou : Frankenstein. On évoque aussi un absent, Van Helsing.

Le film envoie ‘tout’ dès les séquences d’intro : la pierre magique, le trou noir, les vieux aventuriers, les revenants sortis de terre, la crypte, etc. Nous aurons la complète avec des passages secrets, la ‘666 street’.

Délire assez puéril, potentiel film d’horreur pour enfants et très marqué par son temps (cinéma et publicité). Reprend la scène de fin du Frankenstein de 1933 pour lui donner une suite positive. (58)

Le Missionnaire * (France 2009) : Bigard joue un dur sortant de prison et est le seul véritable atout de ce film hystérique et probablement bâclé, mais évitant la nullité. Il faut aimer les contrastes même quand ils volent bas. Le frère est difficilement crédible, à cause des expressions (mêmes naturelles) de l’acteur de Samantha et sa transformation radicale.

À partir des rafales de confessions le film évolue vers le ‘politiquement correct’ aimable, du côté du droit à la différence et au ‘bon plaisir’ ; avant de s’échouer dans la mièvrerie impérieuse avec son mariage entre une juive et un arabe. (32)

Let Us Prey ** (Irlande 2014) : Horreur barbaque et ‘morale’, sans être proche de Martyrs. Extrêmement cynique, voire nihiliste, avant de découvrir son mysticisme atypique. Scénario pas très dense mais sait cultiver son originalité et ses mystères. C’est clairement une sorte de ‘punisher’ qui vient de débarquer, mais ses motivations et sa source restent floues. Beaucoup d’effets dans la mise en scène, efficace sans eux (idem pour la musique envahissante). Incisif dans le gore. Démence maîtrisée mais manque de clarté sur la fin, notamment concernant les pétages de plomb. Ceux qui ont aimé pourraient essayer Triangle et Pontypool, ou End of the Line pour du bad trip religieux plus flagrant et cohérent. (56)

Exit Humanity ** (Canada 2011) : Film avec des zombies remontant juste après la guerre de Sécession. Orientation mélo, avec le type seul qui a perdu sa famille et dû l’abattre après sa transformation. Plusieurs passages sous forme dessin animé, relatifs au livre d’où le protagoniste tire tout ce récit. Lent, décolle au milieu pour une escapade désagréable, pleine de mystères, de demi-révélations et de sombres histoires du passé. Sans oublier bien sûr les effets grandiloquents, pour lesquels il déploie un talent certain ! Déblatère sur l’humanité qui se perd – l’humanité de chacun, en multipliant les laïus mielleux. Ambitieux, mais laborieux en tous points. Ceux qui ont aimé peuvent essayer The Burrowers. (48)

Les Affameurs ** (USA 1952) : Sorti juste avant les vagues de westerns ‘modernes’ qui réforment le genre. Premier film d’Anthony Mann en Technicolor. Répète ses bons mots,  »suite dans les idées » lourdingue (les hommes et les pommes pourries) ; un énième western humaniste lourdingue (James Stewart oblige) – avec de la cogne et de l’agitation. (52)

Speedy *** (USA 1928) : Un opus assez connu avec ‘Glasses’ Lloyd. Humour simple et efficace, voire survolté (surtout au parc d’attractions). Une de ses spécialités est de cogner les gens involontairement. La musique de Carl Devis accentue le côté ‘ravi’. Se veut en phase avec New York la suractive, ville de la vitesse.

N’a pas l’épaisseur de Safety Last mais n’a rien d’autre à lui envier ; le ton et l’humour sont moins mielleux qu’avec Le petit à grand-maman ; ces deux derniers paraissent plus ‘lourds’ que l’opus présent. Le prochain film avec Lloyd (Welcome Danger) devait être son premier parlant. (68)

Shooting Stars *** (UK 1927) : Nommé en français ‘Un drame au studio’. Premier film d’Asquith, restauré en 2015 par la BFI, pour une copie accompagnée de la musique du saxophoniste John Altman.

Deux effets relativement improbables : le plan avec la balle, après le tir et la scène attachée ; les mots autour de la radio (alternative aux intertitres). Qualités de montage et excellence visuelle ; des passages ‘sur’ la grue pour observer cet univers sans s’y jeter.

Vu d’aujourd’hui, ce film (britannique) semble ‘attaquer’ le monde du cinéma, en tant qu’industrie pleine d’intrigues de nature sentimentale et romanesque. Concrètement il ‘attaque’ sur le plan people et esthétique (comme Ave César des Coen, une version cousine en couleurs) ; nous assistons à des embrouilles de mœurs, mais aussi à de probables parodies de films ‘de genre’ contemporains. (66)

Je suis un aventurier *** (USA 1955) : Quatrième des cinq films Mann/Stewart, marquée par un western particulièrement ‘moderne’, L’Appât. Dans celui-ci, James Stewart joue un dur. Le reste est crédible et attractif, graduellement. Mobilisation des archétypes, efficacité du récit dans la deuxième moitié. Quelques vues superbes sur les montagnes. Les villageois ont l’ambition de créer une ville – dans le Klondike à l’époque, ça revient à un micro-état ; dommage que le film creuse peu de ce côté. (68)

Asphalt ** (Allemagne 1929) : Muet avec un policier amoureux d’une voleuse et manipulatrice en voie de rédemption. Progressivement très ‘mélo’. Transpire (passivement) la fin des ‘années folles’ et se montre le plus licencieux et suggestif possible, pour l’époque au cinéma. Peu d’intérêt en-dehors de la réalisation, plus expressive qu’éloquente (jeux de lumière du début, gros plans et en général façons de cadrer les acteurs). Produit par l’UFA, responsable de plusieurs films de Fritz Lang (dont Faust et Metropolis) – collaborateur du réalisateur Joe May pour un poste de scénariste à leurs débuts. (58)

Le Distrait * (France 1970) : Comédie ultra-lourdingue centrée sur Pierre Richard dans son numéro classique (qui s’est doublé en réalisateur pour l’occasion). Humour visuel, quiproquos, sarcasmes de niaiseux regardant de haut. Caricatures de l’intellectualité, des mondains affairistes et du domaine de la publicité. Parfois meilleur quand il va vers le cartoon ou s’intéresse aux relations absurdes de Pierre avec les femmes. Probablement intéressant pour illustrer les émois ‘optimistes’ de l’époque. (42)

Totally Spies ! le film ** (France 2009) : Hystérique, fluorescent, jongle avec les clichés, se moque ‘gentiment’ de ses personnages et de son propre univers. Délires consuméristes et féminins.

Espionnage, gadgets technologiques et critique cheap du conformisme (avec le Fabulizer maléfique). Voix de Karl Lagerfeld pour le méchant – peu adaptée et la revanche du personnage n’est pas assez poussée. Le décrochage risque d’être fatal, il faudra tenir bon pendant les embryons de numéros musicaux et lorsque la mission se lance – où tout se rabougrit. (54)

Quelques messieurs trop tranquilles ** (France 1973) : Film de Lautner (Pacha, Barbouzes, Tontons Flingueurs) avec des acteurs de comédie fameux de l’époque. Une tribu de hippies vient squatter autour d’un village. Ils installent leurs igloos géodésiques sur les déserts de la comtesse. Michel Galabru, vieux con agressif, est en première ligne pour les affronter, mais rapidement ils sont partiellement assimilés par des locaux fascinés, envieux ou alléchés. Beaucoup de (quasi-)nudité et d’aperçus de mœurs libérées. Vite à court d’idées (et pas très dégourdi sur les psychologies) mais arrive à éviter la panne. Divertissement bourrin, plus efficace et exotique que Ne nous fâchons pas me concernant. Il a au moins les vertus de la connerie. (52)

Les chats persans ** (Iran 2009) : Typique du film d’émancipés modernistes ouverts à l’Occident et aux USA, qu’adorent les progressistes de ces derniers, car enfin ils ont des sujets enthousiastes en démonstration. Montre les absurdités de l’ordre moral et légal. Met beaucoup de temps à se finir. (56)

Mademoiselle Ange ** (Allemagne 1959) : Un ange blond passe sur Terre. Film (par un réalisateur allemand avec un casting et des décors français) de midinettes de l’époque, avec Romy Schneider en hôtesse de l’air et Belmondo. La première est une immense star et Sissi officielle, le second va bientôt tourner dans A bout de souffle. Sucrerie avec de jolies vues sur la Côte-d’Azur, un ton très positif, insouciant en toutes circonstances. Valeurs traditionnelles, ‘gentilles’ et hédonistes mêlées, sans sortir du présent, en embrassant ses dons et bienfaits. Un des derniers films avec Henri Vidal. (52)

Bonnes à tuer *** (France 1954) : Thriller d’Henri Decoin, connu pour Razzia sur la chnouf et dont j’ai vu Abus de confiance. Flash-backs des histoires d’un ambitieux avec ses femmes, réunies à l’occasion d’un dîner bizarre. Beaucoup d’humour. Le manque de pistes alternatives empêche de décoller et prendre de l’étoffe. (68)

Antoine et Antoinette *** (France 1947) : De Jacques Becker. Vue sur le Paris populaire, la petite classe moyenne, les serfs pas trop mal logés – Antoinette est employée dans un magasin. Optimisme devant la vie, remplie de gens et surtout de démarches cyniques. Énergique, démonstratif, lent, au point de devenir décevant. Mise en scène très expressive (les visages, la rafale de souvenirs à la fin). (68)

Une ravissante idiote ** (France 1964) : Film de Molinaro avec Bardot et Perkins (le ‘fou’ de Psychose). Assez crétin, très bavard, dialogues et considérations niaiseuses. Style très léger, réalisation lourde et sur-expressive. Pousse les imbroglios à un niveau surréaliste, où l’inconscience et la sérénité des gentils comme des exécutants au service des méchants atteignent des sommets cartoonesques (séquences avec la grand-mère). Trop long mais aimable à l’usure. Ne m’a pas laissé insensible contrairement à L’emmerdeur. (46)