→ Le coup du parapluie * (France 1980) : Pierre Richard enfile le costume de Christian Clavier une quinzaine d’années avant Clavier. Et ça le rend invisible ; on ne voit plus qu’un pantin en dissociation prêtant son corps à celui d’un hypothétique hystérique raillant volontiers les « bamboula ». Comme les autres films de Gérard Oury (Grande Vadrouille, Le Cerveau) celui-ci multiplie les aventures mais ne reste qu’une comédie un peu turbulente, trop artificielle pour paraître sérieusement éméchée – elle risque de n’amuser à aucun degré. Il faut croire que les acteurs appropriés ou des personnages de qualité sont l’essentiel pour que ce cinéma fonctionne. C’est un feu-d’artifice de joyeuses crétineries et plus certainement une perpétuelle fuite en avant pour compenser l’absence d’inspiration voire de plan un peu mâché. Le rôle de Valérie Mairesse est abominable. Les scènes sont longues, déséquilibrées, presque confuses (en avion pour l’introduction de ‘la folle’). Le seul point positif ou du moins aimable est la musique de Vladimir Cosma, tout le reste est médiocre ou indigne. (34)
→ Olivia / Audry ** (France 1951) : La réalisation et l’écriture sont propres, le casting assez bon et les personnages le sont franchement, mais j’ai une réserve difficilement surmontable face à ce film complaisant mais a-priori pertinent. La tenancière de l’école est une sorte de matriarche soufflant le chaud et le froid – ce qui ne semble pas devoir perçu ainsi ; les commentaires soulignent unanimement l’aspect positif de cette relation, la dignité de leurs attitudes – ou apprécient simplement qu’un film si ancien soit centré sur des homosexuelles de façon bienveillante et non-graveleuse. J’ai vu une histoire classique avec une quarantenaire charismatique et sophistiquée manipulant avec un peu de vice ses petites créatures, s’amourachant d’une à l’occasion ; et celle-là encore bien niaise, doublement éblouie puisqu’elle éprouve jusqu’à la vivre une attirance non-conventionnelle, sert les besoins de la femme mûre. (58)
→ La clef *** (France 2007) : Polar plus préoccupé par ses personnages que par le suspense et les scènes d’action, néanmoins convaincants. De très bons acteurs, un tandem assez touchant avec les vieux flics (Cohen et Balasko). Rochefort ressemble à Houellebecq ; or ce film implique le réal et l’équipe qui l’ont embarqué pour deux films la décennie suivante (L’enlèvement et l’an dernier Thalasso). Il est possible que dans cette collaboration la part relativement assertive (et ‘achevée’) du personnage ait eu l’occasion de se révéler ; dans les vieilles interviews, Houellebecq semblait plus facile à troubler. (68)
→ Finding Oscar ** (USA 2016) : De nombreuses images ‘utiles’ et quelquefois édifiantes à propos du génocide au Guatemala sous Rios Montt (abordé indirectement dans La Llorona). Informatif, efficace, même émouvant, mais très lourd pour arriver à ces fins. Saute d’un fait ou témoignage à l’autre, documentaire zappeur américain – puis parfois s’étale, jusqu’à finalement converger sur cette affaire d’un enfant survivant retrouvé sur le tard par son père biologique. (56)
→ Tous les dieux du ciel **** (France 2019) : Multi-genre captivant. De la comédie un peu grasse voire potache, un soupçon de fantastique, un mélodrame en fond et un aspect de film d’horreur ou de polar campagnard. Meilleur film vu cette année, près de Jumbo et L’année des treize lunes. (82)
→ Canicule * (France 1984) : {Un chef-d’oeuvre qui montre bien l’aptitude à la résilience, la bonhomie rassurante et l’intégrité du monde paysan, cet univers à part et pur. Souvent pris pour un film d’action alors qu’il est, naturellement, bokouplus’que-ça.} Un thriller navrant en guise de brûlot de la part d’Yves Boisset, où les personnages sont particulièrement débiles et les campagnards malmenés. Moins pourri que ce que laisse présager la bande-annonce (certes souillée puisqu’on trouve un résidu VHS). Consternant de bêtise et de gratuité, plutôt que simplement mal agencé (ce qu’il est pourtant – de façon flagrante dans les scènes urbaines). Seuls personnages positifs : les trois sont plus ou moins des étrangers – des égoïstes ‘aventuriers’ et transgresseurs. Certains dialogues sont surprenants, spécialement celui où le gamin dit à Lee Marvin que ce n’est pas le moment d’avoir « une vie intérieure ». Amusant à regarder mais déplorable sur tous les plans. (36)
→ Bliss ** (USA 2019) : Sur l’expérience de la drogue hallucinogène et des visites dans les bas-fonds urbains et nocturnes. Succédanée d’Enter the Void et d’une poignée de films sur les vampires. Filtres et néons roses-violets typiques des films ‘psyché’ ou étranges (c’est le même champ chromatique que Color out of Space a retenu, en-dehors des ). Ennuyeux, confus, pas timide quand il s’agit de faire gicler le sang. Éveille l’intérêt dans la dernière ligne de droite en basculant dans le fantastique et forçant la fille à aller au bout de sa démarche. (44)
Suggestions… The Baby + Byzantium + Wedding Nightmare + Mandy.
→ No Blade of Grass / Terre brûlée *** (USA 1970) : Film écologiste violent et dévastateur (doté d’un budget assez modeste par rapport à l’entreprise -1,5 millions de $- et tourné par le réalisateur de Naked Prey/La proie nue). Survie au moment d’un effondrement, au départ à Londres, le reste à la campagne. Démonstratif et pas subtil, mais ne s’éternise jamais, accumule les bons points ; tout comme les gens acceptent rapidement chaque nouvelle donne. Dédaigneux envers l’Humanité consumériste et malthusianiste si on prend son ouverture au sérieux (succession de plans montrant trop de gens, trop de voitures, trop d’appartements alignés et dépersonnalisés). Des choses hasardeuses d’œuvre ‘essuyant les plâtres’ (notamment les flashforward dont la pertinence ou la valeur ajoutée restent à démontrer). (76)
→ Mindwarp / Dream System *** (USA 1992) : Film post-apocalyptique avec un certain génie mais un manque de structure et une absence de précision de ses concepts, de ses projections. Connaît un coup de mou colossal le temps de se frotter à Cornellia. En cause, des individualités loufoques et un scénario bancal, surtout le temps de la descente. Le point le plus gênant est ce personnage joué par Bruce Campbell, caricatural d’abord, évanescent ensuite. Plus que tout autre élément il manque de préméditation – ses références, ses représentations ne tiennent pas ; il devrait être quasiment un sauvage, en tout cas largement un ignorant, d’autant que son « peuple » éteint n’était que sa famille immédiate, or il se comporte comme un survivaliste courtois qui aurait choisi de prolonger ses vacances expérimentales en zone hostile. À voir si on s’intéresse à la domestication des humains via la technologie et aux remontées primitives en-dehors des zones de conforts offertes par la civilisation, mais il faut s’attendre à du gore et un talent dans l’outrance plutôt qu’à de la réflexion. (64)
→ Die Farbe * (Allemagne 2010) : D’excellente facture [à son niveau] – mais les personnages sont absolument vains, la mise en place lourde et longue, le développement inutilement besogneux. Le noir et blanc ne sert qu’à couvrir les limites budgétaires et renforcer (pour ne pas dire garantir) l’effet de l’exhibition de la fameuse couleur venue du ciel (forcément, du magenta fluorescent). Ça pouvait être bien pire et surtout amateur ou bric-à-brac, ou simplement crétin, comme d’autres et comme un tout petit nombre conçu dans des conditions similaires (crowfunding, films de fans) ; mais ça n’est encore que poliment estimable et loin des envolées bisseuses de Gordon, ne serait-ce qu’en terme de capacité à amuser. C’est même assommant sans qu’on perçoive bien l’intérêt, hormis visuel – mais devant des images figées on a plus de liberté. La timidité en la matière est plus fatale qu’ailleurs ; si reprendre Lovecraft inhibe tellement, qu’on se passe de ce genre de productions, qu’on laisse d’autres réalisateurs ou illustrateurs s’en charger ; que les créateurs s’inspirent sans passer par la case adaptation. (42)
Suggestions… The Call of Ctulhu/2005 + Cannibal + L’énigme de Kaspar Hauser + Triangle/2009.
→ The people that time forgot / Le continent oublié ** (UK 1977) : Suite de The land that time forgot du même réalisateur Kevin Connor, également inspiré de Burroughs. Cinéma d’aventures kitsch – monstres souvent très artificiel et à l’occasion très cheap – le dernier barrage est nanardesque ; l’odeur du nanar planait depuis longtemps, en approchant de sa conclusion le film devient à la fois plus réjouissant mais aussi confirme son grotesque. Prévisible et superficiel, des plans épiques (à tous degrés) mais les répètent. La dernière créature lors de la fuite est tellement désespérée et pitoyablement rageuse, les effets l’accompagnant tellement ravagés, que la scène est à mes yeux un classique instantané du nanar. (52)
→ Fast & Furious Hobb & Shaw ** (US 2019) : Un neuvième opus rafraîchissant légèrement la formule, par son casting et sa plus grande proximité avec les blockbusters d’espionnage récents. Beaucoup d’humour insistant, pas ou peu drôle. Divertissement HD et décemment teubé comme annoncé. Formellement et considérant la capacité à se présenter devant un large public en faisant honte le moins possible, ce Fast & Furious est dans la moyenne haute de la saga voire au sommet – mais il a moins de charmes que ses prédécesseurs, car il dégouline la sur-préparation et la volonté d’assimilation. Il manque aussi d’exploits convaincants ou particuliers. (48)
→ Lik wong / Riki-Oh : Story of Ricky *** (Hong-Kong 1991) : Parmi la catégorie 3 hong-kongaise [films violents interdits aux moins de 18 ans], c’est le plus fameux, devant Ebola Syndrome, qui garde a-priori ma préférence (à cause de l’ignominie burlesque du ‘héros’ – mais cette découverte-là date de 7 ans et demi, alors la préférence est à reconsidérer). De ces deux champions, celui-ci est plus approchable, va amuser (et être toléré par) un plus large public. Difficile de savoir comment ses auteurs considèrent leur création : avec humour, distance, cynisme, avec des vues partagées ou un idéal expérimental ? En tout cas c’est une excellente comédie (peut-être) involontaire et un film sentimental joyeusement risible ; un film d’action épais et sanguinolent, aussi jubilatoire ; une fantaisie avec de beaux exploits gores et grotesques. (74)
→ Blair Witch ** (USA 2016) : Suite beaucoup plus généreuse. Pas très estimable au départ, remarquable pendant les vingt dernières minutes. Deux passages effrayants, ce qui est rare dans le genre et extraordinaire de la part du found footage – celui-ci a d’ailleurs le bon goût de ne pas surjouer l’amateurisme. Finalement l’essentiel des personnages, sans être agaçant, était futile. Reste un divertissement insignifiant, seuls les clients du genre n’y perdront pas leur temps. (54)
→ The Nest / Voyage au bout de l’horreur ** (USA 1988) : Opportuniste, des plans horrifiques conventionnels, mollement alléchants ou convaincants au mieux ; des fixettes et des pesanteurs, de la paresse, ce retour ridicule sur le visage de la ‘djeunz’ souriant à son reflet sans entendre sa tante hurler à la mort. Méchante réussie, un côté Julia d’Hellraiser et typique scientiste liée à un establishment pourri ou malveillant. Les animaux tueurs font de rares apparitions : on voit des agrégations de cafards la plupart du temps, puis une créature loufoque sous influence The Thing pendant les dernières minutes dans la caverne. Quelques plans à retenir et une mise en scène honnête, maline s’agissant de compenser les limites budgétaires. Personnages insipides et réactions débiles, scénario lent et creux mais pas indécent – rien de tout ça n’est antipathique, mais le sacrifice d’une des principales figures masculines et une poignée d’agissements outranciers tirent rudement vers le nanar. (48)
→ Class of 1999 * (USA 1990) : Suite contre-nature de Class 1984, peut-être pondue par des réacs et des opportunistes blasés courant après les modes et une représentation crédible d’une jeunesse qu’ils méprisent (bien que le film en prenne théoriquement le parti). Bat des records en terme de costumes bouffons et de personnages les plus invraisemblables. Les personnages (robots compris) sont amusants et absolument pas crédibles. La consternation ressentie devant tant de bêtises et l’hystérie évitent l’ennui. (42)
→ Album / Album de famille * (Turquie 2016) : voir la critique. (24)
→ Jeune femme ** (France 2017) : Avec une fille turbulente poursuivie par des lourdeurs – elle est certainement névrosée, mal maternée et mal ‘fiancée’, mais le film à son image prend la fuite. La séance est donc aimable mais futile. L’actrice (excellente), même si elle paraît usée tout le long, n’est pas aussi enlaidie que pour La bataille de Solférino – où tout était rendu agressivement terne ou tièdement glauque. Cet enlaidissement raisonnable fait partie d’une panoplie de marqueurs ‘réalistes’ de la part du film ; malheureusement il se tient autant à l’écart du sérieux de ce qu’il brasse (et si on essayait d’en savoir plus sur ce cas, au lieu de la laisser s’étourdir – et faire l’éloge de la parlotte humaniste) que des codes des diverses comédies romantiques. (48)
→ L’éloge du rien ** (Serbie 2017) : Présent en entier sur Youtube mais très mal référencé, sans fiches Wikipedia états-unienne et française par exemple, absent même des fiches consacrées à Iggy Pop (narrateur). Traversée plus ou moins placide ou enjouée du globe. Remarques candides, creuses ou pertinentes. (58)
→ Le vagabond de Tokyo ** (Japon 1966) : Film de yakuzas coloré, en plein dans les joies de son temps mais spécialement beau et avec plusieurs partis-pris atypiques (mais à une échelle anodine et toujours en restant otage d’une posture de parodie élégante). Pas timide mais quand même ennuyant, à cause d’un scénario et de personnages faibles, de dialogues ambitieux et crétins. (48)
→ Le nouveau protocole *** (France 2008) : Polar d’honnête facture, pas génial par son style ou sa technique, mais doté d’un suspense et de poursuites efficaces. Contient une scène de mort cruelle, relativement réaliste et s’avère d’emblée politisé. L’approche est intéressante car sans sacrifier sa dénonciation [de ‘Big Pharma’], il accorde une place au doute, ne rejette pas dans un camp étanche (celui de la vilenie et de la corruption) les fautifs – sans pour autant baratiner, peut-être faute de temps, sur la pourriture systémique qui engendrerait tout et embarquerait les pauvres ouailles (comme si le ‘système’ lui-même était distinct de ceux qui l’ont produit et l’entretiennent – ce que veulent croire les critiques constructivistes). Ni projection aveugle du mal, ni idéalisation des êtres qui seraient soit purs soit coupables déresponsabilisés ; les gens paraissent capables, mais choisissent l’omission et la continuité intéressée (y compris l’espèce de syndicat d’agitateurs-animateurs, correctement épinglé comme une troupe d’anti, bons pour brailler leur hostilité là où on le leur indique). Le monstre de sang-froid a raison de pointer la complicité de l’ensemble des citoyens-consommateurs. Dans cette organisation du cheptel, la logique froide, le calcul rationnel ou conservateur et la gestion de la marchandise l’emportent, l’Humain est encore à moitié Homme et pour partie lui-même marchandise et consommateur alternativement. Signé Thomas Vincent, crédité pour peu de films et dont j’avais beaucoup aimé La nouvelle vie de Paul Sneijder. (66)
→ Alien Crystal Palace * (France 2019) : OCNI aberrant et probablement culte d’ici quelques années, signé Arielle Domsballe. Il y a du beau monde au casting (Asia Argento, Mr.Nouvelle Vague) et surtout on découvre Nicolas Kerr. La collaboration musicale de ces deux-là est parfaitement respectable, par contre ce film n’a aucune dignité. L’écriture est inexistante, la mise en scène à l’inspiration, avec des problèmes d’échelle, de consistance, de vraisemblance et même de personnalité – c’est à la fois audacieux, stérile, ignorant et déterminé dans ses délires occultes et ses représentations. Rincé au bout de la moitié, je l’ai repris et vu intégralement plus tard. À ne pas tenter seul sous peine de renoncer immédiatement. Misérable mais mémorable et remarquablement ‘désinhibé’. (34)
→ Mon curé chez les thaïlandaises * (France 1983) : Stupide bien sûr, mais surtout presque nul. Musique disco récurrente, seins nus en abondance, humour de fin de banquet, acteurs franchouilles interprétant lourdement des étrangers (asiatique ou écossais). Visuellement modeste mais pas spécialement fauché ; direction d’acteurs, scénario et peut-être préparations inexistantes. Pas d’alchimie spontanée, mais le millier de bouffonneries au programme peuvent plaire ; les acteurs sont impliqués et raccords. (22)
→ Once Upon a time in Hollywood ** (USA 2019) : Film d’immersion, moins tarantino-guignolesque que d’habitude ; le début, avec la petite vanne minable concernant le lance-flammes (cet espèce de ‘c’est comme ça’ théoriquement pince-sans-rire) et le déballage du producteur joué par Al Pacino est repoussant ; l’essentiel est doucement prenant. Par rapport à l’ensemble de la carrière du réal, on est proche de Jackie Brown, avec des éclats de violence à peine plus prononcés. Une nouvelle fois Tarantino refait l’Histoire et choisit une fin positive. Façon d’indiquer à ceux qui s’en prennent à la forteresse Hollywood qu’ils sont des ombres et des nuls qui n’empêcheront pas la légende de s’écrire, les pros de l’illusion et les happy few de la culture de briller ? Seule certitude, Tarantino avec ce film dorlote son univers et laisse de côté les autres considérations, y compris les marquages politisés qu’il a cumulé depuis une dizaine d’années. Ce qui participe à un projet d’une éclatante -mais agréable- futilité. Le casting est éblouissant mais les personnages mono-traits jusqu’à la fin, les conflits sont tamisés ou grossiers (le passage à la ferme). L’histoire est des plus plates mais quelques personnages et embrouilles secondaires tiennent le film à flot ; bien sûr tout suspense s’avérera une escroquerie et rétrospectivement des petites scènes d’expectative a-priori sans but ou obscures, comme celle où on voit Polanski sortir prendre son déjeuner au jardin, ne servent effectivement à rien (hormis meubler ou laisser de petites spéculations germer). (54)
→ Black snake la légende du serpent noir * (France 2019) : Clichés et contre-clichés déplorables habillent cette comédie pour gosses. Les vannes [raillant l’attitude des] racistes oscillent entre la médiocrité convenue et la nullité aseptisée. Edouard Baer poussif en représentant de la Françafrique et OSS 117 bureaucrate permet quand même de sauver l’honneur lors de la scène avec Jackson. Thomas Ngijol est mauvais et faux. Tout est appuyé et bête dans son film, mais pas méchant ; c’est trop candide, trop mécaniquement aveugle et bon-enfant pour inspirer la colère ou le ricanement. L’apparition de la blanche [avec sa gueulante elle fait fuir une bande armée de passage au village] serait à mourir de rire dans d’autres circonstances, avec du talent et de l’énervement à la conception. Il est plus facile de verser dans le complotisme et flatter des populations en attribuant tout le malheur aux magouilles du G7 constitué exclusivement de blancs (et de japonais), pompant l’Afrique et encourageant sa corruption. Sur ce dernier point évidemment le film n’a pas tort mais comme c’est un truc de lâche il ne risque pas de rassasier quelque camp que ce soit ; il permet peut-être à ses hauteurs de se laisser tomber vers le camp vainqueur à l’avenir sans s’être compromis ou en ayant, quand même, ‘balancé’ à l’époque où les blancs contrôlaient tout ! (26)
→ Les assassins sont parmi nous *** (Allemagne 1946) : Identifié premier film allemand au sortir de la 2e guerre mondiale. Comme dans Allemagne année zéro, on voit les ruines de la capitale. Par rapport à ce qui pouvait se dire et s’entendre à l’époque, c’est loin d’être tiède. Et c’est le film d’un pays déchu déjà inscrit dans le repentir. La mise en scène est éloquente, le début plein de plans obliques et de nombreuses scènes sentent l’influence de Fritz Lang. Les soviétiques contrôlaient la production et ont donc limité toutes dérives ou spontanéités qui, vu plusieurs décennies après, seraient les bienvenus car le sujet en l’état est traité superficiellement. Le final contre l’auto justice garanti en contrepartie que celle des tribunaux va se charger de coffrer les salauds. Les interprètes sont brillants, le couple estimable et attachant. C’est à voir comme une histoire de culpabilité et la dévastation post-traumatique, davantage que comme un témoignage profond et étayé de l’époque ; dans ce cas bien sûr on sera focalisé sur les limites d’un tel film réalisé dans de telles circonstances. (68)
Suggestions… Rome ville ouverte + L’espion qui venait du froid + Sabotage/Hitchcock.
→ L’as des as ** (France 1982) : Première heure engageante, jolis moments de vol ou simplement d’évasion, rencontre avec un ours ; deuxième heure toujours plus faible, encéphalogramme toujours plus plat, gamin conçu au hasard en fonction de ce que devrait être un brave orphelin collant. Un Hitler pas ressemblant avec une sœur jouée par le même acteur. Film assez simplet dans ses vues : anti-nazi, opportunément anti-beauf (l’ami allemand estime que le Fuhrer a les goûts d’un « charcutier » arrivé à la tête de l’empire ; le militaire prend une leçon de grammaire), avec un brin de misogynie bienveillante. (52)
→ Prêt à jeter * (Espagne 2010) : voir la critique. (38)
→ Quand les aigles attaquent ** (USA 1966) : ‘Blockbuster’ d’époque avec des sensations ‘fortes’ insipides car on ne sent jamais le danger pendant ces cascades ; le scénario est trop mou et il est désespérément évident que rien ne grave ne se produira pendant au moins les trois quart du film. Superbe photo, superbe casting et surtout superbes décors, pour un total ennui avec des personnages évanescents, une histoire fadasse et quelques scènes ‘glamour’ à leur manière. (46)
→ Le voleur de Bagdad ** (USA 1924) : Engageant au départ avec les exactions flamboyantes du voleur, ennuyeux lors des crises de palais. En tant que divertissement ce sera très aléatoire, jamais tout à fait passionnant. De jolis effets spéciaux et même quelques monstres. Un blockbuster d’époque perfectible avec quelques coupes, mais dont la faiblesse de l’écriture sera difficilement déguisée. Les filtres sont diversement profitables : le jeune valorise les décors, le bleu gâche la lisibilité. La musique use rapidement, comme d’habitude. (62)
→ Blind woman’s curse * (Japon 1970) : Bis haut-en-couleur, sanguinolent, avec des yakuzas et des guerrières déterminées (et un chat noir furieusement malveillant). Humour de retardés exaltés, personnages pléthoriques, brouillon, mal raconté, cris et musiques désagréables, cadrages et mouvements de caméra pas dégueulasses. On a pas une seconde pour se reposer et toutes ces exubérances pouvaient ou peuvent sembler rares pour l’époque. Ce qui est plus sûr c’est l’ennui devant cette chose digne par l’hystérie de Tokyo Tribe. On va voir les analogues réputés comme Lady Snwoblood ou Elle s’appelait Scorpion et on lâche sans états d’âme cette chose criarde et stupide. (32)
→ Saya Zamurai * (Japon 2011) : Déjanté et débile comme le précédent – plus que le précédent. Ça en devient désespérant tellement c’est pas drôle ; on est même plus gêné, à la rigueur on pourrait en être triste. Probablement les non-rieurs sont comme ce petit prince, incapables de s’amuser ? Ou bien cette désacralisation du film de samouraïs prétexte à une performance masochiste cousue de dialogues mongoliens est simplement d’un niveau trop misérable pour qu’on ait le cœur ou l’esprit de descendre assez bas pour y être réceptif. À suggérer seulement à des gens en fin de vie, à bout de leurs neurones ou fétichistes ‘ouverts’ de la culture japonaise. Je sauve quand même le moment où le vieux fait semblant de perdre puis retrouver sa tête. Signé Matsumoto, connu pour des films haut perchés comme Symbol. (22)
→ Midareru / Une femme dans la tourmente ** (Japon 1964) : Mélo très distingué devant lequel j’ai constamment décroché. C’est beaucoup trop étroit et mielleux. (58)
→ Cuisine et dépendances ** (France 1993) : En approchant une telle chose à 15 ou 20 ans, on se dit que peut-être elle prendra plus de sens dans une ou deux décennies, quand on se sera mêlé davantage à la vie y compris dans ce qu’elle a de petit, mais de peu ou pas perceptible avant d’être adulte. Dans ce cas précis c’est raté.
Si ce film entend montrer ou simplement raconter quelque chose, je ne l’ai pas saisi. Les personnages sont lourdement taillés pour un résultat moyen, les dialogues sont irréguliers en qualité, dans l’ensemble des ‘bons mots’ creux. La plupart des interprètes en font des tonnes mais ces mêmes dialogues à la spontanéité démonstrative voire formolée gâchent leurs effets, leurs colères. La mise en scène est efficace, avec des manières étranges et probablement gratuites (cette musique hispanique à chaque fois que Martine est [furieuse et] filmée de dos, cet inconnu d’en face) ; pour une adaptation de pièce de théâtre c’est astucieux et vivant. Une séance plutôt agréable, conçue et écrite avec du talent, mais complètement futile. (46)
→ Maudie ** (Canada 2018) : Trouve le bon équilibre entre le mielleux et le complaisant envers les aspects rudes ; certainement pas critique de son sujet, plutôt réaliste. Le patron/amant/mari apparaît comme un pur tocard, lent à reconnaître les mérites de sa femme ou simplement son attachement envers elle. Manque de punch, de conflits, voire d’objectifs ; la révélation en fin de parcours est tout ce qui meuble. Mais les considérations dramatiques ne sont peut-être pas si importantes pour le film, comme elles ne l’étaient sans doute pas pour cette femme ; l’attention aux personnages, à leur façon d’être et leur sensibilité, prime – et ‘meuble’ aisément quand elle ne séduit pas carrément. On peut apprécier de voir cette fille écrasée par son mauvais tirage (social, financier et physique) se réaliser et prendre de la distance avec un entourage humainement exécrable. Les deux proches qui n’étaient en rien enclins à encourager son autonomie, sauf dans la mesure où ils pouvaient se débarrasser d’une charge, lors de sa réussite publique soudain s’inquiètent de son risque de dépendance, de son argent exposé. Malheureusement cette autonomie affective est au mieux ‘modérée’ et cette femme est restée tributaire des caprices et coups de sang d’une micro-famille toute sa vie. (56)
→ Ichi la femme samouraï * (Japon 2008) : Ce film d’action médiocre, de chanbara criard et piteusement moderniste, est une déviation au sein de la galaxie Zatoichi. Personnages crétins, aux crétineries de parodie – c’est encore en laissant de côté ce méchant de dessin animé ringard pour les enfants (dont le rire défie celui de Christophe Lambert). Féminisme à deux sous, pas neuf pour qui connaît un minimum le registre et les productions locales. Très bis dans l’esprit, les manières et la méthode. La VF triviale et ‘sanguine’ (pas proposée sur arte) est parfaitement appropriée et remet le film dans son bain naturel, atténuant la confusion des registres intacte en VO. Reste la musique très emphatique. Ce n’est pas une torture si on vient en touriste, mais c’est radicalement bête et les seules réelles beautés plastiques sont naturelles (l’héroïne, les chemins dans les bois, les points d’eaux, certains ciels) ; les élans esthétiques du film sont aussi pauvres et cheap que sa créativité en général, aussi inconséquents que son scénario et la tenue des personnages ou des enjeux, si foirés que l’action même peut en devenir illisible. Si vous y venez avec des attentes relatives à la franchise, il semble difficile de voir ce que vous y trouverez de notable, hormis le travestissement de synopsis déjà connus dans les Zatoichi. (28)
→ Foxtrot ** (Israël 2017) : Très jolis effets pompiers, convoque Mahler, place quelques scènes de danse et multiplie celles d’abstractions. Jeux avec l’illusion et le rêve – au-delà du brouillard poursuivant le vieux et justifiant directement ces manières, c’est l’ordre de la guerre, l’illusion ? (le peuple est censé prendre ce film comme un électrochoc ?) Enrobe les trucs habituels de jeunes mecs fatigués en garnison. À la fin, a remis en question la confiance en lui (et en eux) des ouailles du régime et montré une virilité malheureuse ; à quelle fin, difficile de trouver une réponse ne laissant pas dubitatif – sauf du point de vue militant, où ce film apparaît carrément comme une charge contre l’armée et spécialement celle du Tsahal, aux méthodes autoritaires et invasives. Mais d’un point de vue plus absolu le film coule sur nous, émeut peut-être, n’apprend strictement rien, ne fait jamais ressentir quoique ce soit de neuf, de purement remuant. C’est sans doute le propre des œuvres pacifistes ; elles visent un état de relâchement, y goûtent déjà et en attendant l’émancipation nous enfoncent dans la mélancolie, l’anxiété (par une petite poignée de ‘one-shot’ dans ce cas précis), les démonstrations tragiques. Hormis nous dire que les situations de guerre font mal, Foxtrot n’avance rien ; si, peut-être que l’individu s’en passerait bien (puisque ce père pète les plombs en envisageant la mort de son fils, ce jeune se sent obligé de tirer sur une fille qui l’avait immédiatement attiré, les hommes envoyés au front sont poursuivis toute la vie par leur expérience). (48)
→ Des roses pour le procureur ** (Allemagne 1959) : Une autre représentation originale de l’Allemagne d’après-guerre, par le réalisateur des Assassins sont parmi nous. Les événements sont maintenant plus lointain, le ton se fait léger – on approche la screwball américaine. Commence fort en comédie quasi burlesque puis satirique, perd de sa force en gagnant en sérieux et resserrant l’étau. Dans ma grille ce film marque ses points les plus mitigés dans les domaines les plus importants : mise en scène, esthétique ou goût particulier, ‘génie’, degré d’acuité ou de pertinence. Sur ces derniers points, le film bien que malin se dégonfle et n’a que des banalités à illustrer concernant la corruption – même si le ‘salaud’ reste un peu savoureux. (58)
→ Victoria ** (France 2016) : Porté par ses interprètes, ses dialogues relativement troussés, son once d’originalité et d’actualité. Reste une comédie romantique peu consistante, avec des effets curieux voire des errements de mise en forme (des scènes bien trop longues, des coupures insensées, une temporalité douteuse sur le court comme le long-terme). Tiède au départ, encore pataud sur la fin. L’espèce de ‘réalisme ultra’ de la Bataille de Solférino a un peu cédé, pour le bien de tous. (52)
→ Garde alternée * (France 2017) : Le postulat est ‘un peu’ original, le traitement pauvre (et prévisible – quelques doutes futiles, mais rapidement le plus con devient le plus sûr), l’ensemble d’une bêtise sans partage. L’écriture est décente, aussi bête que commandé ou présumé, l’exécution est sereinement lamentable. Le film oscille entre le médiocre et l’exécrable, joue avec des clichés souvent désuets, se répète (la crise en plein cours ou pire, la question du gamin, ce running-gag pour amuser les maternantes et les gâteux). C’est du cinéma trash familial, infiniment laid, ignoble et scabreux sans devenir malaisant. Il y a même de quoi (sou)rire et les acteurs sont bons ; mais leurs partitions sont pathétiques.
La réalisatrice avait commencé avec Les sœurs fâchées, j’avais aimé, là aussi les acteurs sauvaient le film de sa petitesse, puis son côté gris, vaguement poisseux mais ronronnant, était approprié. Mais en venant à la gaudriole franche et à la ‘libération’ des mœurs, ce cinéma perd ce qu’il peut avoir de gentiment touchant, pour être simplement déplorable, épanoui dans sa ringardise. On doit lui reconnaître une certaine audace et une capacité à meubler, qui rendent la séance parfaitement endurable, si on a pas de raisons de morale ou de contexte susceptibles de la rendre odieuse.
Enfin ce film restera mémorable pour sa dégueulasserie ordinaire et l’invention d’un monde parallèle où Didier Bourdon est un objet de désir ! Les copulations de Bourdon et Benneton sont plus désespérantes que drôles, tant ces acteurs même à leur avantage sont aux antipodes de ce qu’un corps et un esprit sains pourraient considérer comme désirables. Au moins on ne pourra pas reprocher à cette chose d’embellir la réalité ou d’imposer des normes inatteignables concernant les façons de vivre ou la tenue de sa carcasse. (26)
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Mini-Critiques : 16ou2020-4, 14ou2020-2, 13ou2020-1, 12ou2019-3, 11ou2019-2, 10ou2019-1, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1
Mini Courts : 3, 2, 1
Mini Revus : 2ou2020, 1
Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1
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