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LES CANONS DE NAVARONE =+

20 Fév

Énorme succès en son temps, Les Canons de Navarone respecte les conventions en vigueur [dans le cinéma de guerre] en discutant vaguement les lignes. Ce film de commando typique est tiré d’un roman de l’écossais Alistair MacLean, corrigé par le scénariste Carl Foreman, un des black-listés du maccarthysme. Malgré le laïus explicatif d’ouverture donnant l’illusion du sérieux historique, Navarone n’est pas réelle, mais semble faire référence à la bataille de Leros (1943). La mission implique le petit peuple grec (mais seule Maria Pappadimos/Irène Papas aura une présence significative), dont les autorités sont remerciées au début avant d’envoyer le générique.

Blockbuster de 1961, ‘all-star movie’ et taillé pour les Oscars, Les Canons de Navarone est un produit carré et efficace, un film d’aventures affable et en couleurs toujours très prudent. Il donne une impression de massivité par ses décors et ses postures, déballe ses moyens avec une force tranquille, refusant le clinquant. Le déroulé est assez penaud et la longueur en rajoute : 2h30 aux abords de la léthargie magnifiée. Au départ ces Canons ont plus de substance que les équivalents contemporains comme ceux de Sturges (La Grande Évasion, Les Sept mercenaires, etc), mais cette vertu s’oublie rapidement, au profit des nécessités et des manèges caricaturaux (les nazis-démons version demi-molle).

La première heure donne une impression de relative maturité, la suite fait montre d’une science du récit compromise par le manque de passion de la mise en scène et de l’écrit. Gregory Peck incarne quelques élans pacifistes de blasés de la guerre et des agitations humaines, puis se fond dans le décors et le devoir comme il le doit (par sa fonction) et comme il se doit (dans un tel film – Docteur Folamour est le comble de la subversion et une anomalie à cette époque). Cela donne par endroits un côté Costa-Gavras vidé et ‘divertissant’ au film. Guy Hamilton (Meurtre au soleil et 4 James Bond) sera en charge d’une suite tardive (L’ouragan vient de Navarone – 1978) largement oubliée mais un peu fétichisée.

Note globale 56

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Suggestions… L’Aigle s’est envolé + Le pont de la rivière Kwai

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (4), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

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READY PLAYER ONE *

16 Oct

1sur5  Ce film a réussi à me surprendre sur deux terrains où il est grand : laideur et banalité (Tron Legacy et Westworld l’écrasent sans efforts). Tout le reste relève de l’intégrisme de l’entertainment des trente dernières années jusqu’au présent (+1-1 pour la cohérence achevée), avec bien entendu une emphase particulière sur les 1980s (et leur musique). Les arguments les plus fantasques, les plongeons dans les souvenirs, sont à peine un frémissement : si l’essentiel du film était dans le goût du passage dans Shining, ça ne vaudrait qu’un train fantôme trop gras. Le reste du temps on s’étale en citations creuses et sensationnelles comme celle du Géant de fer (dans une moindre mesure de jeux : Minecraft, « planète Doom ») et on recoure à toutes sortes de ressorts éculés pour mettre en branle la supposée machine à se projeter.

Et c’est là où Ready Player One nourrit l’illusion avec pertinence : dans sa bulle consumériste, chacun vit une grande aventure – voire une aventure maximale. Mais cette bulle est fragile, alors il faut des icônes vivantes et une éthique ! C’est pourquoi nous avons un énième candide prophète des temps heureux – Kévin/Bobby 16 ans (ici Wade Watts orphelin, ailleurs Greta poussée par la conviction) parle au monde entier, c’est le porte-voie de bons sentiments et lui va faire la différence. C’est le seul sur des milliards d’humains à avoir relevé une phrase du grand patron dans les archives accessibles à tous (car il est le dernier à les écumer). C’est le type ‘différent’ et 100% commun, y compris dans les conditions (plutôt pauvre/classe moyenne de préférence, franchement pauvre comme ici est souvent une bonne affaire) dans lequel l’ensemble des jeunes ou vieux jeunes doivent se retrouver (ou se tasser sur ‘le jeune’ en eux). Il a bien entendu pour acolytes un garçon plus stupide (présent en mode mineur) et une fille un peu peste pour le challenger.

La seul moment un peu notable pour d’heureuses raisons est celui de la projection spéciale, avec le logiciel de contrôle des émotions et la combinaison pour retransmettre les sensations, notamment celles de « l’entrejambe » (depuis Kingsman et Deadpool on est plus lubrique dans le AAA américain). L’exécution a moins de valeur que l’idée mais pour l’œil c’est le seul moment un peu original du film, devant l’incruste chez Kubrick plutôt neutre sur ce plan (tandis que l’ensemble est dans le négatif). À déplorer également le torrent de trucs inconsistants, absurdes émotionnellement ou relationnellement, cela en laissant de côté les invraisemblances propres à un blockbuster promettant du lourd. Wade oublie aussi vite que nous et les scénaristes la mort de sa tante, s’en rappelle juste à temps pour boucler l’arc ; il est assommé et capturé par une équipe pourtant amie : l’inviter aurait pu être fastidieux mais là aussi ce serait utiliser des moyens indécents ! C’est une fiction aveugle de plus – probablement la condition de l’enchantement immédiat.

Dans son optique ‘Gregarious Game’ les films sont des objets de ‘pop culture’ et tout est fabriqué avec la culture entièrement phagocytée par le divertissement – le monde et notamment celui de la culture est un grand dépotoir aseptisé (montée de laits ou d’adrénaline sinon l’inertie) où chacun est invité à s’épanouir en recyclant pour soi les exploits et les émotions. Un nerd, un cinéphile, un gamer n’est jamais totalement étranger à cette déviance, alors on pourrait y voir une façon décente de se distraire du réel (en laissant de côté les jugements de valeur concernant les façons d’approcher les objets et ces objets eux-mêmes) ; on pourrait aussi espérer la politique exclue or on la retrouve sous une forme mesquine, avec la flatterie des egos et du bel idéal d’open-source, un méchant capitaliste en épouvantail sur lequel tous doivent s’accorder, tandis que le management crétinisant fait son office, se déguise et se pare de vertus.

La dite pop culture devient un rempart au cynisme et le refuge des authentiques (« Tu me prends pour un connard d’entrepreneur qui aime pas la pop’culture ! »). D’où cette morale finale consternante selon laquelle, le réel c’est carrément bien ; oui on peut et il est bon de jouer ! Mais pas tout seul ! Alors l’autorité va décider de votre consommation et orienter vos activités – hey les millennials le temps de la domination rance paternaliste c’est bien fini, vive l’abrutissement enthousiaste et consenti dans la communauté retrouvée et bigarrée ! SF oblige le film répand sa petite prose ‘critique-dystopique’ (sa conclusion que je viens d’évoquer n’en fait pas partie pour lui) or il est fasciné et amoureux et ne fait que rabougrir l’enfer comme le paradis ‘futuristes’ – en y ajoutant une sorte de mélancolie de nerds superficiels. Il projette le mauvais sur la publicité et présente en modèle le disruptif, rêveur, HQI et puceau tardif Halliday (au moins Big Bang Theory a le mérite de laisser de côté les valeurs). Voilà un nouveau mariage réussi entre la bêtise et la technophilie. Un anti Wall-E qui ne vaut pas Zero Theorem.

Note globale 26

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Suggestions…

Les +

  • sens esthétique plus prononcé à l’occasion, comme lors de l’ouverture et quelques autres séquences
  • de rares tentatives comme la scène de la danse – mérite d’exister à défaut ; une mocheté un peu plus ‘volontaire’
  • énormes ambitions et gros moyens
  • forcément des détails pour tout le monde dans la galerie – la satisfaction aussi est au détail

Les +

  • pour le moins radin de son Oasis
  • manque d’intensité, d’identité, de nouveauté, du moindre courage
  • puéril et pas amusant pour autant
  • personnages inintéressants voire interchangeables
  • volontiers incohérent en plus d’être futile

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LES AILES DE L’ENFER =-

12 Août

ailes de l'enfer

Con Air sort en 1997, période des bourrins sur laquelle règne Emmerich (Independance Day) et Michael Bay (Rock, Armageddon). Un cortège de stars est réuni autour de Nicolas Cage, armé d’une des coiffures les plus aberrantes de sa carrière. Il incarne un taulard embarqué malgré lui dans la tentative d’évasion d’un groupe de grands criminels. Cameron aimerait juste finir sa peine et retrouver sa famille : mais le repenti au grand cœur va devoir exalter sa fibre badass pour composer avec cet imprévu.

Voilà un produit massif et con, avec montage saccadé, images ‘fortes’ (reposants sur les lieux), punchlines gentiment trash. Quelques symboles lourds traînent ainsi que des émotions bien marquées ; tout est expédié et on a, heureusement, pas le malheur de contempler la stupidité de l’histoire. À l’inverse des faiblesses du gang de criminels piégé en haute altitude. Entre gros durs, histrions WTF et psychopathes folkloriques, Les ailes de l’enfer fourni au spectateur une généreuse brochette de fous dangereux.

Malheureusement tout les portraits restent médiocres et le ridicule personnage de Cage a pour lui sa cohérence grotesque, vivement valorisée par contraste. Le malheur des Ailes de l’enfer c’est d’être finalement assez rapidement gonflant. La promesse d’un pop-corn movie explosif est tenue, le divertissement réel lui n’est pas garanti. Trop lapidaire, trop décérébré, trop blasant. Les poussées d’adrénaline ne sont pas partagées, l’intensité modeste : un produit comme Daylight est supérieur à tous points de vue. En-dehors des pirouettes dans les grands espaces, tout ça n’est pas vraiment stimulant.

Note globale 47

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Suggestions… Le Cinquième Élément 

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Scénario & Ecriture (1)

Acteurs/Casting (3)

Dialogues (3)

Son/Musique-BO (2)

Esthétique/Mise en scène (2)

Visuel/Photo-technique (3)

Originalité (2)

Ambition (3)

Audace (2)

Discours/Morale (-)

Intensité/Implication (2)

Pertinence/Cohérence (1)

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INCEPTION ****

2 Fév

inception-wallpaper

4sur5  À l’instar des coups-d’éclats antérieurs de Nolan (Batman Begins, Memento), Inception donne une idée de ce que pourrait être le divertissement formaté et grand-spectacle de demain : ludique toujours, mais aussi plus tortueux, se permettant davantage d’audaces dans ses postulats. C’est une probabilité, pas une destinée.

Inception est en tout cas le blockbuster parfait, revivifiant les principes de James Bond, de Matrix et De Palma (Blow Out, Les Incorruptibles) simultanément. Nolan exploite à merveille son concept de l’extraction et crée un dédale de niveaux de réalité très vaste et jamais fumeux, où chaque porte mène à un espace-temps autonome. On y contemple et explore l’effet de la modification de quelques propriétés de la réalité objective. C’est à la fois limpide et vertigineux. Inception donne l’impression d’être inépuisable, ce qui est bien plus important qu’être insaisissable.

En l’occurrence, une influence parasite dans le subconscient de Dom Cobb, leader de l’opération commandée par un milliardaire, va contraindre le spécialiste et son équipe à une fuite en avant où les limites de l’extraction sont dangereusement abattues. Nolan s’en donne à cœur joie pour créer des espaces mentaux où dominent des alternatives et des passions secrètes. La pression est décuplée tout le long qu’évoluent spectateurs et protagonistes dans ce grand système complexe et dynamique.

Le film se donne à vivre comme rarement. Il a l’évidence de ces coups de génie qui amènent cependant avec leur potentiel des angles morts. Théorique et intense, Inception est moins pertinent dans le registre de l’émotion conforme à son cahier des charges. La trajectoire de son couple virtuel et fantôme subjugue, mais les critères de film à Oscar viennent alourdir le trait. Résultat, la dernière demie-heure est à la fois merveilleuse et entravée ; idem en ce qui concerne la manipulation des rêves et la conclusion de l’affaire Fischer, où une sorte de censure semble précipiter la fermeture des options.

Inception n’en demeure pas moins un blockbuster visionnaire (pour une fois, reconnu à juste titre), l’exception, le petit miracle comme on a quelquefois. Sauf que c’est Nolan, donc c’est aussi simplement le sommet qu’il devait inéluctablement accoucher.

Note globale 79

 

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Suggestions… Le Prestige + J’ai rencontré le Diable

 

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TRUE LIES =+

3 Juil

 

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Remake d’un film français, La Totale de Claude Zidi, True Lies ne reprend pas à son compte la dérision ni l’approximation franchouillardes. C’est également une comédie, plus achevée tout en donnant dans la vanne simple ; et un film d’action, avec des moyens conséquents, James Cameron oblige – auteur des deux plus gros succès planétaires de son temps, Titanic puis Avatar.

C’est une question de budget bien sûr, mais aussi de goût ; True Lies exploite les possibilités glamour et spectaculaires de l’intrigue et les sert avec des effets spéciaux puissants. Il pousse aussi le concept à bout, au point de prendre quelques risques par rapport aux sentiers battus du divertissement standard, lorsqu’il s’attarde sur la thérapie de couple explosive et chahute la trame générale. Il en résulte des séquences plus posées et très réussies, comme celle de l’interrogatoire.

Ici Cameron fait la démonstration d’une facette parfois contrariée : son talent pour la direction d’acteurs. Schwarzenegger n’a jamais été si drôle, tandis que Jamie Lee Curtis livre une performance particulièrement audacieuse. Remanié, le scénario joue avec les clichés de l’agent secret (séducteur et omnipotent) et sa double vie (la petite famille rangée) et envoie valser tous ces clichés, car rien ni personne n’est conforme au costume habituel.

Schwarzy en premier lieu, le surhomme rationnel ; Jamie Lee Curtis, l’épouse pince-sans-rire ; la fille, précocement cynique, sans être du tout une de ces espèces d’ado rebelle imbuvables. En se concentrant sur le couple, True Lies gagne en intensité même s’il rate les opportunités criantes des autres personnages. Enfin le film ne s’embarrasse pas de commentaires lourdauds comme le modèle qu’il trahit allègrement, se contentant de faire son office dans le show de masse.

Note globale 67

 

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Suggestions… Dommage collatéral + Vanilla Sky + Le Fugitif 

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