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LES HAUTES SOLITUDES —

15 Mar

Dès ses débuts Philippe Garrel fut un réalisateur singulier, avec des expérimentations généralement sous influence de la psychanalyse ou orientées voyages introspectifs (Le lit de la vierge, La cicatrice intérieure). Les hautes solitudes est déjà son septième long-métrage, muet comme Le révélateur, noir et blanc comme presque toujours. Ce nouvel essai est nettement moins cryptique par sa substance, mais ses intentions et sa vocation atteignent la stratosphère en termes de fantaisie fièrement neurasthénique. La compassion présumée déborder de ce film est absente, son voyeurisme est à la fois factice (car on ne voit que des gestes, des moues) et pathologique (il n’y a aucune tension dramatique -même au tout premier degré- car l’enjeu, ou plutôt le focus est ailleurs) sinon ‘involontairement’ malveillant.

Ces hautes solitudes sont toutes entières à la gloire de Jean Seberg, actrice américaine morte cinq ans plus tard, emblème des années 1960 et icône pour la Nouvelle Vague. Le film se résume à une série d’images où elle minaude en roue libre. Il est censé être centré sur une femme de 40 ans à la dérive, mais on s’y morfond à plusieurs. Pour agrémenter, trois invités : Nico parlant seule (évidemment : que dit-elle, pourquoi..), puis Terzieff, obsédé et angoissé par une quelconque idée. Une autre fille, Tina Aumont, passera régulièrement à l’écran. Après s’être agitée dans son lit, Seberg plus ou moins sous médicaments ira chialer à sa fenêtre, se trouver un bonnet. Elle garde l’air dans le vague, puis jette un sourire face caméra, souvent faible et convaincu, parfois las mais appliqué.

Ce manège culmine avec une longue scène où madame remue ses cheveux, nous fixe, cherche une contenance. Oh que la photo est belle et que les poses sont probablement pleines d’intensité bien rangée à l’intérieur. Ce déballage se veut émouvant, doit prétendre charrier de profonds sentiments et nous enseigner leur langue, il n’a de la mélancolie que le squelette de principe et peut-être esthétique. La seule fonction remplie est celle poétique, pour le reste le film est vide et même pas tellement pimpant. Le spectateur est renvoyé à sa propre solitude, à son ennui et son impatience éventuels. Les zélés divers et les fans de cette Jean Seberg sauront peut-être entrer en communion ; d’ailleurs si la notoriété de l’objet est faible, les avis sont très favorables.

En somme rien d’insolite là-dedans ; c’est la radicalité dépouillée, totalement nue, le plus littéralement possible ; l’art et essai le plus pompeux et minimaliste concevable, prenant le public pour cible d’une lobotomie romantique. Au moins Le lit de la vierge portait un véritable esprit d’aventure, un peu plus qu’une audace théorique ; il avait de quoi être borné et stérile, ces Hautes Solitudes arrivent encore en-dessous, à la limite de l’inanimé. C’est donc à voir pour se branler – si on aime les actrices en question ou est un ami des dames enclin à ‘aimer’ celles-là – avec leur bienveillance, leurs finasseries dégénérées et leurs maladies. Les adeptes de ce genre d’intimité feraient mieux de se trouver un dieu ou une pute. Enfin, ce sont de piteuses consolations pour les esprits ultra-perceptifs d’avant-garde qui sont ici notre cœur de cible.

Note globale 22

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Suggestions…

Scénario/Écriture (1), Casting/Personnages (3), Dialogues (-), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (1), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (1), Pertinence/Cohérence (1)

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SDM 2020 (5/5 : Novembre – Décembre)

14 Jan

Seulement le ‘doc’ Hold-Up en novembre. Un seul film, directement sur Internet, en décembre.

  • Hold-Up * (documentaire, France) Covid19 et confinement
  • Connectés * (thriller, France) confinement

Hold-Up * (France) : voir la critique. (26)

Connectés * (France) : Sur une chaîne d’information en continu un reportage louait le film en dépit de ses apparences. Une actrice félicitait le réalisateur pour avoir tourné avec une précipitation record qui lui garantirait probablement l’entrée dans le ‘Guinness’. C’est donc sans surprise que j’ai découvert un film extrêmement mauvais. Pour être précis : tout à fait merdique. On ne sait trop s’il s’agit d’une comédie ou d’un thriller, la première est étouffée, la seconde option avortée (avec des effets d’annonce récurrents venant saboter de maigres suspenses avant de triviales révélations – néanmoins, c’est assez pour divertir ; on veut voir la suite de cette aberration). Les élans sentimentaux sont les plus consternants et la conclusion doit venir d’une autre planète – on se fout de ce couple et de ces deux crétins !! Ce machin semble conçu à contre-coeur ou au hasard – il restera le premier film français abordant le confinement et c’est malheureux pour tout le monde. Tout y est probablement indécis et les interprétations s’en ressentent, beaucoup s’échouent ou rebondissent sur les méthodes de mongoliers de série télé comiques de l’après-20h. Demaison et Michael Youn surnagent. Le sketch par Fleurot de la fille trop dure qui en plus coche l’option lesbos devient saoulant ; il gagnerait à être étoffé. (22)

SDM 2020 :  4) Septembre – Octobre, 3) Juillet – Aout, 2) Février – Mai1) Janvier.

SDM 2019. (retour en tant que mini-critiques, fin absolue des critiques systématiques)

MON NOM EST CLITORIS *

19 Mai

1sur5  Succession de petits recueils de parole en roue libre. Beaucoup de grandes ados sages et rangées qui courent après une émancipation tamponnée par la meute et les champs d’études autorisés. Quelques-unes touchent du doigt des choses un peu plus relevées (l’arabe et la ronde) mais elles sont condamnées à se jouer et de toutes manières il faut entrer dans le rayon des camarades, sans quoi elles ne seront pas entendues !

Ce film n’est pas fait pour aller en profondeur ni vers des sujets sérieux (féministes, à potentiel revendicatif, ou non). On entend parler de ‘social’ ; qu’on y aille, qu’on nous en parle, avec le contexte et la nature des participants. Qu’on essaie de cerner d’où viennent ces inhibitions bizarres, ces niaiseries, ou ces armures que portent les filles qui en sont venues physiquement à envoyer des signes dissuasifs. Bien des problèmes de poids, d’habitudes relationnelles ou d’apparence viennent de ces blessures-là ; de convoitises précoces et malvenues, ou de négligences, ou d’un ennui et d’un désespoir mortifiants.

Mais c’est probablement trop violent, trop élémentaire, trop intime, ni dans le champ de l’hédonisme ni dans le champ de la complainte et du visible, donc ça n’est pas soupçonnable – ou bien il faut l’éluder encore, sans quoi les souffrances, les fragilités, vont vraiment remonter. Ce film est probablement réalisé trop tôt, alors ses parties prenantes s’en remettent à la sociologie et aux clichés. C’est pourquoi le résultat n’offre pas matière à débat (et le refuse tellement profondément que ce refus lui-même ne semble pas ‘pensable’ – faut-il faire un lien avec l’absence d’hommes, pourtant défendable ?) – j’ai quitté rapidement celui proposé en direct (?) par SC.

C’est tellement évident et stérile que c’en est même pas triste ; les gens apprécieront ou rejetteront franchement pour des raisons externes, l’œuvre elle-même n’apporte que des poids morts pour ajuster – aux indifférents de la considérer librement. Comme film pédagogique bien-pensant-et-faussement-remuant c’est opérationnel ; avis aux futures instits ! Comme documentaire c’est approximativement le niveau zéro, une bienveillance aveugle et un militantisme prudent mais goguenard se substituant à toute tentative d’investigation ou de compréhension. Ma première ‘Cinexpérience’ SC, la première post-confinement et par internet.

Note globale 22

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Suggestions… Girl + Selfie avoir 16 ans à Naples + El despertar de las hormigas

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UN PEUPLE ET SON ROI *

3 Avr

1sur5 Encore un film historique théâtral recyclant les clichés et les ‘acquis’ idiots quant à la représentation d’un épisode important. On retrouve ce côté choral infect et tronqué, avec des ouailles enchaînant la parole. Cette façon d’aliéner tout et tous dans une chorégraphie inepte et bien-pensante est au-delà de la propagande (c’est de l’habitude et de l’imitation molle), ou alors une propagande usée, médiocre, d’un académisme dégénéré. Mais ce film est avant tout un raté ou une aberration irrécupérable.

L’individu, le collectif, la communauté, l’Histoire même : tous sont figurants. Le film accumule les scènes entendues, en plus biaisées par l’ordre du jour (on se marre à table en évoquant la femme citoyenne), au milieu desquelles s’insinuent des palanquées de séquences oniriques ou vaguement abstraites (les cauchemars du roi principalement). Les auteurs ont voulu capter la substance émotionnelle des acteurs de la Révolution et aboutissent à un spectacle abrutissant, avec une atmosphère obscure, une mise en scène poseuse et pesante, des acteurs en démonstration, des émotions subites faites pour être récupérées dans des tableaux – mais quel goût bizarre et laid dans ce cas. En-dehors de toutes considérations propres au sujet, ce qui marque dans ce Peuple sans roi c’est son inanité technique et narrative : absence effarante de dynamisme, enchaînements bâclés, scénario confus, barbouillé et seulement ajusté par la chronologie de la période.

Nous sommes au stade où la confusion et la pesanteur confinent à l’avant-garde. Un tas de complications futiles envahit jusqu’aux petites histoires (celle entre Adèle et Gaspard), la préférence pour les uns ou les autres est injustifiable, la poésie essaie de s’en mêler. Il y a probablement quelques clubs ou sectes où ce film apparaît rempli de sens car on aura pu s’étendre sur ses intentions, voire préférer les garder fumeuses comme doit l’être l’idéologie de la maison un siècle après la disparition des têtes pensantes capables d’assurer intégrité et cohésion à tous les étages. Naturellement on voit les visages de la culture avancée défiler, car ce ballet reflète tout de même une sorte d’Acte 1 démocratique ou d’avènement de l’Histoire civilisée – Garrel en Robespierre serait le comble de la farce s’il n’y avait les époumonements de Denis Lavant en Marat. Le vote concernant la mort du Roi atteint le paroxysme de l’actor’s studio éreintant – ce genre de bouffonneries pimpantes est pourtant obsolète.

Peu importe la position ou les attentes du spectateur concernant le traitement politique voire religieux de la Révolution, le résultat est inadéquat – un public de la vieille gauche ‘radicale’ [centre contemporain] ou bolcho-paternaliste actuel y trouvera davantage son compte mais sous la glu et en s’armant de complaisance ! Il y a bien des bouts de remises en question du despotisme révolutionnaire (et de la représentation politique en général) lors des passages au Parlement. Ces séquences verbeuses et subitement scolaires ont le mérite d’être limpides mais pour mieux se vautrer dans la superficialité, la projection démente (les bons paysans à l’agenda progressiste et d’une cordialité digne des députés actuels) et la pure niaiserie (« le vote censitaire c’est le vote des plus riches » : oh qu’il est lumineux celui-là ! ). La meilleure concession au bloc antagoniste réside finalement en l’incarnation de Louis XVI – malgré la bedaine de circonstances et les tourments du dernier roi d’ordre divin (pour un équivalent chez les révolutionnaires consultez Danton), Laurent Lafitte réhabilite un peu le malheureux Louis XVI – par la contenance, physique inclus.

Le film a beau jeu de laisser la parole à de multiples parties ; on est plus effacé à mesure qu’on appartient ou se trouve dans l’adhésion à la monarchie. Les voix dans le sens de l’Histoire sont toutes essorées pour bien trouver leur petite place lustrée sous la bannière. Le sacrifice du Roi est le comble de l’ambiguïté vaseuse – il est montré comme tel (un sacrifice – inévitable), acte de naissance de la nation républicaine, avant que la place soit envahie de bonheur ; sans doute la nécessité de digérer une mise à mort alors qu’en vertu de ses idéaux de Lumière et d’Humanisme on réprouve le principe. Y aurait-il là une tentative des tenants de la République d’envisager les aspects sombres du pacte ? La douleur et l’indignation des lésés ? Ou bien s’agit-il simplement de jouer la carte de l’inclusion des points de vue sans véritablement élargir ni surtout approfondir la perspective. C’est une méthode infaillible pour parer aux critiques, paraître plus réaliste ou authentique, sans égratigner véritablement le mythe ! Car l’essentiel est intact voire ressourcé. En sortant de ce film, on a bien su se rappeler que si la Révolution a mal tourné c’est car le Roi s’est barré et les chefs ou députés n’ont pas fait le job ; on voit parfaitement combien les révolutionnaires étaient non-violents ; on peut apprécier comme l’Idée a triomphé des fantômes du passé, des contradictions de la population et des complications du réel.

Note globale 22

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Suggestions…  Le Parfum

Les +

  • indéniablement ambitieux (sur tous les plans : visuel, politique, ‘littéraire’, direction d’acteurs)
  • cultive un style
  • Laurent Lafitte

Les –

  • nullité de tous les agents de cette Histoire (sauf dans la sublimation morte et creuse)
  • les auteurs savent-ils ce qu’ils sont en train de fabriquer ?
  • Sont-ils vraiment au clair sur les intentions et le discours ?
  • À quoi riment ces emphases sur certains personnages ? Sur le couple et le métier de Gaspard (c’est une ‘grenouille’ positive) ?
  • Bouffé par ses manières, ses ralentis, ses poses sans frein

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9 SONGS *

9 Sep

9 songs

1sur5  C‘est une bonne chose pour ce film qu’il ait été ardemment censuré, en France comme chez les anglo-saxons : sinon, encore plus de monde se foutrait de son existence, ce qui signifierait rapidement qu’en plus d’être un échec artistique cet objet putassier n’aurait eu qu’un retentissement très marginal. 9 songs est un essai minable naviguant autour des frontières du porno, qu’il franchit parfois, à l’occasion d’une pipe juteuse par exemple. Il dure 69 minutes, lol xptdr effect en trompe-l’œil et vrai gimmick poétique : il souligne les profondes ambitions de cet objet présentant les relations sexuelles d’un couple sur toute sa durée, entrecoupées par des extraits de concerts et de séquences en Antarctique à commenter la forme des glaces.

Il y a de beaux gros liens à opérer avec la prise en main d’une femme, le mystère insondable de la joie charnelle et toutes les conneries qu’on voudra. Pour Michael Winterbottom, l’important est manifestement de faire spirituel. Avoir l’air profond c’est donc jouer au poète totalement paumé. Concrètement on assiste aux émulations de ce couple de crétins, où domine cette fille formellement plate, inintéressante, décérébrée, bruyante et vaniteuse. Dire de la merde entre deux instants cul, allez voir des concerts de rock contemporain mielleux, partir à New York en solo et ne pas se connaître, juste connaître le corps de l’autre et puis voilà, prendre la vie comme elle vient et jouir même un peu mollement.

C’est donc l’extase du beauf-bohème urbain serein de 20-40 ans. Moralité : liberté j’écris ton nom, en me baignant dans la mer à poil sur une plage quasi déserte et non-nudiste. On rigole, on baise, on apprécie les léchouilles dans l’œil ; et puis on fait des trucs plus exotiques en passant. Petits essais un peu SM, oh oh ; numéro de charmeur de chatte sur un cobaye les yeux bandés. C’est pas qu’on bande mou, juste avec flegme, mais tant que ça marche il faut y aller. Moralité : suivre ses impulsions du moment, sans réfléchir, sans faire de mal à personne, sans aucune autre aspiration, être ici, là et maintenant, tirer un coup, boire, profiter d’un superbe concert avec plein de gens enthousiastes autour. Et puis insérer des déconnexions en Antarctique pour caser un petit côté arty.

Voilo. Les auteurs ont voulus mettre de leurs tripes, ça se sent bien ; elles sont couleur caca malheureusement et trop embrouillées pour pondre quelque chose de consistant. De l’émotion au ras du bitume, du sexe non-simulé et de l’intimité pouet-pouet, une petite musique au piano de Michael Nyman. On patauge et comme il faut bien un peu de ‘quelque chose’ dans un film : alors une petite mélancolie pointe – que lui perçoit, qu’elle ressent, chacun avec ses moyens limités de primates innocents et égocentrés. Pas de panique, c’est un petit affect superficiel, un petit coup de blues, qui ne casse rien ou alors très en douceur ; c’est les 30 ans quoi, quand on a rien foutu sinon dilapidé du fric pour s’enfoncer dans sa médiocrité et bien jouir en rétamé. Puis bon, baiser on ne s’en lasse jamais : on s’ennuie mais ça meuble inlassablement.

Note globale 22

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Suggestions… Shortbus

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Scénario & Ecriture (1)

Acteurs/Casting (2)

Dialogues (-)

Son/Musique-BO (2)

Esthétique/Mise en scène (1)

Visuel/Photo-technique (2)

Originalité (2)

Ambition (2)

Audace (2)

Discours/Morale (1)

Intensité/Implication (1)

Pertinence/Cohérence (1)

 

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