Archive | Cine 1sur6 misérable (12-24) RSS feed for this section

LE MONDE D’HIER -°

21 Nov

Voilà de l’auto-parodie mais d’un sérieux morbide – un sous-Homme de la cave, trop anecdotique et vain pour en susciter les joies ou nausées. Les sentences débitées par Podalydès sont peut-être tout ce qui croustille mais il faut être en manque de rhétorique social-démocrate tourmentée, ce qui demande d’avoir une connaissance de la politique aujourd’hui inférieure à celle des gros titres. Au moins le film avec Cluzet avait un mal omniprésent à abattre, or celui-ci est focalisé sur une intrigue qui, par ses enjeux [barbouzeries pour protéger le régime alors que toutes les cartouches humaines semblent grillées], devrait être passionnante, s’avère déplorable. Il faut adorer la politique ou avoir une peur soit existentielle soit bien formelle et citoyenne de la menace brandie pour éprouver une quelconque sorte d’allumage devant ce film.

Il est peu soigné, peu vraisemblable ou nourri, partage cette manie de confondre clichés et médiocrités avec spontanéité. Son aspiration crypto-documentaire le conduit à multiplier les références à des épisodes un temps secrets de la Ve république, comme la maladie de Mitterrand, les assassinats commandités évoqués avec dépit par François Hollande (dans Un président ne devrait pas dire ça) ; puis les suicides réels ou aidés mais y a-t-il plus courant et universel ? Les personnages et répliques sont tellement faibles ou artificiels qu’il n’y a plus à ce stade de gêne à ressentir. Le seul effort d’étoffer un peu un caractère non glauque, il faut le dire avec toute la bienveillance mobilisable, est pathétique. L’apparition de Gaucher, cette vermine insouciante et démagogue parvenue à la tête du parti de l’ordre et des bonnes mœurs – pardon des défenseurs naturels de la République – ressemble à du sous Don’t look up conçu par ou pour (ou les deux) des gens peu exigeants sinon peu présents à eux-mêmes et au film.

La seule porte de sortie pour défendre un tel plantage est le malentendu ou la revendication d’avoir conçu un film politique de nihiliste au service du statut quo. S’agit-il de dénoncer la mollesse des centristes tout en restant compréhensif, ne la trouvant pas si coupable tant les circonstances sont difficiles avec la montée de Cnews, de TikTok et de Bolsonaro ? Ce film pompeusement nommé en référence à Zweig veut nous parler d’orgueil, de grande tragédie, d’immenses responsabilités, d’heures de sacrifices, on ne voit que les boutiquiers morbides d’une noblesse aseptisée. Si cette présidente est censée être magnétique et ses propos publics dignes et éloquents, alors les types qui ont pondu sincèrement cette chose doivent venir d’une autre galaxie (son discours en veste rouge est de la merde liquéfiée et user un autre terme serait le galvauder – qu’elle soit montrée abattue de n’être pas assez forte pour tenir ces ‘promesses’ est lunaire – ou bien nous dit-on que c’est le malheur de ce pouvoir d’être trop responsable et légaliste ?). Une où on sert et met sa foi dans un establishment terne et moisi, où certainement on doit se sentir contrarié par la vanité et le bling-bling des derniers chefs de gouvernement. Cette espèce de conservatisme factuel en voie de radicalisation n’a même pas les prétextes et les phobies de L’homme de la cave pour se justifier, n’en est même pas à renchérir ; il est détaché de tout et ne compte que l’élection.

Pas de population ou même de ‘société civile’ (seulement une inauguration où notre administratrice remet à sa place un vil élu secondaire), guère d’enjeux autres, soit ; seulement la politicaillerie ! Mais alors pourquoi voit-on à peine une opposition ? Des alliés ou concurrents ? Ici les rares antagonistes ont quelques secondes pour se signaler minables et ne semblent avoir aucun projet ou signature autre que d’embêter cette pauvre mère courage ! Ce film ne laisse envisager que deux blocs avec leurs représentants, celui des républicains est mauvais, le candidat de « l’internationale fasciste » lâche une banalité autoritaire avec un peu de grossièreté (une de ces intolérables ‘récupérations politiques’ tellement irrespectueuse de l’impuissance calculée – pardon irrespectueuse de l’état de droit et de la peine collective). Il sera convoqué pour une humiliation que cette morte-vivante de présidente n’a pas l’épaisseur nécessaire à la sentir pour elle. Se prétendre gardienne d’un pays et de son intégrité alors qu’on en admire que les privilèges pour suprêmes initiés… est censé inspirer du respect ? De la compassion ? Du soulagement ? Où sont seulement les reliques de ce monde d’hier qu’il faudrait protéger – seulement les reliques, les pièces de musée ; il ne s’agit pas à ce stade de demander du vivant, simplement quelque chose, même d’abstrait ? En quoi est-elle présidente de la France davantage que de la Croatie ou de la salle des fêtes de Limoges ? Qu’a-t-elle à revendiquer de ce pays, à lui apporter ?

Les enjeux personnels tragiques prennent le pas dans une dernière partie opaque. Cette ambiance lugubre et la mélancolie montrent leur raison d’être : honorer la mise en bière de ces ‘héros’ républicains dont nous ne voyons pas toutes les ombres et surtout ne comprenons pas toute la fatalité qui les y emprisonnent ! Ç’aurait pu être passionnant avec ce parti-pris favorable aux tenanciers du pouvoir ; c’est d’ailleurs pourquoi on peut rester sagement devant ce film mal fait mais regardable grâce aux charmes de l’accéléré ou de la résignation à l’inanité. Qu’on se comprenne bien : Le monde d’hier est plutôt à voir sous cachets pendant une convalescence, quand vous êtes proches de l’usure nécessaire à encaisser cette sorte de légitimisme républicain, que pour s’amuser. Les naufrages que vous cherchez dans ce cas sont déjà largement diffusés, sur tous types d’écrans ; avec la même culture et les mêmes préférences, vous trouverez plus épicé sur France2 dans les émissions présentées par Delahousse. Ici c’est différent. On essaie de garder de la dignité face à ce monde qui ne va plus, car il va à l’extrême-droite, tant que nos extrêmes-probes se sont perdus – mais alors qui peut nous guider ! Au secours, toutes les lumières sont éteintes !

Écriture 3, Formel 3, Intensité 2 ; Pertinence 2, Style 2, Sympathie 2.

Note globale 24

Page IMDB   + Zogarok sur SensCritique

Suggestions… No/Larrain + La plateforme

L’HOMME DE LA CAVE -°

23 Nov

Je voulais voir cet Homme dans la cave pour me moquer de son délire et de sa mauvaise foi, j’en suis sorti triste – à la fois blasé d’une telle sur-confirmation miteuse et satisfait de trouver une démonstration de cet extrémisme devenu visible depuis mars 2020 : l’extrême-mou, ou la radicalisation des mous dont le logiciel idéologique demeure vide ou contingent et superficiel (car les mous, se sachant peu polarisés par rapport aux conflits politiques classiques et visibles, ou peu autonomes par rapport au consensus, se croient incapables d’erreurs fatales et donc sont d’autant plus tranquilles quand ils ‘dérapent’). Ce film dégage une chose délicieuse mais dure à juger : une sensation d’évidence. Dans son cas ça ne fait pas une œuvre percutante ; peut-être une œuvre pauvrement remarquable (c’est tellement le brûlot des mous que vous pouvez le consommer dans la léthargie la plus complète). Car cette évidence est celle de la nullité – la nullité devenue oxygène et foi aveugle.

Naturellement on y parle peu du judaïsme et à peine des camps d’extermination ; on vise les déviants – et de la même façon qu’un démagogue va filer droit sur les thèmes faciles imposant l’acceptation (ou un progressiste s’appuyer sur les minorités pour vernir son désir de tyranniser au moins la majorité), ce film se saisit du thème qui en France met tout le monde d’accord, ou plutôt les yeux au sol, l’âme engourdie et le cerveau en miettes, car il y a une gêne collective constituant finalement la seule preuve d’un ‘couple franco-allemand’ : la honte d’un épisode de collaboration, dont il faut bien faire quelqu’un responsable – c’est la forme de déni autorisée, le déni pur et simple de l’épisode étant justement impossible pour les faux victorieux vraiment honteux. Difficile pour un peuple si gavé de prétentions universalistes de se savoir au moins aussi rampant et lâche que les autres. C’est le seul point où ce film a raison : le potentiel de collaboration avec le pire ne disparaît jamais, nous sommes tous ses ouailles en sommeil ; là où ce film ne peut qu’avoir tort, c’est en soustrayant sa petite population de l’équation – ce déni prend des proportions dramatiques.

Tout en étant parfaitement terne et bête ce film n’est pas de ceux qu’on jette à la poubelle en les oubliant déjà car leur partisanerie est transparente et l’exécution ordinaire ; il reste un goût étrange, celui d’un message qui viendrait démolir ses fondations au moment où pourtant il se prétend plus urgent que jamais. L’homme de la cave donne une impression de parodie qui se dégonflerait à force de sérieux (et de prétendre exister pour le salut commun). Il pratique un curieux renversement au point que si on voulait alerter sur ces anti-fascistes devenus fascistes pourchassant les bêtes immondes, on reprendrait ce film à l’état de squelette en rendant les choses plus expressives. Car la bande-annonce annonçait une mascarade, mais la séance entière est plusieurs tons en-dessous ; seuls les clichés viennent en renfort, jamais la fièvre militante. C’est d’ailleurs le point qui rend le film définitivement nul : tout ce qu’ont à sauver les ennemis de Fonzic est moche et doucement démoralisant ; pendant qu’ils n’ont rien à conquérir, sinon toujours plus de paix et de mise au pas. Les pires tracts BLM aujourd’hui, staliniens hier, nazillards de tous temps, appellent à une mobilisation enthousiaste, au pire à une joie destructrice ; L’homme de la cave en appelle au désir de chacun d’hiberner avec une meute docile. À l’image des mous politiques il est habité par ce conservatisme si absolu qu’il ne défend même pas de nobles acquis, mais seulement l’inertie – cette attitude de gardien d’un temple qui doit demeurer vide, mais le temple doit recouvrir tout l’espace possible et imaginable. Il y a de l’agressivité, de la culpabilisation, des remontrances ; mais pas d’émotion ou de détermination vraie, rien de fort, rien de vif – que du stress, de la suffisance et de la confusion. Il y a bien de la violence (« l’arme de ceux qui ont tort » estime Fonzic, décidément pas un pragmatique) mais c’est celle à reculons des bons petits soldats poussés à bout – les mous n’ont pas besoin de sentiments religieux pour devenir sectaires : c’est toujours les déviants du monde qui sont ineptes et méchants, eux n’aspirent qu’à partager le paradis ! Effrayés par la contamination qu’exercerait un individu pourtant isolé et contraint à se cacher, nos crypto-fascistes anti-nazis, qui doivent surtout rester incompatibles avec les nazillons et toutes les étrangetés malsaines qui peuvent éclore sur ce monde, font face à un antagoniste digne d’un film d’horreur de la belle époque (les années slasher – les allées-et-venues dans les couloirs semblent un pastiche des Halloween ou Vendredi 13). C’est d’ailleurs l’effort de mise en scène qui aurait pu rendre L’homme de la cave pertinent comme spectacle (et qui le rendait attractif a-priori, certes à son détriment ou avec ironie, mais un film idiot et abusif peut être formellement ‘édifiant’, l’essentiel à l’écran n’étant pas le discours mais la cohérence et le style) ; mais il n’y a qu’à proximité de la cave et notamment la séquence d’initiation de la gamine (si ce n’est ça elle est absurde) pour faire vaguement décoller le thriller horrifique ; tandis que la performance d’acteur est plus picturale que dynamique, puisque le rat d’égoût n’est là que pour prendre des coups et doit rester sous contrôle.

À plusieurs reprises Fonzic s’exprime comme un possédé, un mix entre un xénomorphe, un charmeur de poules et un dandy d’extrême-droite contraint à l’exil (éventuellement dans son propre pays) ; il a ce regard et ce débit d’hypnotisé détraqué par la folie qu’il tente de propager ; ce n’est plus un être humain, même pas un abîmé, ou s’il en est un c’était avant – sa rigidité n’est pas celle d’un type théâtral mais d’un raisonneur fanatique. D’ailleurs un raisonneur peut-il être autre chose que dangereux ? Impossible selon ce film, à moins qu’il soit habilité. La stricte légalité est la seule saveur qu’un esprit sain doit reconnaître ! La soumission à l’autorité est telle qu’il faut des avocats (ou un policier) pour montrer une capacité à objectiver – absente ou réduite aux faits bruts (enrobés par un script moisi) le reste du temps. Heureusement l’autorité condamne fermement le méchant – c’est ce qu’on lui demande (c’est tout ce qu’on a le droit et le devoir d’oser) ; mais elle n’en fait pas assez (c’est exactement la caricature des ‘populistes’ mais comme ici nous avons à faire à celui des gentils, soyons indulgents et ne relevons pas). Néanmoins l’avocate (après avoir commis l’inénarrable amalgame des extrême-droite et gauche) évoque les droits pour s’exclamer qu’heureusement ils sont là même s’ils profitent aux salauds ; cette idée persistante nourrit justement le cœur de l’idéologie spontanée des mous. Les non-mous ne méritent pas notre légendaire tolérance – ils jouent avec nos généreuses règles, bâties pour les humains dignes, éclairés et insérés – alors qu’eux sont hors-circuit, ténébreux, au mieux ils sont le pire de ce que peut être un humain. Voilà ce qui se raconte dans l’âme sordide des mous, dans laquelle plonge ce film écoeurant, débile et sûr de sa petite morale – ce film est parfaitement raccord et donc confus avec sa plèbe stupide, proprette et méchante. C’est peut-être car cette plèbe minable est incapable d’avoir des préjugés sans passer au préjudice qu’elle croit que tout ‘préjugé’ est nocif ?

Face à cette symphonie de petites ordures moyennes et bien sous tout rapport, il peut être difficile de ne pas éprouver de sympathie au moins théorique pour cet ambassadeur des asociaux non-gauchistes. Répand-il littéralement sa merde aux alentours avec rage ou insouciance ? Les inconnues à son sujet sont la seule matière à suspense. Ce qui est certain c’est que Fanzic est un homme calme mais inflexible, capable de sacrifices au nom de ce qu’il sent juste ou simplement de ce qui le passionne (et pas de ces sacrifices de misérables mammifères en besoin de se faire assimiler), capable d’endurer l’ostracisation et des conditions de vie minimalistes ; capable de renoncer aux vanités, sauf à cet orgueil de savoir ou d’essayer de savoir (ou du moins le prétendre mais c’est la même chose car il est sincère dans sa démarche) quand les autres « se contentent de la vérité officielle ». Le dernier des woke avec un tel refus de plier susciterait en moi un semblant de respect, une inévitable petite admiration pour un caractère aussi affirmé, capable de violer ce que la société a fait de la réalité (à condition de savoir articuler sa conviction folle et pas d’être un animal à grosses convictions, comme le sont les bourrins ‘de terrain’ ou les poivrots réacs sur petit écran) ; et peut-être que les mous et extrêmes-mous constatent aussi cette force et en sont impressionnés – mais verrouillés face à l’étrange ils ne peuvent pas laisser passer le début d’un raisonnement ou d’une sensation qui ne condamnerait pas fermement ce monstre absolu nommé Fonzic.

Fonzic est un négationniste et pour ça il va être compliqué de l’aimer ou d’être complaisant. Par contre ce qui en lui suscite la profonde angoisse (pas seulement l’alerte morale ou consciente) est bien trop estimable, tandis que l’essentiel des urbains qui l’entoure est si petit… que je ne peux m’empêcher de voir en ce film un lapsus. Ce qui devrait constituer une ambiguïté mais semble jamais perçu par les gens engagés dans ce projet se retrouve dans les propos de Cluzet en interview, où il blâme ce ‘pauvre type’ avec ses histoires d’indiens d’Amérique ! Rien d’aberrant pourtant là-dedans et les véritables bonnes âmes généreuses, les ‘bien-pensants’ logiquement devraient s’émouvoir de cet épisode historique et en tirer une leçon. Mais on ne doit rien voir ; le vrai, le faux peu importe : ce qui compte c’est d’éviter le trouble et aucun prix ne sera excessif. C’est à la fois la preuve qu’il y a un malaise qui n’est que révélé et projeté dans ce monstre qu’est Fonzic ; et la preuve que les gens qui peuvent concevoir et adhérer à un tel programme sont prêts à se conduire en persécuteurs persécutés, alors même qu’ils ne sont pas persécutés. Car le ‘based on a true story’ ne suffit qu’aux imbéciles ou aux consentants.

L’entourage de Rénier (culpabilisé constamment car il fait si facilement confiance alors que le monde est plein de prolos, de gens bizarres et même, mauvaise pioche, de fachos !) prétend régulièrement qu’on ne condamne ou attaque pas les gens sur leurs idées ou discours. Or si, en France comme quasiment partout. Et le film se fonde sur cet obstacle artificiel pour dérouler son appel à la dératisation ; on fait comme si la France était les États-Unis dans leur pureté (mais beaucoup de causes pleurnichardes agressives aiment cette lecture insensée), or s’il est vrai que cet immeuble devrait souffrir d’une présence malveillante pendant que le procès dure, il est faut de prétendre qu’il y ait en France des obstacles, de l’incompréhension ou de la légèreté face à un type qui répandrait des propos négationnistes. C’est pourquoi il ne faut pas bêler avec les moutons blancs méchants et les naïfs vrais ou feints aptes à recevoir l’immonde prêche de ce film ; il faut admettre que s’il ne tire pas sur une cible déjà cuite, il en vise d’autres et n’a pas peur de faire le pire des rapprochements (car il n’y a en France rien de plus infamant -et concrètement menaçant- que d’être accusé de partager les ‘ismes’ de Fonzic).

Et à quoi aspirent des persécuteurs ? À ce qu’on leur fournisse un motif pour passer à l’offensive avec bonne conscience ; que la communauté, le climat ambiant, les institutions de légitimation, les adoubent et donc portent avec eux la responsabilité des méfaits, des abus, des humiliations (et finalement peut-être des crimes) qu’ils s’apprêtent à commettre. Refuser l’accès aux soins, refuser la satisfaction des besoins élémentaires afin que la cible patauge le plus physiquement possible dans la honte et l’impuissance, que la vie lui devienne odieuse et construire soit pénible ; refuser le confort dont nous jouissons ; voilà ce qui fait bander cette population (et cette France) qui ne saurait trouver aucun autre plaisir ‘positif’, elle qui n’a que le repli pleurnichard et le mépris gratuit pour abri au quotidien quand se présente autre chose que le crétin moyen qui lui paraît le produit final de l’Humanité.

Note globale 14

Page IMDB + Zogarok sur SC

Suggestions…

Écriture 3, Formelle 3, Intensité 3 ; Pertinence 2, Style 2, Sympathie 1.

Voir l’index cinéma de Zogarok

 

LES HAUTES SOLITUDES —

15 Mar

Dès ses débuts Philippe Garrel fut un réalisateur singulier, avec des expérimentations généralement sous influence de la psychanalyse ou orientées voyages introspectifs (Le lit de la vierge, La cicatrice intérieure). Les hautes solitudes est déjà son septième long-métrage, muet comme Le révélateur, noir et blanc comme presque toujours. Ce nouvel essai est nettement moins cryptique par sa substance, mais ses intentions et sa vocation atteignent la stratosphère en termes de fantaisie fièrement neurasthénique. La compassion présumée déborder de ce film est absente, son voyeurisme est à la fois factice (car on ne voit que des gestes, des moues) et pathologique (il n’y a aucune tension dramatique -même au tout premier degré- car l’enjeu, ou plutôt le focus est ailleurs) sinon ‘involontairement’ malveillant.

Ces hautes solitudes sont toutes entières à la gloire de Jean Seberg, actrice américaine morte cinq ans plus tard, emblème des années 1960 et icône pour la Nouvelle Vague. Le film se résume à une série d’images où elle minaude en roue libre. Il est censé être centré sur une femme de 40 ans à la dérive, mais on s’y morfond à plusieurs. Pour agrémenter, trois invités : Nico parlant seule (évidemment : que dit-elle, pourquoi..), puis Terzieff, obsédé et angoissé par une quelconque idée. Une autre fille, Tina Aumont, passera régulièrement à l’écran. Après s’être agitée dans son lit, Seberg plus ou moins sous médicaments ira chialer à sa fenêtre, se trouver un bonnet. Elle garde l’air dans le vague, puis jette un sourire face caméra, souvent faible et convaincu, parfois las mais appliqué.

Ce manège culmine avec une longue scène où madame remue ses cheveux, nous fixe, cherche une contenance. Oh que la photo est belle et que les poses sont probablement pleines d’intensité bien rangée à l’intérieur. Ce déballage se veut émouvant, doit prétendre charrier de profonds sentiments et nous enseigner leur langue, il n’a de la mélancolie que le squelette de principe et peut-être esthétique. La seule fonction remplie est celle poétique, pour le reste le film est vide et même pas tellement pimpant. Le spectateur est renvoyé à sa propre solitude, à son ennui et son impatience éventuels. Les zélés divers et les fans de cette Jean Seberg sauront peut-être entrer en communion ; d’ailleurs si la notoriété de l’objet est faible, les avis sont très favorables.

En somme rien d’insolite là-dedans ; c’est la radicalité dépouillée, totalement nue, le plus littéralement possible ; l’art et essai le plus pompeux et minimaliste concevable, prenant le public pour cible d’une lobotomie romantique. Au moins Le lit de la vierge portait un véritable esprit d’aventure, un peu plus qu’une audace théorique ; il avait de quoi être borné et stérile, ces Hautes Solitudes arrivent encore en-dessous, à la limite de l’inanimé. C’est donc à voir pour se branler – si on aime les actrices en question ou est un ami des dames enclin à ‘aimer’ celles-là – avec leur bienveillance, leurs finasseries dégénérées et leurs maladies. Les adeptes de ce genre d’intimité feraient mieux de se trouver un dieu ou une pute. Enfin, ce sont de piteuses consolations pour les esprits ultra-perceptifs d’avant-garde qui sont ici notre cœur de cible.

Note globale 22

Page IMDB  + Zog sur SC

Suggestions…

Scénario/Écriture (1), Casting/Personnages (3), Dialogues (-), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (1), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (1), Pertinence/Cohérence (1)

Voir l’index cinéma de Zogarok

COURTS 2020

20 Jan

Tous les courts vus en 2020, à l’exception de ceux vus sur MUBI. Il n’y aura plus de telles distinctions désormais.

Cœur fondant ** (France 2019 – 11min) : Très jolie animation employant des matériaux simples (tissus, bouts de laines ‘recyclés’) voire rudimentaires (papiers) – bien qu’aidé par le CNC le film ne doit pas avoir un budget important. Le scénario reste léger et prudent mais le film arrive à générer du suspense. Petite leçon habituelle concernant les préjugés avec un appel à ne pas enfermer ou juger en fonction des apparences. Pas le temps de développer qui que ce soit mais assez pour rendre un peu consistants les deux protagonistes, la myope étant particulièrement typée, l’araignée moins définie. Celle-là bénéficie de la voix d’une pointure de la VF de South Park, Christophe Lemoine. (62)

Sexandroide ** (France 1987 – 57min) : Film d’exploitation semi-porno ou érotico-gore corsé, tourné par le réalisateur de l’infâme mais non mais ‘remarquable’ Corps de chasse. La première victime donne lieu à des plans des plus grassement généreux, la seconde aux plus embarrassants car en partie réalistes (voire non-simulés pour les plus légers). La troisième femme passera quelques minutes à meubler en dansant sur une musique rock avant de rejoindre l’espèce de zombie mâle dans son cercueil. Humour primaire dans le dernier plan, humour involontaire le reste du temps. La bande-son retapée lors d’une ressortie impulsée par un cinéaste de l’obscur et des marges achève de rendre l’expérience truculente – les plaintes de la fille possédée à distance dans les chiottes du bar (premier sketche) renvoient typiquement à ce qui distingue une quelconque misère d’une œuvre nanar. (54)

Hemophilia * (France 1985 – 17min) : Déglinguerie du réalisateur de Trepanator et Dinosaur of the Deep que je souhaite découvrir. Des plus pauvres et doucement aberrants. La minute du monstre est la seule franchement ‘convaincante’. Voir une capitale sous un angle si ras-du-bitume, surtout trente-cinq ans après, peut recouvrir une sorte de charme ou d’intérêt obscur. Quand la vieille tombe le foulard, on est un peu surpris.. de ne pas avoir à être surpris ! (26)

Re-Calais * (France 2018) : Ce n’est pas simplement un film politique de plus ou moins bonne ou mauvaise foi. C’est un pseudo-documentaire décousu et stérile face auquel votre affinité envers le ‘combat’ pro-migrant ne change pas grand chose – sauf si la préférence et le geste vous suffisent. Moix reste au niveau du micro-trottoir, écume les PMU ou attrape ceux qui y ont passées de longues années pour obtenir ses témoignages de locaux, injecte des mots dans la bouche des étrangers à Calais. La mise en scène est parsemée de trucs navrants, peut-être volontairement, comme ces bruitages de comédie, systématiquement isolés ou mal agencés. Les rires pré-enregistrés à la fin font pitié, les monologues déclamés de façon lente et grave laissent perplexe, les intentions surlignées et pauvrement démoulées rendent songeur. C’est insignifiant, ça imite les manières des autres, des films de festival, des documentaires de gauchistes verbeux et des sociologisants planants ; toujours de façon hagarde, malvenue, pantelante. Je suppose qu’un film de traître aurait cette allure ; un de ces films dont leur auteur pourrait dire après que les questions abordées aient été (drastiquement) réglées : ‘mais vous voyez bien que je me foutais de leur gueule, c’était de la fausse collaboration, chaque scène soulignait le ridicule de la situation ou du mensonge en train de se former’. Effectivement c’est faux, misérable et idiot. Il est temps que Yann Moix sépare mieux ses discours et ses personnalités, ou les unifient, mais que cette comédie accablante s’arrête. (16-)

Todo Cambia * (Cuba 2008 – 53min) : Une excursion navrante pour l’idéal socialo-communiste dont l’art institutionnellement reconnu (encadré) est globalement primaire, souvent du niveau de gribouillages décomplexés. Il y a de quoi s’interroger sur la nature de ce qu’on voit : est-ce un réel documentaire, l’œuvre de gens hostiles au régime de Cuba, une commande bâclée ? La séance est pour le moins ‘relâchée’, le regard entre absence et complaisance ; hormis les spectateurs pressés personne n’aura de raison de s’énerver. Le genre de choses plus à sa place sur Mubi (éventuellement sur Arte les heures de faible écoute) et pourtant vu sur PrimeVideo. (32)

Les mains négatives * (France 1979 – 14min) : Après India Song je persévère du côté de Duras. C’est du babillage de pouètesse en roue-libre à bord d’un engin en train de traverser Paris à l’aube. Bien sûr rien n’est synchrone – il faut casser la représentation ! C’est débile, c’est désagréable. Je m’y suis repris à quatre fois pour le voir tant c’est douloureux à l’oreille et donc assommant à tous degrés – les deux dernières fois, en accéléré. Je crois que cette dame voulait nous introduire dans ses flux de conscience – bien sûr elle a intellectualisé ce qui n’avait rien pour l’être. (22)

→  Le papillon meurtri ** (USA 1919 – 59min) : Un réalisateur français (Maurice Tourneur) aux USA pour une action au Canada. Mélodrame évitant l’immoralité grâce à une tragédie bien digérée. (62)

Bilans 2020 : Cinéma (films de l’année + toutes les découvertes + les revus + les Courts). Livres. Albums. BD. Séries. JV.

Mini-critiques MUBI : 8, 7, 6, 5, 4-2018, 3, 2, 1 + Courts MUBI : 3-2019, 2-2018, 1-2017

Autres Mini-critiques : 13, 12, 11, 10, 9, 8, 7654321 + Courts 3, 2, 1

ANTEBELLUM *

24 Nov

1sur5  Un témoignage de l’égocentrisme et de la part délirante du BLM. La cause doit être partout ; ils se voient comme des victimes d’un establishment digne de Purge/American Nightmare 3 [qui n’aurait de haine que pour eux]. S’ils ne peuvent prouver de choses exubérantes qui se produiraient aujourd’hui, ou se contentent pas des faits diffusés partout, ils vont chercher le passé – dont ils sont victimes ; mais plus seulement comme héritiers – il faut que ce soit littéral ! C’est LEUR personne et celle d’une jeune femme exemplaire en particulier qui sont ainsi victimes du système.

Parler de pathos dans ce cas serait une blague ; c’est La passion du Christ sans trop de barbaque pour qu’un maximum de gens y soient accessibles ; mais avec des sévices, humiliations, injures ou moqueries constamment (et bien sûr les viols – et une bagarre absurde). Puis nous avons ce twist graduel (éventé par le trailer – bravo les champions !) : à la 39e minute, nous débarquons dans le présent. L’héroïne se réveille dans un monde où une militante envoie de grosses punchline à Timothy Paul, un vieux blanc ressemblant à un Dick Chesney désespéré quand il a finit de parler. Elle est confrontée à des blanch(hes) racistes à l’hôtel. Puis vient l’enlèvement et le retour au camp.

Avec ce produit l’intersectionnalité touche ses limites : un homme noir sait s’élever contre le colon et lui faire mordre son chapeau. Voilà la saine masculinité versus la toxique ! Comme l’indique toute la seconde partie, il faut se méfier des alliances avec les blanc(hes) ! La mise en scène est propre et ‘lourde’ ce qui a toujours ses vertus, mais il manque le jus et un minimum de stature et de vraisemblance. Ça tourne en roue libre, manque de tension, multiplie les symboles et étrangetés de potentiels conspis indéchiffrables (voire de manipulation ou possession démoniaque(s) ?) ou d’aspirants militants en quête de contenant (avec une possible allusion à Shining). Enfin c’est d’une laideur discrète et complète à la limite du gerbant – cette esthétique dégueulasse de clips chics pour beaufs sensibles et jeunes z’engagés. Le final est une déclaration de guerre – à l’ensemble du monde (blanc) ou seulement des États-Unis ?

Note globale 16

Page IMDB  + Zogarok Antebellum sur Sens Critique

Suggestions…  The Hunt + Hold Up

Voir l’index cinéma de Zogarok