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TRILOGIE RETOUR VERS LE FUTUR =+

11 Déc

RETOUR VERS LE FUTUR ***

4sur5  C‘est l’un des films de référence des années 1980 et l’un des plus vus par les enfants de l’époque et même ceux de la décennie suivante dans le monde Occidental. Sans être un chef-d’oeuvre, il le mérite amplement, en tant que divertissement des plus délectables, concurrençant sinon dépassant le meilleur de la saga Indiana Jones. Retour vers le Futur reçoit justement le soutien de la même maison, celle de Steven Spielberg, produisant ce film co-écrit avec Bob Gale et Robert Zemeckis. Ce dernier, révélé par A la poursuite du diamant vert (film d’aventures soigné mais agaçant), sera également le directeur des deux opus suivants.

Il a suffit de ce film pour propulser Zemeckis au premier rang des entertainers de masse américains. Mise en scène hystérique, richesse de l’écriture, personnages outranciers (le Doc par Christopher Lloyd en tête), lot de non-dits (d’où vient l’amitié entre Doc et Marty?) sur lesquels spéculent les nombreux fans : voilà le style Zemeckis, fabricant de feel-good movie déjantés et expérimentateur visuel. Retour vers le futur profite d’effets spéciaux assez innovants et sans fausses notes contrairement à ceux d’un autre phénomène de l’époque, SOS Fantômes (où Reitman revendique sa préférence pour l’ironie, acide paraît-il). Le budget est conséquent mais pas monumental (18 millions de $, comme pour le premier Indy, loin des 30 millions de SOS Fantômes).

Il suffit en tout cas à soigner des gimmicks cultes, dont le plus fameux est la Delorean, la voiture permettant de voyager dans le temps. À toutes ces qualités s’ajoutent la balade dans les fifties. Qu’elle soit nostalgique, révisioniste ou les deux, elle permet surtout de confronter ses héros à des fantasmes que tout individu a pu nourrir : Marty McFly explore un temps sur lequel il a une longueur d’avance qui en ferait facilement un prophète, découvre ses parents à son âge, est aux premières loges pour assister à leurs émules de jeunesse et surtout à leur rencontre. Avec Retour vers le futur, comme dans La Mort vous va si bien et la plupart de ses réalisations, Zemeckis est dans un pur travail de surface ; cela ne l’empêche pas de toucher des points sensibles.

D’abord pénible à cause de son insouciance et de ses petites remarques insipides toutes les quinze secondes, Marty lui-même (interprété par Michael J.Fox) devient un élément agréable. Sa situation surtout suscite l’empathie, car l’expérience exceptionnelle à laquelle il est confronté est une occasion de résoudre des blessures intenses, qui ne sont pas liées à des drames précis, mais à la structure d’une vie. La première scène en famille montre une smala pathétique, avec un père partisan du moindre effort, se complaisant dans une vie médiocre et incitant ses enfants à s’en tenir là ; une mère épuisée et précocément vieillie ; des frères et sœurs ingrats à la conscience quasi nulle. Rien de méchant, juste l’allez-simple pour une existence lymphatique.

Ainsi l’aventure de Marty et Emmett Brown se donne comme l’occasion de ré-écrire l’histoire ou à défaut de sauver celle que nous connaissons. Il y a cette scène très cruelle venant clôre la séquence plus haut : la mère de Marty raconte sa rencontre avec papa et y met du romantisme ; et lui, le crétin bienheureux, répond en s’esclaffant sur une émission puérile. Il n’est pas méchant, d’ailleurs il incite sincèrement à rire de l’objet. Naturellement il y aura un happy-end, la question est : allons-nous retrouver notre présent, avec ses défauts mais rassurant car il vaut mieux faire avec le Diable que l’on connait ; ou allons-nous améliorer ce présent qui est leur futur ; et dans ce cas, comment va s’exercer cette influence, quel rôle va jouer l’enfant pour réparer rétrospectivement la condition de ses parents ?

Note globale 72

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Suggestions…  Casper + Beetlejuice 

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RETOUR VERS LE FUTUR 2 ***

3sur5  L‘immense succès de Retour vers le futur force une suite. Pour Zemeckis et ses collaborateurs, il faut composer avec ce final dans le futur (2015), où Jennifer (la fiancée de Marty) est aussi impliquée désormais. Bob Gale s’en charge, réussit à tout raccommoder et apporte tellement de pistes qu’il y a la matière pour deux opus : une trilogie n’était pas à l’ordre du jour, mais les financeurs sont présents cette fois, alors Universal validera finalement.

Entre-temps, Zemeckis réalise Qui veut la peau de Roger Rabbit, date-clé dans la rencontre entre prise de vues réelles et animation. Un film  »culte » au sens populaire lui aussi, mais également assez contesté, voir raillé, surtout au fil des ans. Malgré tout Zemeckis s’épanouit dans la recherche d’effets innovants et Retour vers le futur 2 en profite. C’est l’opus le plus riche de la trilogie sur le plan graphique. Les auteurs ont imaginés des dizaines de gadgets faisant partie du quotidien de leur futur situé en 2015 (soit 26 ans après le film), dont le plus connu est l’hoverboard.

L’intérêt de ce second opus est de profiter à fond des possibilités spatio-temporelles et décupler les implications. C’est donc un méli-mélo réjouissant, rempli d’allez-retours entre les différents passés et futurs. Doc et Marty retournent notamment en 1955, où Marty doit agir en coulisse à son degré. Les différents doubles se croisent ou s’esquivent et menacent à tout moment de rompre l’équilibre, d’annuler des existences ou des destinées, voir de compromettre l’Univers tout entier. Les séquences du premier film sont ainsi revisitées et la complexité est au service de l’action.

Note globale 69

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Suggestions…  Les Sorcières d’Eastwick 

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RETOUR VERS LE FUTUR 3 ***

3sur5  Dernier opus de la trilogie, sorti rapidement après. Doc et Marty poursuivent leurs péripéties spatio-temporelles, cette fois en allant vers le passé. L’essentiel se déroule dans l’Ouest américain en 1885, chez les cow-boys. Marty se retrouve dans le ranch d’un arrière-arrière-grand-père, emprunte le pseudo de Clint Eastwood et s’intègre à la population locale. Il doit faire face à un autre ancêtre, celui de Tannen, toujours aussi agressif et dominateur. De son côté, le Doc de 1955 fait une rencontre amoureuse !

Retour vers le futur 3 est un très bon divertissement, avec des moments poussifs. Il est peut-être plus bancal dans la première moitié et surtout comporte plus d’erreurs que ses prédécesseurs. Il vire même à l’arbre de Noël exalté, avec son trop-plein de costumes burlesques et de barbes factices, comme celle du McFly d’antan. Dans l’ensemble, cet opus s’avère profondément différent des deux autres. Il est le moins apprécié de loin et leur est en effet plutôt inférieur. Il conserve cependant la même fureur créatrice et cette pseudo-nostalgie dépaysante.

Ce dernier acte a aussi une tendance à se permettre des références culturelles et anachronismes. Quand au traitement des personnages, il est à la fois plus chaotique et dramatique. La version Far West de Tannen est une véritable humiliation de son égo. Ses apparitions ubuesques inspirent une certaine tristesse, voir un profond désespoir, car sous les effets de manche il n’y a qu’un damné. De toutes façons, l’optimisme l’emporte globalement et la philosophie conséquentialiste est appliquée jusqu’à être signée dans un laïus du Doc.

Note globale 64

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Suggestions… Gremlins

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BREAKFAST CLUB +

16 Juin

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Souvent considéré comme le meilleur teen-movie réalisé, Breakfast Club est taillé pour contrarier les cinéphiles rodés qui n’y trouveront pas la matière promise, tout en frustrant les amateurs du teen-movie beauf et orienté exploits potaches de l’ère American Pie. Loin de se proposer comme une étude psychologique ou sociale, loin de la sensibilité radicale de Virgin Suicids, Breakfast Club réussi à parler un langage universel et simple, sans détours. Il flirte avec les clichés sans s’y enfermer.

« Un surdoué, un athlète, une détraquée, une fille à papa, un délinquant (un marginal) » se retrouvent en colle un samedi. Nous passerons la journée avec eux, en huis-clos. Les parents sont chargés abondamment et responsables des humeurs dépressives, la seule autorité adulte est un surveillant colérique passant ponctuellement faire l’inspection. Le film se met à la hauteur des adolescents, sans être racoleur, en adoptant une position démagogue nuancée. Il fait fonctionner l’identification à ces cinq archétypes et ose les rapprocher, jusqu’à les contraindre à réaliser leurs convergences après avoir pris soin de briser la glace.

Les persona de chacun sont mises à mal, de même que leur vigilance. Le film est sympathique pour cela car il est une séance de psy ouverte où les adolescents ne redoutent pas les confessions lourdes, avec le ridicule et l’humilité que cela implique. Le prix de cette introspection ouverte est aussi dans une parodie de rébellion que chacun sait sans lendemain, où chacun gomme ses frustrations derrière un enthousiasme débordant et se met à nu mais pour un court instant. Mais si chacun est voué à retourner à sa place, au moins ces individualités auront éclatées, transgressant leur servage à des figures policées (y compris, sinon en particulier celle du marginal) ; et ainsi ils forment le Breakfast Club, même si cela restera leur secret.

Spécialisé dans la représentation de l’adolescence, John Hugues a boosté le teen movie avec ce film. Il y a cependant une confusion sur ce qu’il aurait engendré : malgré toutes ses citations dans la culture américaine depuis trente ans, Breakfast Club est au mieux une réinvention du genre, mais les catégories qu’il insinue ne sont pas novatrices (le teen movie existe depuis que l’adolescent lui-même est une catégorie, depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale) et ne dépendent pas de lui (toutes ces formes ne sont pas récurrentes grâce à la télévision mais car elles se retrouvent dans le réel – puis sont construites, travaillées, capturées et figées par des codes).

Par ailleurs, si le film est très bien écrit, il contient de très jolies formules sonnant juste sans être nécessairement judicieuses (« quand on vieillit le cœur se dessèche »). Elles sont souvent tributaires de ce pessimisme à l’égard du monde des adultes, dont les deux seuls représentants dans le film font les frais (le concierge s’en tire en étant un gars cool, bien que sans puissance). Là-dessus John Hughues est hésitant, comme ses personnages, flattant leurs confortables préjugés, tout en les laissant réaliser l’ampleur de leurs projections, sans trop savoir quoi en faire à ce stade.

Note globale 72

 

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Suggestions…

Note arrondie de 67 à 70 suite à la mise à jour générale des notes et à une seconde vue (mai 2019). Élevée à 72 lors d’une grande mise à jour des tags & l’introduction des « cine4sur5 » comme Catégories (fin novembre 2019).

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SÉANCES EXPRESS n°29

26 Fév

> Aux frontières de l’aube** (57)  fantastique

> The Outsiders** (51)  drame/sentimental US

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AUX FRONTIÈRES DE L’AUBE **

3sur5 Film de poursuite avec vampires aux trousses, Aux frontières de l’aube est ancré dans son époque jusque dans ce qu’il s’acharne à ne pas être. Les 80s marquent une rupture pour les vampires, subitement orphelins de l’esthétique gothique. Le film de Katherine Bigelow (Point BreakDémineurs) ne compense pas par un substitut glam trash (façon Les Prédateurs de Tony Scott) ou un style apocalyptique urbain, mais en intégrant une dualité nette entre l’Amérique des ranchs paisibles et la horde de vagabonds immortels. Pas de princes ni de voyageur fantaisiste, les créatures ici sont un paysan athlétique et des bohémiens pâlots en jeans.

S’il jouit d’une bonne réputation et d’un statut d’œuvre-phare auprès des amateurs du genre, le film n’est pas tellement original, se contentant de juxtaposer deux univers parallèles, les avatars du vampire et le contexte du western docile et civilisé. Cette combinaison est pourtant une innovation au cinéma ; mais la synthèse est aussi sophistiquée que le climat faible. Bigelow compense habilement la violence et la sécheresse de l’ensemble par une tension romantique (charmant tandem amoureux avec ses attitudes entre inhibition et intrépidité), mais son emphase est plus limité que sa maîtrise. Le spectacle demeure balisé voir consensuel en son genre (sinon en tant que thriller horrifique) : la charge lascive des goules et de leurs homologues est méprisée, le récit trop fermé, figé sur les bases de départ et même le héros est un personnage assez réduit et effacé. Puissant tout en sobriété, divertissant mais relativement fade, Near Dark (titre VO) décolle lors de tournées sanguinolentes et autres démonstrations explosives du clan, mais là encore l’inhibition créatrice est criante.

Après les morceaux de bravoure, Aux frontières de l’aube s’achemine vers un conflit entre famille originelle et réseau d’adoption, élu lors d’une dérive et à cause de désirs ou d’étincelles amoureuses. Sans surprise, Near Dark tirera vers une conclusion assez  »prude », condamnant l’élan de passion, la sortie du route, tout en s’en servant opportunément pour être attractif. Sans ce type de lecture ou de biais (auquel Bigelow se sacrifie excessivement), il s’agit encore d’un Roméo & Juliette dont les parties sont irréconciliables mais liées par l’affect et le combat ; l’heureuse originalité, c’est de permettre aux protagonistes principaux d’éviter la tragédie (happy end new wave). C’est ce genre de procédés poussifs, de structures  »morales » et séquentielles très communes, qui rendent le film, si raffiné soit-il (très joli aller pour l’Enfer), terriblement linéaire et formel. Sa subtilité est diluée par trop de renoncements ou de manies conventionnelles et une approche cosmétique des sentiments qui par ailleurs sont censés être exacerbés.

Note globale 57

Interface Cinemagora

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THE OUTSIDERS **

2sur5  La grande et véritable raison de la notoriété de Outsiders est son casting, parsemé de futures stars (Tom Cruise trois ans avant Top Gun, Patrick Swayze, Matt Dillon). Déjà anachronique en son temps, The Outsiders se calque sur les grands classiques du cinéma adolescent des 50s-60s, façon American Graffiti ou La Fureur de Vivre (beaucoup ont parlé d’hommage presque explicite à ce dernier). Réalisé par Coppola dans la foulée d’un Rusty James aux mêmes dispositions, le film célèbre la rébellion vu sous l’angle traditionnel de la grande fresque teen hollywoodienne. Les méthodes et les tubes sont là, les initiés adorent, les autres confondent les modèles et les ersatz.

Avec son romantisme suranné et sa connivence appuyée avec une contre-culture de circonstance, The Outsiders oppose des ados bourgeois et des déclassés précoces, s’affrontant en bandes. On y coupe pas : il y aura le chassé-croisé entre les jeunes vierges avides sous le masque BCBG et les écorchés vifs grimés en délinquants querelleurs. En outre, le ton est assez puéril, le récit progresse par paliers ; les pirouettes du scénario et le manque de solidité sont criantes. Le British Film Institute ne s’y est pas trompé en inscrivant The Outsiders dans sa liste des « 50 films à voir avant d’avoir 14 ans », car c’est lors de la petite adolescence qu’il aura toute l’occasion de marquer les esprits. Car il y a aussi l’approche sincère de ces hommes inachevés engagés dans un processus de marginalisation volontaire, voir de renoncement déguisé devant la misère inéluctable. Les portraits sont plein d’empathie et de tendresse, à défaut de lucidité sociologique voir de réalisme.

Note globale 51

Interface Cinemagora, page Allocine

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Séances Express : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12

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WALL STREET +

20 Juil

Tourné en 1987, Wall Street renvoie aux débuts de Oliver Stone réalisateur ; scénariste de plusieurs mastodontes (Midnight Express, Evita, le remake de Scarface), il venait d’enchaîner ses deux films sur le Viet-Nam (Salvador et Platoon) qui l’ont révélé au public. Et il s’affirme d’emblée comme un cinéaste férocement engagé ; surtout que son style est indépendant, sans emphase ni posture conformiste de  »liberal », sans égards non plus pour les formes ou les modes de déduction classiques. Oliver Stone est fait pour le combat ; dans Wall Street, son viseur cible les milieux de la finance.

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Rafales sans sommation. C’est le premier film à évoquer clairement ce monde de la finance ; à la fois en rendant le sujet accessible et en le dépeignant de façon mordante. Comme souvent chez Stone, la balade en zone rouge prend des allures de thriller, avec un fort accent sur les non-dits de la civilisation et des hommes. Dans Wall Street, il raconte une initiation à cet univers et installe le spectateur dans la position de Burd Fox, le courtier paterné par Gekko, lui ouvrant les portes en échange de  »tuyaux » et autres missions, toujours en montant d’un cran. Sans nécessairement partager la faim de Fox, nous sommes pareillement pris de court et absorbés par le niveau de vie émergent ; et aveuglés par la morale particulière qu’il réclame, le regard sur les autres, puis finalement la sombre et virulente mélancolie qu’il engendre.

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L’une des grandes audaces de Wall Street consiste à susciter l’empathie (tout en affolant éventuellement les jugements) avec son monstre Gordon Gekko et ce qu’il représente. Profiter de la vie et l’exercer réellement, contrairement à tous les veaux et les soumis ; se hisser dans l’opulence et surfer sur le fric facile ; sans avoir à sacrifier son existence au travail et à la médiocrité de la condition de l’homme commun. En oubliant même sa propre nature de mortel. Cet archétype innovant d’exploiteur tout-puissant influera sur la carrière de Michael Douglas (parfois en tant que victime des tentateurs cupides) mais aussi sur les représentations du cinéma hollywoodien, l’Al Pacino de L’Associé du Diable apparaissant comme le frère jumeau de Gekko (dont le nom est calqué sur celui d’un genre de lézard, prédateur gravissant avec aisance vers les sommets).

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Wall Street est une parfaite illustration de ce style quintessenciel de Oliver Stone, flirtant avec la nature instinctive la plus prégnante de l’homme, la plus sublime et reptilienne. Cette dimension est complétée à merveille par ce mélange de candeur flamboyante (autant pour flirter avec l’interdit que pour affirmer un idéal) et de vertige nihiliste propre aux 80s. En plus d’une ouverture pédagogique sur les marchés financiers américains et la profession du trader, Wall Street est un témoignage brûlant de cette époque ; sans concession, il ne nie pas le charme d’un certain état d’esprit, assume l’attrait comme la perversité du degré d’existence exhibé. Il donne la traduction parfaite d’un renversement des valeurs illustré par la maxime « Greed is Good » et montre les effets, tous les effets, toutes les sensations et consciences, de cette célébration du cynisme et de l’avidité. 

Note globale 83

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Aspects favorables

* immersion totale dans un spectacle paroxystique, comme toujours chez Stone

* qualités informatives, presque de documentaire  »surréaliste » sur le milieu et les pratiques de la finance, mais aussi sur un certain esprit des 80s

* à la fois une exploration et une grande synthèse de son sujet

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Synopsis : Splendeurs et misères de Bud Fox, jeune loup d’une banque d’affaires de Wall Street, qui réussit à séduire un investisseur, Gordon Gekko. Ce dernier lui explique que l’avarice et l’ambition sont les premières vertus s’il veut réussir dans le milieu de la finance.

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POSSESSION ++

7 Mar

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Fruit d’un divorce pénible, à l’instar de Chromosome 3 de Cronenberg auquel il est souvent comparé, Possession précipite, sans attendre, dans l’intimité d’un couple volant en éclats et dans leur déchirement impossible. Extrêmement déroutante, l’œuvre peut être perçue de plusieurs façons : d’abord, prosaïquement, il s’agit d’une allégorie des effets d’une séparation familiale sur les enfants (et le final, avec le suicide et le père monstrueux en est la parfaite expression). On peut aussi juger que le film évoque la peur de la liberté et de l’impératif d’affronter son propre accomplissement, mais aussi l’impossible individualisme (se déchirer rend vagabond, se conformer rend inerte). Autour de ce constat étourdissant, précipitant ses personnages dans l’auto-destruction faute de victoire identitaire, Andrzej Zulawski fabrique un univers traitant, par les cris et un chaos rigide, de la dépersonnalisation et de l’aliénation, opérée aussi bien par un système (empirique ou social) ou par les autres (ou leurs croyances, leurs modes de vies).

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C’est par sa forme extrêmement intuitive, mais découlant manifestement d’un système complexe et étudié (à l’image du contexte politique suggéré – totalitarisme froid, rationnel, libertaire néanmoins), que Possession exerce d’abord son emprise. Alors qu’un défi notoire des personnages semble de se montrer capable de répondre à une image, jusqu’à accoucher ou céder la place à un double idéal de soi, la réalité est soumise à cette déstructuration baroque. L’étrangeté du film vient aussi de l’absence ou de la platitude agressive du monde extérieur ; celui-ci semble évaporé, inerte, les rues sont presque vides, les hommes absents, tout se prête et se plie à leur crise de couple puis les pérégrinations avoisinantes. L’extérieur est lointain, terne et inhumain ; les espaces gigantesques, les personnages sont des poupées égarées dans une ville et des appartements démesurés, gris et vierges, ballottés dans un quotidien dépressif, obsédé par le contrôle au point où les plus fragiles abandonnent.

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Possession affiche un monde à la fois dématérialisé et ultra-sensoriel, un monde de l’après où les ruines sont gonflées et la vie, comme déjà achevée, semble indésirable, en décalage, donc forcément violente, à la fois exaltée et immature. Sam Neill et Adjani, ainsi que leurs adjuvants et acolytes, y débordent en cherchant à éclore, ou à exploiter, mais ils ne sont que des fragments rebelles dans un décors indifférent.

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Alambiqué et torturé, Possession s’embarque dans des conversations et des séquences des plus opaques. Il y a une emphase verbeuse, liée notamment à la présence d’un histrion aventurier et adepte de New Age ; mais Possession est surtout un film physique et mystique. D’ailleurs ces élans de masturbation intellectuelle sont exhibés comme un cache-misère, une intoxication délibérée et un acte de déni ; le personnage qui les entretient est le plus excentrique dans son apparence, mais son originalité s’inscrit dans les normes socio-culturelles (aristocrate hippie) ; le bohémien flambant n’est qu’un simple junkie, c’est pour la médiocrité de sa posture qu’il a ici sa place et lorsqu’il sera confronté à l’étrange ou à la vérité, il sera le plus fermé et ignare. Ainsi, Zulawski étend son scepticisme à la contre-culture, dissocie les recherches égotistes et individualistes, raille la bourgeoisie et ses facéties : si le communisme a influencé l’environnement du film, ce mépris des cartes postales pseudo-progressistes et des pionniers labellisés est digne d’une pensée révolutionnaire et cynique.

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Cette dimension sociale, politique mêlée à une plongée dans les abîmes de la volonté, des intentions et des besoins humains concoure à cette sensation de complétude interne, de film définitif. Pour autant, Possession malmène le spectateur, jamais délibérément mais plutôt par souci d’intégrité, d’authenticité parfaite dans la restitution de son sujet. Parfois désagréable tant il flirte avec l’incohérence et ne fait preuve d’aucune retenue dans sa décomposition active du psychisme des personnages, Possession happe pour les mêmes raisons. On ne se sent pas à l’aise dans le film ni dans cet univers, mais on l’aime néanmoins, car il offre un confort, met en scène la réconciliation de paradoxes comme la régression et la croissance. L’impératif de réalité disparaît, en même temps le Monde devient plus concret ; les personnages perdent pied, en même temps leur vie prend du relief grâce à des expériences ne laissant plus de place au doute ; les masques tombent, les rôles sociaux ou inter-personnels perdent leur validité, c’est douloureux, mais c’est pour Adjani une délivrance, pour Neill un retour à la vie, pour l’amant new age une remise à place.

Possession est transparent (dans sa façon de se délivrer) mais complexe (la quête de sens est trop saillante, elle aveugle), difficile à cerner même dans son sujet de fond et sa trame générale, mais néanmoins limpide dans ses discours (et les laïus des personnages), humainement évident. Il faut assembler les morceaux du puzzle, se concentrer mais pas complètement, pour comprendre la volonté et les démonstrations du film. Possession fait partie de ces rares œuvres qu’il vaut mieux voir deux fois pour espérer, une fois la découverte assumée, remettre les éléments à l’endroit, tenter de donner un ordre et lisser l’ensemble, ce qui n’est pas si difficile, mais n’est pas concevable spontanément. C’est une prise de contact avec un autre inconscient laissé libre, mais il faut être patient et préparé pour intégrer combien il est nu, pourquoi il est généreux. Pour autant, l’oeuvre conservera toujours une large part d’opacité et de froideur, éreintant peut-être son auditoire, mais pas pour (au contraire de Stalker par exemple) le laisser exsangue et ennuyé.

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C’est un film sans équivalent, totalement fantasmagorique, à l’ancrage douteux dans le réel : il se déploie exactement comme un cauchemar, entre prise de contact extrême avec le réel et surréalisme sous contrôle.

Note globale 92

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Ennéagramme-MBTI : Adjani, INF (P ou J – Fi ou Ni-Fe?) et type 4 (sans ailes apparentes, plutôt 4w5 par défaut) en crise. Le premier amant d’Adjani est un INFP gargarisé de lui-même, un Fi exacerbé et tout-puissant, persuadé de son importance, de sa conscience pleine et de mériter un meilleur sort que le reste de l’Humanité.

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