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SOUND OF MY VOICE =-

4 Déc

sound of my voice

Imaginant l’infiltration d’un couple de journalistes dans une secte, ce film américain sorti en 2012 s’est taillé une réputation modeste mais positive ; et intriguante, même s’il n’a pas su attirer les foules (il ne sort pas en salles en France). Par son programme, c’est un petit film divertissant et ambitieux. Son absence de génie et d’originalité va le tenir à l’écart d’une prise de hauteur sur son sujet. Le déroulement est exagérément prévisible et il n’y a aucune graduation entre les événements.

L’évolution dans la perspective des infiltrés est quasi nulle en-dehors du double retournement convenu. Les grandes lignes sont là pour entamer la route avec les armes de base, puis tout élan est cassé car ramené au conflit idiot : d’un côté, il faut montrer la nocivité des sectes et leur bêtise. La prêtresse de service tient des discours anti-intellectuels, appelle ses fidèles à oublier qui ils étaient pour se fondre dans le groupe canalisé par les soins de sa doctrine, use de sophismes assez violents afin de justifier l’aberrant.

D’un autre côté, il faut douter, montrer que la prêtresse croit bien à ses bullshit et peut-être même, qu’elle a raison ; Peter porte cette charge, intello ruminant humilié par Lorna et en totale remise en question. C’est le seul symptôme mis en avant dans le film et il est tenu à un niveau aussi confus que son état manifeste, le minimalisme et l’apathie du regard en plus. Sound of my Voice ne pas loin. Dans tous les domaines, il emploie des pancartes et recule, allant jusqu’à régresser vers les situations de couple dignes de telenovelas, où là encore il s’en tient à des déclamations très définitives et généralistes.

On dirait un film forgé sur un diagnostic-slogan ; assorti d’un « mais peut-être que » trimbalé avec une fausse discrétion perpétuellement surlignée. Au pire, toute cette mise en scène est nourrie et motivée par le petit twist ending éventé. Alors il faut préparer la petite pirouette et en chemin aligner les petits passages obligés. Au mieux il s’agissait de raconter une nouvelle un peu piquante à décorer avec un bon sens saupoudré d’objectivité de premier de la classe rachitique. Et la nouvelle n’avait pas vocation à être étirée.

Note globale 42

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Suggestions… Martha Marcy May Marlene + After Earth + Lost Highway

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PERFECT SENSE =-

22 Déc

perfect sense

Dans cette romance avec Eva Green et Ewan McGregor, l’Humanité est affectée par une maladie nouvelle : la perte progressive de tous les sens, avec des troubles comportementaux à chaque étape. Au début, les gens pleurent, assaillis d’une immense douleur morale, puis perdent leurs sensations, d’abord le goût. Michael et Susan se découvrent à ce moment et ensemble, cherchent les derniers plaisirs et commentent la situation, au lit le matin avant de partir au travail, ou entre deux étreintes heureuses ou contrariées.

Diverses théories seraient dressées par les membres de l’Humanité dans Perfect Sense. Il y aurait beaucoup à explorer ! C’est loin d’interpeller les auteurs de ce film, supervisé par David McKenzie, notamment connu pour My Name is Hallam Foe ou Toy Boy, produit prétexte à la mise en valeur d’Ashton Kutcher, acteur pour gamines grégaires de douze ans. McKenzie lâche les torrents d’émotion et envoie du violon à tout-va. Il conduit son sujet sans vision, imite la grandeur et la solennité des films apocalyptiques ou des films de contagions (romantiques ou pas) réussis ou remarqués.

Tout a déjà été vu et senti ailleurs, de Blindness aux Fils de l’Homme. Il n’y a aucune singularité, sinon dans les deux protagonistes piliers éventuellement. McKenzie met l’accent sur des accès de claustrophobie et cherche à évoquer la solitude morale galopante des personnages. Sa mise en scène se veut réaliste, un peu morose mais pas poisseuse. Son approche existentielle se traduit en un alignement de phrases creuses. Les hommes finissent par  »péter les plombs » et se dire des vérités crues : et là, c’est le grand plongeon. La perception des tréfonds de l’Humanité exprimée ici est du niveau d’un soap opera pour mégères fatiguées ou travailleurs sociaux zélés.

Au lieu de ce Perfect Sense il aurait mieux valu se tourner vers une publicité larmoyante pour clientèle anormalement émotionnelle. Le film est parsemé de débuts de déductions intelligentes dont il ne sait rien extrapoler d’un point de vue tant conceptuel, logique, que formel. Au lieu de ça, superlatifs et baratin lacrymal règnent en maître. Alors de la bouche d’Eva Green, on s’impose d’affirmer que la vie continue, tout en montrant l’amplification du phénomène, à renfort de musiques lyriques omniprésentes. Le symbolisme est mobilisé : syndrôme olfactif sévère, ça veut dire SOS. C’était un spectacle pittoresque, faisant le choix de la pauvreté.

Note globale 40

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Suggestions…  The Jacket 

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TRILOGIE DU PARADIS (Seidl) +

16 Juil

PARADIS : AMOUR +

4sur5 Normalement le voyeurisme est répréhensible, ou s’assume comme un vice. Or il faut bien le pratiquer, car on a beau louer le réconfort, l’important reste de se soulager ou simplement de s’égayer : voir ‘autre chose’ ou bien trouver le réel puant rattrapé par le collet. Celui qui se déchaîne sous les yeux de tous, mais n’est nommé que de façon lâche et jamais désigné par la collectivité humaine. Comme il faut se dominer ou rester civilisé, ou garder sa dignité pour les plus faibles et aliénés, nous avons à disposition de nombreux moyens pour purger ce voyeurisme de manière propre : le cinéma en est un, probablement le plus gratuit et aseptisé.

Coutumier de la comédie grasse et sinistre, Ulrich Seidl (autrichien, auteur de Dog Days et Import/Export) a renfloué bien à fond le secteur avec sa trilogie du Paradis. Le premier opus, Paradis: Amour (suivi de Foi et Espoir), fait partie de ces choses où le voyeurisme se fait sec, l’absence de commentaire écrasante. Il suit une dame autrichienne, la cinquantaine bedonnante, en pleine séance de tourisme sexuel – son oxygène, son îlot (un mois de congés en français technique) de bonheur et de délassement au milieu d’une année de crétinisme appliqué. Pas un gramme de fantaisie au programme ; nous voilà plutôt dans le minable et le vraisemblable ; bien encadré, par la culture de base (germanique) et par le contexte où Peggy-Teresa évolue (station balnéaire avec gigolos couleur d’ébène pour blanches fanées mais affamées).

Toutes les étiquettes habituelles pour couvrir l’abjection tranquillement dégobillée seront hors-d’usage ici. Paradis amour exprime bien un jugement : un mépris absolu de la fille et de ses congénères, sans flatter de prétendues victimes par ailleurs. En face il y a bien la misère, les situations odieuses des locaux, mais la mise en scène oublie la commisération la plupart du temps – puis très vite, la rend inenvisageable elle aussi, non que les autochtones soient vilipendés, simplement ce serait décalé, au bord de la surenchère hypocrite. Surtout que le plus embarrassant est affiché : chacun trouve son compte dans ce marché. Les jeunes hommes essaient de tirer leur épingle, harcèlent volontiers, avec leurs manières obtuses et décontractées ; ils sont parfois dans cet au-delà de la fausseté (souvent imité) des gens rompus à ‘jouer le jeu’ ou mentir et simuler avec méthode. Nous sommes à l’opposé de l’esthétisation et du romantisme, ou carrément de l’empathie sélective d’un Plein sud.

Teresa n’est pas une beauté vénéneuse, ne traîne pas la délicieuse odeur de souffre dont se repaissent des transgresseurs sûrs d’eux et de leur fait, elle est plutôt écrasée par ses souffrances dérisoires et le ridicule de ses tentatives. Ses grands espoirs sont autant de petits secrets honteux. Elle n’est pas assez vertueuse, égarée ou légitimement tourmentée pour compenser. Qu’elle travaille auprès d’handicapés permet d’enfoncer dans le sarcasme et cautionne une ouverture grotesque (les auto-tamponneuses) – ce n’est qu’à la marge que cela en fait un individu plus sympathique – quoiqu’on puisse dire, Teresa a au moins un certain courage, un sens du dévouement, même si pour se défendre elle se fait infecte, comme toutes ces connasses ricanantes vite débordées car très ignorantes et basses d’esprit. Face à ses prétendants ou serviteurs, elle glousse horriblement, se moque comme une idiote se sentant dans son bon droit – comme si avait acheté carte pour la supériorité. Ses élans de générosité sont intéressés ou générés par l’autre ; pourtant elle les emplie de sa bienveillance et de sa bonne foi, prête à se donner – avide de se faire prendre et aimer. Elle finira bien par avoir conscience qu’elle se fait exploiter en retour. Ils ont toujours un ou des problèmes, des besoins à surgir. Ses amertumes se précisent.

Cette candeur générale infestée par la désillusion et saccagée par l’aigreur rend Teresa plus intensément pathétique, plus largement et généreusement aussi. Elle se voie elle-même et commence à entrevoir les réalités avec nous. La conscience de soi qu’elle a fuit l’a rattrapée ; décidément le repos n’est pas possible, il n’y a ni Eden ni jardin secret. Et puis cette ‘sugar mamma’ n’est pas un boudin catégorique et pourrait même être réellement au goût des ‘beach boys’ (moins entravés par les exigences et les critères occidentaux) – c’est plutôt que sa chair est triste, à tous degrés ; ses efforts sont infructueux et ses sacrifices le seront aussi. Nous sommes alors gagnés par la peine ; comme on serait triste pour un cher (et saoulant) animal de compagnie atteint d’une violente gastro, ou d’un salaud rattrapé par son plus grand chagrin. Teresa se fait rouler, tellement que ça va devenir l’axe dramatique d’un film qui n’en a pas besoin – l’essentiel là-dedans n’est pas raconter, encore moins une ou des histoires : c’est de présenter, avec sérieux, sans urgence, sans égards pour le malaise évident – pas de dettes ni d’attachement (ni de merveilles d’écriture).

Cette séance est très négative. C’est comme du Houellebecq acide, qui n’aurait que cette perspective d’engagement face à son sujet, l’embrasserait en dilettante. Elle peut se muer en une sorte de torture par procuration, notamment lors de l’anniversaire, où la balade se fait plus drôle et plus répugnante que jamais – avec ce jeune black assigné aux services ciblés. On oscille entre l’embarrassant et le pleinement dégueulasse ; voilà un cauchemar trivial, affligeant pour tous, assassin pour elle (pauvre quinqua en besoin de tendresse et de reconnaissance sensuelle), désespérant pour lui. Séance immonde donc, mais platement alors elle se laisse prendre, fournit un amusement sans joie autre que mesquine ; ne salira pas nécessairement le spectateur ou l’Humanité, mais ne ménagera rien de ses bons sentiments, de ses vœux pieux envoyés à l’universel. Elle détruit les baratins d’occidentaux bienveillants pour la forme, ou même investis dans leur tiers-mondisme : ce commerce est assimilé là-bas, ne choque pas fondamentalement – il inspire une indifférence bien pratique, ni ordre moral ni pudeurs ‘égalitaires’ ne s’étalent là-dessus.

Note globale 78

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Suggestions… Eastern Boys

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (4), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (4)

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PARADIS FOI =+

3sur5 Entre l’Amour (Liebe) et l’Espoir (Hoffnung), Ulrich Seidl s’est laissé aller à une quête plus grande et forte encore : celle de la Foi (Glaube). Cet opus intermédiaire n’est pas ‘fendard’ comme les deux autres. L’aspect documentaire est plus prégnant, pour des raisons négatives : il est du même niveau en terme d’approche ‘rigoureuse’ et détachée, mais l’absence de bouffonnerie laisse le terrain libre au regard sec, comptable, lequel se fracasse devant un tableau aussi désespérant, si profondément incurable. Les doutes, les tensions, sont révolues et l’avancement dans l’âge enfonce encore le clou.

De plus Seidl ne sort pas la protagoniste de son milieu naturel, ni d’elle-même (ce que nous voyons, c’est sa volonté prenant ses aises pendant les vacances) – sans aller pour autant pratiquer son introspection : on reste toujours strictement observateurs, fait avec ce que les dehors nous abandonnent. L’intensité de cette femme se suppose, par indices, déduction, ou à cause de nos propres croyances. Ses actes et surtout ses engagements sont trop forts, rendant les paroles et même le discours dispensables, même s’ils auraient pu être utiles pour plonger ‘vraiment’. Anna Maria (Maria Hofstatter) pourfend la lubricité de ses prochains devant le saint-père ; se flagelle nue face à un Christ en bois, implorant le pardon pour nos piteuses âmes.

Ce Christ est devenu objet d’amour – un amour complet. La ‘vieille fille’ jette sa libido sur une religion dévoyée. Elle qui voit des torses nus toute la journée (à l’hôpital en sa vertu de radiologue) a eu le temps de se dégoûter ou s’ennuyer des choses de la chair – si ce démon-là pouvait encore la travailler, ce serait par réflexe, voire commodité ; un besoin si laid et si loin de son quotidien, mais pas forcément de son conscient, qu’elle ne le voit plus lorsqu’il est là, tapis dans ses activités, prêt à torpiller sa charité, humilier sa bonne volonté. Tout comme elle ne réalise plus, ou alors très en sourdine, le pathétique et le grotesque des situations (que la mise en scène se complaît à marteler – longue séquence avec un rebut en slip à déblatérer sur la pratique du Notre père). Ce besoin précis, certainement dégradant en tout cas tel qu’il pourrait s’offrir ici, est la conclusion qui aurait tout grignoté des rapports humains.

Anna Maria aide et sert son prochain, mais elle n’a pas ou plus de chaleur, d’élan pur, peut-être d’amour envers lui ; en même temps elle est capable du plus grand sacrifice, en se mêlant à la boue – une compromission seulement en apparence, propre à tous les vrais chrétiens prêts à tendre la main aux cas difficiles, aux déchets ; prêts donc aux vraies missions, plutôt qu’à un culte de confort ou à la ré-assurance égoïste. La prêche de son ancien amant (de retour après deux ans) est opposée : lui se fout d’éthique, de morale, d’élévation ; il retient les parties les plus ‘concrètes’ des religions, les avantages masculins. Il se rappelle les coutumes du pays, ou pratique ici ce qui lui était là-bas interdit – dans tous les cas il cultive l’exploitation. Il n’en a pas tellement les moyens, mais il a la légitimité des victimes objectives et reconnaissables à pourrir l’autre et se vautrer dans le caprice. Pour Anna Maria, Nabil est une épreuve de plus ; voilà probablement sa dernière fonction positive. Ce sous-ogre stupide est encore un abruti qu’elle a repêché – et avec lequel elle s’est encanaillée. Ce ne se sont là que deux hypothèses, ce qui est sûr, c’est qu’elle a fait la complète autour d’elle, s’est agrégée une ribambelle éclectique de parasites. Avec ça elle est certaine de suffoquer.

Quand elle n’est pas attelée à se mortifier dehors, elle se mortifie dedans. Seule à la maison, elle s’opprime et récite, chapelet en mains. Son appartement est vaste, le mobilier loin de la désuétude, ce n’est pas une pauvre, elle doit venir d’assez haut si c’est une déclassée ; elle n’est pas objectivement ni explicitement aliénée dans son milieu, dans sa vie. Anna Maria doit être plus près des égarés, des plus ou moins ‘fous’ : son décalage ‘actif’ couvre davantage qu’un jardin secret pour bourgeoise gâtée par l’ennui. Elle s’enfonce, c’est la marque de son engagement. D’où ces combats avec des déchets ou infirmes, la fréquentation de réseaux de perdus, souvent des déviants, alcoolos – veulent-ils être sauvés ? Les pratiquants qu’elle accueille dans une pièce dédiée ne forment qu’un groupe pour exulter platement et officialiser son recueillement.

Malgré ces réalités, ce n’est pas un film glauque, pas le truc sombre et torturé venu racoler le consommateur de sensations fortes et toxiques – domaine d’un Butgereitt ou d’un Miike/Siono. Paradis : Foi apparaît comme une comédie qui ne peut éclore – accablée, désolée pour elle peut-être, pour cette aventure plus encore. Le regard est indifférent, l’indignation ou la compassion absentes, pourtant l’attention demeure. Ni distraction ni émotion, comme on exécute un devoir, ‘fait ce qui faut’ sans le moindre état d’âme, en prenant des lunettes d’entomologiste sans avoir de pression ou de compte-rendu à terme. Cette méthode est la bonne car ainsi le sujet est plus facile à approcher, mesurer, restituer. Le résultat est cependant moins probant qu’avec les deux autres Paradis, très expressifs et volubiles, même indirectement. Ce bad trip là est triste, mais sans épaisseur, il se constate et ne se ressent pas – sans doute fallait-il se préserver de l’horreur et des chatouilles des arrières-mondes.

Note globale 68

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Suggestions…

Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (3), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

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PARADIS : ESPOIR +

4sur5 Dernier de la trilogie (sortie en 2012-2013) d’Ulrich Seidl, Paradis : Espoir verse le plus clairement dans la comédie (avec les confidences, leurs joies et rapports d’expérience de jeunes filles obèses, ivres de rêves et de désirs en éveil) , même s’il la tient à distance comme toute intention trop vive. Après un opus particulièrement sinistre (Foi), ce Paradis est celui du relâchement. Il n’y a plus la gravité d’Amour à cause de son côté borderline, de son contexte sentant le soufre. Espoir partage sa mesquinerie exacerbée, sans les compensations positives – pas de compassion ou de tristesse devant la détresse, pas de prise de conscience venant de la laide protagoniste pour réparer un peu cette horreur.

En somme cette peine est la plus méritée ; elle est banale et médiocre comme sa protagoniste, bouffonne héroïque d’une sous-tragédie sans la moindre beauté. Pourtant on ne saurait accabler cette petite créature, car son cas a beau être désespéré, il n’est pas désespérant – alors à quoi bon la méchanceté ? Sans hargne ni haine, avec tout au plus une commisération fataliste et narquoise, Paradis : Espoir relate ce gâchis garanti pour Mélanie et ses amies du centre d’amaigrissement où elles ont été collées pour l’été. Ce sont des enfants pourris esseulés, déjà des beaufs à bière, sans pression. Il n’ont pas d’autre destin, leurs parents irresponsables ont d’autres intérêts ou non-préoccupations. S’ils doivent dévier, il faudra des luttes intenses ou des miracles, les deux semblant hors-de-portée en vertu de leurs caractères – sans ressorts ni attraits, hormis pour des pervers amateurs de viande molle, à tous degrés.

C’est le cas de cet homme mûr sur lequel Mélanie fait une fixette : un médecin, personnage tendancieux, genre vicieux méthodique avec face ‘proprette’. La vie ne doit pas sourire à Mélanie et la voilà déjà en train de se créer des souvenirs lamentables, en coulant vers la domestication pathétique qui doit être celle d’une pauvre âme chétive et demandeuse dans son genre. L’ado fantasme sur un vrai pourri, sans rien de romantique. Il n’est même pas spécialement intelligent. Il s’est simplement arrangé pour devenir une sorte d’autorité afin d’assouvir ses besoins et se divertir avec un maximum de confort ; voilà l’aventurier mou déguisé en sage compétent, profitant d’un système et de la crédulité de ses otages. Il peut éprouver des doutes et de la culpabilité, mais ils ne vont ni le blanchir ni rendre sa relation plus charitable ou excitante pour la captive. Voilà une véritable leçon de vie pour Mélanie, qui a les honneurs de se faire chatouiller par le vigile en chef.

Toutefois elle et ses camarades ne sont pas présentées comme des victimes – ou alors, ce sont tellement des victimes intrinsèques qu’il n’est plus question de s’en soucier. Nous sommes dans la normalité, la leur et d’ailleurs ces jeunes ados l’ont intégré puisqu’ils sont peu affectés. Comme ses prédécesseurs Paradis Espoir ressemble à un documentaire, d’où on aurait retiré l’information et les annotations, pour s’atteler à humilier les ‘puissances’ d’une femme qui n’en a que dans ses rêves, en opposant une froideur totale à leurs prétentions et justifications. La plus jeune s’en tire le mieux car elle est un objet de farce et sa naïveté reste une défense légitime ; sa tante est la plus honorable car la plus combative et idéaliste, la seule dans le dépassement de soi, mais c’est aussi la plus triste et effrayante – elle a le tort d’avoir une énergie à perdre, quand les autres n’ont que des sentiments primaires et des kilos à liquider.

Note globale 76

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Suggestions…

Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (4)

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DOOMSDAY BOOK =-

23 Jan

Handicapé par des problèmes de financement, ce projet a finalement vu le jour en 2012. Il a fait la tournée des festivals du monde entier (deux récompenses au Canada) et a réalisé une performance quelconque au box-office sud-coréen. Au final, Doomsday Book est plutôt un échec et de surcroît, une anthologie réduite à trois segments, le Happy Birthday de Han Jae-Rim ayant été abandonné en cours de route.

Les premiers et troisièmes opus sont signés Yim Pil-Sung. Le réalisateur de Hansel et Gretel a confié être sous l’influence de la série La Quatrième Dimension. Le second opus, La créature céleste, est une création de Kim Jee-Woon, auteur de J’ai rencontré le Diable, 2 sœurs, A bittersweet life et Le dernier rempart. L’évidence de riches intentions frappe dans chaque segment, aussi sûrement que l’échec à les relayer, ou simplement à les identifier. Désireux de philosopher mais d’une platitude souveraine, Doomsday Book pourrait être la trilogie des Qatsi avec des paroles.

Le premier opus commence avec un jeune homme vissé à sa famille idiote et ingrate. Pil-Sung narre au lance-pierre ses frustrations et la découverte de l’amour par cet asocial maladroit, travaillant dans le génie militaire. Mais l’apocalypse zombie approche. Les symptômes se multiplient : débats enflammés, déviances en boîtes de nuit, émeutes. Pil-Sung s’amuse, c’est très agité et ça manque prodigieusement de vision, de tenue, de lien. Voilà le chaos pré-apocalyptique, bâclé par un auteur attrapant les idées (de séquences, de gimmicks), jetant le tout en l’air et mettant les morceaux dans la soupe, à l’aveugle.

La seconde partie se déroule dans un temple bouddhiques, où des moines convoquent un expert technique pour attester d’une révélation. Toutefois la reconnaissance du Bouddha réincarné dans le robot de service ne relève pas de son champ de compétences et le technicien s’en trouve agacé. Bientôt une société privée s’en mêle. Le roboto se trouve au cœur des émulations humaines, entre les prométhéens et les religieux : tous cherchant l’illumination mais s’y dérobant au moment même où ils déplacent des montagnes pour, croient-ils, y parvenir. C’est un opus où on parle abondamment, les décors et la photo relèvent du merveilleux sans chimère, routinier. L’esthétique reflète donc parfaitement le message.

Enfin le troisième segment marque un retour au sketche, au sens commun, celui de la performance gratuite. Collision imminente d’une astéroïde sur la Terre et effervescence avant le probable désastre. Tout le monde pète les plombs à son niveau et le montre ; d’autres cherchent à tirer profit de la situation ; certains agissent et réfléchissent très fort. L’essentiel se déroule avec une famille et les gens d’une émission Tv. Un épilogue se déroulant dix ans plus tard referme le film. Pil-Sung persiste dans le pseudo-mysticisme sans objet ni définition, dont l’un des totems a le mérite d’en imposer à défaut de respecter la moindre cohérence. Les cailloux venus de l’espace sont bien délicats et disciplinés.

Bilan : le premier est un foutoir amalgamant le joli et le laid, peu de consistance ; le troisième est très joli et ambitieux, mais irréfléchi. Le second opus, le seul de Kim Jee-Woon, est le meilleur de très loin, celui en mesure de laisser une emprunte. Globalement, l’anthologie nous montre le genre humain au bord du gouffre, pressé de prendre conscience de lui-même et/ou de plonger. Kim Jee-Woon choisit un angle plus spirituel, plus déclaré aussi, tandis que Pil-Sung préfère des catastrophes physiques et mortelles. Il ose envisager une rémission dans les dernières minutes mais le point de vue reste moins élaboré que celui d’ET l’extraterrestre.

Note globale 52

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Suggestions…  3 extrêmes + 3 histoires de l’au-delà + Macabre + Darkside les contes de la Nuit Noire  

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LE CAPITAL **

24 Fév

2sur5 Quelques mois après l’aberrante saillie du candidat Hollande contre la finance (« un ennemi [qui] n’a pas de visage »), devenu président de la république française depuis, sort Le Capital (titre du roman de Stéphane Osmont [2004], adressant comme lui un clin-d’œil au livre de Marx [1867]) de Costa-Gavras (après Amen et Le Couperet). Il suit l’itinéraire de Marc Tourneuil, placé à la tête de la Phénix, première banque (imaginaire) européenne. Propulsé pour être sacrifié (il sera accusé de délit d’initié et promis à la prison), il devance ses collaborateurs et tous les adversaires avançant masqués en pactisant avec un fond spéculatif américain, ouvrant les portes au ‘satan’ de l’économie. Tourneuil (outil consentant et rusé) apparaît donc comme le fossoyeur du « capitalisme à la papa » au profit de celui des forts, dont il fait la promotion et cherche à tirer profit. Autrement dit, il va dans le sens de l’Histoire et saisit au vol les avants-postes. Lorsqu’un ancien communiste internationaliste l’ouvre (tonton au repas de famille – didactique, un peu con mais imparable), Elmaleh lui explique que son internationale à lui fonctionne, réalise des rêves, apporte des produits inespérés et fait travailler des gosses : il retourne toutes les accusations (même les plus odieuses) avec brio et renvoie idéalistes et subversifs au panier, ou plutôt à prendre conscience qu’ils lui mangent dans la main.

La vision est parfois grossière, le parti-pris tranchant mais sans éléments originaux ou réflexions nouvelles. Le Capital enfonce des portes ouvertes comme tant d’autres, mais en ayant les vertus de la férocité et de la franchise : les préférences idéologiques sont claires, les accusations sont précises. Ce n’est pas un essai de plus pour contenter tout le monde, c’est un pavé (un peu useless mais) lancé sans trembler. Ce film dit des choses éculées, réparti les rôles de façon primaire (les gentils, les salauds à divers degré, les autres qui s’accommodent ou n’entrent pas dans la ronde du sérieux), mais va droit au but, mélange vues ‘basses’ et détails forts. Ceux-là émanent des restes du Costa-Gavras au zénith : sur le pouvoir, ses ramifications, ses pièges et ses exigences. Cosmopolis de Cronenberg (sorti plus tôt dans l’année 2012) présente avec davantage de profondeur un agent de la domination et la désintégration d’un certain capitalisme, mais ce Capital a l’avantage de l’objectivité (et de la ‘transparence’). Toutefois ce film militant astucieux, sachant faire entendre son message, est aussi superficiel : il pointe les dérives sans souligner leur proximité, montrer leurs effets, se contentant de citer les anecdotes ‘massives’ comme les licenciements. Massives dans leurs effets, mais banales car rebattues et dérisoires car ce film n’aidera pas à se figurer ce qu’elles entraînent, signifient dans le réel dur – en cela Costa-Gavras est bien niché à côté de son ordure magnifique, à intellectualiser la nausée.

Concentré sur sa démonstration, Le Capital slalome entre les genres, comme un documentaire trop léger et engagé cherchant le meilleur costume pour se faire fiction. Dans l’ensemble le film prend une apparence de comédie mesquine et fatiguée. Il envoie avec énergie ses cartouches, réserve quelques moments de vacheries jubilatoires (contre la fille de l’ex-président), pompe avec succès la lucidité et l’amoralité de Tourneuil. Le film essaie de devenir thriller, mais chavire, s’affaisse sous le coup de rafales d’aigreurs et de pessimisme, rebondissant sur ses oripeaux de fable (excellentes à faire digérer ce Capital). Il garde un aspect de téléfilm aux moyens modestes, prenant de grands airs mais se reposant sur des béquilles fébriles, décalées : la volonté d’expliquer engendre des dialogues surfaits (mais jamais absurdes), des situations outrées mais pas à la hauteur de ce qu’elles désignent, etc. Ce décalage a des bénéfices indirects : les démonstrations impliquant des outils ‘modernes’ reflètent l’incongruité -IRL- des laïus sur « l’innovation » et « l’audace » assurés par les Oui-oui pantouflards pour les vidéos d’entreprise. Elles mettent Costa-Gavras et son équipe sur un plan parallèle, avec le même modèle ‘transcendant’, conscient et pourfendu cette fois. Ce manque renforce l’un des mérites du film : désacraliser ce monde, afficher ce que le luxe du ‘grand centre’ peut avoir de sinistre et de trivial (dans ses ressorts et ses motivations). Bref : jeter de la laideur sur des zones souvent protégées par omission.

Ce film est éminemment démocratique, une synthèse accessible, vulgaire mais ‘juste’ : elle pointe le pire (avec facilité sûrement, mais le pire est présent) et veut dessiner la tête. Source ou non, on l’ignore, en tout cas : c’est le point culminant (pas comme ‘événement’ spectaculaire, mais en tant qu’accomplissement durable). Le capitalisme financier à son stade de ‘libération’ ultime, lâché, parti pour faire sauter les dernières résistances et dévorer tout (donc parvenu au-delà de l’absorption et du vol, rendu à la liquidation pure et simple). Costa-Gavras souligne l’ambiance des lieux et de ces institutions mobiles. Dans ces mafias au sommet, on entre et s’aligne ; ‘la fonction fait l’homme’ : un requin standard devient forcément un boucher un costume, même s’il a une once de doute ou de contrariété, peu importe ses jugements sur les choses. Et surtout peu importe la morale, ou par défaut : la morale ici c’est l’efficacité – morale de dominant, légitime a-priori (d’un point de vue pratique et ambitieux), ravageuse à terme (d’un point de vue pratique et ambitieux aussi, sauf peut-être si ‘après moi le déluge’ est admissible). Il s’agit ensuite d’apprécier les effets et là-dessus Tourneuil a choisi la perception : c’est un jeu planétaire, donc avec des gagnants et des perdants ; justification et promesse en vitrine : « les gagnants peuvent tout perdre et les perdants tout gagner, c’est ça la beauté du jeu »). Perception et non plus le camp, la notion est obsolète, tout au plus y a-t-il des alliances à nouer pour cultiver des satisfactions communes. Rien de bien révolutionnaire en soi (l’égoïsme et le cynisme ne datent pas du néo-libéralisme ou même du XVIIIe, n’en déplaise aux ‘réacs’ optimistes) ; plutôt une régression radicale, avec le sabordage de toutes les constructions pour la stabilité et les résidus d’harmonie nécessaires à la survie d’une société et d’une espèce. Costa-Gavras désigne un ‘capital’ nihiliste, dont la maintenance elle-même est réduite au minimum : alimenter cette boucle pour elle-même (et en tirer une ivresse pour les décideurs).

Sur le bas-côté le film flirte avec l’insignifiance. La mise en scène est sommaire, le propos faisant tourner la machine et celle-ci suivant hébétée. Les acteurs sont peu gâtés et seul l’archétype incarné par Tourneuil est approfondi. Après La Rafle (sur l’horreur du Vel d’Hiv en 1943), Gad Elmaleh trouve un nouveau rôle sévère et difficile, s’en acquitte avec succès – non reconnu pour de multiples raisons, souvent mondaines, parfois propres au métier (le 1er avril de cette même année 2012, il écope d’un Razzie Award avec la troupe de Jack & Jill), mais aussi très concrètes : peu après ce film, Elmaleh devient l’égérie d’une publicité pour la banque LCL. Aucune surprise dans le public, mais une abondance de quolibets. En attendant Elmaleh a su sortir de la posture d’humoriste tout en devenant effectivement drôle, dans la peau de ce Tourneuil froid et résolu à tailler dans le vif, capable de jouer le crétin apprêté pour la télé, commentant pour le spectateur les abjections dont il a une pleine conscience. Comme l’inquiétant Frank Underwood de House of Cards (série sur les arcanes de la politicaillerie US, lancée début 2013), il s’adresse directement au public (à deux reprises : ouverture et conclusion). Costa-Gavras lui autorise quelques commentaires en voix-off pour introduire ses collaborateurs, ainsi qu’une poignée de rêveries ou jugements pendant lesquels il s’abstrait (en vain) de la situation donnée.

Le personnage a le droit à une certaine complexité interdite aux autres, tous des fantômes, passants autour de lui quand ils ne sont pas des concurrents (parfois des relais) ou des sujets. Il est salaud mais pas mytho (sauf en vitrine, puisqu’il faut bien – roi des discours creux et du mielleux glissant les signaux démagos/intimidation nécessaires). L’armure et la forme lisse craquellent tout au long du film, pas pour sombrer dans la sensiblerie mais pour amplifier certaines postures intimes du personnage. Le recul sur lui-même est décuplé, Tourneuil ironise et tient même des propos ‘moraux’ sans être affecté ou concerné, simplement en étant ouvert aux points de vue qu’il domine ou méprise (lui, ou plutôt le système dont il est une ressource d’avant-garde). Dans les derniers temps du film, il évalue sa reconversion éventuelle en croisé anti-capital. Une opportunité de secours, car l’héroïsme et le prestige occasionnés seraient de faibles compensations. Il se tire des chausses-trappes de son milieu en jouant les prophètes de l’aliénation des pauvres et le chantre des gouffres insurmontables : il y aura un public pour aimer. Sa relation avec Nassim (Liya Kebede) est un défouloir. Il s’y adonne à un comportement d’enfant enthousiaste puis finalement de brute triviale. Jamais Nassim n’aura de véritable importance, jamais il ne la considérera autrement que comme objet ; c’est un stimulant et l’espèce d’idylle qu’il se figure est juste une façon élégante (et délassante) de convertir son excitation.

Ce Capital refuse la neutralité et donne donc matière à discuter, mais il pourrait encore cacher son jeu, laisser le spectateur déduire ce dont il aurait envie. Au contraire, il a une fin, ou au moins des alternatives imparfaites mais déjà existantes, à proposer. L’opposition entre le capitalisme continental et celui anglo-saxon travaille le film, expliquant sa tendance à la caricature – ou son adéquation au réel extrêmement colorée. Le capitalisme anglo-saxon est plutôt perçu en tant que plate-forme qu’en tant que modèle strict ; c’est donc son émanation principale (ou supposée) qui est traitée. Le capitalisme à la française est reconnu comme celui du « copinage » mais il aurait des résidus de vertus, par nécessité et pas seulement par principe ; Costa-Gavras plaide pour cette forme tenant à la fois du paternalisme et du collectivisme, où l’élite se sert et défend le bien commun en maintenant le sien propre. Cela se traduit par la volonté de limiter les délocalisations et sauver les lois sociales (le ‘modèle social’ à la française). À l’inverse le capitalisme « de cow-boy » est mesquin et suicidaire, inéluctablement : c’est la « secte de la rentabilité à court-terme ». Agent de ce dernier, Tourneuil/Elmaleh tourne en dérision ce vieux fond français. « La performance » sera juge et non plus la bienséance (c’est au tour de la première de dérouler ses fatras ‘visionnaires’) : « nous ne serons plus jugés sur la soit-disant éthique bancaire à la française mais sur la vérité des chiffres ». Costa-Gavras a beau jeu d’emprunter cette posture, puisqu’il confond lui-même l’expertise et la morale, les lois du management et les sentiments, comme si ces derniers devaient être placés en première ligne en toutes circonstances, justifiant par ailleurs des iniquités établies préférables aux iniquités d’un système violent mais surtout aveugle à ses effets. De cette manière, Costa-Gavras attaque tout ‘libéralisme’ en général sans pour autant y toucher, puisqu’il reste concentré sur sa cible outrancière.

Il a le courage de l’afficher carrément, mais c’est le courage (en plus de celui de s’indigner catégoriquement – avec ce que ça comporte d’honnête et d’idiot) d’afficher sa résignation et sa complaisance au profit de vieilles bêtises, au nom de la lutte contre la tornade sous nos yeux. Ce Capital est le testament d’un gauchiste devenu héritier des résidus de la mentalité monarchique, en brandissant comme un trophée sa supposée fibre sociale – imparfaite mais bien utile et au bout du compte, indépassable rempart à l’ensauvagement. C’est bien de cet espèce de consensus hiérarchique, ce féodalisme compassionnel (avec une surface républicaine et l’horizon méritocratique comme compensation et optimisation) anti-néo-féodaux, que Tourneuil/Elmaleh est l’ennemi ultime (il y a bien d’autres ennemis mais apprivoisés, sans incidence, ou communs à d’autres puissances). Le Capital est donc ce genre de films ‘appelant les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités’, du moins en idéal : Tourneuil mise sur le manque de volontarisme du gouvernement français pour le vaincre, passer entre les mailles des filets voire saper ses lois. Les normes, les institutions françaises, ont un poids surtout symbolique et pas d’avenir : elles font peser leurs acquis obsolètes et stériles mais ne savent inverser les tendances ou imposer les leurs. Comme un organisme en fin de vie, l’État français ne sait que mettre des barrières, parasiter : il sait seulement réagir en somme. Naturellement Costa-Gavras dénonce la faiblesse de cet état et l’absence de contre-offensive, sans l’englober un instant dans sa critique : l’un des défauts du film est de ne livrer aucun fait ou nom précis ; il omet aussi de mentionner les résultats du modèle français, discuter la place de l’État sur cette économie. Est-ce un paradis ou le plus juste des mondes que le cavalier noir Tourneuil contribue à faire exploser ?

Note globale 54

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Film Socialisme + La Conquête/Durringer 2011 + Adieu au langage

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (2), Dialogues (3), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (2), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (3)

Note arrondie de 53 à 54 suite à la suppression des notes impaires.

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