DARKSIDE, LES CONTES DE LA NUIT NOIRE +

22 Mar


Adaptation pour le cinéma de la série Tales from the Darkside, Les Contes de la Nuit Noire, bien qu’ayant reçu la récompense suprême au Festival d’Avoriaz en 1991, est un film à sketches horrifique très sous-estimé, dans l’ombre du géant Creepshow tenu, à juste titre, pour la référence ultime du genre. Pourtant, grâce à la réunion d’une pléiade de talent directement concernée par le registre [Romero, Stephen King, le producteur P.Rubinstein comme indice de qualité], il peut s’aborder en véritable condensé de tout un univers. Il est aussi accessoirement un défilé d’acteurs remarquables, dont certains, devenus grands, font ici leurs premiers pas [Christian Slater, Julianne Moore, Debby – déjà vue notamment dans Videodrome].

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Cultivant son originalité autour de bases rodées, le film comprend trois histoires, reliées par des séquences mettant en scène Deborah Harry en cannibale. Le gros morceau du dîner qu’elle prépare, un enfant d’une dizaine d’années, tente de repousser l’échéance en lui racontant des histoires tirées du livre de l’enfance de l’amorale ménagère (façon Mille-et-une-Nuits). Loin d’être bâclé comme c’est souvent le cas dans ce type d’anthologies, cet intermède en est même l’un des plus admirables, distillant une drôle d’ambiance, rappelant autant, et inévitablement, Les Contes de la Crypte, qu’un autre modèle a-priori déconnecté de l’univers en question : Twin Peaks. C’est peu dire que la décontraction complète de Debby au sein de ce cadre d’une banalité absolue à un détail près fait des merveilles.

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darkside_2La première histoire, la plus kitschissime [il faut dire qu’elle se déroule dans une université] est sans doute la moins ambitieuse par son scénario, très bien écrit (il est tiré d’une nouvelle du père de Sherlock Holmes) au demeurant même s’il laisse filtrer un ou deux détails qu’on pourra trouver assez légers, car minimisant à-priori le comportement rationnel attendu de certains personnages. Mais c’est chipoter, parce que l’esprit vient aussi de là, de cette belle façon d’éroder quelques évidences pour mieux alimenter un suspense débridé. Déjà, et malgré la légèreté de cette intrigue impliquant malédictions, momies et petits meurtres entre amis, la mise en scène d’Harrisson sur  »Lot 249 » est brillante : c’est du bis pur rehaussé par des manies de luxe.

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 »Le Chat de l’enfer » est le plus stylé des segments visuellement parlant, sa photo sépulcrale et le contexte de l’espace clôt propice et typique l’inscrivant dans la grande tradition des formalistes du genre [aux côtés de Deux Yeux Maléfiques]. Il est aussi le seul à n’être pas écrit par Michael McDowell, Georges Romero lui-même ayant pris la plume en réadaptant un scénario de Stephen King. Et même si le pitsch manque de génie [le motif des méfaits du chat est d’ailleurs des plus rocambolesques], il suggère une mise en scène réjouissante et bourrée d’idées. Les fans du genre seront aux anges. Les autres peut-être un peu déconcertés.

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Le meilleur a vraisemblablement été gardé pour la fin et c’est peu dire que  »Le Vœu des Amoureux », par son romantisme exacerbé, touchera des cordes sensibles, rien que pour sa chute et ce qu’elle engendre. Il démarre sur la première nuit du reste de la vie d’un artiste à l’œuvre invendable dont l’agent artistique vient de claquer la porte ; la rédemption surgira après quelque mauvaise rencontre. Le film consacre le mensonge en tant qu’essence de l’amour ; pour dissimuler des points de détails monstrueux, assassins et irréversibles ; pour garder l’image voulue de l’être aimé et tenir à distance sa vraie nature. Mais il évoque une perspective autrement originale : d’où vient l’inspiration pour peindre l’enfer et ses envoyés ; il faut avoir côtoyées de près ces horreurs, diraient les héros de Lovecraft. Darkside le dit aussi. De façon moins solennelle mais terriblement jouissive.

Note globale 76

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darkside_afficheTales from the Darkside**** (8/10) Acteurs**** Scénario*** Dialogues** Originalité*** Ambition*** Audace*** Esthétique***-* Emotion***-*

1/Lot 249*** ; 2/Le Chat de l’enfer*** ; 3/Le Vœu des Amoureux**** ; l’histoire de jonction***

Notoriété>3.500 sur IMDB ; 35 sur allocine

Votes public>5.6 sur IMDB (très légère tendance US&féminine) ; France : 6.7 (allocine)

Films à sketches horrifiques de la grande tradition 80’s… Creepshow 2

Films à sketches horrifiques…  Trick’r’Treat + Amusement

Films à sketches…  Métal Hurlant + Memories (japanim, 1995)

Julianne Moore…  Hannibal + A Single Man + Loin du Paradis + Cookie’s Fortune

Christian Slater… True Romance

Steve Buscemi… The Big Lebowski

Georges A.Romero… La Trilogie des Zombies

Suggestions…. Bloody Bird + Hellraiser IV : Bloodline + Angel Heart

7 Réponses to “DARKSIDE, LES CONTES DE LA NUIT NOIRE +”

  1. Voracinéphile mars 22, 2013 à 00:20 #

    Bon sang ! Il prend la moisissure sur mon étagère des films fantastique depuis que je lui ai collé une misérable moyenne sur allociné. Une erreur impardonnable ? Disons que je vais avoir le temps de vérifier maintenant. J’ai quelques bribes, comme effectivement ce segment qui relie tous les autres et qui se révélait assez amusant pour ce décalage cannibale. En revanche, aucun de la dernière, ce qui au vu de ses ambitions, se révèle gênant. Soit j’étais sérieusement mal luné lors de la découverte, soit le film ne m’a pas accroché. Etrange, vu que j’adhère spontanément à de telles thématiques…

    • zogarok mars 22, 2013 à 17:31 #

      Il faut dire que j’ai été très friand de ce genre de films. J’allais justement citer « Necronomicon » qui est peut-être, finalement, le chef de file, rayon qualitatif et originalité – mais il me faut revoir « Creepshow » pour en être sûr. Creepshow 2 lui-même m’a plu. Les limites de ces films sont évidentes, mais ils sont aussi plus particulièrement attachants. C’est plus l’univers et la démarche dans lesquels ils s’inscrivent qui attirent autant de sympathie que leur simple « identité » personnelle justement. D’ailleurs j’ai bien précisé que l’expérience n’est à tenter que pour les sensibilités averties.

  2. Voracinéphile mars 22, 2013 à 13:45 #

    Revu entre minuit et 2h00 du matin, mais avec attention. Je valide mon premier jugement en rajoutant un petit plus pour certains maquillages que j’avais oublié. Indéniablement on reconnait des acteurs jeunes (Buscemi ^^) et cela apporte une certaine fraîcheur. Je relève aussi la magnifique créature du dernier segment, presque aussi iconique que le Creepers (avec de magnifiques effets spéciaux en latex, alors que la créature de Coppola sera un peu accros au numérique, surtout dans sa suite). Toutefois, je semble bloquer sur ce genre de film (je ne parviens pas à aimer Creepshow, malgré les trésors d’horreur fantastique qu’il s’évertue à créer). C’est de la pure horreur pour jeune ado, ça a un certain charme, mais je ne parviens pas à adhérer (curieux, parce que certains épisodes des contes de la crypte m’ont marqué). Je passe sur les deux premiers segments (très anecdotiques) pour me focaliser sur le dernier. Le contexte sentimental est effectivement intéressant, et la chute est monstrueuse. Cependant, le mensonge ne me semble pas être au coeur du problème (enfin, si, vu la fin, mais c’est finalement un détail fâcheux qui entraîne la chute). Oui, les thématiques sont là, mais elles ne sont pas évoquées ni mises en valeur. L’ellipse de 10 ans sert juste à faire venir les gosses. La vérité consiste à simplement éclaircir un détail qui n’avait rien de malhonnête dans la rencontre. D’où une certaine cruauté dans le dénouement, mais c’est d’autant plus cruel pour une simple broutille. La piste réflexive sur les dessins de démons est plus visible en revanche, mieux mise en scène en tout cas. Après, on m’objectera qu’il s’agit d’une oeuvre de divertissement et que je me prend le chou pour peu. Mais si cette dernière partie est plus « mature » que les autres, sa légèreté l’empêche d’être définitivement marquante. Comme le film d’ailleurs, sympathique mais à la personnalité pas tellement magnétique. Mais comme je ressens exactement les mêmes choses avec Creepshow, ma posture doit être un peu incongrue… J’adore Necronomicon, faut le rajouter dans les conseils (avec ses incohérences à foison et ses personnages surréalistes). Et bien pour Hellraiser IV, ça c’est du divertissement portnawak barré (revu encore une fois, décidément, ils n’ont eu peur de rien, surtout quand on connaît les multiples aléas de la production…)

    • zogarok mars 22, 2013 à 17:35 #

      Je trouve au contraire « Creepshow » terriblement efficace et happant, autant que des épisodes honnêtes des « Contes de la Crypte ». C’est probablement que le registre ne te séduit pas tant… Ou que la touche lovecraftienne te manque et que l’amour de « Necronomicon » disqualifie toute tentative auprès de toi. Ce dernier restant un monstre d’extravagance et de « magnétisme » – et Darkside ne semble pas tellement issu d’un cerveau malade et désinhibé, comme c’est le cas de certains segments de Necronomicon (le dernier surtout – le premier au contraire ressemble beaucoup à ce qui se joue dans Darkside).

      Il ne faut pas trop intellectualiser ce cinéma. Les pistes sont posées là ; les thématiques sont vécues, pas diluées dans un scénario complexe. Ce manque de recul en fait justement tout le charme.

  3. Voracinéphile mars 23, 2013 à 00:42 #

    Je vais faire un troisième essai pour Creepshow, sans grandes garanties. Contrairement à ce que je semble faire dans mon précédent message, je sais pertinemment que c’est un cinéma tourné vers le spectacle plutôt que sur la réflexion (voir la chronique « le latex n’a pas bon goût », aucun de ces films n’apparaîtra dans les mémoires du cinéma populaire). Mais se contenter d’un « je n’aime pas celui là », c’est insatisfaisant et stérile. Surtout que, contrairement à ce que tu sembles penser, j’ai découvert Creepshow bien avant Necronomicon, et je n’y ai pratiquement pas adhéré (il y avait ce segment inattendu avec Leslie Nielsen qui exécute sa femme et son amant sur sa plage privée, sympathique pour la prestation inattendue de Leslie, mais tellement prévisible que je n’ai pas savourer le spectacle)… Il vaut mieux que j’arrête d’en parler avant d’avoir ré ré essayé, c’est le genre de comm qui gâche le plaisir de ce genre de classique nostalgique… Je crois qu’il s’agit indubitablement d’une affaire de goût à ce stade. Creepshow a une façon « naïve », candide de s’attaquer à l’horreur et au fantastique. C’est typiquement le genre d’histoire échangée un soir d’été autour d’un feu sauvage… Comme relire un « chair de poule » en quelque sorte. J’ai essayé, mais malgré l’attachement sentimental, ce n’est clairement plus de mon âge. Et j’écris, j’écris avant d’avoir revu… Je reviendrai avec un avis plus approfondi.

    • zogarok mars 23, 2013 à 10:32 #

      J’avais l’impression que ce cinéma « innocent » engendrait des réactions viscérales et claires, on aime ou pas justement ; je vois qu’il t’excède et ça m’étonne. C’est clairement enfantin, pas dans les ingrédients mais dans la narration oui, c’est justement ce paradoxe qui rend l’affaire si passionnante, comme si nos contes puérils et doucereux s’embarquaient vers le morbide banni ; c’est un peu ce qu’un enfant frustré du manque d’imagination et de violence dans les séries qui lui sont adressés, se voyait soudain comblé.
      La fin de ton message le suggère bien, même si c’est évoqué sous un angle déceptif. Tu n’en est pas au « Je n’aime pas », il n’y a pas besoin de ré-évaluation particulière.

      Déjà vu deux fois… dans ce cas je ne t’incite pas du tout à une troisième.

      Je vais lire cette chronique.

  4. Voracinéphile mars 23, 2013 à 11:55 #

    Revu Creepshow de 1h00 à 2h20 (décidément, c’est un week end film à sketchs). Et de façon assez prévisible, je reste sur mon premier jugement. Je suis un fan de bis qui n’apprécie pas vraiment Creepshow. Je perçois raisonnablement son potentiel charismatique (l’histoire qui lie les segments est effectivement très sympa pour son intro et sa conclusion), mais je ne parviens pas à m’attacher. Peut être pas assez d’effets spéciaux caoutchouteux à mon goût, et en tout cas, peu de « visions » marquantes (en dehors de la plante qui pousse partout, rien ne va me marquer). L’intérêt de ce commentaire est somme toute relatif, mais j’aimerais pouvoir décrire pourquoi je n’y adhère pas. C’est probablement pour le tout. Le ton n’est pas excessif, c’est moins outrancier que les films que j’affectionne (qui eux flirtent avec le nanar pour leurs caractères stéréotypés à l’extrême), sans être plus subtil. Je trouve Creepshow fade aujourd’hui (et j’avais complètement oublié le segment avec le singe (amusant juste pour le personnage de femme qu’il met en scène) et celui des cafards, what the fuck), mais j’envisage raisonnablement qu’il ait ce qu’il faut pour être culte à partir de 10/12 ans. Je ne crache pas dessus, je ne parviens pas à apprécier son côté nostalgique. Je semble clairement mieux parti sur les récents efforts du genre (très sympathique Theatre Bizarre et barré ABC’s).
    Je me dois en revanche d’acquiescer sur Darkside, il est à l’égal de Creepshow dans sa générosité, même si son nombre de segments est réduit. On a des niveaux très similaires.

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