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MINI 17 ou 2020-5 (Octobre)

11 Nov

Big Movie * (USA 2007) : Laborieux, confus, essaie tout piteusement, revient au clip de rap. Des gags odorants mais à peine – plutôt vomi que caca-pipi. Effets spéciaux moches, mais pas assez pour être mémorable (ou de niveau Sharknado). Beaucoup de décors, certes artificiels, mais quand même suggérant qu’on a investi des moyens, recruté beaucoup de gens pour ce film qui n’arrive pas au niveau d’un best-of quelconque des blagues qui auraient fait se tordre de trop vieux amis alcooliques, entre la fin de banquet et la mise sous coma artificiel. Je rate quelques références, probablement pas toutes empruntées au cinéma. À sauver relativement au reste, peut-être l’entrée du Faun ; beaucoup d’internautes semblent apprécier le sosie de Samuel Lee Jackson et sa phrase ‘culte’ issue des Serpents dans l’avion. (16)

Reindeer Games / Piège fatal ** (USA 2000) : Bon film d’action, au scénario lourd et aux effets spéciaux convaincants. Il semble improbable de pas sentir le grand retournement venir, ainsi que d’autres mineurs (le coup du coffre) ; l’ultime est moins prévisible, même si lui aussi ne devrait pas surprendre ceux qui ont ‘trop’ consommés de ces polars outranciers (et un peu décérébrés). Le début en prison laisse dubitatif, comme parfois le jeu ou la situation de Ben Affleck. Ces défauts n’entravent jamais le plaisir un peu régressif ; s’il y avait quelque chose ‘en plus’ (et une fin moins niaiseuse) ce film deviendrait facilement un bon souvenir, au lieu de ça il reste anodin. (62)

John Frankenheimer… Prophecy le monstre.

Eva * (France 2018) : Je ne connais pas les œuvres relatives (le roman, l’adaptation de Losey). Ce film méprisé par les spectateurs tient soit du ratage ou du laisser-aller soit du ‘déceptif’ volontaire. On voit du pays (Annecy) et du minable chic, dans lesquels circulent deux marchands sans âme ; c’est mou mais pas désagréable. Visuellement on passe par des trucs bizarres (scène de l’église confuse) ou un peu désuets. Le scénario interdit multiplie les voies de garages, surenchères alambiquées vite à cours de jus. Des twists outranciers et vains viendront clore (ou abandonner) ce matériau qu’on dirait moisi. La psychanalyse demeurera dans l’expectative. Leur histoire s’enclenche de façon maladroite puis dérive de manière grossière. Y a-t-il une intention de refléter le manque d’inspiration, l’incapacité à gonfler un narratif, l’errance tragique d’êtres vides ? C’est plus ennuyeux que contrariant ; par contre ce qui est malaisant dans cette affaire, c’est le choix d’Huppert. Même si son rôle ici est proche de celui qu’elle tient en général, la pertinence d’une aura antisexuelle réfrigérante m’échappe dans ce contexte où elle doit être une femme fatale, à moins qu’il s’agisse encore de cette volonté ‘déceptive’. Je ne comprend pas non plus pourquoi une personne si odieuse inspire cette indulgence ; cette sorte de ‘Wesh’ blanche embourgeoisée dont toute la vulgarité éclate avec ses réponses banales et navrantes au patron de l’écrivain. Enfin son « Je peux être sauvage quand on cherche à m’humilier » est une blague pleine de vérité ; combien de petites morues (passives-)agressives peuvent la sortir pour excuser leur violence stupide (et leur recherche d’ascendant par l’humiliation) ! (38)

Une femme mélancolique * (Allemagne 2019) : Trip narcissique d’une prétendue ‘dépressive’, princesse dans son bain, autrice a ses heures, elle a trois critères pour les hommes ‘beauté, innocence, coolitude’. Le troisième sketch relève du style Mandico, l’ensemble est brumeux, parfois transgressif, travaillé par une moraline pop heureusement lâche ou anéantie par cette paresse et ce goût de la pose. Des propos sensés dans un lot quelquefois drôle et souvent décadent. Des scènes mongoliennes comme celle du bus, du gloubiboulga hystérique et complaisant, du gauchisme culturel, de la nudité. Intérieurs pastels ou lumineux, factice ; l’appartement du ‘petit gros sans le sou’, moyen davantage que celui d’un pauvre, apporte un peu de répit à nos yeux. (42) 

Cursed ** (USA 2005) : Mal noté, connu pour sa production compliquée, un des films ‘stupides’ de la fin de carrière de Wes Craven. Le casting relève le niveau et la cible ‘teen’ apporte une légitimité à la bêtise énergique ambiante. L’introduction des personnages ou de l’intérêt pour les loups-garous est idiote ou maladroite ; forcément les effets spéciaux ou simplement la malédiction peuvent faire sourire. Il gagnerait à être raccourci de 10 minutes mais c’est bien le genre de crétineries agréables à regarder – et à laisser de côté immédiatement si on a mieux à faire, pour la reprendre plus tard. Du niveau d’une série télé (devenue) médiocre mais flamboyante. (48)

Black Panther ** (USA 2018) : Il y a de quoi rire (spécialement lors des rituels), mais au moins le style est là. Beau serait excessif et supposerait de passer sous silence plusieurs scènes désuètes et celles dignes de rushes live du Roi Lion sorties des poubelles ; mais c’est à l’occasion assez joli. Stérile et complaisant sur le fond et dans le discours, comme souvent avec ces grandes foires aseptisées. (46)

Pickup on South Street / Le port de la drogue *** (USA 1953) : Rapide et cinglant, un très bon ‘film noir’ signé Fuller (dont j’adore le Naked Kiss). Terrible sur les rapports humains et les liaisons sentimentales. Sous les airs de femme fatale, Candy tient plutôt de la parfaite victime et femme battue trouvant son compte. (72)

Man on Fire ** (Italie 1987) : Style américain et habillage typique de l’époque, avec cet amour immodéré des ralentis et des mouvements aériens criards. On y croit peu (c’est à la fois appuyé et distant) mais on veut bien marcher. C’est efficace à défaut d’être émouvant (pas sûr que le remake ait été plus convaincant sur une quelconque échelle). Classé dans ma liste Friddou Mittou (on a le droit à une fête où la protégée et le protecteur se rapprochent sous les yeux d’adultes complaisants ; à une conclusion où il la retrouve probablement plus mûre). (52)

Slow West * (Nouvelle-Zélande 2015) : Western post-moderne artificiel et moche, un peu décalé pour pas grand chose – et surtout pas pour nous surprendre. Terriblement ennuyeux au départ, trouve un certain rythme et une dose raisonnable d’intérêt avec la tuerie du magasin. S’appuie sur ses personnages qui malgré la sensibilité de l’approche restent caricaturaux. (38)

Blue Steel *** (USA 1990) : Si vous aimez les thrillers outranciers vous allez vous régaler ! Le scénario s’obstine à compliquer l’existence de la flic et de l’enquête ; c’est parfois à la limite de l’inconsistance ou du vraisemblable (dans la deuxième moitié), mais c’est payant en terme de drame et d’intensité. À côté de ça beaucoup de sous-entendus juteux et d’aperçus justes (et ‘clichés’) concernant l’entourage de Megan – sa relation ambiguë avec son amie, sa mère stupide caractéristique d’un certain type de femmes battues. Sur la forme c’est typique de son temps, tout en élégance kitsch, ralentis et lumières bleues prêtes à traverser les murs. Et en conclusion le western s’invite en ville. (66) 

Samba * (France 2014) : Moins ouvertement crétin (et ambitieux et comique) qu’Intouchables, moins résolument ‘familial’ ; mais assez grotesque, se vautre dans la caricature et nous livre un Omar Sy prenant un accent africain ‘pure souche’. Ce n’est pas complètement insensé ni politisé en chaque endroit ; c’est simplement médiocre. Un maximum de monde peut le voir et y trouver un bout de vérité qui lui permettra d’endurer le discours général ‘inclusif’ et dans le déni tempéré. En-dehors d’un public de premier rang et de professionnels semi-débiles, tous faibles et gentils d’esprit avant même d’être ‘politiquement corrects’ ; probablement personne ne prend au sérieux l’univers présenté par ce film. En lui-même, il est aussi inoffensif (et ‘facile’) qu’un Black Panther et ressemble à du Kaurismaki dynamisé, ‘banal’ là où l’autre clown engagé versait dans la poésie. (36)

Un monde parfait *** (USA 1993) : Dommage que toute la partie avec les flics soit si inférieure et grossièrement caractérisée ; puis que la fin soit polluée par le mauvais type cumulant les fautes morales. La connexion entre le bandit et l’enfant est ‘pure’, le personnage malgré ses superbes qualités prétendument contradictoires avec sa situation de hors-la-loi agit et réagit globalement de façon réaliste ; lui comme le film à son égard savent souffler le chaud et le froid. (74)

Kickboxer ** (USA) : Alerte phallique chez les citrondermes ! À la fois grave et désinhibé, un film d’action exotique impossible à prendre au sérieux et un plaisir ‘coupable’ garanti. Quelques scènes et de nombreux sous-entendus magiques. Des moments de solitude face au destin ou d’entraînements un peu longs. Des musiques criardes et une fin positive (même le chien se sauve) ! (52)

Austin Powers l’espion qui m’a tirée ** (UK 1999) : Pas à voir en toutes circonstances ; encore plus décousu et gratuit (et plus gras). Les folies de mise en scène sont plus frappantes que de nombreux gags ; trop de complaisance ou de démonstration gâche l’effet. La partenaire d’Austin pourrait être échangée par une autre en cours de route tant son personnage est sous-exploité ; le troisième épisode sera plus féroce au niveau des personnages et des gags qu’on peut en tirer. (52)

Bogus ** (USA 1996) : Film fantastique pour enfants avec le monde du cirque à proximité. Aborde le deuil et la perte de repères avec tact. Quelques scènes de rêveries ‘psychédéliques’ avant une ultime scène un peu frustrante par sa simplicité. Un peu répétitif et limité concernant l’écriture des personnages, mais le casting excellent éponge. Ce film inutilement long est l’une des incursions de Gérard Depardieu dans l’industrie américaine – une période généralement méprisée de sa carrière, finalement plus ‘guimauve’ que mauvaise. Il laissera probablement une impression curieuse à sa cible privilégiée : les enfants ; à eux il pourrait avoir l’air d’un thriller, avec sa créature flamboyante et envahissante et ces adultes peu secourables ou maladroits. (62)

Austin Powers dans Goldmember ** (UK 2002) : Un peu épuisant comme peuvent l’être de très mauvais films ou de trop lourdes comédies. Encore des choses communicatives dans cette troisième édition qui pousse toujours plus loin dans l’outrance, souvent en recyclant (scène des ombres chinoises) et en actualisant les personnages (dans un mélange de débilité et de médiocrité, elles aussi encore plus prononcées). L’associée Beyonce est plus charismatique que les précédentes et l’entrée de papa Caine réussie. C’est monumental dans son genre (plus spectaculaire que L’espion notamment avec les exploits du gros) mais il est temps de s’arrêter. (48)

Entre ciel et terre **** (USA 1993) : Du grand cinéma existentiel. Encore un film brillant signé Oliver Stone, ‘de gauche’ et de perception large. Ses films sur le Viet-Nam sont mes seuls manques de sa grande époque – à partir de L‘enfer du dimanche je n’ai presque rien vu. (84)

Mini-Critiques : 2020-Octobre, Septembre, 15ou2020-3, 14ou2020-2, 13ou2020-1 ; 2019: 12ou2019-3, 11ou2019-2, 10ou2019-1 ; 2018: 9, 8 ; 2017: 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

Mini Courts : 3, 2, 1

Mini Revus : 2ou2020, 1

Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1

MINI 16 ou 2020-4 (Septembre)

12 Oct

Désormais les Mini-critiques [MNC] seront publiées mensuellement (régime évidemment pas appliqué aux films en salles – les SDM). Le plus au début possible du mois suivant.

La fille Rosemarie *** (Allemagne 1958) : Inspiré d’une vraie affaire, réalisé un an après son issue (non élucidée). Acide (parfois caricatural) et probablement pas loin du name-dropping. Souligne les appétits matérialistes et le désespoir de l’arriviste piégée. Économe et efficace, beaucoup de choses secondaires trouveront une suite, accumule les éléments ‘précis’ (notamment via des répliques cruelles). Pourtant, le film deviendrait excellent s’il ne donnait l’impression d’être troué ; il y a peut-être trop de pudeur, ou de nécessaire censure passé une certaine proximité avec les clients. Et on voit à peine ce que Rosemarie Nitribitt a fait de son argent. La mise en scène est traversée de jeux et d’éclats sonores ; la part proprement ‘comédie musicale’ est gentillette mais pas ridicule comparée au commun des trucs de chansonniers à l’époque. (68)

Suggestions… Des roses pour le procureur + Seule contre la mafia.

Et la vie continue ** (Iran 1990) : Le pourquoi du conducteur restera comme le pourquoi du film : irrésolu. Le personnage lui-même est douteux, sa filiation pas crédible ; est-ce volontaire, est-ce une maladresse, un problème d’acteurs ou d’écriture ? L’adulte, un bourgeois (à l’aura de prof à peine aigri, blasé et courtois) dans sa voiture, est une figure positive avec ses aspérités, ses incohérences (sa bienveillance ne l’empêche pas d’être obtus et d’affectionner les réponses toutes-faites, comme le commun des adultes d’Où est la maison de mon ami). Il demeure un être vertueux, laisse l’argent dans un distributeur de boissons brisé (rien ne garanti que le commerçant en profite – c’est l’intention qui compte !) ; mais il passe entre les gens comme d’autres entre les gouttes – en allant les voir pourtant. J’y vois une sorte d’humanitarisme de surface, en lui je vois un individualiste curieux et peut-être moralement compliqué ; mais les autres commentaires n’évoquent rien de tel, alors je veux bien croire que je n’y vois pas ce que le contexte, une mise en condition ou une certaine culture devraient m’y faire voir.

À terme le film m’a laissé sceptique. Ces gens, victimes du tremblement de terre, deviennent presque insouciants, s’emballent pour un championnat sportif, poursuivent leurs embrouilles relationnelles. Oui les personnes ont de la ressource, les masses aussi, elles peuvent même puiser dans leurs capacité à régresser ou s’oublier. C’est vu, et donc ? Est-ce que constater sans avoir à y rajouter, sans surtout s’attarder ni s’impliquer, est toute une philosophie, une spiritualité, illustrée par ce film ? Peut-être que sonder cette force de la médiocrité, ou la reconnaître en tant que telle, inhiberait le réalisateur, gâcherait le plaisir à ses spectateurs ? (52)

Rush *** (USA 2013) : Raisonnablement captivant. Est le biopic conventionnel et le film d’action qu’on s’attend à voir, en plus subtil (probablement le plus possible en restant ‘tous publics’). Les scènes de course sont assez belles. Les personnages et leur volonté restent le plus convaincant. D’après le survivant les scénaristes auraient étonnamment respectés les faits (pas toujours à son avantage, mais aussi rarement abandonnés à la subjectivité de l’un ou l’autre des compétiteurs). (66)

Où est la maison de mon ami ? ** (Iran 1987) : Hormis une scène dans un coin boisé, ce film n’éclaire pas de façon évidente la démarche de son ‘successeur’ Et la vie continue. Derrière le réalisme ‘ultra’, un point de vue inerte et l’idéalisation gratuite de l’enfance – qui se heurte à l’étroitesse des adultes. On est proche du Petit Prince voire du Petit Nicolas et loin de L’enfance nue de Pialat – sauf à fétichiser l’aspect rugueux, ‘sans filtres’ et sans ‘médiation’ – ce qui est toujours une escroquerie ou un doux leurre. On voit ces vieillards radoter et ces gens tâcher de se faire valoir, aucun adulte ne se montre apte à répondre correctement ; tant d’ouvertures sur cette dégradation ‘naturelle’ sinon très répandue, cette bêtise qui fait que chacun devient plus con en prenant de l’âge (et s’obstine à reproduire les ornières obsolètes tenant son quotidien stérile et son pauvre esprit sur leurs grosses pattes courtes) ; tant de non-occasions pour le film qui préfère coller à son petit héros, mais à distance. C’est sûr qu’en restant interdit devant l’universel et en traitant les informations de façon creuse (essentiellement via les dialogues), on ne prend que deux risques majeurs : ennuyer l’auditoire ou le laisser travailler. Si les créateurs de ce film estiment que la réalité parle d’elle-même, pourquoi la laisser bégayer ? Pourquoi venir au cinéma ? Pourquoi donner dans le larmoyant et s’apitoyer sur le sort d’une catégorie face à une autre (car la sobriété ne change à rien à ce que donne effectivement le film) ? Ce film utilise quelque chose de profond certainement, mais lui ne l’est pas, peut-être par choix (calcul ?), peut-être par insouciance. (52)

Au travers des oliviers * (Iran 1994) : Dernier opus de la trilogie Koker, il force sur le flou pseudo-documentaire et déploie des monologues bien plus assommants et pathétiques que ceux de La maison de mon ami (sans parler de la dizaine d’essais d’une scène allant au bout de la mise en abyme – pour moi ce cloaque niaiseux et bouffi a fait basculer le film sur la mauvaise pente, imposant ce qui ne m’avait pas encore atteint avec ce cinéma : l’impatience impérieuse ; et ce qui y était encore totalement inenvisageable : le dégoût). Au travers des oliviers est beaucoup plus propre physiquement que les précédents, mais définitivement futile. Hormis le plaisir de sentir mêlés la production artistique [donc ‘l’art’ en direct, nu ?] et la vie, je ne vois ni l’intérêt ni ce qu’il y a de stimulant là-dedans ; probablement, des critères externes m’échappent. C’est toujours joli et immersif, à une faible intensité ; mais trois balades complètement gratuites, même plaisantes, ça fait beaucoup – une à trois de trop, question d’humeur ou d’absolu. Si vous n’avez pas l’âme d’un poète, d’un itinérant romantique ou d’un amateur de compositions esthétiques [plutôt symbolistes et ‘posées’, non criardes], évitez ; vous ne ferez que casser sa moyenne. (38)

Suggestions… Le sacrifice/Tarkovski + L’extraterrestre/Les Inconnus.

La proie ** (France 2011) : Dupontel en ténébreux idéalisé comme d’habitude, avec les aptitudes physiques d’un héros russe d’élite ou américain fantasmé. De bonnes scènes d’action et même de poursuite – et surtout des scènes bien drôles de bagarre. Au début en prison, c’est épais et c’est bon. Les plans sur le gardien pourri observant le massacre semblent empruntés à une comédie française des années 90, la vilenie en plus. Quand l’enquête se lance, c’est différemment cliché et efficace, moins outrancier (on aperçoit Lucien Jean-Baptiste, déjà infiltré en tant qu’agent des minorités – avec un autre acteur on ne relevait pas le personnage). Puis on décroche le long de la seconde moitié. Les caractères typés, les démonstrations assurent le spectacle, mais c’est trop creux et prévisible, avec des facilités et une conclusion abusive. L’image finale est à la fois éthérée et kitsch à souhait. J’apprécie le talent du metteur en scène (celui de Maléfique) mais ça ne trompe que partiellement la superficialité du programme et son allégeance à une certaine médiocrité ‘de genre’ [polar sombre et gentiment décérébré]. Quand on est avec Dupontel c’est prenant, le reste du temps la médiocrité des dialogues et des personnages rendent impatient (les collègues de la flic sont d’une bêtise accablante). (54)

Madame hyde * (France 2018) : Essai curieux travaillant les thèmes de la transmission et l’éducation de façon complaisante, courte et idéaliste. Montage bizarre ; scènes longues où ça patauge dans la solitude et la redondance ; scènes écourtées et remplies. Inégal dans sa façon de gérer l’artificialité et le casting ; on peut se demander si le résultat était celui escompté ou a encore du sens même avec une éventuelle marge de tolérance. Mais plus encore qu’original le film semble surtout mal construit (peut-être justement car la cohérence ne l’intéresse pas, que s’en soucier ramènerait à un « naturalisme » que le réalisateur a dit rejeter en se posant comme la négation de Kéchiche). Ainsi des pantins deviennent ‘normaux’, des caractères s’émoussent sans raison en tout cas soupçonnable. Le directeur comme connard sympathique se défend bien, la plupart des autres laissent perplexe et ennuient ; on sent la volonté de prendre les clichés à revers, mais ça ne donne que des choses penaudes, décalées mais ternes, à l’instar du personnage de José Garcia. Et puis surtout les scènes les plus franchement étranges sont noyées et sous-développées, celles ‘électriques’ sont lapidaires. Un film bizarre dans tous les sens du terme, à voir pour ça, mais pas un bon film et probablement pas une réussite ou du moins pas un accomplissement. (38)

Les héritiers * (France 2014) : Les langues brunes s’activent religieusement contre la peste brune ! Des dialogues si faux, tant de mépris et de bien-pensance cumulés à chaque recoin, dans cette fiction optimiste mélangeant habilement réalisme et fantasme. Voilà donc des jeunes incultes, obtus, encrassés et brutaux comme des petits animaux doués de parole ; et leur premier contact avec l’Histoire, avec les livres, ce sera ça. Et pour cette conversion ils seront couronnés et absous de leur bêtise. Faut-il vomir ou se réjouir devant une parade si malsaine ? En tout cas il faut prendre le risque de la voir, pour savourer ces moments géniaux d’une incurie abyssale d’autant plus proche du fanatisme et du délire civique que la réalisation n’est pas insouciante ou catégoriquement idiote : le climax naturellement c’est cette distinction entre un massacre et un génocide, où la prof dispense ses nuances très lumineuses – lesquelles reviennent à affirmer qu’un génocide n’en est pas un tant qu’il n’est pas formellement déclaré comme tel par ceux qui le pratiquent – ou qu’il est encore en cours. Aux historiens bien orientés de faire le travail comprenez-vous – qui sommes-nous pour juger ! (18)

Mon tissu préféré ** (Turquie 2018) : Chronique éthérée des amertumes d’une jeune femme et de son entourage ; jamais ça ne craque. Les professionnels de la lèche appropriée nous diront que c’est de l’authentique, de l’anti-sensationnalisme ; la puterie habituelle des citoyens-consommateurs amis du monde. Le film ressasse quelques éléments, avec une progression dramatique par paliers ; on peut trouver du charme à ces séquences oniriques, au passage en revue de cette sororité énervée et désabusée, à la quête de Nahla ; mais en tous domaines il a tout émis dès le départ. À la fin on a vu qu’un petit pétage de coche en quelques endroits. La vie de ces femmes est peut-être étriquée, ce regard l’est plus encore. La musique est des plus lourdingues et chialeuses, heureusement celle en ouverture n’est pas complètement à l’image du film : il est quand même plus énergique. Ou plutôt, il est assez prometteur pour inciter à gâcher notre temps à lui faire confiance. Les événements en Syrie sont comme le reste, un bonus d’ambiance. C’est sûrement largement biographique, mais l’autorité de cet argument s’arrête immédiatement (ou alors, on fétichise la pudeur de celle qui a marché près de l’horreur et surtout ne veut pas nous l’infliger – ou alors elle n’était que dans sa bulle et est assez ignoble pour associer ses larmoiements à des drames collectifs sanglants) ; enfin, c’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut s’abstenir, surtout si les festivals et l’intelligentsia sont là pour vous cueillir. À voir seulement si vous êtes intéressé par les œuvres sur l’éveil ou la solitude sexuel – sur ce point seul la délicatesse et la passivité du film ont du sens. (44)

Volt * (Allemagne 2016) : En ouverture une bonne dose de culpabilisation concernant les migrants clandestins ‘avec ces énoncés dignes de poèmes de rap accusateurs) ; en conclusion c’était bien le projet. L’entre-temps soit 90% d’une séance très courte qui n’en finit pas se passe auprès du policier responsable de la mort d’un des clandestins. L’essentiel avec ses collègues, la part mineure dans sa vie privée. C’est du couillu-écrémé mélo-dramatique, très bien interprété et avec des lignes ingénieuses [conventionnelles] au scénario, mais comme déterminé à ne rien apporter de neuf ou de trop significatif, qui pourrait lui faire perdre pied. Les clichés servent de squelette au film (mention spéciale au flic couchant avec une proche de la victime alors qu’il est essoré au maximum), sur lesquels se greffent des efforts déliés. Le style est léché, agressif, tout en maniérisme techno/crypto-épico-beauf (selon la gravité du moment). (34)

Suggestions… Mercredi 04:45.

Les chansons d’amour * (France 2007) : voir la critique. (38)

Sogni d’oro ** (Italie 1981) : Cette fiction espiègle est une excellente surprise pour moi qui ait enchaîné plusieurs productions détestables signées Moretti. Son ego est toujours de la partie mais on le voit en lutte ; les leçons de morale ne sont pas au goût du jour. Le type joué par Moretti est bien sûr un de ses reflets, se veut unique et se sait malade, intellectuel inspiré et enfant attardé capricieux, assailli par des peurs de remise en question, d’humiliation (exultant dans des rêves drôles et effroyables, où il se roule par terre devant une femme qui n’a jamais tenu sa position de subordonnée et n’a même pas le mépris fort, davantage indulgent). Dans ‘le film dans le film’ il se projette sur Freud, transformé en papy Roussos toujours au bord de la régression au stade du nourrisson. (58)

Venom * (US 2005) : Film d’horreur ado d’assez bonne tenue, avec une photo et des plans de bon niveau pour une production aussi bassement opportuniste et conventionnelle. Essaie de donner consistance à ses personnages, même si c’est pas toujours lisible. Le scénario est désespérément médiocre et l’histoire peu attrayante. Les clichés renchérissent paresseusement. C’est inintéressant et regardable, plutôt que spécialement grossier ou assommant. Issue misérable. (36)

Iris ** (France 2016) : Jolie réalisation sûrement profondément réfléchie ou projetée, acteurs surprenants (spécialement Camille Cottin dans son costume de flic ; Duris excellent), des arguments ‘racoleurs’ proprement emballés. Parfois artificiel, rarement vulgaire. Thriller érotique honnête et remake libre (de Chaos de Nakata) au scénario ‘concentré’. (56)

Lespert… Yves Saint-Laurent + Le petit lieutenant + Lignes de front + Le promeneur du Champ-de-Mars + Ne le dis à personne.

Bianca ** (Italie 1984) : Pour la deuxième (seconde?) fois j’adhère et m’amuse devant un film de Moretti ! Ses personnages d’insupportable, prétentieux et inadaptés me plaisent et avec celui-ci, il ne reste plus que son côté ‘tête à claques’ instrumentalisé. C’est une sorte de touriste dans son environnement et son époque, consentant suffisamment pour rester acceptable mais jouant la plupart du temps ; surtout c’est un individu courant après l’absolu, incapable de vivre et d’attraper le bonheur ou les satisfactions même quand elles se présentent à lui, même quand cette femme est indulgente envers son excentricité. (62)

Des frissons partout ** (France 1964) : Séance agréable, bavarde, primesautière voire un peu sotte, ‘patriarcale’ aux entournures (mais sans morale, plutôt à la James Bond). Gags et bastons ras-du-bitume. (46)

Kiki ** (Suède 2016) : Documentaire ‘de témoignage’ selon toutes les acceptions. Vous savez déjà tout ce qui s’y dira et pouvez préparez sans crainte une liste de ce qui ne s’y dira pas. On voit du beau monde s’exprimer avec sincérité ; une once de politique et de réalisme, un peu de revendications ; puis bien sûr du voguing. (44)

Les enfants terribles * (France 1950) : Melville adapte Cocteau. C’est horriblement typé et artificiel, rempli d’échanges assassines pour les personnages et épouvantablement ennuyeuses en tant que témoin. Les acteurs sur-jouent (avec conviction) et sont physiquement inadaptés, les décors et la mise en scène sont trop ‘propres’, la voix-off futile n’arrive qu’à ralentir et crétiniser le déroulement. La musique est beaucoup trop pressée, les lumières à la fois très expressives et réalistes. La mise en scène est franchement moderne mais tout est trop rigide et le pire reste les déclamations (surtout celles de la sœur), interdisant continuellement toute immersion. Jean Cocteau assurant la voix-off, je suppose que ce résultat n’est pas totalement éloigné de sa vocation. (36)

Tucker the man and his dream ** (USA 1988) : Un oublié de Coppola avec Jeff Bridges d’avant la barbe (et à ses côtés deux acteurs que j’aime : Joan Allen et Christian Slater). Critique et typiquement américain, nous sert une scène de tribunal rehaussée par un discours sur l’entrepreneuriat créatif opposé aux bureaucrates et à leur corollaire la fuite des savoirs-faire. Ce petit exposé a un drôle d’écho aujourd’hui, puisque la vague s’apprêtait à démarrer, poussée ou du moins légitimée par un discours ‘néolibéral’ enclin à récupérer ces postures anti-fonctionnaires et anti-état. Un film à l’optimisme contrarié, défendant le capitalisme et le rêve américain tout en les présentant corrompus. Banal et doux-amer, avec une énergie séduisante. (62)

The Town that dreaded sundown *** (USA 1976) : Le modèle n’est pas moins bizarre que la version de 2014 (un metasequel et non un remake ou même un reboot). Il nous laisse songeur, voire autant parano que les contemporains de l’affaire, mais en nous laissant traversés par des doutes que lui ne relaie pas – il ne veut certainement pas remettre en cause la police et les compte-rendus. Certaines scènes sont déconcertantes, notamment les attaques. La confusion, les lenteurs, imaginables dans de tels moments sont exhibées sur la longueur, ce qui donne du voyeurisme sans snuff. Un moment particulièrement bizarre est celui où le tueur tourne autour d’une voiture au démarrage puis s’attaque au couple dont le véhicule est maintenant péniblement lancé. Tout aussi étrange, cette fixette sur Sparklung, policier anodin. S’agit-il d’attirer l’attention sur cette personne (pour nous suggérer qu’il aurait plus d’importance qu’apparemment ?), est-ce simplement le bolosse du village ? Quand son pendant comique champêtre l’emporte ce film ressemble à un cousin américain de ceux avec Bourvil, en beaucoup plus chic et bourgeois (comme l’est Texarkana par rapport aux villages de la France profonde). (64)

Le grand tournoi ** (USA 1996) : Le film avec Van Damme dont il est aussi le réalisateur. Un film d’action et d’aventures efficace, peut-être pas si développé en tant que film d’arts martiaux, avec des scènes relevant plus de la bagarre express et grotesque. Beaucoup de ralentis (vocaux), de lourdeurs et un scénario simplets, qui en font une comédie involontaire bien-aimable. Roger Moore toujours aussi succulent en pirate sophistiqué et loubard capitaliste. Crétin mais bon. (58)

Guilty by suspicion / La liste noire * (USA 1991) : Un truc vain et grossier à propos du maccarthysme, approprié pour un public de niais. Personne ne nie la chasse et ses conséquences, mais la représentation de ce film me laisse sceptique. Des méchants du système et des gentils travailleurs libres d’esprit ; un héros qui « posait trop de questions » et s’est donc fait virer du club dont on lui reproche aujourd’hui d’être un camarade. Sur lui ce soupçon d’éternelle complicité, comme si ‘le germe était dans le fruit’ et qu’il fallait au moins qu’il balance ses amis et s’humilie devant la Justice. Le film utilise cette part un peu ‘délirante’ et pourtant bien réelle d’une idéologie ou d’une conviction prenant des proportions religieuses. Il étaie davantage la contagion de la parano, les difficultés des proches de DeNiro ou de lui-même. Dans les deux cas il reste au niveau de la silhouette, tout au plus des généralités ; on finirait par croire que tout ça n’est qu’une affaire de droit, certes sinistre pour les accusés. Le regard critique est aussi inexistant que possible et les cibles des anti-antiaméricains n’ont rien à se reprocher (en même temps il faut quand même que le héros n’ait été qu’un touriste chez les communistes, ce qui montre que le film recule devant tout ce qui serait réellement politique et souhaite s’inscrire dans le moule le plus consensuel). Bienheureux les ‘champagne socialist’ innocents (et non-communistes) qui n’exprimeront à peu près aucune opinion, aucune conviction, aucune analyse concernant quoi que ce soit (sinon leur persécution). C’est propre, sûrement pas édifiant, Scorsese fait une apparition pertinente (car il n’y a pas que les ‘rouges’ dans le colimateur) et ça s’achève en nous montrant une photo du club des cinq « réhabilités en 1970 ». (42)

Hear no evil ** (USA 1993) : Un thriller des années 1990 avec quelques éléments horrifiques (un terrain que j’apprécie, où se trouvent Copycat, JF partagerait appartement, Seven). Mais l’intrigue avance lamentablement ; on se rend compte que le polar n’est que l’appât et l’essence du film est romantique. Grâce aux manières de l’époque et à l’originalité du cas, c’est charmant ; encore que même sur ce plan, c’est à la fois prévisible et répétitif (scènes au lit gentillettes où le couple semble toujours à sa première fois). Hormis la surdité de la fille, le film se distingue grâce à Martin Sheen, qui semble avoir été mis au monde pour ce personnage de policier amoral, violent – un méchant féru d’opéra des plus caricaturaux mais il le porte brillamment. L’amabilité (plus que la qualité) de ce personnage et des autres, l’ambiance générale font le travail qu’auraient dû assurer le suspense ; il y aura quand même une petite surprise. (58)

Italian Race * (Italie 2016) : Drame des familles pour titiller la ménagère chialoteuse nichée dans le cœur de l’amateur de grosses cylindrées. Écriture et personnages à très courte vue. Fratrie assez charismatique. La partie automobile n’a rien de renversant. J’ai regardé ce film après avoir apprécié Rush et m’explique mal qu’ils aient des moyennes si proches (élevées pour des films relatifs au monde sportif). (38)

Le petit monde de Don Camillo *** (France 1952) : Plongeon agréable bien qu’un peu naïf et ridicule dans une France enterrée. Une époque avec ses côtés discutables que le film cautionne ; un temps où les hallucinations [religieuses] sont répandues et tout à fait admises. Mais surtout une époque où les individus sont encore soudés à la communauté, où s’exerce une solidarité naturelle et où, à défaut de discours et de volonté communes, on cerne et peut s’accommoder de ceux des autres. Ainsi le maire et le curé comme leurs ouailles dépassent leurs divergences idéologiques ou sociales, car le fossé n’est pas si grand. Mais tout ça n’est que de l’idéalisation et on sait trop ce qui nous manquerait pour trouver aimable ou pertinent un saut durable plus d’un demi-siècle en arrière. (64)

Demain * (France 2015) : Pénible ‘expérience sympa’ de consuméristes responsables et aventuriers safe & solidaires employant une façon niaiseuse et cajoleuse de (se et de nous) parler. Nous engloutit sous une abondance de plans inutiles valorisant la production (eux sont de gentils petits producteurs – réalisateurs il est donc sain sinon nécessaire de les voir à l’oeuvre) et usant d’une ‘poésie’ roudoudou-citoyen. Souvent on croirait voir une publicité Kodak, une sitcom avec des gens politisés, un journal de bord issu d’un monde de consommateurs Starbuck critiques (revenus de cette banalité mais seulement en théorie, ils se croient globalement lucides). L’impression de faux persiste même quand s’exhibe un défilé de manifestants ; je me suis demandé ce que faisaient ou croyaient faire ces figurants ! Sans doute suis-je trop sec et fataliste pour cerner la beauté de ces gestes et la justesse de ces revendications. Tout de même je suis troublé par des détails comme la déclaration « c’est contraire à ce qu’une exigence démocratique voudrait » (en ouverture du chapitre 2 à la 32e minute) ou cette aspiration à renvoyer des citadins travailler à la main dans les champs. Ce n’est pas une ambiance ‘cool’ avec des clips doudoux-engagés et des protagonistes à la file indienne aux quatre coins du monde qui va me faire suffisamment rêver pour ne pas entrevoir ces manquements ou amalgames (très drôle ces présentations partiales de mouvements politiques ou d’initiatives écologiques dont on oubli de nous mentionner les suites ou la variété des effets – par exemple le cas islandais – mais ne gâchons pas nos rêves avec ces formalités et ces ‘réalités’), ces promesses hideuses et ces injonctions tellement profondes qu’elles sont présentées comme de simples arguments évidents, familiers à tous les petits humains sympas et soucieux de la planète. (26)

Q & A / Contre-enquête *** (USA 1990) : Policier signé Lumet sombre dès le départ et de plus en plus savoureux. (76)

Unfaithful / Infidèle *** (USA 2002) : Drame de mœurs, sensible et mature. Je ne comprends pas ces notes qui le renvoient vers le commun des films sentimentaux. Encore une réussite d’Adrian Lyne (L’échelle de Jacob, Flashdance). (72)

Goodbye, lover ** (USA 1999) : Thriller cynique et volontiers racoleur, efficace et typique de l’époque. Un peu sulfureux en esprit, ponctuellement déjanté dans la forme, les deux d’une façon très soft ; on pourrait dire divertissante, ou anti-moraliste selon son angle et ses attentes. Je n’ai pas compris l’intérêt des quelques scènes de ‘projection’ qui n’ont pas lieu (celle de la seringue à la fin) sans qu’il y ait la moindre discontinuité lors du retour au ‘réel’ ; s’agit-il d’une négligence ‘volontaire’, d’une erreur, d’un effet ? Le résultat est une sorte de confusion stérile – un peu comme la façon de se vouloir odieuse et réjouissante de cette fin ; c’est abusif (à l’égard de ce niais) et bête (mais pas forcément davantage que ces trahisons à répétition), en plus de donner l’impression d’espérer nous prendre à parti (or à tous les degrés ni lui ni elles ne ‘méritent’ quoique ce soit, ne serait-ce qu’une franche sympathie ou de l’estime pour leur ‘joli coup’). Ce film est une émanation de l’étrange carrière de Roland Joffé (qui a démarré avec Killing Fields puis Mission), à l’époque où commence à se dessiner la tangente qui s’est soldée par Captivity en 2007. (56)

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Mini-Critiques : 15ou2020-3, 14ou2020-2, 13ou2020-1, 12ou2019-3, 11ou2019-2, 10ou2019-1, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

Mini Courts : 3, 2, 1

Mini Revus : 2ou2020, 1

Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1

LE JUGE ET L’ASSASSIN **

17 Mar

2sur5  Après Que la fête commence, Tavernier aborde à nouveau l’Histoire de France ; d’une manière autrement originale, bien plus affectée. Le Juge et l’assassin est inspiré de la cavale et de l’arrestation de Joseph Vacher, le ‘Jack l’éventreur’ français. Son exécution en 1898 a interrogée rétrospectivement la responsabilité pénale des ‘infirmes’ mentaux. Tavernier apporte une vision très personnelle sur cette affaire et lui donne une portée bien plus large. La traque et le jugement subis par Bouvier (l’équivalent de Vacher) reflètent une justice de classe, où le ‘fou’ ne bénéficie pas des circonstances atténuantes induites par la démence.

Plutôt que recevoir la clémence, il devient un bouc-émissaire de la bourgeoisie et un paratonnerre des mauvaises passions de la populace (affichée seulement à l’exécution, figurante à la messe). Tavernier montre le cynisme de cette bourgeoisie et en fait trop ; trop de parti-pris, trop de bien-penseance. Le Juge et l’assassin clame une conscience politique exubérante, lourdingue dans le sens où elle se pose avec de grands effets mais jamais ne se justifie ; au mieux elle argumente à grands coups d’émotions. Il n’y a pas d’approfondissement, juste une façon de brailler très chorégraphiée ; et une fluidité, une qualité picturale, alors nouvelles chez Tavernier (Que la fête commence jouait sur un côté plus terre-à-terre et ‘work in progress’), laissant apercevoir ici sa fibre impressionniste.

Bouvier est fait martyr. Son activisme meurtrier n’est jamais explicitement nié, mais cette portion est éludée, au point que Le Juge et l’assassin devient une espèce de tour de magie obscène sitôt qu’on en revient à la racine du problème : nous avons à faire à un tueur et il faut voir au-delà, quitte à l’oublier. Ce n’est pas un ‘jeu de dupes’ dans le sens où Tavernier avancerait de manière fourbe : il expose ouvertement sa vision, on ne peut lui l’enlever. Toujours est-il qu’à force de ne rien montrer de son parcours d’assassin et de le citer en faisant toujours planer des doutes, cette facette devient irréelle, presque inventée par la société ; en face, la société bourgeoise répressive a toute lattitude pour faire le mal et l’inique, en ponctuant chaque élément de la réalité de petites saillies pleines de fiel. Elle s’applique au grand jour. Bouvier est si loin ; sa malice et sa spontanéité sont mises en exergue, sa truculence et son intuition sont de plus canalisées par un (‘bon’) sens politique (et un dévouement mystique sincère et tragique).

C’est « l’anarchiste de Dieu » contre les bourgeois, les riches, les chrétiens. Il crache beaucoup de mots, parfois ses logorrhées sont un peu bêtes ; à un moment, à force de vomir l’ordre établi pris dans son essence la plus triviale, ça devient redondant. Le Juge et l’assassin se rapproche du Larry Flint de Forman. Contrairement à cette infâme chronique de pleureuse sur un industriel du porno, le film de Tavernier a pour lui une conscience éthique et une part de lucidité sur son sujet. Il sait ordonner sa charge et charger sa cible avec intelligence ; la pression sur le juge est structurelle, les antagonistes sont blâmés avec adresse et gardent un visage humain, ce sont des connards mais pas encore des héros de cartoon : Le Juge et l’assassin en fait des tonnes mais sonne concret. De plus Tavernier emploie des chiffres édifiants lors de son panneau final et la subjectivité du lien qu’il opère en sort gagnante (alors qu’il ne cite pas de sources).

Le pauvre petit tueur désargenté donne la clé avec cette phrase : « il vaut mieux être éventreur que faire des éventreurs ». Bouvier tue mais c’est encore avec ses petits moyens d’humain ; la machine institutionnelle broie bien plus de vies et met des assassins plus fringants loin de leurs actions. Eux n’ont pas de problèmes de conscience et ne se salissent pas les mains, mais ils sont autrement efficaces. Dire tout cela ce n’est pas affabuler, mais les coupables mis en avant sont-ils les bons ou même sont-ils ‘ça’ ? D’ailleurs l’humanisme de Tavernier s’exprime par rapport au vilain ordre social d’hier et autorise peu de parallèles avec le présent du film – à moins que la société sous Pompidou (visée au premier degré dans L’Horloger de Saint-Paul) soit à ce point sournoise et l’homme moyen sous ce régime corrompu.

Ensuite, il faut toujours que Tavernier ajoute des ombres supplémentaires au tableau et trouve matière à faire passer une cohorte de détails qui, à moins d’être assez inculte, est étourdissante de culot et de partialité. On se lamente à plusieurs reprises sur l’incompréhension dont souffrent les francs-maçons ou les Juifs, auprès desquels la bourgeoisie catholique soulage ses vicissitudes, voire les projettent. On cite Maurras de façon bien unilatérale, par la bouche d’un Brialy grimé en petit démon sophistiqué, Méphistophélès royaliste incarnant le système dans toute sa fourbe intelligence. L’affaire Dreyfus est instrumentalisée de manière mensongère : sur ce point là c’est de la désinformation catégorique. On fait porter à la mère du Juge tous les maux de la Terre ; c’est la collaboratrice des dominants, la dame patronnesse cruelle et surtout, c’est la religion hypocrite personnifiée.

D’ailleurs on souligne naturellement qu’à Lourdes les gens ont l’air plus hypocrites (cela se voit sans doute à leur nez ?). Lorsque les détails des crimes sont énumérés, madame est vigilante, n’oublie jamais de citer une « sodomie » (quelle vicieuse !) ; mais elle s’offusque lorsqu’on cite Lourdes (tout de même ! Pas là-bas ! Ce tueur n’a aucune décence !). Sa relation avec son fils est bizarre, mais la définition reste gardée à distance. Là encore Tavernier arrive à se raccrocher à un semblant d’équilibre, grâce à sa direction d’acteurs et sa compassion (voulue au minimum) pour les personnages, même ceux qu’il pourfend à un degré moral ou idéologique. Si toute cette lecture consterne, mais qu’on est tolérant, c’est-à-dire laxiste ; ce talent permet au film de se racheter ; tout comme l’originalité évidente du métrage le rend attractif en dépit de ce qu’il répand.

La prestation de Galabru à elle seule est une réussite ; Tavernier a eu une idée géniale en détournant cet acteur de comédies troupières minables. Jouet d’un destin social macabre, déformé par l’asile et les mauvais traitements, ce cheminot cultivé mais animal est un personnage singulier, à défaut d’avoir une quelconque noblesse et de savoir renouveler ses apostrophes. Galabru trouve probablement le rôle le plus passionnant de sa carrière ; et peut-être aussi le plus réfléchi (à défaut d’être honnête). Après tout sa grossièreté correspond bien au film, emballant avec force et sophistication un discours démagogue et irresponsable ; tout en ne disant pas grand chose des conditions vie pour les exclus de l’époque. Tout ce que fait Tavernier là-dessus, c’est montrer les enfants que les religieux laissent agoniser ; et crier à la Commune pour refermer son film, avec Rose (Isabelle Huppert) soudainement prolo du fond du cœur.

Note globale 49

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Garde à vue + Dupont Lajoie + Manon des Sources + Buffet froid + Série noire + Le dernier métro + Le vieux fusil + L’armée des ombres + La nuit du chasseur + La Haine

Scénario & Ecriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (4), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (1), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

Note ajustée de 49 à 48 suite aux modifications de la grille de notation.

Voir l’index cinéma de Zogarok

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MINI 13 ou 2020-1

2 Mar

Gatsby le magnifique ** (USA 1974) : Une des deux principales adaptations du roman de Fitzgerald, avec celle de Lhurman en 2013 qui ne m’a pas attiré. Propre, éventuellement captivant à certains endroits quand on sent l’envie ou l’opportunité de le regarder autrement qu’en dilettante. On aurait peut-être pas gagné grand chose à condenser la séance en 1h40 au lieu de 2h25, mais on y perdait certainement rien. (58)

Le tailleur de Panama ** (USA 2001) : Éclatant comme d’habitude avec Boorman, mais désespérément inintéressant, sauf pris scène par scène et sans souci de continuité. Léger assurément, drôle difficilement. On sourit, on s’ennuie. Rien à reprocher au casting ou à la technique, ni aux dialogues hormis leur proportion excessive. (48)

A couteaux tirés ** (USA 2019) : Quatrième film que je vois cette année et premier issu de la précédente (le premier de 2020 sera Les vétos) ; vu en salle (bondée et réceptive, au moins à l’humour) au début de sa sixième semaine. Même si la séance et le casting sont agréables, je ne suis pas convaincu et préfère finalement la série télé Les enquêtes d’Agatha Christie sur France2, du moins la seconde saison dont j’ai vu plusieurs morceaux. Dès que l’enrobage a finit de produire son effet, À couteaux tirés s’avère pauvre, avec pour sa défense qu’une mécanique ironiquement prévisible et simpliste. Il monte des trucs qu’il va dégonfler ensuite (la coolitude de Captain Evans) et effectivement, il va surprendre, c’est promis – il prend à revers, toujours – et toujours comme convenu. Il faut être attentif et ne pas trop écouter ni se laisser happer par les gens et alors on a quadrillé le terrain comme le ferait le spectateur d’une vieille série télé policière aux recettes usées. Si on vise l’endroit où ‘on’ doit atterrir, comme le suggère Benoit Blanc, on voit tout venir ; seulement on emprunte des routes ou cumule des anecdotes qui n’ont pas de raison d’être devinées – rien ne peut prédire qu’il y aura une course-poursuite essoufflée par exemple. Comme lui, on repère un détail et rien ne sera surprenant [mamie croyant voir Ransom], ou seulement des détails en chemin (que les manipulations fonctionnent et durent, par exemple). Que le style soit aussi criard est donc une bonne chose pour passer sans s’ennuyer la séance. Je préfère de loin Wedding Nightmare, film d’horreur de l’an dernier, plus adolescent et différemment outrancier, où on trouvait une héroïne dans une configuration similaire. (52)

True Grit / 100 dollars pour un shériff ** (USA 1969) : Beaux décors naturels. Le garçon manqué a joué 26 ans plus tard dans Halloween VI. Quelques détails ou répliques de temps à autres pour arracher à l’ennui (comme une chute dans une fosse à serpent au milieu d’une interminable confrontation). C’est assez mou et sans grand attrait à mes yeux, comme l’ensemble des quelques films signés Hathaway que j’ai vus jusqu’ici ; peut-être plus sobre [ou moins ouvertement mielleux] et démesurément bavard. Les deux partenaires principaux sont trop faux (des durs de soap sous un emballage vieillot) et leur duo laborieux. Qu’une fille garçon manquée soit en tête d’affiche et que les Coen aient fait un remake (True Grit) est tout ce qui tire ce western de l’oubli et l’insignifiance – même si à l’époque ce film a connu un beau retentissement (le seul Oscar attribué à Wayne, des suites télé). (54)

Deux jours une nuit * (Belgique 2014) : Une esthétique pauvre et débile pour compenser une écriture lamentable et un discours de tract courant après les grands. Toujours les mêmes scènes pendant une heure, chialeuses malgré le semblant de sobriété et proches du reportage irrégulier sous le verni du pseudo-réalisme. Ensuite deux types osent des percées amusantes voire gentiment grotesques – on aperçoit une sous-intrigue immédiatement résolue (la femme lâche son macho), du reste rien ne naît, même au niveau du couple de Sandra/Cotillard. J’ai succombé à Gloria Mundi (en découvrant Guédiguian, maintenant les frères Dardenne – marge d’erreur : un oubli envisageable) mais ici la répartition des rôles et des taches est atrocement sommaire. Et surtout les personnages sont trop nuls, au point où on a pas l’occasion de savoir s’ils sont cons – ou quoique ce soit. Dès que le film essaie de faire autre chose que coller aux basques de la démarcheuse, il est navrant – la scène musicale en voiture fait pitié (quoique la fin soit.. renversante..), heureusement pour ce film les émotions suscitées voire ‘suscitables’ sont faibles ; le mépris pour ce pauvre numéro paraît encore trop intense. L’espèce de décontraction téléfilmesque rend la séance moins exaspérante qu’une orchestrée par Loach ou un autre spécialiste très sérieux et affecté de la misère ouvrière. C’était donc fort pourri, à en regretter Louise Wimmer, comparativement plein de panache, d’espoir authentique et de variété. (28)

Houseboat/La péniche du bonheur ** (USA 1958) : Une de ces comédies sentimentales avec romance et contrariétés sans incidences, où des bourgeois s’encanaillent avec bonne volonté jusqu’à l’inéluctable fin de recré. Mais si le scénario est juste décent, les dialogues sont bons, souvent drôles, dominant la niaiserie de leurs sujets (bien que la VF en rajoute dans le mielleux, avec les voix compassées des dames soignées). Dans l’absolu c’est du niveau de frontalité d’une comédie douce, mais dans le domaine c’est déjà assez franc quant aux motivations et préoccupations de sa faune humaine. Le casting est bon et le duo principal fonctionne ‘merveilleusement’. Par contre Sophia Loren est sur-maquillée à l’occasion et son personnage de Madame Sans-Gêne bien qu’encore plus con était aussi plus libre. (56)

Tarzan trouve un fils ** (USA/UK 1939) : Beaucoup de mouvements, de personnages, d’animaux et de trucs outranciers ou délicieusement datés (comme nous en averti Arte, grande adepte du politiquement correct) ; pourtant c’est difficilement captivant, faute d’écriture sérieuse ou d’enjeux solides. Issu de la franchise des années 1930-40 où Johnny Weissmuller interprète le personnage. Premier exemplaire à me passer sous les yeux ; j’ai par contre vu et aimé Greystoke avec Lambert (1984). (48)

Indiscret ** (USA 1958) : Aimable grâce aux principaux intéressés, mais gentiment bête et trop léger pour tenir sur la durée. Le luxe et la célébrité amènent un enfermement supplémentaire à un petit manège qui n’a pas tellement sa place hors du théâtre, si ce n’est pour afficher quelques décors pimpants et une balade dans les rues de Londres. Quand la romance s’engage tout semble fini et les modestes qualités d’écriture sont prostituées ; dans la dernière ligne droite une petite révélation apportera du piment – mais aussi des dialogues de grosse comédie de boulevard, plus ou moins heureux ou délicieusement caricaturaux (« I don’t need.. »). Les personnages secondaires meublent décemment et compensent même, par leur lourdeur assurée et leurs traits exacerbés, le décalage sensible entre Bergman et l’ambiance voire envers son personnage – tandis que Cary Grant se traîne paisiblement, en expert. (44)

The Old Man & the Gun ** (USA 2018) : Balade avec des gens au soir de leur vie. Pas le niveau déjà modeste de nervosité de la Mule d’Eastwood. De bons dialogues, effets triviaux avec les répétitions et les signes de coolitude fatigué. Un film représentatif de l’extinction des fantasmes de liberté de l’âge des ‘boomers’ (un passage avant le sursaut ultime rappelle Seuls sont les indomptés). (58)

Cahill U.S. Marshal / Les cordes de la potence ** (USA 1973) : Nous invite à pardonner au papa qui a failli tout en recomposant la famille et ramenant la confiance pour un papa réhabilité et volontaire dans ses fonctions. Essaie très fort d’être grave et intense, n’avance à rien et reste aussi niais que la concurrence. John Wayne se rapproche de Trump par son maquillage mais s’en écarte par la largeur d’esprit. Attention la date de production du film peut surprendre – malgré quelques détails un peu durs ou crus comme la mort d’un proche, on croyait voir un film des années 1950. (46)

Suggestions : Le grand McLintock, Rio Bravo.

The Man from beyond / L’homme de l’au-delà ** (USA 1922) : Où Harry Houdini s’essaie au cinéma (comme acteur, scénariste et producteur), bien que la réalisation incombe à un autre. Laborieux et lent même relativement à l’époque. Décousu et fumeux en bonus. Au moins ce n’est pas tiède ni trop laid, c’est techniquement plus que décent, mais rien n’inspire trop le sérieux ou le respect – scénario bancal et faible, acteurs livrés à eux-mêmes, dialogues et thèses foireux. Les envolées spirituelles suggérées (et pas les pérégrinations romantiques) sont le seul point où l’originalité se concrétise. Mais des courts plus ou moins fantaisistes avaient déjà poussé bien plus loin et fourni mieux, ne serait-ce que parmi les bricolages de Méliès ; en revanche j’ignore à quel point l’idée de cryonie était neuve. À ma connaissance elle n’a pas tenu une place centrale [au cinéma], sinon marqué personne, avant Hibernatus. (44)

4.500e film enregistré sur SC (vs 4.819 musiques, 317 livres, 264 séries, 199 bd, 68 jeux vidéo).

Un homme idéal ** (France 2015) : Du genre explicite, avec du ‘gros’ et des invraisemblances en abondance. Prend un tour stressant bien qu’on perde estime pour Antoine, car il enchaîne actions irréfléchies. C’est toujours bon de nous mettre du côté d’un irrécupérable qui le mérite mais qui souffre, ça fonctionne cette fois encore. Mais même en fermant les yeux sur les largesses que s’accorde le film, il est encore trop attentiste sur le développement des personnages. Que tous soient des potiches-obstacles autour de lui a du sens dans la mesure où on épouse son point de vue, mais participe à délégitimer le scénario. Le rythme lui est bon, même les gens qui n’aimeront pas voire railleront le film devraient le suivre sans trop s’ennuyer. (56)

Suggestions… Dexter (série), Five, Plein soleil, L’homme qui voulait vivre sa vie, Le témoin du mal.

Octopussy ** (UK 1983) : Avant-dernier James Bond avec Roger Moore. Un des sommets de la franchise en termes d’exploitation féminine (à proximité d’On ne vit que deux fois). Plus franchement divertissant et comique que son prédécesseur, assez proche de Dangereusement vôtre au niveau de l’entertainment débridé (avec encore trop de ces sous-intrigues ou justifications parallèles qui nuiront au climat de Permis de tuer) ; mais bizarrement le coup de mou du dernier acte peut être plus nocif que celui de Rien que pour vos yeux, où les cascades et déambulations maritimes sans humour assuraient autrement l’ambiance. Bon lot de pitreries et d’aberrations charmantes. Des scènes avec les animaux choqués lors des furies ‘automobiles’ – comme dans Moonraker, mais plus appuyé et moins phénoménal ; le filon serait-il trop bon et trop con ? (62)

Grâce à ces deux derniers films le nombre de notés 6 et 7 sur mon profil SC s’égalise (916 notes/3.850 parmi 4.510 films enregistrés – courts & longs indifférenciés sur la BDD) et probablement se croise (au bénéfice du 6).

Psychobitch ** (Norvège 2019) : Diffusé en France grâce à Arte en janvier 2020, l’année d’avant a parcouru les festivals en Europe de l’Est et en Turquie. Du goût pour le trivial – passages dans les chiottes. Musique pleine de trucs gênants pour femelles déterminées de supermarché. (62)

The party * (UK 2017) : Casting alléchant, choix lénifiants, résultats atterrants. Le film se veut acerbe mais est niaiseux comme un spectacle d’humour moyen et cliché comme une comédie de boulevard pour avinés – sans en avoir la lourdeur efficace. Les vices de chacun sont excessifs, les portraits unilatéraux et simplistes, les situations laborieuses et, c’est le plus immédiatement nocif, la progression narrative quasi nulle. Le noir et blanc est une caricature (inepte mais nécessaire) de cache-misère. La VF enfonce, spécialement pour les femmes – largement majoritaires. Bien sûr le personnage de Patricia Clarckson est un peu amusant, mais même lui est paresseusement et bêtement conçu. (34)

Suggestions… La communauté, Carnage.

L’union sacrée * (France 1989) : Bien sûr un peu ringard mais pas si cruellement ‘vieilli’ quand on le trouve trente ans après. Polar pas loin d’être aussi invraisemblable qu’une grosse comédie des années à venir type Les anges gardiens, pas tant à cause du déroulement que de données inconsistantes – comme le cas du ‘harki’ joué par Richard Berry. La famille prend trop de place, comme le reste des éléments mielleux. Pourtant les faiblesses de l’intrigue restent nues et le temps long. Bande-son typée et agréable mais pas nécessairement adéquate. Marqueurs politiques limpides avec piteux laius à teneur maximale en ‘padamalgam’ (les musulmans normaux et laïcisés au moins visuellement VS les terroristes lapidant la ‘street credibility’ de la community). L’annotation accompagnant (pour la condamner) la vengeance clôturant le film prête à sourire. (38)

Ça reste entre nous * (France 1998) : S’affale complètement à partir du départ de Maurice puis se termine de façon aberrante, en ratant tout le dévoilement. Des choses très bizarres, au minimum des raccords douteux, sinon des oublis. (36)

Das kalte Herz / Cœur de pierre *** (Allemagne 2016) : Une œuvre de fantasy parfois proche du ‘light’ et de l’esprit hobbit mais plus largement ‘dark’ et dans la rêverie nostalgique. Basé sur Le cœur froid (1827) du romantique Wilhelm Hauff, le film interpelle d’abord par ses qualités esthétiques (maquillages, costumes honorant l’environnement au sens large). La morale finit par l’emporter, heureusement sans rien sacrifier du conte de fées ; tout de même, dans la dernière partie la leçon trop de place et renforce la manie du film de revenir à l’évidence sur un plan narratif. L’optimisme est excessif puisque tout finit réparé mais on est moins dans la niaiserie que dans une espèce de reflet ‘magique’ de la maturité. Ce qu’on peut aussi reprocher mais m’a peu dérangé, c’est des effets parfois cheap, notamment lors de la scène du chien, avec le forçage et les contrechamps laborieux pour tenter de nous faire avaler son gigantisme. Malgré ses petits défauts ou ses normalisations exagérées, ce film reste un joli et bon moment à passer, avec une remarquable capacité à encaisser [gracieusement] le ridicule et animer une histoire prévisible. (66)

Suggestions… Les frères Grimm, Cœur de verre/Herzog, Le vampire et le sang des vierges, Wolfskinder/Les enfants-loups.

The Cider house rules / L’œuvre de Dieu la part du diable ** (USA 1999) : Mielleux et pas trop niaiseux malgré son allure. Enfin, ça l’est suffisamment pour éviter d’aborder la dureté des éléments cruciaux, soit l’avortement, l’abandon et la mort d’enfants. Une œuvre d’optimistes sucrant la réalité, mais sachant ‘parenter’ sans étouffer. Du cinéma signé Hallstrom j’avais relativement apprécié ses deux films centrés sur un chien (Hatchi et Mes vies de chien) et je me souviens seulement avoir été excédé par son Chocolat. (46)

Jabberwocky ** (UK 1977) : Il est difficile d’être un dieu (haut) en couleur et sans la branlette snobinarde. Une satire pas absolument débile mais quand même bien creuse, par Terry Gilliam lentement en train de s’autonomiser des Monthy Python (deux des membres sont encore dans ce projet). Son style est déjà manifeste : surchargé, alternativement dynamique et rabougri, hystérique et inepte à terme, comme le seront nombre de ses films à venir même excellents ‘en moyenne’ (L’armée des 12 singes est hors-catégorie). Pince-sans-rire même dans le potache et naturellement deux fois trop long. Des plans intéressants dignes d’Evil Dead et même quelques vues subjectives typiques du slasher à l’avènement imminent. La créature viendra pour trois des dix dernières minutes mais c’est la plus grosse blague ; pour le reste, le film passe par divers niveaux mais souvent n’est pas si dégueulasse malgré sa préférence pour la gaudriole – et bien qu’on patauge de A à Z dans la crasse, physique ou morale. Un autre film s’est basé sur le poème de Lewis Caroll : le court Jabberwocky de Svankmajer. (54)

Suggestions… Le jardin des délices/Saura, La compagnie des loups, Le roi et l’oiseau.

La religieuse ** (France 2013) : Plus gracieux que les autres films de Guillaume Nicloux (auteur des très cools mais bien moches Thalasso et L’enlèvement de Houellebecq) mais pas nécessairement moins plat (que Valley of Love). Cette adaptation de Diderot ne vaut pas celle de Rivette mais confirme la force de l’histoire. L’institution catholique n’est pas attaquée ni profondément traitée ; on est plutôt dans la complaisance envers le matériau comme le sujet, avec la beauté des chants au début et le défilé de mauvaises fréquentations forcées. Perd sur tous les plans aux abords de l’arrivée de la sœur lesbienne campée par Huppert. Sa contribution ne fait que rendre la séance plus pathétique et froide, sa passion en échec reflète la raideur émotionnelle du film. La fin abrupte est doublement significative : on ne prend pas le matériau à bras le corps et on ne veut surtout pas retourner vers la société commune, vers ‘les gens’ ordinaires, afin d’éviter de blâmer qui que ce soit ou quelque classe que ce soit. (52)

OSS 117 n’est pas mort * (France 1956) : Premier film OSS 117, une adaptation plus sérieuse mais à peine moins ennuyeuse, laissant de côté les détails loufoques – qu’elle ne peut se permettre, comme les micro-films cachés dans les dents (remplacées par un vulgaire sonotone), ou n’ose, comme une bagarre saignante en ouverture. À la place, essaie de paraître comme un film noir léger, mais fait trop de manières sans avoir l’équipement nécessaire. Les appréciations souvent crues et bêtes, quelquefois croustillantes, disparaissent au bénéfice de petits blablas poseurs d’époque – même pas des laïus. Au moins ils ont le mérite d’être souvent directs et efficaces. Un film pas dégueulasse (par sa réalisation comme par ses interprètes) mais étriqué sur tous les plans et insipide. (36)

A Testrol és Lelekrol / Corps et âme ** (Hongrie 2017) : Une jolie idée, un premier tiers parfois amusant ou vaguement percutant (la descente à l’abattoir, l’entretien d’embauche) et une vision souvent désuète des individus (le regard du film se confond avec celui du directeur, paternaliste demi-impuissant et soporifique avec une tendance à s’enfler injustement cautionnée). La femme est un cas intéressant puisque bloquée dans l’ensemble son développement émotionnel. Le film est gratuitement crade et provocateur en dernière partie – on se coltine le souffle insupportable du mec de 50 en train de poutrer à vitesse et ampleur d’escargot l’autiste de 30. Finalement c’était un simple film sentimental et terre-à-terre pompeusement emballé. (52)

Herrliche zeiten / Le temps des seigneurs *** (Allemagne 2018) : Sans doute un peu lourd (comme toute satire) mais ne se tasse pas sur un point de vue, une thèse, ou même le fil prévu. Avec un des héros de Dark en principal intéressé. (74)

Suggestions… Chien, Les vestiges du jour, Paradis amour, Parasite.

Rio Grande ** (USA 1950) : Un film bien armé mais où les multiples chants (une curiosité dans le western, peut-être moins à l’époque ?) et les nombreuses gesticulations compensent une incapacité à faire décoller le scénario et les personnages d’une toute petite coquille. C’est de toutes façons trop proche du film de propagande ou d’hypnotisés pour apporter quoi que ce soit de consistant (sur l’amour filial, sur cette aventure en particulier ou le rapport aux autochtones) – et c’est trop doux et respectueux pour interpeller ou sérieusement divertir en-dehors des proches ou initiés. Puis John Wayne avant d’être vieux est tellement fadasse qu’on l’ignorerait face à ses camarades si les studios n’avaient pas décidé de le mettre au centre ; Gabin au même âge était généralement plus charismatique et taillé pour jouer le patriarche. (48)

MINI CRITIQUES REVUS (1)

5 Fév

Tous les films que j’ai vu depuis que j’ai ce blog (donc un an et demi avant Sens Critique), notés en-dessous de 9, qui n’avaient pas eu les honneurs de critiques. Pour certains elle restera envisageable (des films marquants ou importants, de quelque manière), mais ils sont une petite portion.

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8 et demi *** (1963) : Auto-analyse de Fellini, projeté dans le réalisateur dépressif interprété par Marcello Maistroianni. Cet opus est très proche de La Dolce Vita (le tournant subjectiviste de sa carrière), avec le même type d’humanité : des membres de la haute société, celle du luxe et pas concernée par les responsabilités, jamais étouffée par le devoir ou la conscience.

Pendant deux heures en noir et blanc Marcello/Fellini déambule entre sa réalité et ses fantasmes. Ses rêveries ont une orientation nostalgique et souvent érotique. Sa femme (à lunettes) n’a que des interventions pesantes, elle lui ressemble peut-être trop et n’apporte ni plaisir ni réconfort – c’est un repère désuet. Elle forme un contraste avec le harem largement imaginaire (parce que peu vécu et à tout juste articulé mentalement comme tel) de son mari.

Fellini démontre un art du clip et de la fantasmagorie ‘adulte’ notamment au début, avec la scène d’ouverture et celle en musique autour de la réception d’aristos. Le film contient quelques moments de génie très ‘publicitaires’. Son visuel magnifique a sûrement été pris régulièrement comme modèle, dans les arts liés à la photographie. Les dialogues fourmillent de fulgurances sarcastiques ou spirituelles. Les amateurs de Barbare Steele la verront heureuse de prendre des coups de fouets – le cadre a changé mais son personnage a bien été importé. (64)

Vu le 6 août 2015 et revu sur Mubi le 30 septembre 2017.

Ça – Il est revenu ** (1990) : Téléfilm en deux parties ou ‘film’ de trois heures. J’en avais vu les premières minutes (ainsi que d’autres bouts), desservies par l’interprétation féminine. La mise en scène est lourde et efficace, expéditive et proche du grotesque dans les moments cruciaux. C’est loin d’être l’incurie sur le plan horrifique ou des idées photographiques (Tommy Lee Wallace était déjà la réalisateur d’Halloween III et Vampire vous avez dit vampire). En revanche le film manque d’épaisseur, de fluidité dans les relations. Il peut être une bonne expérience pour les enfants et notamment pour un premier film d’horreur. (54)

Vu des morceaux de la première moitié à la télévision vers 2008.

Les Anges gardiens ** (1995) : Comédie hystérique, avec Depardieu/Clavier dans un double-cabotinage ; plein d’ellipses au risque de l’absurde (une des fins les plus précipitées), du Poiré. Avec un bêtisier médiocre à la fin. J’aime même si c’est fait à l’arrache et sûrement prémédité au minimum possible. Si vous adhérez à un tel truc, essayez Les Gaous (qui pousse le bordel épileptique à un niveau ‘inédit’) ou La Vengeance d’une blonde (meilleur). (62)

Vu une fois enfant, revu en 2017.

Les délices de Tokyo * (2015) : Avec Les filles du Moyen Age, c’est un des deux films que j’ai vus dans l’année (fin décembre) mais pas critiqué (faisant de 2016 la première et seule année où je n’ai pas tenu le principe). Un troisième film entrait dans cette catégorie, mais je ne l’avais pas terminé : le coréen The Strangers.

Bien que le départ soit relativement encourageant, je confirme ma non-adhésion à ce film. Et la note si basse qui par rapport aux moyennes a l’air d’une provocation, ce qui me dépasse d’autant plus que, si je ressens du négatif envers ce film, je ressens surtout peu de choses. (32)

Vu en VOST le 26 décembre 2016, revu en VF en mai 2018.

L’empire des sens ** (Japon 1976) : Présenté dans une version restaurée en 2016. Aucunement excitant et plutôt répugnant dans ses scènes explicites (entre les micro-pénis et les touffes du passé). J’avais trouvé l’approche triviale malgré un côté pompeux, c’est confirmé. Depuis heureusement j’ai découvert Tabou (et Il est mort après la guerre).

La seule scène un peu satisfaisante et plaisante est celle où une fille, tenue par plusieurs autres, se fait enfiler un oiseau en bois (juste avant la danse de Gangnam Style version papy à l’EHPAD). Concernant la passion même charnelle et plus encore les sentiments, ce film manque d’authenticité et d’intensité, jusqu’à ce qu’il ait tout déblayé autour du couple (donc quasiment jusqu’à cette mise à mort interminable). L’espace est alors trop étroit pour que la psychologie soit encore intéressante, mais les acteurs paraissent crédibles et la volonté de madame l’est certainement.

C’est bien un porno chic, enrobé par un halo de subversion et des moyens inimaginables pour un film ‘bis/Z’ ou ‘d’exploitation’ normal. Évidemment c’est devenu ringard puisqu’il n’y a plus grand chose à subvertir depuis les années 1990-2000 (en tout cas au niveau de ces choses ‘naturelles’ et accessibles au moins en esprit et en théorie par chacun), il ne nous reste alors plus qu’à constater la mollesse de la séance, les béances du scénario, le manque de tenue – sauf sur les divers plans techniques. (56)

Vu une fois vers 2008, revu en juin 2018 sur MUBI.

Tenue de soirée *** (France 1986) : Changement d’avis, même si Buffet froid et Les valseuses planeront toujours au-dessus. Film imprévisible et grotesque, avec des omissions considérables et un dernier tiers rendu plus loin qu’en roue libre. La façon dont Michel Blanc est considéré doit être le plus drôle car le plus déroutant – quelque soit les goûts de l’observateur, son personnage n’est pas ‘beau’. L’évolution des individus est ridicule, leurs aventures invraisemblables, les deux sont jubilatoires. Dialogues et acteurs excellents. Un brillant nanar et une formidable comédie, un parfait film pour alcooliques, conçu manifestement à l’arrache ou avec une certaine négligence pour la charpente. Aussi un film remarquable sur le cocufiage et ses variétés. (72)

Vu (incomplet) une fois vers 2009, revu en août 2018.

Cendrillon **** (U 1950) : J’avais mis 7 à mon arrivée sur SC, partagé entre enthousiasme et scepticisme fondés sur des estimations lointaines. J’aime effectivement, suis probablement plus sensible aujourd’hui au mauvais chat, plus enclin à aimer les souris et les petits animaux, mais la grosse souris maladroite est toujours aussi répugnante – je souhaitais sa mort bien que ce ne soit pas dans l’esprit de Disney.

Le culte du prince charmant, l’éloge des petites filles sages et pures sont bien là et pratiqués à fond ; si le premier mérite effectivement révision, le second n’est pas si horrible – la morale de Cendrillon a ses vertus. Sauf sur cette rêverie de fille à marier, mais sur ce plan les ratés sont constants : dans La Valse dans l’ombre comme dans Blanche-Neige, les ‘princes charmants’ sont des êtres vides, sans charisme sinon celui d’une publicité pour l’hygiène. La prise en puissance de l’ex-petite fille, sa maturation sans compromissions, est aussi un motif récurrent mais ne me semble pas un problème – qu’il en soit un pour celles pétries de regrets de s’être trop ou trop vite souillées, pour celles qui n’auraient pu l’être comme elles le souhaitaient ou pour leurs complices masculins, c’est tout naturel.

Sinon le film est plein de détails charmants et marquants. Sa niaiserie est gracieuse. Les chants de souris en font les ancêtres des Chimpmunks. C’est le point le plus innocent du film, car sa morale effectivement n’est peut-être pas géniale pour les enfants (sans qu’elle soit déroutante comme celle de Peter Pan), car s’en remettant quasiment à la chance, le développement du charme personnel et la ‘magie’ pour sortir de la misère – en même temps, les enfants n’ont pas besoin d’être progressistes et de prendre du recul sur tous leurs fantasmes, pas en esprit du moins. (82)

Vu plusieurs fois enfant, revu en décembre 2018.

Peter Pan **** (U 1953) : Vu une fois enfant, j’avais moins aimé le début dans la réalité et n’en conservais aucun souvenir clair. De nombreux détails me sont parus familiers (la fée enfermée, la capture via les sapins). Représentation remarquable et amorale de l’évasion et de l’imagination, capable de parler aux enfants sans les tenir enfoncés dans la niaiserie habituelle (même si la gamine ‘responsable’ et aimante conserve un peu d’ancrage et de repères). Les enfants méritent de voir un tel Disney plutôt que la majorité de ses alter-egos (trop restrictifs) et de ses descendants (trop criards et débiles). (8)

Vu une fois enfant, vers huit ans, (re)découvert en décembre 2018.

Les Aristochats **** (U 1970) : Un excellent Disney, où le cadre est souvent plus intéressant que le sujet (les chats). Le Paris des années 1890-1910, les virées burlesques, les rencontres (avec les oies) rendent l’ambiance charmante. Beaucoup de scènes burlesques remarquables, principalement autour des deux chiens et d’Edgar. Dialogues relativement bien écrits, même si peu sont mémorables (contrairement à Blanche-Neige, Le Roi Lion ou au Livre de la Jungle, mais à l’instar de Robin des Bois ou même Cendrillon). Toujours peu fan du passage sous les toits de Paris et peu sensible à ces chats bohémiens. (8)

Vu peut-être plusieurs fois enfant, revu en décembre.

Independance Day ** (USA 1996) : J’y avais jeté un œil plus que véritablement ou intégralement regardé. Les effets spéciaux sont d’un niveau maximal pour l’époque, comme les meilleurs de Star Wars Phantom sorti trois ans après et également produit par la 20th Century Fox. Les aspects mélo sont ni brillants ni affligeants. Mais combiné au patriotisme et aux échauffements de la dernière riposte, ils multiplient les longueurs. Le véritable problème de ce film me semble donc être cette dernière partie et tout l’ennui précédant la grande attaque. Elle-même en sort gâchée, tandis que le quota de bêtises ‘l’air de rien’ et des autres défauts sont exacerbés – le président devient grotesque, heureusement le mec avec la VF de South Park a le bon goût de bien torpiller l’emphase du délire. Des trucs un peu niaiseux ou invraisemblables, comme prévu, pas dans des proportions atypiques ni trop choquantes. Les péquenauds sont plus cools et musclés que dans Mars Attacks où ils sont transformés en beaufs à la Deschiens. Le président est un tocard pendant les deux tiers au moins – son administration en sait voire en peut davantage. Ceux qui dénoncent sa sanctification supposée ne sont pas au clair – il n’y a que sa virée finale pour véritablement le flatter, pour le reste c’est un membre de la team America comme un autre – c’est bien cette normalisation du personnage qui devrait plutôt être questionnée. (54)

Vu une fois partiellement il y a une quinzaine d’années, revu en avril 2019.

Violette Nozière ** (France 1978) : Une ado de 18 ans jouée par une actrice de 26 comme dans les fictions au campus dans les années 1990. N’étais plus sûr de l’avoir vu et sûr de l’avoir vu superficiellement, confusion possible avec Une affaire de femmes. Pas étonnant tant le point de vue est attentiste, la séance presque contemplative : Chabrol ne sait pas couper ni hiérarchiser. Le père semble mal relié à sa fille, le choix de Carmet et Huppert après Dupont Lajoie où il violait ne saurait être innocent ; mais même dans les relations tout reste bien flou, on en connaît la nature qu’aux deux tiers au maximum, pour certains cas (l’amant), pas même la moitié pour les parents. Comme d’habitude Chabrol donne dans la sous-satire sans beaucoup d’humour contre les bourgeois, l’ordre établi (les féministes peuvent inscrire cet opus sur leur liste des ‘récupérables’) – et comme d’habitude il en fait sûrement trop partie pour attaquer ou même considérer sérieusement la chose. Un film pour ceux qui aiment les ambiances d’époque, à condition qu’ils n’aient pas des espérances de spécialistes ; sinon, pour les acteurs. (56)

Vu une fois superficiellement, [re]vu en juin 2019.

Walkyrie *** (USA 2009) : Sur la tentative d’assassinat d’Hitler par des haut-gradés allemands en juillet 1944 (la dernière des quinze connues de la résistance allemande d’après le carton final), quand la guerre tournait en défaveur du camp de l’Axe. Mise en scène classique et technique plutôt luxueuse. Perd de sa force et de son intérêt avec le lancement de la mission. Focus un peu neuf sur une page de la ‘grande guerre’ mais c’est encore de l’Histoire proprette et héroïque – sans tomber dans la pure figuration de service public. Finalement un film à suspense éventé foncièrement manichéen (une main de la lumière et du Bien tendue vers l’Allemagne), sans à-côtés baveux et sans trajectoires intimes très étoffées. Un épilogue plus humain et moins grave aurait été préférable – Carice Van Houten (deux ans après Black Book) n’est même pas reconnaissable car, comme l’ensemble des personnages secondaires, elle ne sert qu’à refléter une ou deux émotions. (64)

Vu une fois dans de mauvaises conditions en 2009, revu en juillet 2019.

Comment j’ai fêté la fin du monde ** (Roumanie 2006) : J’en avais aucun souvenir et c’est parti pour se répéter. Un doute subsistait : était-je passé à côté d’un tableau profond, car quelques détails relevaient la sauce !? Je me les suis effectivement rappelé (cette prof blonde typique, le vieux tout enthousiaste à la chute du dictateur et immédiatement cassé par la mise à feu tout aussi joyeuse de sa voiture – les ‘copains’ l’ont pris trop vite au sérieux) mais ils ne valaient pas de se pencher spécialement sur ce film. Le film ne présente que des anecdotes et son centrage officiel sur le garçon est curieux, puisque sa grande sœur a un joli caractère et qu’elle meuble bien mieux que tous ses camarades. (52)

Découvert en février 2016 et revu en juillet 2019, toujours sur Mubi.

Bruce tout-puissant * (USA 2003) : Vulgaire et néanmoins bizarre, furieusement débile et niais (dépasse Ace Ventura et ses parties philosophiques ne font que l’enfoncer). Les projections semblent celles d’un petit garçon proche de la mort cérébrale, abruti par ses fantasmes de super-héros. J’avais détesté et décroché après le gag du singe, en était sorti avec un a-priori déplorable [déjà induit par ses pitreries télé] concernant le clown Carrey (corrigé peu après grâce à Truman Show, puis avec Philip Morris) ; finalement ce film n’est pas une des pires choses tournées mais reste probablement la pire avec Jim Carrey. Elle a un pied dans le sentimental et la prêche émotionnelle qui rendent Carrey décalé dans un nouveau et regrettable sens (les flonflons familiaux gâchaient à peine Menteur menteur, passait pour un obstacle allègrement surmonté). Le lien avec Aniston est peu crédible également, même si son personnage est parfaitement vraisemblable. Bien sûr le film oscille entre légèrement et odieusement moche. Les séquences avec ‘Dieu’ Freeman sont trop consternantes pour rester simplement embarrassantes. Pas grand-chose à retenir, le bizutage de Steve Carell surnage à peine, quelques séquences liées aux pouvoirs sont relativement marquantes (la lune, le passage en musique dans la rue). C’était une vilaine expérience avec un arrière-goût sordide. Elle annonce la dérive ‘chamallow’ accompagnant la chute de la carrière de Carrey malgré quelques éclats (comme Eternal sunshine). (28)

Vu partiellement vers 2005, revu en juillet 2019.

L’opération Corned Beef *** (France 1991) : Une comédie grasse et flamboyante signée Poiré avec Clavier, deux ans avant Les Visiteurs et quatre avant Les anges gardiens. On y retrouve les ressorts typiques du cinéma de Poiré, avec ces gags destroy mais aussi des caricatures vaguement mesquines : la grosse avec des scènes assassines et des plans gratuits soulignant sa démarche puis sa tardive prise de conscience (deux costaudes auront un rôle-éclair similaire dans Les visiteurs 2), le dictateur latino. Le couple ‘vieille France’ est moins écorné, on sent davantage de sympathie pour les personnages certes bouffons de Clavier et Lemercier. Jean Reno n’est pas brillant et plombe presque certaines scènes, heureusement l’outrance et la vitesse de la mise en scène l’en empêchent. Tout oscille entre la beauferie adulte et les délires enfantins, la voix de Mitterrand relève du second. On pourrait croire que l’opération fait écho à l’affaire des écoutes de 1982-86, or elles n’ont été révélées qu’en 1992 : dans un autre registre les critiques en feraient des tonnes sur le flair du scénariste ou du réalisateur. (64)ou+

Vu certainement en 2016 ou 2017, revu en août 2019. Peut-être vu plus jeune.

99 francs ** (France 2007) : On y croit un temps et il y a bien des passages potentiellement succulents (la réunion tout particulièrement), mais ça tient difficilement sur plus de 70 minutes. À terme c’est toujours les mêmes problèmes et la même complaisance pseudo-masochiste, vraiment exhibitionniste. On sent cette quête du petit supplément d’âme et de conscience critique pour ces gens-là, les admirateurs de leur milieu, leurs contempteurs hypocrites ou médiocres – puis bien sûr pour tous les autres qui le voudront bien, mais on sort du cœur de cible/noyau dur qui fera la force et l’aura du film. Je reconnaît qu’il y a de la ressource dans cette bête-là mais c’est encore trop ensorcelé par ce que ça prétend dénoncer et à l’image du tour de la fin, c’est superficiel et complètement penaud dès qu’il s’agit de dépasser la provoc ou la posture. (62)

Vu partiellement peu de temps après sa sortie. Revu l’été 2019.

Astérix & Obélix mission Cléopâtre ** (France 2002) : Même si ses atouts au niveau du casting et des décors gardent de leur efficacité, Mission Cléopâtre n’est pas à l’abri d’une réévaluation générale à la baisse. Une grande partie de l’humour repose sur des références anachroniques ; sans surprise celles portées par Itinéris ont mal vieilli. Jamel apparaît comme une sorte de sous-Eric Judor pas drôle. Il n’est pas exaspérant comme il le sera plus tard à cause de la faiblesse des univers autour de lui – quoiqu’il arrive son ‘génie’ n’est pas responsable du succès ou non d’une entreprise ; mais je suppose qu’il peut amuser certains enfants coutumiers de ses réflexes.

Je craignais que placer La surprise de César à peu près au même niveau soit une sorte de snobisme ou une volonté d’originalité opérant à mon insu ; je dois vérifier l’objet lui-même, mais en revenant sur son concurrent, les placer au moins à égalité ne me semble pas tricher. Mission Cléopâtre démarre fort, recycle habilement des éléments secondaires (les pirates), puis à mesure qu’il a posé les enjeux s’épuise. Il connaît une lourde chute après la sortie de pyramide en format bande-dessinée, avec des moments longuets voire assez nuls comme les batailles impliquant Darmon. Le final est assez pauvre et trop centré sur les petites personnes des participants ou du moins leurs personnages sociaux. (58)

Vu en salles à sa sortie et plusieurs fois depuis. Revu pendant le dernier trimestre 2019.

Topaz / L’étau ** (USA 1969) : De jolies scènes (la fille s’évanouissant dans sa robe violette, les grosses manifestations soviétiques), mais des interprétations douteuses, un scénario et un rythme flottants. On peut y voir la contradiction de James Bond mais l’agent principal est un OSS 117 insipide. On assiste à des scènes lentes et laborieuses plutôt que de démonstrations hautement ‘réalistes’. Politiquement le niveau ne dépasse pas la mesquinerie (envers des représentants français) mais il faudrait être un anti-américain susceptible ou un sympathisant socialo-communiste pour en être remué – même s’il est facile de se sentir plus concerné que ces guerilleros mollassons. La partie romance est encore plus fadasse et inepte. Probablement le moins bon de la carrière d’Hitchcock qui approchait de son terme – heureusement les ultimes opus bénéficient de leur relative extravagance – ou vulgarité (Frenzy particulièrement). (44)

Vu une fois en 2014 ou avant, revu en novembre 2019.

Ravenous / Vorace *** (USA 1999) : Malin et bizarre. Palabre sur la transgression et l’égoïsme viscéral, avec quelques sorties brûlantes comme « La normalité, le dernier bastion des lâches ». Une certaine légèreté et ses façons de ‘huis-clos’ interdisent d’aller au bout des ses raisonnements odieux et encourage le flou artistique dans le scénario. (64) 

Vu une fois il y a dix-onze ans.

Inland Empire ** (USA 2006) : C’était le moins bon et le moins stimulant à mes yeux à l’époque, en-dessous d’opus plus classiques ou renommés qui ne m’ont que modérément touché. C’est probablement normal que son réalisateur ait pris des distances avec le cinéma par la suite, tant il semble avoir fait le tour du medium ou de ce qu’il pouvait en triturer (à moins bien sûr de régresser vers du Godard ou du Cavalier). Le style Lynch semble sacrifié au profit de quelque chose de plus ‘cosy’, jusqu’au générique de fin annihilant toute magie du cinéma. Même si aujourd’hui le film se suit relativement facilement, probablement car il rejoint un genre de bidouillages presque courant, il contient trop de redites par rapport aux œuvres ultérieures et seul son mystère trompe l’ennui. (62)

Vu partiellement sinon totalement, pas plus de quatre ans après sa sortie. Revu sur Mubi en décembre 2019.