MINI-CRITIQUES COURTS MUBI 3 (2019)

7 Jan

Ultra Pulpe ** (France 2018 – 36min) : Original, coloré, outrancièrement ringard. Cite et prolonge l’underground ‘glam gore’ des années 70-80. Ces raffinements et dégueulis kitschs passent, les dialogues sont un cauchemar de balourdise et d’insignifiance maniérées – indéniablement tout ça est amusant, peut-être même fascinant. On ne peut pas faire cent fois et pendant trente ans le reboot bis des Prédateurs. À retenir : « C’est ça que tu veux maman !? Voir ta fille nue violée sur Mars !? ». (46)

L’opéra-mouffe ** (France 1958 – 16min) : Court de Varda prenant la misère du bon côté. Nudité en abondance, romantisme, sympathie envers les gueules d’atmosphère et esprit ‘carpe diem’. Quelques scènes plus étranges (les colombes enfermées) et une musique/chanson d’accompagnement pesantes. (52)

Salut les cubains ** (France 1963 – 29min) : ‘Salut les révolutionnaires’ aurait été aussi approprié. Petit documentaire alignant 1.800 photos, régulièrement mises en mouvement (avec abus éventuellement – trois fois la même série où danse un type). Part dans tous les sens et ne se soucie pas d’aller au fond des choses, parfois même pas de la véracité : l’emphase écrase le reste (c’est plus critique concernant la peinture, plus attendu et ‘excusable’ s’agissant de mœurs ou de politique). (48)

Uncle Yanco ** (USA 1967 – 19min) : Varda chez son oncle hippie à San Francisco. Énonce des choses bien fraîches et joyeuses, entre banalités de positionnement, bizarreries arbitraires et poésie. Des répétitions dont je ne comprends pas l’intérêt et pour lesquelles je n’ai aucun goût (principalement les retours vers la réalisatrice). (48)

Travel Songs ** (USA 1981 – 24min) : Compilation d’images en mouvement capturées au cours de deux décennies de voyages et de tournages. Bon si on veut jouer au touriste expéditif à Moscou, Assise et Stockholm en 1971-67-80, donc apercevoir les tenues et ambiances d’époque – plus encore si on veut apercevoir les amis et rencontres de Mekas (je vous laisse cette partie). Ou si on est sensible à l’art photographique ; il y a bien de jolies images (davantage que dans Réminiscences en Lituanie avec sa famille) sous de beaux éclairages et avec des jeux de montage (montant en qualité et intensité). La projection en accéléré est un choix heureux, si on met de côté la souffrance oculaire. Pas de son la plupart du temps ; tant mieux car lorsque c’est le cas (lecture du journal de Mekas par Angus MacLise – info Mubi), les banalités biologiques, sentimentales et personnelles de la voix-off sont au moins aussi accablantes que leur supposée vocation méditative – les bruits de bouche achèvent de m’ennuyer. Troisième et dernier film signé Jonas Mekas pour ma part, sauf si j’ai l’occasion de voir d’autres courts sur des thèmes m’intéressant spécialement (mais comme l’apport documentaire est nul ça ne devrait pas valoir le coup), ou si son fameux As I Was Moving Ahead (de cinq heures et à la cote formidable) m’est accessible (il pourrait me faire changer d’avis). (46)

Une sale histoire ** (France 1977 – 47min) : Moyen de Jean Eustache en deux parties, la première jouant l’authenticité et la seconde étant sa version ouvertement mise en scène. Lonsdale est un excellent conteur et excellent exemple d’hypocrite ou de baratineur à soi-même. La deuxième partie est plus concise, expulse les bafouilles et les redites, mais est sûrement moins marquante. Dans le premier, une des trois femmes (Josée Yann) fait penser à Elie Semoun et certains de ses personnages ! (52)

Non réconciliés ou Seule la violence aide où la violence règne * (Allemagne de l’Ouest 1965 – 53min) : Second film de Straub – Huillet, adaptation du roman Billard à neuf heures et demie d’Heinrich Boll (1959). Une collection de scènes et d’impressions (en de rares moments, superposées) plongeant dans l’Allemagne des soixante dernières années. On montre ou suggère l’objectivation par la culture politique ou religieuse, l’agencement des gens par rapport aux normes collectives exigeantes. Belle photo, beaux acteurs, aucun intérêt sérieux – hormis ce qu’on peut ‘deviner’ politiquement et socialement, comme la prolongation à de bons postes de notables et de ‘bonnes personnes’ impliquées dans des fonctions ‘à responsabilité’ sous le IIIe Reich ; ou le maintien de l’état d’esprit servile et idéaliste qui a préparé le terrain au nazisme. Mais tout ça est à déduire ou raccommoder, le film apporte un point de vue dérisoire et éthéré. (36)

Au passage : la présentation des films par Mubi [ou Mubi France] est déplorable, non plus seulement à cause de l’emphase et de l’intellectualisme débile mais carrément car il arrive que les phrases n’aient pas de sens, égarés des mots ou des caractères. Le ‘Synopsis’ est devenu aussi bête que le carré ‘Opinion’.

La Libertad * (Colombie 2017 – 30min) : Documentaire produit par le Sensory Ethnography Lab d’Harvard. Placide et fidèle à son registre, avec tout de même une pointe d’expectative/interrogative. Laura Huertas Millan filme des artisans à l’œuvre et les interviewe. Il se pourrait que ça rationalise méchamment – pour se défendre dans un mode de vie frustrant. À la 26e minute je crois entendre une déclinaison locale de Réussir sa vie – ce merveilleux hymne de Bernard Tapie. (42)

Sol Negro * (Colombie 2016 – 42min) : Plus raffiné, plus copieux, plus investi que La Libertad. Pas plus séduisant ni convaincant me concernant. Certaines discussions sont interminables et leur pertinence fondamentale m’échappe. Au demeurant ce cinéma n’est pas très fort pour communiquer l’émotion : tout de même de jolies scènes en ce sens (le chant final), sinon c’est en montrant ces femmes en proie à leurs émotions, déclarer leurs souffrances, qu’on peut la percevoir et éventuellement la ressentir. (38)

Les îles ** (France 2017 – 24min) : Une fugue libidinale avec orgie de sentiments. À la vue d’un tel film il devient impossible de ne plus associer Yann Gonzalez et Mandico. Ce court est justement une contribution au film à sketches Ultra rêve (2018, leur ‘année’ à tous les deux mais surtout celle de Mandico grâce aux Garçons sauvages) où ils sont réunis (Mandico a donné Ultra pulpe). Évidemment ces Îles sont originales mais Land of my dreams avait le mérite de ne pouvoir être associé à aucun autre créateur contemporain précis. Les dialogues et le surgissement d’un homme masqué mal intentionné annoncent avec précision le long-métrage Un couteau dans le cœur. (58)

Black Panthers * (USA 1968 – 28min) : Reportage assez pauvre qui n’a rien des arguments déjà minces habituellement au bénéfice de la réalisatrice (le pittoresque, les rencontres un peu approfondies, les élans surréalistes, le catalogage consistant d’œuvres, de laïus ou de personnalités). Bavarde sur ‘l’avant-garde’ de la cause noire qui se raccordait naturellement avec le marxisme-léninisme, en dépassant la part ‘mentale’ de l’idéologie par le tribalisme. Un bon sujet pour l’approche servile, ‘téteuse’ et geignarde propre à Agnès Varda. Elle se focalise longuement sur la fierté capillaire et le retour au naturel ‘black’ avant d’approuver candidement la violence contre la police et les milices noires, sans trop quadriller le terrain ni se soucier des suites – même de celles des frères ou camarades. Elle passe simplement de bonnes vacances auprès de ces gens du côté de la revendication. (28)

Les dites Cariatides ** (France 1984 – 12min) : Gardera une valeur de témoignage et a intérêt à ne pas avoir de concurrence tant c’est finalement quelconque. Dommage que Varda impose sa voix si gentiment saoulante, quoique la tournure de son écriture soit le plus vivement rasant. Les anecdotes concernant Baudelaire élèvent le niveau dans l’absolu mais l’incurable niaiserie de l’auteure salope tout comme d’habitude. (52)

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