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LE MAGICIEN D’OZ =+

8 Jan

le magicien d'oz

L‘appréciation du Magicien d’Oz sera toujours défaillante pour la plupart des spectateurs, car c’est un objet de culte américain, face auquel le reste du monde n’a pas le même rapport. Il est au moins aussi important qu’Autant en emporte le vent dans l’Histoire du cinéma américain, à la différence que ce dernier est l’un des films les plus importants pour le monde entier. Sorti en 1939, Le Magicien d’Oz passe tous les ans à Noël aux USA et fait partie du patrimoine commun à l’ensemble de la population depuis cette date.

La seconde raison rendant son appréciation difficile est liée à son immense notoriété : Le Magicien d’Oz est tout de même violemment désuet et le spectateur du XXIe siècle est otage des impressions laissées par l’infinité de produits y puisant leur inspiration. Les effets spéciaux ne dérangent pas tellement et la richesse des univers crées rend leurs limites matérielles assez dérisoires. En revanche, il est difficile d’entendre Ding dong the witch is dead dans sa version originale, alors qu’elle est assimilée à tant de versions plus élaborées et percutantes.

Malgré toutes les réserves et l’évidente candeur au programme, le charme opère toujours et il serait même regrettable d’attaquer une œuvre aussi bien construite en raison de son propre décalage. Le Magicien d’Oz garde une certaine force grâce à son usage du Technicolor outré (presque autant que Le Narcisse Noir de Michael Powell) et sa galerie de personnages puissamment caractérisés. Il incite les enfants à visiter les pays enchantés que leur imagination est en mesure de produire, tout en poussant à la méfiance envers les marchands d’illusion.

Il n’y a pas de maître bienveillant au-dessus de nos têtes et au-delà du pays de l’arc-en-ciel se cache un monde d’une impitoyable noirceur. Il vaut mieux s’en détourner car il est destructeur et mortel. Le retour à la réalité sera heureux et l’entourage proche et originel est valorisé. Le voyage rend tellement alerte qu’il fait prendre conscience de la supériorité intrinsèque du foyer et de la famille (ou son équivalent), loin des mensonges du monde extérieur. Le roman de Frank Baum (paru en 1900) dont est adapté le film fut perçut comme bien plus corrupteur et accusé de faire la promotion de la sorcellerie.

Le Magicien d’Oz est à réserver aux enfants, le découvrir adulte ou adolescent l’handicape déjà largement. Toutefois dans le fond, il n’y a pas nécessairement de quoi s’extasier ; les enfants ne sont pas tous les mêmes et Le Magicien d’Oz n’a jamais la force (ni la profondeur..) d’un dessin animé comme Blanche-Neige ou de Dumbo, qui lui sont contemporains. Les plus blasés s’agaceront vite de cet arbre de Noël massif allant jusqu’à mettre en scène des enfants jouant un peuple obscur au nannisme heureux.

Ils doivent rester pour ce dernier tiers plus trépidant où Dorothy et ses compagnons font faire aux méchants au sein d’un terrible château. Ils doivent aussi prendre conscience que La Mélodie du Bonheur est un bien plus gros loukoum !

Note globale 68

Page Allocine & IMDB  + Zogarok Magicien d’Oz sur Sens Critique

Suggestions… The Rocky Horror Picture Show + Téléchat + Eyes Wide Shut   

 

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MASTER AND COMMANDER =+

10 Oct

Master and Commander est notable pour ses efforts de vraisemblance (peu ou pas trahis par le recours aux effets spéciaux raffinés d’ILM et Weta Workshop) quant aux conditions d’existence à bord d’un navire anglais au début du XIXe. Pour cet énième voyage dans le passé, Russel Crowe n’est pas mis dans une posture romantique (le climax dans le registre étant Gladiator). Il interprète le capitaine du HMS Surprise, menant ses hommes et sa frégate à la poursuite d’un vaisseau français (Acheron). Inspiré des livres de la série Les Aubreyades de Patrick O’Brian (et notamment The Far Side of the World), le film commet là une infidélité en remplaçant la guerre anglo-américaine de 1812 par un épisode des conflits napoléoniens.

Il était manifestement préférable de déplacer l’ennemi (les français au lieu des États-Unis) pour des raisons commerciales ; c’est d’ailleurs ce genre de préoccupations qui semble drastiquement tempérer les ardeurs de Master and Commander. Le film frappe en effet par son réalisme (le bateau est une réplique authentique d’un trois-mats de la Royal Navy britannique), par son brio à s’ingérer dans les affaires ou les moments les plus triviaux ou songeurs de Jack Aubrey et son équipage ; pourtant malgré les dangers, la dureté du contexte, les péripéties sont loin d’être sauvages ou dantesques. Master and Commander rejette les fanfares les plus obscènes du film d’aventures hollywoodien, mais ce n’est pas La chair et le sang de Verhoeven ; c’est plutôt une expédition virile et pudique, déployant son arsenal avec sobriété et élégance.

Les ambitions épiques en paient doublement le prix, tout en étant satisfaites d’une manière plus subtile, jouant davantage sur le sentiment d’entrer dans l’intimité d’une légende. Master and Commander déroule un combat gagné d’avance en dépit des faits indiqués, des obstacles routiniers et des doutes à bord. Les acteurs de l’Histoire (pour elle la rigueur est plus relative) font leur job, se tourmentent et ambitionnent ; la mise en scène indique que l’heure est déjà la contemplation. Peter Weir ne révèle pas directement ses instincts mystiques comme dans La dernière vague (ou, plus nuancés, dans État second) mais communique cette espèce de confiance surnaturelle, de béatitude typique chez lui – dévorée par les marques d’emphase Disneyenne dans le régressif Cercle des poètes disparus.

Note globale 68 

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Suggestions… Le Bateau/Petersen + Battleship

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (4), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (5), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

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THE MISSION =+

20 Août

Six ans après la révélation via Heroic Trio, Johnnie To accède à un degré optimal de respectabilité avec The Mission. Avec ce film centré sur cinq gardes du corps (réunis par un chef de triade sous haut tension), il est perçu comme un nouveau parrain du polar, ce que la suite confirmera posément, Exilé, PTU et Election remuant une carrière sur-active mais délestée de pics d’ambitions ou de vanité. Avec Johnnie To, on est loin des fulgurances bruyantes ou de la variété de ses confrères hong-kongais Tsui Hark et John Woo (chinois en tant qu’individu).

Dans The Mission exulte cette façon de se mouver dans le marbre, qui fait les films à la classe impressionnante même lorsqu’ils sont ou paraissent ‘vides’. To a toujours eu cette faculté, nourrie par son génie à travailler des figures classiques. Son univers s’inscrit dans le polar et l’action officiellement, mais trouve ses racines dans le western et le cinéma de mafia occidental. Toutes les effusions ou les rebondissements, même les plus vulgaires, sont constamment subordonnés à la réitération d’un imaginaire discipliné. Le spectateur est mis dans une position paradoxale, car un investissement personnel se devine dans The Mission, mais il demeure impénétrable, réduit à un happening de marionnettes dans des paysages sophistiqués.

On sent une espèce de distance pleine de connivence, une passion secrète pour ce monde de mafieux, ces représentations, plus que pour l’objet des poursuites. L’essentiel c’est se mettre en mouvement, exécuter et préparer le ballet ; la vocation est là, peut-être absurde, sûrement élégante. On se plait à encourager la tradition et en être un bras armé, on meurt sans se presser, savoure ses succès avec flegme et solennité. Le petit malaise, c’est cette BO, sophistiquée et redondante dans le détail, d’une originalité maladroite pour le gros morceau. La répétition transforme le calcul hasardeux en dissonance crispante. Pour le reste, l’histoire est banale, les personnages et leurs relations pas tellement plus différenciés ; si The Mission est passablement remarquable, c’est bien pour sa capacité à refléter avec fraîcheur, non à changer la donne.

Note globale 68

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Suggestions… Reservoir Dogs + Lawless/Des hommes sans loi  

Voir le film sur YouTube (vost, anglais)

Scénario & Ecriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (2), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

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RAW MEAT / LE MÉTRO DE LA MORT =+

24 Juil

Derrière le titre barbaque se trouve un pseudo film d’horreur, un drame social et humain pathétique enrobé avec des tics de proto slasher et surtout de comédie douce-amère. [Le britannique] Raw Meat (Death Line pour les américains, Le Métro de la mort pour les français) est le premier long-métrage de Gary Sherman, qui enchaînera avec Dead & Buried puis Vice Squad, où il s’agira encore de passer des ‘frontières’ pour voir la démence et la perdition résolue : du premier au troisième s’opère une évolution de la fantaisie surnaturelle à la mesquinerie en action (Dead & Buried étant peut-être le plus apprécié et le plus éloquent à cause de cette position de passeur et de ‘trieur’).

Dans ce premier opus, la pudeur ou du moins des scrupules froids se substituent à la compassion, ce qui donne l’impression d’un film démissionnant mais seulement arrivé au bout du chemin crucial, en autorisant la contemplation, même en ne ratant pas une miette. Sur le plan horrifique, il s’en tient à une collection d’abjections, avec une poignée de déferlements hors-champ par la suite résolus ou relativisés ; ‘dédramatisés’ serait inadéquat car le vrai drame est celui des monstres, qu’on ne sonde pas et ne ‘vivra’ jamais en dépit des coups-d’œils insistants mais prudents. La construction donne l’impression d’une désinvolture mitigée, encadrée : les personnages se fréquentent, les investigations ne récoltent rien de décisif ; en marge on investi quelquefois le métro où c’est folklo – et folklo ‘autrement’ (comme le son de Will Malone en ouverture). Ce n’est qu’à la toute fin que toutes ces latences doivent trouver leur accomplissement en accéléré. Ce temps de la descente en métro suite à l’enlèvement se décompose en deux axes : la poursuite de l’otage et le semi-zombie s’activant avec sa lampe-torche en crachant « Je veux vivre » ; les quelques révélations concernant ce peuple des tréfonds et son histoire. La générosité du film trouve sans cesse des limites qui peuvent aider à constituer une ‘aura’ de mystère, mais ne remplisse pas ce dernier, surtout que le script se coltine de sévères angles morts et se fonde sur des pirouettes faiblement justifiées ; c’est probablement qu’ici on redoute (et donc confronte) plus, à raison, les dégâts de la corruption que l’emprise des mystères.

C’est bien le mélange des registres et son originalité qui font la saveur du film, pas son intensité. En premier lieu, ce fond de comédie, persistant même face à des scènes de cauchemar, jusqu’à ce que le filtre froid et organique finisse par réduire toute tension (un peu comme les Guinea Pig y parviennent, à force d’extrémités charriées dans la banalité et la platitude du réel). Les vieux enfermés dans leur fonction et en train de se gâter sont le fil conducteur comique. Cette tendance culmine lorsque Calhoun le psychorigide se fait poivrot ou sort de sa zone de confort (son bureau, ses ruminations et les moments où il est habilité à travailler l’autre). D’ailleurs Donald Pleasance (aussi acteur de théâtre, apparu dans une centaine de films, passé à la postérité via Halloween) est avec les ‘exploits’ visuels le principal intérêt. Dans la peau de cet inspecteur Calhoun, il est de ces types si blasés qu’il en oublient presque leurs plaintes fondamentales, s’accrochant à leur humeur et à leurs habitudes, tout en jetant des petits commentaires injurieux ou sans pitié. Il ne cesse de menacer ou ‘calmer’ à un quelconque degré. En gardant malgré tout une attitude inquisitrice naturelle, il fait penser à un reflet de l’inspecteur des impôts du Dîner de cons : lui a troqué le masque de bon camarade et les enthousiasmes médiocres avec une espèce d’aigreur hautaine, tranquille, un dépit assumé et finalement agréable (que c’est bon d’être bougon).

Plaisant et contenant un fatras valant le détour, Raw Meat est loin d’être passionnant ou très remuant, mais a un bon potentiel de fascination. D’après son rythme et les terrains où il s’épanouit le plus et le mieux, c’est d’abord une enquête policière lorgnant sans s’agiter vers la comédie. Finalement le reste paraît anodin, surtout bon à faire le lien avec les gadgets parfois impressionnants. Ainsi la première visite de l’arrière-monde sous le métro, avec ses cadavres et ses miasmes bizarres balayés lentement dans un souterrain incertain, fait penser à un négatif ‘placide’ (et ‘cru’, raw effectivement, même pour la musique) d’une dégringolade effroyable contenue dans La maison près du cimetière de Fulci. Du point de vue ‘entertainment’, le tort est de donner tout clés en mains, sans organiser de chasse aux trésors, en accordant peu d’importance à la gestion de l’attente et aux émotions. Le montage ‘flegmatise’ avec les vices et vertus inhérentes, multipliant les beaux plans songeurs face aux profondeurs. Toutefois le film arrive tôt par rapport aux outrages conséquents des 70s (il sort en 1972) et peut aussi s’apprécier comme chaînon manquant entre un cinéma feutré et pragmatique, dissipé par rapport à l’épouvante classique et ‘hors-réel’ mais conventionnel à-côté ; puis un autre à venir, embrassant sans réserve les libertés du bis et du ‘cinéma de genre’. Par ailleurs il ne démérite pas par rapport à ses successeurs indirects, ceux qui invitent l’Horreur dans le métro (Creep -2005, End of the Line, Kontroll d’Antal) ou aux premiers films de Del Toro manifestement sous le charme (Mimic).

Note globale 68

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Suggestions… Troll + Le Masque de la Mort Rouge + Street Law/1974 + Massacre à la tronçonneuse + Maniac + Midnight Meat Train + Sweeney Todd + L’Abominable docteur Phibes + La Sentinelle des Maudits

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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HARAKIRI =+

24 Mar

harakiri

Hara-kiri se déroule vers 1630, au début de l’ère Edo (1603-1868), période de paix et d’isolation pour le Japon. À cette époque, la dimension guerrière du samouraï tombe en désuétude, un samouraï devenant l’équivalent d’un fonctionnaire ; ou un ronin, c’est-à-dire sans maître et donc vivant dans l’exclusion. Paradoxalement c’est à ce moment qu’est instauré le Bushidō, code d’honneur instaurant le suicide rituel du suppuku (« coupure au ventre »). Celui-ci s’impose en cas de faute grave ou de déclassement, mais peut aussi être décrété par un maître insatisfait.

Dans le film Harakiri de 1963, un samouraï se présente dans la résidence du puissant clan Li afin de commettre un harakiri en bonne et due forme. Saito, le maître, lui raconte les précédents faits du genre et notamment celui concernant Motome. Mais contrairement aux autres, Hanshiro Tsugumo vient bien pour se suicider. Il est déterminé et n’a qu’une exigence : raconter son histoire jusqu’au-bout. Ce personnage est interprété par Tatsuya Nakadai, la star du chanbara autour des années 1960 et l’acteur principal de nombreux films de Kurosawa.

Ce film réunit justement plusieurs grands noms du cinéma japonais, avec le scénariste Shinobu Hashimoto, lui aussi souvent affilié à Kurosawa, manifestant une préférence pour les narrations non-linéaires dans cet Harakiri et Rashomon en particulier. Ensuite le réalisateur de Harakiri/Seppuku est Masaki Kobayashi, auteur deux ans plus tard du fabuleux Kwaidan. Son œuvre, très consciencieuse, met en valeur les différents arts du spectacle tout en posant des jugements ambivalents envers les traditions. Ses films versent souvent dans le moralisme, Harakiri étant humaniste là où Kwaidan est plus cruel et peut-être plus profond dans son regard sur les Hommes.

Harakiri justement s’attaque violemment à l’époque Edo puisqu’il dénonce l’absurdité du rite seppuku et l’hypocrisie l’entourant. Par ailleurs Kobayashi présente les ronin/samouraï sous l’angle du ‘chômage technique’. Ces hommes sans travail ni ressources sont des otages du système féodal dont la situation est particulièrement ironique. Kobayashi ne s’écarte pas de son chemin : il est spécifique et réaliste (contrairement à Lady Snowblood), modéré dans son regard (à l’inverse du Sabre du Mal) et ne fait pas du héros le défenseur d’un véritable sens de l’honneur bafoué.

La réalisation est minimaliste et extrêmement sèche, fondée sur de nombreux flash-back et un processus implacable. La démonstration est parfaitement limpide, sans fioritures et hautement morale, ce qui explique le succès dément connu par ce film. C’est pourtant un spectacle d’une lourdeur éreintante, aux contours peut-être trop simples et dans un continuum propre entre la tension extrême et l’évanouissement. La lente et minutieuse construction débouche sur une révélation simple et puissante ; puis le film s’achève dans une tempête.

Note globale 68

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Suggestions… Sanguro + Ran

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