GUINEA PIG, L’ULTRA-GORE JAPONAIS

1 Sep

Les Guinea Pig sont six moyens-métrages nippons underground connus des  »goreux » les plus élitistes. Ils doivent leur aura mythique aux deux premiers opus, de faux  »snuff-movies » ayant alimentées les rumeurs les plus folles. Leurs quatre successeurs s’orienteront davantage vers la comédie et le gore festif. Le titre  »Guinea Pig » n’est pas celui d’une saga, mais de propositions de cinéma plus ou moins putassières et malsaines, détournées par différents réalisateurs avides.

Cas d’école du snuff-movie, des légendes urbaines et effet Pandore viral, Guinea Pig a vu son mythe détruit avec le net, permettant l’accès aux films via le téléchargement, voir par Youtube (où le second opus est visible pour les majeurs possédant un compte). Ce parfum d’interdit était entretenu par la rareté des films au Japon et leur quasi inaccessibilité hors du pays du pays du Soleil Levant.

A noter que seul  »Mermaid in the Manhole », le quatrième, jouit d’une certaine considération parmi tous les sequels de  »Devil’s Experiment » et  »Flowers of Flesh and Blood ». Les trois autres sont des nanars hautement dispensables.

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◊Avertissement : les vidéos accompagnant cet article ne doivent pas être lues par les personnes sensibles ; et ceci n’est pas un effet de style. J’ai hésité à les mettre ; maintenant, chacun est maître de soi.◊

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GUINEA PIG : DEVIL’S EXPERIMENT (GUINEA PIG 1) °

1sur5 Chronique premier degré des tortures d’une jeune femme par trois jeunes ravisseurs, Guinea Pig, à l’instar des authentiques snuffs, est un vrai mythe urbain. En se présentant comme un documentaire anonyme, le film tente de flouer les frontières entre réel et fiction, laissant planer un doute on ne peut plus malsain. Difficile ici de maintenir l’horreur à distance, puisque le regard de la caméra est sans aucun recul ; pourtant, certains verront probablement l’intérêt, contradictoire par définition, du film en ce qu’il interrogerait éventuellement le spectateur sur sa motivation à regarder un objet de son calibre. Mais c’est un leurre tant le film jouit, n’existe que par et pour son procédé ; au mieux cette remise en question de sa validité morale ne sert qu’à faire son jeu racoleur, mais en aucun cas elle ne sert à la théoriser.

Filmé en amateur, ce fake snuff movie a alimenté les rumeurs et les fantasmes les plus sordides, d’autant plus qu’il est presque impossible de se le procurer [une anecdote, sans doute lancée par des fans de la première heure, raconte qu’un policier ayant découvert la vidéo aurait voulu se charger de cette obscure affaire]. Mais au-delà des limites éthiques qu’il enjambe allègrement, ce film dégénéré, ce sommet de perversion qui s’autoproclame arraché des entrailles du diable, est aussi intense que le fond du panier du nanar gore 80’s, ce que conforte in fine son premier degré aussi délétère et effarant que médiocrement simulé.

Il ne s’agit pas de nier ce qui se produit à l’écran en se réfugiant derrière le caractère piteux d’une telle mise en scène. Mais on s’ennuie plus qu’on est sidéré, tant jamais ne se dégage un semblant de vérité. Il est probable que le public d’aujourd’hui soit immunisé à l’ère d’un torture porn industralisé dans les plus hautes sphères, soit le cinéma mainstream [la saga Saw, tout de même pas si bénine que certains geeks voudront croire]. Néanmoins le film est formellement raté en dépit de ses bonnes dispositions : filmé de façon amateure, à l’exception d’une discrète musique de générique [et des effets liés à la reproduction de la violence en elle-même], il est quasiment sans montage, est sans aucune esbroufe de réalisation, aucun travail de mise en scène. Conjuguée à l’atrocité des exactions présentées, la démarche sans fard de Devil’s Experiment évoque une sorte de Derrick très  »Z ».

La linéarité, mais aussi la relative décontraction de l’otage au vu des circonstances, dissipent le vague malaise qu’aurait pu provoquer le film et le fake n’a jamais aucun effet, sinon celui d’une indignation résignée. Le spectateur assiste à une somme de séquences à rallonges d’une cruauté sans failles : interminable et absurde séance de claques, acharnement sur la victime agrémenté de quelques insultes usuelles -les seuls dialogues du film-, gros plan sur un caillot de sang dégobillé (bien faible mesure au vu de l’entrain des bourreaux), lançage de viscères sur la patiente endormie, tout y passe, jusqu’au final vertu [un oeil inondé de sang dans son propre orbite avant d’être traversé d’une aiguille – c’est l’image de l’affiche, et la plus célèbre du film]. C’est peu dire que chaque minute est plus ennuyeuse que l’autre, ce qui nous amène ainsi à scruter 43 paliers différents de l’atonie : mieux, à l’instar des pires navets conformistes que le cinéma ait pu donner à voir (et alors que Guinea Pig est antagonique à cette triste condition), le film s’oublie presque avant même qu’il ne s’achève, pour les raisons tout à fait cinégéniques qui le plombe (et aucunement éthiques – on a, dans ce cas, stoppée net l’aventure, à moins d’accepter ses contradictions).

On peut être offusqué, et on est en droit de l’être, tant la démarche, plus que son produit, est nauséeuse. Mais à moins d’une ferme envie d’y croire, d’un manque de culture ou d’une naiveté suffisantes, on a davantage l’impression d’avoir mis la main sur une vidéo  »interdite » grolandaise que sur un film maudit apte à traumatiser tous les malheureux curieux qui auraient voulu s’y frotter. Il va sans dire que beaucoup jugeront cet état de fait préférable. Pour Devil’s Experiment, l’échec est multiple et sans ambiguïté.

Retenons cependant que Guinea Pig, moins connu que son successeur direct, inspirera cinq autres films, dont la plupart ne feront que s’approprier le titre pour attirer les esprits curieux tout en s’éloignant de la feinte du snuff arborée ici. Guinea Pig 2 : Flowers of Flesh and Blood, qui dépasserait toutes les limites du regardable selon les cinéphages de l’extrême, est le seul à échapper à cette règle. Mais comme pour le premier, les promesses de son abominable réputation sont infiniment plus glaçantes que le contenu lui-même, quoique la posture de ce  »sequel pirate » aura le mérite d’étonner l’auditoire par ce qui manquait à Guinea Pig premier du nom : la recherche esthétique. De la même manière que la texture platement et officieusement réaliste de Guinea Pig, l’absence de crédibilité émanant de Flowers of Flesh and Blood le confine assez loin du choc, viscéral en tout cas.

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GUINEA PIG : FLOWERS AND FLESH OF BLOOD (GUINEA PIG 2) ***

3sur5 Il est de loin le le plus connu car le plus controversé des Guinea Pig. Il faut dire que le scénario minimaliste est ici prétexte à une expérience plus radicale et affolante que simplement voyeuriste. Après les expériences relativement soft de Devil’s Experiment (le premier Guinea Pig) mais servies avec une complaisance rare, primitive et malsaine, Flowers and Flesh of Blood propose d’assister à la capture puis au démembrement d’une jeune femme, l’ensemble accompagné d’un cérémonial grandiloquent orchestré par un tueur travesti en samourai. Cette  »suite » se montre autrement plus ambitieuse que son modèle ; sur le papier, le programme ne semble pas plus élaboré, mais il s’agit d’aller beaucoup plus  »loin » dans la représentation.

Malgré un manque de moyens qui ne fait aucun doute et du gore parfois très pâte à modeler, les effets sont d’un réalisme assez surprenant pour l’époque. Graphiquement, le film impressionne, mais s’il réussit à se donner des airs de contenu cheap d’une hypothétique  »boîte de Pandore », c’est tout autant pour le travail d’ambiance qui lui a été consacré [musique atmosphérique et préliminaires perverses : préparation des armes, panique de la captive lorsqu’elle se réveille, mise à mort d’un poulet dans le but de terroriser cette dernière -séquence absurde évoquant le non moins trash Pink Flamingos-..]. La sophistication de la mise en scène, certes lourde mais réellement sinistre par son jusqu’au-boutisme, témoigne d’une réelle démarche esthétique, plaçant Flowers loin de la tapageuse beaufitude de Devil’s.

S’insinue alors un heureux paradoxe, le film se voulant si expressément macabre, réclamant tellement l’absolu, qu’il apparaît plus  »grotesque » qu’inquiétant : la chorégraphie de l’horreur est en fait très kitsch, très  »fétichiste » aussi. On pourra même ricaner ouvertement devant quelques simagrés du tueur, ange de la mort grand-guignol maquillé de blanc, expliquant régulièrement à l’intention de la caméra la grâce de son geste, s’extasiant de façon très romantique, admirant béatement les restes. Cette façon d’évoquer et d’invoquer la beauté définitive a quelque chose à voir avec une sorte de glam hardcore, idéal pour le moins flatteur.

Mais au-delà des raffineries déviantes et délurées, et à l’instar du premier Guinea Pig, que rien ne soit jamais pesant comme c’est censé l’être rend l’expérience, certes moins crétine, mais aussi outrée qu’ennuyeuse, pour ne pas dire interminable dans son acharnement à filmer de près un travail de découpe représentant tout de même près de la moitié du métrage. Pour autant, cette partie centrale du film n’entame pas le vague sentiment d’assister à un mauvais rêve, ou le cas échéant, à ce qui pourrait en faire la substance. En montrant aussi le kidnapping (et non seulement les sévices) de la victime dans un Japon contemporain [le meilleur du film, flirtant alors avec des allures d’Argento dégénéré], donc familier, le film floue moins les frontières entre réel et fiction qu’entre monde connu et imagination. Bien que la démonstration puisse alors paraître modestement gratinée, Flowers and Flesh of Blood s’achève de façon paroxystique sur un chant lyrique entonné par le tueur, lequel nous gratifie de sa galerie des horreurs [formaldéhyde, crânes, asticots et déco fait maison]. Tout cela peine assez à faire illusion, mais le potentiel de fascination est là, grâce à cette approche vierge de toute inhibition et stylisée du glauque.

Pour l’anecdote, ce second Guinea Pig est aussi celui qui a le plus excité la rumeur. Son réalisateur Hideshi Hino aurait laissé dire que Flowers était la représentation fidèle d’une vidéo snuff en 8mm envoyée par un fan de ses dessins – alors qu’il est plus vraisemblablement inspiré de ses propres mangas. Celui-là devra d’ailleurs se justifier des effets spéciaux devant un tribunal. Autre anecdote, plus mineure, l’acteur Charlie Seen aurait découvert cette vidéo lors d’une soirée mondaine et, persuadé de la véracité des faits à l’écran, contacté le FBI, qui ouvrira une enquête -pour rien, donc. Par la suite, de nouveaux opportunistes reprendront le titre  »Guinea Pig » pour des essais moins premier degré, avant que celui-ci ne soit interdit, car indirectement impliqué dans d’authentiques affaires criminelles, inspirant quelques esprits fragiles dont les deux premiers opus de la saga furent des films de chevet.

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Guinea Pig Flowers and Flesh of Blood*** (7-/10) 

Votes public>5.0 sur IMDB (meilleur derrière Mermaid/GP4) ; France : 2.0 pour 5 critiques (allocine)

Snuff-movies… Videodrome + 8 MM + A Serbian Film

Suggestions… Philosophy of A Knife + Blue Holocaust + The Human Centipede (first sequence)

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GUINEA PIG : HE NEVER DIES (GUINEA PIG 3) *

1sur5 Le troisième Guinea Pig prend le contre-pied deux deux premiers qui lorgnaient allègrement sur le concept du snuff movie : il en est même à des années lumière, puisqu’il s’agit d’une comédie  »noire » (sur le principe) gore et totalement fauchée. L’intention est peut-être louable pour celui qui voudra poser une vision d’ensemble sur la saga, mais le scénario de He Never Dies n’est qu’à peine moins minimaliste que les deux précédents et surtout, le film ne prône aucune véritable démarche, si ce n’est d’afficher son statut de comédie horrifique, perspective plutôt occidentale [Evil Dead, Bad Taste pour ne citer que les maîtres-étalons]. Potache dans le fond, creux de toutes parts.

L’histoire, puisqu’il y en a une, est celle d’un personnage inconsistant et claustré, suicidaire se découvrant indolore à l’occasion d’une séance de scarification, jusqu’à, paradoxe caustique, réaliser qu’il est immortel. La trame, de fait, ne consiste qu’à le faire expérimenter les possibilités qu’offrent cette nouvelle donne : le garçon se charcute lui-même, use de ses pouvoirs pour terroriser un membre de son entourage, jusqu’à se réduire à l’état de simple tête abandonnée sur un coin de bureau.

A un portrait d’une platitude confondante [la vie sociale navrante du cobaye] s’ajoute un humour vaseux, témoin d’un certain mauvais goût nippon, ici révélé dans toute sa splendeur. Collant à la misère humaine de son sujet, le réalisateur Masayuki Kuzumi va jusqu’à gratifier le public d’un dialogue de pieds [on aura donc connu, en trois films, tous les niveaux de prétentions possibles]. He Never Dies se ridiculise délibérément, quoique peut-être moins consciemment, par la présentation du cas par un pseudo-expert. Principe antédiluvien, propre à la SF américaine des 50’s, dont le résultat à l’écran est d’autant plus fade et poussif que la mise en scène le servant est atrocement cheap [le film a ainsi des allures de Contes de la Crypte se présumant  »adulte »].

On quitte la séance persuadé qu’il est au mieux un pathétique petit malin surfant sur un mythe pour assumer son manque de talent. Mais laissons donc Kuzumi se persuader d’être un génie burlesque de l’ombre. Quoiqu’il en soit et hormis les deux derniers opus (soit les cinquième et sixième), eux aussi des  »comédies » (mais presque unanimement méprisées quand à elles), He Never Dies est le moins important, célèbre et reconnu de la série. A la limite, il jouit d’être plus abordable pour un public mainstream. Minable motif de consolation.

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Ginî Piggu : Senritsu! Shinanai otoko* (1/10) 

Notoriété>450 notes sur IMDB (moins que les 1,2,4)

Votes public>4.8 sur IMDB (3e, proche des 2 & 4)

Suggestions… La Trilogie Evil Dead + Bad Taste

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GUINEA PIG : MERMAID IN THE MANHOLE (GUINEA PIG 4) **

3sur5 Après les facéties d’He Never Dies, ce quatrième opus revient aux affaires sinistres. Sans plus aucunement revendiquer un quelconque réalisme (le résultat est plutôt léger), la recherche esthétique s’inscrit dans la continuité de la démarche opérée sur Flowers, soit une quête insatiable et passionnée de glauque. Hideshi Hino, justement réalisateur de Flowers and Flesh of Blood [seul opus digne d’intérêt à ce stade de la saga], revient pour signer celui qui est tenu comme le meilleur de la série des Guinea Pig par l’ensemble de ceux qui ne trouvaient pas leur compte dans les deux premiers films. Adaptation de l’un de ses mangas, c’est une sorte de cartoon romantique et premier degré laissant planer le doute entre fantastique et état pychotique de son héros. Il faut signaler qu’avec une durée de près d’une heure contre une quarantaines de minutes pour les précédents, Guinea Pig 4 apparaît décidé à dépasser ses modèles, tentant de les effacer des mémoires via une histoire d’amour impossible kitsch à souhait.

Un peintre prend en charge une sirène blessée découverte lors d’une de ses excursions dans les égoûts (ou il aime venir cherche l’inspiration). Son corps est progressivement dévoré par un mal inconnu, gagné par des excroissances de chaire [pour se faire une idée, on se croit entre The Brood et Street Trash] aspirant toute son énergie vitale. L’artiste tente en vain de la sauver, la représentant sur ses toiles en parallèle [il la sauve par toutes les voies possibles, comprenez la poésie, prise très au sérieux par nombre de fans émus]. De Hino, difficile d’attendre autre chose qu’un héros aux répliques lyriques et emphatiques, toutefois celui-ci est plus nuancé que le samourai de Flowers : la naiveté a pris le pas sur l’ineptie.

Le scénario demeure minimaliste [la sous-intrigue parallèle assez bidon, proche du deux es machina pataud et buriné, impliquant la curiosité des voisins], l’essentiel de la trame se résumant à la dégradation physique subie par la sirène. Ce qui paraissait prometteur ne débouche que sur un déferlement de gore graphique aux couleurs de la gay pride et au grotesque revendiqué de chaque instant, et ce déferlement occulte somme toute le combat des deux  »presqu’amants ». Le film se réfugie dans une routine complaisante, filmant des plaies irrationnelles plus encore que la souffrance qu’elle engendre. Hino nous lègue alors un produit curieux et plutôt fou, mais ou rien sinon l’esbroufe visuelle ne semble être parvenu à maturation.

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Ginî piggu: Manhôru no naka no ningyo** (6/10)

Notoriété>650 sur IMDB (meilleur score derrière les 1&2)

Votes public>5.2 sur IMDB (meilleur score devant 2&3)

L’Amour Fou… L’Inconnu (1927) + Dellamorte Dellamore + Blue Holocaust

Voir le film sur Youtube (VO sous-titré Espagnol)

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GUINEA PIG : ANDROID OF NOTRE-DAME (GUINEA PIG 5) *

2sur5 Android of Notre-Dame est souvent considéré comme le plus mauvais et soporifique des Guinea Pig. Et il faut reconnaître qu’invoquer la notion de médiocrité, dans son cas, n’est qu’un doux euphémisme. Après trois films relativement ambitieux dans leur approche formelle, complétant ou prenant le contre-pied de Devil’s Experiment, Guinea Pig 5 est manifestement celui qui étire la saga jusqu’à l’absurde.

Sauf que ! Oui, on ne sait qui l’emporte du cynisme de la production et des tenants du titre ou de la naiveté des auteurs dans ce cinquième opus. Des terrains les plus bis qui soit, la saga bascule ici dans le Z le plus achevé (un statut approché par Guinea Pig 3). Il faut sans doute y être résigné pour profiter du spectacle, car Android est un super-nanar. Esthétiquement parlant, il est moins dans la quête de sinistre que de louffoqueries horrifiques : contexte du laboratoire, son des cloches (intro), musique atmosphérique et décoration 80’s criardes… Re-Animator tout vêtu de cheap!

C’est aussi le seul des GP à s’immiscer dans la SF. Visez plutôt : un nain professeur pratique des expériences sur des cadavres pour sauver sa soeur. Misérable prétexte à un n’importe-quoi qui paradoxalement, et quoique que bien entamé, manque de folie. L’un des aspects les plus déconcertants dans Android est sa formidable ignorance de l’ellipse : que de séquences ultraréalistes façon sitcom ringardes dans un premier temps, puis gros blocage sur les détails les plus insignifiants. Petit nain fait des branchements, tâte de la pince à crocodile, utilise une perceuse pour resserrer un vis de la machine maléfique qu’il a fabriqué pour atomiser son prochain.

Guinea Pig 5 est un film viscéralement nul, mais justement. L’ensemble est tellement déphasé, à un côté de la plaque à un point fulgurant, qu’il devient une sorte de vaste comédie [quand l’humour délibéré de GP3 plongeait le spectateur dans une espèce de perplexité teintée de féroce amertume]. La platitude de la réalisation le prescrivant au début d’après-midi, l’heure de la digestion, en lieu et place de Feux de l’Amour ou Navarro. C’est même une alternative sympathique.

Un bonheur de zeddard jusqu’au-boutiste : des comédiens d’une nullité crasse malgré leurs airs convaincus, bien sûr, mais surtout un docteur à tronche de lutin constipé, ou de fouine offensive [que du bonheur je vous dis !], des effets spéciaux en plastiques (c’est même une contre-performance hallucinante, surtout après le réalisme ou à défaut le calibre de ceux des prédécesseurs d’Android), des sons inappropriés ou échappés d’on ne sait trop ou. Il faut voir cette séquence ou notre ami Frankenstein junior, en trifouillant le ventre d’une femme, provoque des pets incongrus ( »organiques » ?). Relevons également une séance de claque très Les Inconnus/Les Miséroides. Evidemment, la stupéfaction pourra l’emporter : un nain s’esquintant sur un téton, c’est grotesque, mais au bout de deux minutes, le cinéphage déviant qui aura bien voulu encaisser tant d’inepties se voit forcé à admettre la nature première de Guinea Pig 5. C’est-à-dire que c’est de la merde, avant même d’être un lambeau des poubelles du cinéma ne devant son infinitésimale notoriété qu’à la franchise dans laquelle il s’inscrit. Mais bon, c’est aussi un excellent crû du bis folklorique malgré lui ! J’en ris encore…

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Android of Notre-Dame* (4-/10) 

Notoriété>350 notes sur IDMB (grosse chute – plus faible après GP6) / le film n’est pas intégré sur allociné

Votes public>3.7 sur IMDB (le plus faible – derrière 1&6)

Qualité Z… Michael Kael contre la World News Company + Enfin Veuve

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GUINEA PIG : DEVIL DOCTOR WOMAN (GUINEA PIG 6)

2sur5 L’ultime Guinea Pig emmène définitivement la saga vers le rayon de la série ultra Z (cet opus l’est à peine moins que son prédécesseur) extravagante plutôt qu’agressive. Une doctoresse glam-kitsch (incarnée par un célèbre travesti national), sorte de speakrine 70’s trash, joue la séduction face caméra et la tortionnaire avec ses patients aux étonnants symptômes cliniques. Récit très didactique (le film se déroule en plusieurs parties), effets artisanaux dignes d’Arbre de Noël (les pitoyables explosions de têtes, les transitions tout juste dignes de vidéos de vacances de mr-tout-le-monde), jeux avec divers fluides corporels, Guinea Pig 6 est un peu le Bad Taste du pauvre, une sorte de paradigme rivalisant avec les productions Trauma.

On rit beaucoup, moins du comique de mots peu ambitieux ou visuel totalement lourdaud que d’un certain comique de situation ; le paradoxe entre l’énergie déployée sur ce film et les moyens à disposition de sa gaillarde équipe font plaisir à voir. Le film est incroyablement fauché, mais si volontaire, si habilement zeddard, qu’on lui pardonne avec envie.

C’est souvent à l’usure que cet ouragan trash obsolète nous rallie à sa cause, comme lors de la scène surréaliste du restaurant. Quelques gimmicks hors-du-commun (le ventre à bouche – dont on voit comme il n’est rien d’autre que le T-shirt d’un ventriloque du dimanche ; le coeur serial-killer – inspiré du Blob ?), quelques errements au frêle second degré (la romance entre le sosie de Frankenstein et une jeune femme, dont on se demande si elle ne se réclame pas belle et tragique dans le fond, juste un peu – et ça serait un peu embêtant, en plus d’être pas drôle) font la démonstration de la ferveur potache à l’oeuvre.

On est entre Bernie et un Bigdil sanguinolent, pas loin, selon le sketche, d’un Groland nippon. Pour les amateurs de nanars gores, voici un beau spécimen, sûrement trop long (trois quart-d’heure seulement pourtant) et lassant, follement exotique et décalé de surcroît. Afin peut-être ne pas dire un peu ringard. Et surtout assez minable.

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Za Giniipiggu 6: Akuma no Joi-san** (5/10) 

Notoriété>250 notes sur IMDB (plus faible de la saga)

Votes public>3.9 sur IMDB (plus faible avant 1&5)

Horror Kitsch… Le Blob + Hellraiser IV, Bloodline + Démons/80’s

Horror & LGBT… Hellbent

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Voir les avis sur SC : 1-Devil, 2-Flower (66), 3-Never, 4-Mermaid (62), 5-Android (36), 6-Doctor (46)

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 Voir l’index cinéma de Zogarok

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8 Réponses to “GUINEA PIG, L’ULTRA-GORE JAPONAIS”

  1. Voracinéphile septembre 1, 2013 à 01:15 #

    Pour ma part, mon fameux contact amateur de films extrême a la collection complète, et m’en a donc fait rattrapé quelques uns (il me manque encore les épisodes 1/3/5). Vu l’étendue de l’article, pas grand chose à ajouter, si ce n’est la surprise de voir cette réhabilitation du 5ème opus conspué. Surtout avec autant d’emphase de ta part, je suis piqué au vif.

    L’épisode 6 m’a semblé très aléatoire pour le coup. C’est une authentique zedderie consciente de sa bêtise, et qui vise donc le nanar volontaire. L’objectif est atteint au cours de certaines scènes (la famille à tête explosive) et ratée platement pour d’autres (le tatouage, le banquet cannibale…)

    • zogarok septembre 2, 2013 à 18:20 #

      « Réhabilité » est un bien grand mot ! Il a une étoile et un 4- (cet article date d’une lointaine époque..)

      Les 3-5 sont sans intérêt. Le 1 est un passage obligé, comme le 2, si tu veux découvrir le phénomène – sinon, tu n’as pas la source.

      L’épisode 6 est plus proche des Troma… le divorce est consommé – mais il y a une rupture dès le 3, pour ensuite revenir à du gore plus ou moins festif et/ou passionné.

  2. Voracinéphile septembre 2, 2013 à 21:22 #

    Vu les notes habituellement formulées, un 4- doit être la plus haute estimation que j’ai vu sur le web… Une petite moyenne, c’était inespéré. Entre temps, je l’ai vu et effectivement, c’est assez nanardesque. Mais pas violemment antipathique, pas plus qu’un Trepanator… Quoique Trepanator était encore plus fauché…

    Je retiens pour le 1, passage obligé (que j’ai zappé allègrement pour l’instant). L’article a en tout cas ressuscité beaucoup de souvenirs de films gore japonais comme Musane ou la saga des Red room… Ou l’introuvable Women’s flesh… Ah, il y a Eat the schoolgirl aussi, encore plus trash qu’ichi the killer, mais hélas beaucoup moins réfléchi aussi (enfin bon, le but revendiqué était de surenchérir de perversion, et il réussit à remplir son quota).

    Un troma japonais… Pas absurde en effet, dans la démarche… Enfin bon, la troma a produit tellement de navet aussi… Heureusement que Kaufman a relevé le niveau et que certains ont fait preuve de génie (je pense au monstrueux Combat shock, véritable apocalypse now de la série Z, mais dans le bon sens du terme)…

    • zogarok septembre 6, 2013 à 12:54 #

      « Devil’s Experiment » est beaucoup moins connu que « Flowers » mais c’est tout de même l’opus originel, il est donc de toutes façons ce passage obligé.

      Je n’ai pas fait la comparaison – et puis, cet article est très ancien (trois ou quatre ans), il date même d’une période précise peu anodine pour moi !

  3. chonchon44c septembre 6, 2013 à 10:55 #

    Article très intéressant, car je ne connaissais absolument pas ces « œuvres » mais je crois que je ne regarderai jamais ça, je suis trop sensible. Et puis une certaine « éthique » personnelle m’empêche d’aller vers ce genre de cinéma, qui m’a tout l’air d’être fait par des psychopathes. Les encourager en regardant ce qu’ils font, non, je boycotte. On touche là des sujets sensibles, la censure, la morale… où ça commence, où ça s’arrête… Chacun a ses propres limites, je crois. Mais le risque, c’est cela tombe dans les mains d’autres détraqués… Ceci étant, la planète terre est ce qu’elle est. Ne tombons pas dans l’angélisme.

    • zogarok septembre 6, 2013 à 12:47 #

      Les deux premiers sont effectivement des « films de psychopathe » à tous les degrés, je te l’accorde. Pour le premier, j’ai effectivement ce rejet de principe (ce n’est que le second zéro sur ce blog, après V pour Vendetta). C’est différent avec « Flowers », le second, qui tient davantage du délire romantique.

  4. Van Mai 8, 2014 à 16:06 #

    Sympa… C’est pas que ça me choque, il en faut pour tous les goûts et le cinéma est la pour ça, mais c’est un peu redondant tout ça. Boucherie, boucherie, boucherie. J’admet que c’est créatif mais ça n’en demeure pas moins de la boucherie.
    Par contre, pas mal comme anecdote à placer.

    • zogarok Mai 12, 2014 à 13:33 #

      Oui c’est créatif et pas seulement dans la « boucherie » ! Je te conseille vivement, pour échapper à la boucherie, de voir les Guinea Pig à partir du 3. Les 6 et 4 (surtout lui) en particulier, le 3 étant une épreuve. Eux sont de purs délires d’auteurs. Le second l’est aussi, mais c’est barbaque. Le premier c’est… la vidéo racoleuse par excellence. Les deux premiers sont tout autant malsains, mais il y a d’immenses différences entre eux.

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