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DEUX HOMMES DANS LA VILLE =-

28 Mar

deux hommes ds la ville

Troisième et dernière réunion à l’écran de Jean Gabin et Alain Delon (après Mélodie en sous-sol et Le Clan des Siciliens), Deux hommes dans la ville est la réalisation de loin la plus connue de José Giovanni. Ses 14 autres films (dont La Scoumoune) jouissent d’une faible notoriété, certains étant parfois carrément tombés dans l’anonymat. Giovanni est pourtant un personnage d’une influence considérable et le principal géniteur des univers de mafieux dans le cinéma français des années 1960-1970, en tant que scénariste et dialoguiste : cela commence en 1960 avec l’adaptation de son roman Le Trou par Becker, puis comprend pour les plus fameux Le Deuxième Souffle de Melville, Les Grandes Gueules d’Enrico, Le Clan des Siciliens.

Plaidoyer progressiste tourné par un homme de droite ambigu et avec deux stars plutôt réactionnaires, Deux hommes dans la ville est un objet pour le moins curieux et sans doute, plus que bancal, troublant par ses postures. Il est retenu comme un hymne contre la peine de mort (huit ans avant son abolition en France) et en faveur de la réinsertion des délinquants. Ces positions sont défendues de façon cohérente et cette consistance justement donne au film l’essentiel de son intérêt ; si cette intelligence est là, l’habileté fait défaut. Le discours n’est pas simplement lourd, il est parfois carrément pataud (surtout dans la première moitié) ; on parle comme des tracts, des phrases peu cinématographiques en plus d’être peu crédibles s’abattent.

L’éducateur interprété par Gabin relativise ridiculement certaines exactions, sa défense du faible et ses amertumes sont souvent grossières, avec une sorte de posture habitée par le déni, recourant à l’idéologie pour simplifier et peut-être dénier une complexité dont on est pas dupe par ailleurs mais tourmenterait davantage (que la simple opposition ou indignation). C’est très significatif justement : à la vision de ce long-métrage, se sent l’auteur luttant contre son pessimisme anthropologique. Sans donner de vertus au ‘marginal’ en général, le film en accorde à un certain idéal d’homme, individualiste par nature, prêt à être en adéquation avec la société si en lui en laissait l’opportunité, au lieu de s’acharner comme cet inspecteur au zèle froid et quelque peu vicieux.

Le personnage de Delon n’a pas spécialement de vertus définies, mais c’est théoriquement un représentant de cet idéal incompris, parasite aux yeux de la société et des foules médiocres et malveillantes, en dépit et même à cause sa force et celle probable de ses contributions si on le laissait faire. Giovanni croit à la rédemption pour ces âmes trop viriles, trop indépendantes et trop graves en somme ; mais la société comme le système judiciaire souvent ne sont pas ouverts à cette reprise. Dans le contexte du film, cela s’exprime de la façon la plus correcte possible, car ici le rapport à la pègre est paradoxal, régressif ; on en importe la morale mais jusqu’à un certain point, d’ailleurs la vendetta est impulsive et non soutenue par le code.

Par ailleurs Delon/Gino tache effectivement de se réinsérer, plaque son monde d’origine ; en dernière instance il n’a eu que des ennemis ou des fardeaux pour l’empêcher de vivre, lui, prédateur certes mais surtout prédateur à cause des circonstances n’encadrant pas sa nature. Il y a quelque chose d’insoluble face auquel on s’emmêle (parce qu’on s’accroche à la vie et à la loi malgré tout) ; et pendant que Gabin/Cazeneuve déroule ses critiques de vieil éducateur écœuré, anti-autoritariste et humaniste dans la mesure de ce que le bon sens autorise ; l’action elle-même vire à la caricature ad hoc, voir à la niaiserie. C’est comme si des hommes au bord du nihilisme voulaient soutenir des idéaux d’optimistes compassionnels, en éprouvant somme toute qu’une timide connivence, mécanique et vite balayée par le poids de l’expérience et du désenchantement. Et pendant ce temps les valeurs ne sont pas claires. Mais de toutes façons le vraie justice perd, comme elle perd toujours dans un monde où il faut composer.

À cause de ces écartèlements, il faut un arbitre épais, un peu bête ; par conséquent la séance tire vers le mélo paresseux, avec beaucoup de scènes fortes habillant un squelette moral engourdi. Film assez pittoresque donc, plus confus et laborieux que véritablement raté ou même maladroit. Film important dans la carrière de Delon, défenseur de la peine de mort et plus univoque dans ses idéaux que Giovanni (dont le sens de l’ordre et de honneur implique l’éloge de la vengeance et de la répression malgré le plaidoyer en présence ici) ; et dernière apparition dans un succès commercial pour Gabin (seulement deux films ensuite : Verdict en 1973 et L’année sainte en 1976, année de sa mort). On notera aussi les présences très secondaires de futurs acteur acclamés : Bernard Giraudeau et Depardieu ; tandis que Victor Lanoux apparaît, conforme à ses rôles de salauds opportunistes du début, loin du Louis la Brocante de sa fin de carrière.

Note globale 54

Page Allocine & IMDB  + Zogarok sur SensCritique

Suggestions… Le rouge est mis + La Vérité/1960 + Le Samouraï + Garde à vue + Le vieux fusil + Dancer in the Dark + Funny Games

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (3), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (3), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (3), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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MINI FILMS janvier 2022

16 Mar

Les notes au détail (EFI-PTS) : l’Écriture, la Forme, l’Intensité ; la Pertinence, le Style, la Sympathie.

Les huit catégories de genre : Intimisme (empathie et personnages), Drame (lourdeur et extériorité), Fantaisie (évasion et imagination), Épouvante (effroi et agression), Suspense (intrigue et investigation), Action (aventures et divertissement), Comédie (humour et situations) & Alternatif (non-fiction et expérimental).

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Douleur et gloire + (intimisme 2019) : Les scènes de film dans le film (ou d’enfance) ont quelque chose de magique ; les autres semblent faites davantage pour les initiés (à l’œuvre d’Almodovar) et les gens sensibles à une démarche d’auto-fiction. Les plus généralistes se contenteront des drames de la maturité et sur ce plan, il y en a autant pour l’émotion que pour la vulgarité. 777-777. (72)

The father + (intimisme 2021) : Biopic non-autorisé des dernières années de Sleepy Joe. Fatalité des blessures de vieillesse, à la perte de la mémoire et des repères suit celle de l’autorité sur soi et son monde, puis sa propre perte. La vie de ce vieillard est un Enfer de quelques m² dont il ne peut plus s’échapper même en esprit. Dans les moments de mise à nu on sent l’ambiance des Polanski paranoïaques mais sans la force de l’angoisse, tant la confusion emporte tout. 879-888. (84)

Songbird – (suspense 2020) : Produit opportuniste conçu dans la précipitation. Les acteurs et surtout actrices lui donnent un petit semblant d’ampleur, sans quoi on est proche du niveau zéro. 353-233. (28)

La vie de Jésus =- (intimisme 1997) : Voyeurisme d’auteur puant l’intérêt ‘vide’ et le mépris infini, le tout nuancé par une absurde et noble espérance. Ça ne me dérange pas mais je ne me sens pas de participer à l’hypocrisie (ou à acclamer cette mesquinerie chrétienne) ; rien dans cette fosse n’est calibré pour maintenir à un niveau honnête la curiosité ; on nous laisse libre de nos émotions avec tout de même un biais pour l’indulgence, sur un mode « Ce monde-là est bien écœurant et minable mais si on le regarde bien à fond, on verra finalement émerger un soupçon de dignité, une beauté reliant ces gueux à toute l’Humanité », or je trouve la démarche théorique et pas spontanée, à la limite de l’auto-sabotage (ce qui ne sape pas sa logique et confirme sa perversion). S’il s’agit d’avertir sur les ravages du crétinisme, la démarche me semble méchante car prête à amalgamer toute la population d’une zone certes radicalement plus pourrie que la moyenne. S’il s’agit d’appeler à éduquer et sauver ces pauvres âmes, cette démarche est à vomir – mais bien que Dumont en interview m’ait presque surpris par la banalité de sa posture, je doute que son cinéma ait une telle vocation et cet absurdisme qui ne s’avoue qu’à moitié est probablement ce qui le sauve. Dans ses meilleurs moments le film relève du Groland/Strip-tease poseur, ou bien à la tendresse ou au comique fatigués. Le final où notre monstre central se rapproche d’un Jésus solitaire est le seul où transparaît un peu d’humanité – et on y croit qu’en principe. 375-433. (36)

L’odyssée de Pi + (fantaisie 2012) : Des moments splendides mais plusieurs superpositions vieilliront mal. Ressemble à du Danny Boyle en plus contemplatif. La révélation finale dévore le souvenir et incite à se faire un film alternatif, où Gérard aurait joué ce rôle horrible – mais c’est difficile de ne pas l’imaginer plutôt à la place de l’alter ego de Pi. 788-577. (72)

True grit + (action 2010) : Enterre l’original si lourdingue qui tentait vainement de s’échapper des redondances d’un genre pontifiant. Jeff Bridges y joue un remarquable connard. 678-687. (72)

Dark Blue =+ (suspense 2002) : L’imitation de l’époque est si ‘exagérément’ réussie que le film donne l’impression d’être tourné vers 1988 soit avant les faits. Polar terriblement caricatural, un sous-Q&A (ou Contre-enquête) de Lumet. 467-566. (58)

Bohemian Rhapsody =+ (intimisme 2018) : Simple et terriblement efficace, avec les passages obligés (notamment le professionnel rabougri inapte à déceler le génie devant lui) et un focus externe mielleux même dans la tempête ou les moments de doute. Rendre Mercury si laid n’était pas nécessaire, mais c’est peut-être une façon d’assumer ‘à fond’ la distance physique entre le modèle et l’acteur. 688-555. (56)

Miss Peregrine et les enfants particuliers =+ (fantaisie 2016) : Malgré la normalisation le Burton post-Frankenweenie m’a plutôt convaincu, entre Big Eyes et Peregrine. Les sentiments sont relativement adultes et sérieux. 777-676. (68)

Un long dimanche de fiançailles + (drame 2004) : Hormis peut-être (car je l’ai lu et pas vécu ainsi) le lâche de service car il est corse et donc disqualifierait la chair à canon fournie par cette région, je ne vois rien d’attaquable dans la façon d’aborder la guerre de 14-18. Son cynisme ne l’emmène jamais vers la dégueulasserie, ou le ridicule des perspectives plus naïves comme celle de Tautou ou d’autres (dont ses tuteurs) éloignés en esprit comme en pratique du conflit. C’est un film complet et véritablement français, où la République ne paraît pas si grande. 898-888. (84)

Spencer =- (intimisme 2021) : Larrain est un cinéaste de la complaisance et de la sublimation ; je ne suis pas un adepte de son romantisme et encore moins intéressé par le cas Diana, or les deux options semblent indispensables pour respecter son film. Il faut reconnaître que, comme Jackie voire plus gratuitement encore, il se contemple avec une facilité rare, exigeant peu de conviction ; il y a pourtant de quoi s’ennuyer et les spectateurs venant défiants ou crispés seront impitoyables. Intellectuellement et moralement je suis dubitatif à l’égard du comportement de la princesse et du regard complice porté par le film ; mais sans être poignante, sa démonstration fonctionne. Le film donne chair et légitimité à des atermoiements d’une femme probablement pas à la hauteur, en tout cas inadaptée, pour se fondre dans cette organisation rigoriste – parfois absurde et quelquefois odieuse (la pesée), en général simplement traditionaliste. 586-554. (48)

Deadlock – (action Allemagne de l’Ouest 1972) : Aussi fauché que futile. Évidemment à la fin tout le monde est dégommé, mais quel rêveur s’attendait à une conclusion intelligente ? Un film underground à réserver aux amateurs de croûtes endurcis ou aux amoureux du groupe Can. 334-243. (32)

Banco à Bangkok pour OSS 117 – (suspense 1964) : Gros problème de rythme. Le scénario est misérable mais surnagent de grandes lignes appétissantes, qui auraient pu donner un rutilant nanar ou un thriller politique sérieux (concrétisé via une scène éclair avec la secte d’Evil Hossein). C’est devenu du James Bond sans l’alchimie, avec pour morceaux relativement intenses l’arrivée en Asie et la fuite en usine. Il n’y a pas le semblant de proximité ou de ‘réalité’ qu’avait l’autre OSS 117 vu (le premier, OSS 117 n’est pas mort), aux moyens bien plus modestes, mais finalement plus accrocheur sur la durée. Celui qui cherche à s’amuser devra s’arrêter au synopsis, éventuellement s’autoriser quelques minutes d’intro. 253-243. (32)

Tu ne tueras point =+ (drame Pologne 1988) : J’ai éprouvé une vague empathie et aucune tendresse pour ce type ; son sort me semble juste et une réponse ferme à son absurdisme toxique est inévitable dans un régime qui souhaite perdurer. 776-666. (62)

Les grandes espérances + (drame UK 1947) : Le genre de beauté exacte auquel on pense lorqu’on parle (favorablement) de ‘classique’. Tout est magistral et limpide. L’interprétation de l’horrible et tragique Estella semble à la hauteur du défi posé par le modèle (l’ouvrage de Dickens, générateur de tous ces dialogues et instants cruels, au château comme à la ville). 888-888. (82)

Mini-Critiques 2021:  Dec, Nov, Oct, Sept, Aout, Juillet, Juin, Mai, Avr, Mar, Fev, Jan. 2020: Dec, Nov, Oct, Sept, 15, 14, 13. 2019: 12, 11, 10. 2018: 9, 8. 2017: 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

Mini Courts : 2020, 4, 3, 2, 1

Mini Revus : 2ou2020, 1

Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1

SOUS LE SOLEIL DE SATAN +

21 Fév

sous le soleil de satan

C‘est la Palme du « Vous ne m’aimez pas, je ne vous aime pas non plus », la plus controversée et haïes de toutes avec La Grande Bouffe, celle de 1987 où le Festival est désormais diffusé à la télévision et envahi par les médias. Sous le soleil de Satan sort alors que Pialat est très connu du grand-public et vient de connaître son plus grand succès avec Police. Il adapte Bernanos en reprenant le roman (de 1926) qui l’a rendu célèbre et l’a poussé à faire d’écrivain son métier. Les principales péripéties sont gardées, plusieurs chapitres et de nombreux personnages éludés.

Menou-Segrais, rôle que se donne Pialat, est bien plus important que dans le livre, tandis que son héroïne Mouchette (Sandrine Bonnaire) partage la vedette avec Donissan (Gérard Depardieu). Pialat pousse ces deux derniers à des performances éreintantes, sur le plan physique et spirituel. La déchéance de Mouchette est plus inconfortable. Pialat gomme les aspects fantastiques voir mystiques propres à Bernanos pour ancrer son récit dans un réalisme complet, univoque.

Il fait interagir ses principaux protagonistes dans un contexte où Satan a gagné, depuis toujours. Ils ne se remettent pas de cette prise de conscience, fruit de la pure immanence pour Mouchette et d’aléas plus complexes pour Donissan. Et ils souffrent de vivre sans foi ni absolu, se faisant ainsi la proie des angoisses les plus archaïques, seuls face à la mesquinerie de leur présence. Toute l’énergie contenu par ces héros déchus est étouffée par leur absence de destin et de références.

Le style est théâtral voir hiératique, contrairement aux productions habituelles de Pialat. Les dialogues entre Donissan et Menou-Segrais sont passionnants, dès l’introduction où le premier confie ses doutes. Le spectacle demeure très obscur et manque de liant, comme si Pialat était au fond trop pudique face à son sujet. Il n’y a aucun plaisir à contempler Sous le soleil de Satan, en revanche le film stimule grâce à cet esprit de quête dont Pialat fait l’éloge, même si ses personnages s’y abîment.

Note globale 73

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

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MINI 17 ou 2020-5 (Octobre)

11 Nov

Big Movie * (USA 2007) : Laborieux, confus, essaie tout piteusement, revient au clip de rap. Des gags odorants mais à peine – plutôt vomi que caca-pipi. Effets spéciaux moches, mais pas assez pour être mémorable (ou de niveau Sharknado). Beaucoup de décors, certes artificiels, mais quand même suggérant qu’on a investi des moyens, recruté beaucoup de gens pour ce film qui n’arrive pas au niveau d’un best-of quelconque des blagues qui auraient fait se tordre de trop vieux amis alcooliques, entre la fin de banquet et la mise sous coma artificiel. Je rate quelques références, probablement pas toutes empruntées au cinéma. À sauver relativement au reste, peut-être l’entrée du Faun ; beaucoup d’internautes semblent apprécier le sosie de Samuel Lee Jackson et sa phrase ‘culte’ issue des Serpents dans l’avion. (16)

Reindeer Games / Piège fatal ** (USA 2000) : Bon film d’action, au scénario lourd et aux effets spéciaux convaincants. Il semble improbable de pas sentir le grand retournement venir, ainsi que d’autres mineurs (le coup du coffre) ; l’ultime est moins prévisible, même si lui aussi ne devrait pas surprendre ceux qui ont ‘trop’ consommés de ces polars outranciers (et un peu décérébrés). Le début en prison laisse dubitatif, comme parfois le jeu ou la situation de Ben Affleck. Ces défauts n’entravent jamais le plaisir un peu régressif ; s’il y avait quelque chose ‘en plus’ (et une fin moins niaiseuse) ce film deviendrait facilement un bon souvenir, au lieu de ça il reste anodin. (62)

John Frankenheimer… Prophecy le monstre.

Eva * (France 2018) : Je ne connais pas les œuvres relatives (le roman, l’adaptation de Losey). Ce film méprisé par les spectateurs tient soit du ratage ou du laisser-aller soit du ‘déceptif’ volontaire. On voit du pays (Annecy) et du minable chic, dans lesquels circulent deux marchands sans âme ; c’est mou mais pas désagréable. Visuellement on passe par des trucs bizarres (scène de l’église confuse) ou un peu désuets. Le scénario interdit multiplie les voies de garages, surenchères alambiquées vite à cours de jus. Des twists outranciers et vains viendront clore (ou abandonner) ce matériau qu’on dirait moisi. La psychanalyse demeurera dans l’expectative. Leur histoire s’enclenche de façon maladroite puis dérive de manière grossière. Y a-t-il une intention de refléter le manque d’inspiration, l’incapacité à gonfler un narratif, l’errance tragique d’êtres vides ? C’est plus ennuyeux que contrariant ; par contre ce qui est malaisant dans cette affaire, c’est le choix d’Huppert. Même si son rôle ici est proche de celui qu’elle tient en général, la pertinence d’une aura antisexuelle réfrigérante m’échappe dans ce contexte où elle doit être une femme fatale, à moins qu’il s’agisse encore de cette volonté ‘déceptive’. Je ne comprend pas non plus pourquoi une personne si odieuse inspire cette indulgence ; cette sorte de ‘Wesh’ blanche embourgeoisée dont toute la vulgarité éclate avec ses réponses banales et navrantes au patron de l’écrivain. Enfin son « Je peux être sauvage quand on cherche à m’humilier » est une blague pleine de vérité ; combien de petites morues (passives-)agressives peuvent la sortir pour excuser leur violence stupide (et leur recherche d’ascendant par l’humiliation) ! (38)

Une femme mélancolique * (Allemagne 2019) : Trip narcissique d’une prétendue ‘dépressive’, princesse dans son bain, autrice a ses heures, elle a trois critères pour les hommes ‘beauté, innocence, coolitude’. Le troisième sketch relève du style Mandico, l’ensemble est brumeux, parfois transgressif, travaillé par une moraline pop heureusement lâche ou anéantie par cette paresse et ce goût de la pose. Des propos sensés dans un lot quelquefois drôle et souvent décadent. Des scènes mongoliennes comme celle du bus, du gloubiboulga hystérique et complaisant, du gauchisme culturel, de la nudité. Intérieurs pastels ou lumineux, factice ; l’appartement du ‘petit gros sans le sou’, moyen davantage que celui d’un pauvre, apporte un peu de répit à nos yeux. (42) 

Cursed ** (USA 2005) : Mal noté, connu pour sa production compliquée, un des films ‘stupides’ de la fin de carrière de Wes Craven. Le casting relève le niveau et la cible ‘teen’ apporte une légitimité à la bêtise énergique ambiante. L’introduction des personnages ou de l’intérêt pour les loups-garous est idiote ou maladroite ; forcément les effets spéciaux ou simplement la malédiction peuvent faire sourire. Il gagnerait à être raccourci de 10 minutes mais c’est bien le genre de crétineries agréables à regarder – et à laisser de côté immédiatement si on a mieux à faire, pour la reprendre plus tard. Du niveau d’une série télé (devenue) médiocre mais flamboyante. (48)

Black Panther ** (USA 2018) : Il y a de quoi rire (spécialement lors des rituels), mais au moins le style est là. Beau serait excessif et supposerait de passer sous silence plusieurs scènes désuètes et celles dignes de rushes live du Roi Lion sorties des poubelles ; mais c’est à l’occasion assez joli. Stérile et complaisant sur le fond et dans le discours, comme souvent avec ces grandes foires aseptisées. (46)

Pickup on South Street / Le port de la drogue *** (USA 1953) : Rapide et cinglant, un très bon ‘film noir’ signé Fuller (dont j’adore le Naked Kiss). Terrible sur les rapports humains et les liaisons sentimentales. Sous les airs de femme fatale, Candy tient plutôt de la parfaite victime et femme battue trouvant son compte. (72)

Man on Fire ** (Italie 1987) : Style américain et habillage typique de l’époque, avec cet amour immodéré des ralentis et des mouvements aériens criards. On y croit peu (c’est à la fois appuyé et distant) mais on veut bien marcher. C’est efficace à défaut d’être émouvant (pas sûr que le remake ait été plus convaincant sur une quelconque échelle). Classé dans ma liste Friddou Mittou (on a le droit à une fête où la protégée et le protecteur se rapprochent sous les yeux d’adultes complaisants ; à une conclusion où il la retrouve probablement plus mûre). (52)

Slow West * (Nouvelle-Zélande 2015) : Western post-moderne artificiel et moche, un peu décalé pour pas grand chose – et surtout pas pour nous surprendre. Terriblement ennuyeux au départ, trouve un certain rythme et une dose raisonnable d’intérêt avec la tuerie du magasin. S’appuie sur ses personnages qui malgré la sensibilité de l’approche restent caricaturaux. (38)

Blue Steel *** (USA 1990) : Si vous aimez les thrillers outranciers vous allez vous régaler ! Le scénario s’obstine à compliquer l’existence de la flic et de l’enquête ; c’est parfois à la limite de l’inconsistance ou du vraisemblable (dans la deuxième moitié), mais c’est payant en terme de drame et d’intensité. À côté de ça beaucoup de sous-entendus juteux et d’aperçus justes (et ‘clichés’) concernant l’entourage de Megan – sa relation ambiguë avec son amie, sa mère stupide caractéristique d’un certain type de femmes battues. Sur la forme c’est typique de son temps, tout en élégance kitsch, ralentis et lumières bleues prêtes à traverser les murs. Et en conclusion le western s’invite en ville. (66) 

Samba * (France 2014) : Moins ouvertement crétin (et ambitieux et comique) qu’Intouchables, moins résolument ‘familial’ ; mais assez grotesque, se vautre dans la caricature et nous livre un Omar Sy prenant un accent africain ‘pure souche’. Ce n’est pas complètement insensé ni politisé en chaque endroit ; c’est simplement médiocre. Un maximum de monde peut le voir et y trouver un bout de vérité qui lui permettra d’endurer le discours général ‘inclusif’ et dans le déni tempéré. En-dehors d’un public de premier rang et de professionnels semi-débiles, tous faibles et gentils d’esprit avant même d’être ‘politiquement corrects’ ; probablement personne ne prend au sérieux l’univers présenté par ce film. En lui-même, il est aussi inoffensif (et ‘facile’) qu’un Black Panther et ressemble à du Kaurismaki dynamisé, ‘banal’ là où l’autre clown engagé versait dans la poésie. (36)

Un monde parfait *** (USA 1993) : Dommage que toute la partie avec les flics soit si inférieure et grossièrement caractérisée ; puis que la fin soit polluée par le mauvais type cumulant les fautes morales. La connexion entre le bandit et l’enfant est ‘pure’, le personnage malgré ses superbes qualités prétendument contradictoires avec sa situation de hors-la-loi agit et réagit globalement de façon réaliste ; lui comme le film à son égard savent souffler le chaud et le froid. (74)

Kickboxer ** (USA) : Alerte phallique chez les citrondermes ! À la fois grave et désinhibé, un film d’action exotique impossible à prendre au sérieux et un plaisir ‘coupable’ garanti. Quelques scènes et de nombreux sous-entendus magiques. Des moments de solitude face au destin ou d’entraînements un peu longs. Des musiques criardes et une fin positive (même le chien se sauve) ! (52)

Austin Powers l’espion qui m’a tirée ** (UK 1999) : Pas à voir en toutes circonstances ; encore plus décousu et gratuit (et plus gras). Les folies de mise en scène sont plus frappantes que de nombreux gags ; trop de complaisance ou de démonstration gâche l’effet. La partenaire d’Austin pourrait être échangée par une autre en cours de route tant son personnage est sous-exploité ; le troisième épisode sera plus féroce au niveau des personnages et des gags qu’on peut en tirer. (52)

Bogus ** (USA 1996) : Film fantastique pour enfants avec le monde du cirque à proximité. Aborde le deuil et la perte de repères avec tact. Quelques scènes de rêveries ‘psychédéliques’ avant une ultime scène un peu frustrante par sa simplicité. Un peu répétitif et limité concernant l’écriture des personnages, mais le casting excellent éponge. Ce film inutilement long est l’une des incursions de Gérard Depardieu dans l’industrie américaine – une période généralement méprisée de sa carrière, finalement plus ‘guimauve’ que mauvaise. Il laissera probablement une impression curieuse à sa cible privilégiée : les enfants ; à eux il pourrait avoir l’air d’un thriller, avec sa créature flamboyante et envahissante et ces adultes peu secourables ou maladroits. (62)

Austin Powers dans Goldmember ** (UK 2002) : Un peu épuisant comme peuvent l’être de très mauvais films ou de trop lourdes comédies. Encore des choses communicatives dans cette troisième édition qui pousse toujours plus loin dans l’outrance, souvent en recyclant (scène des ombres chinoises) et en actualisant les personnages (dans un mélange de débilité et de médiocrité, elles aussi encore plus prononcées). L’associée Beyonce est plus charismatique que les précédentes et l’entrée de papa Caine réussie. C’est monumental dans son genre (plus spectaculaire que L’espion notamment avec les exploits du gros) mais il est temps de s’arrêter. (48)

Entre ciel et terre **** (USA 1993) : Du grand cinéma existentiel. Encore un film brillant signé Oliver Stone, ‘de gauche’ et de perception large. Ses films sur le Viet-Nam sont mes seuls manques de sa grande époque – à partir de L‘enfer du dimanche je n’ai presque rien vu. (84)

Mini-Critiques : 2020-Octobre, Septembre, 15ou2020-3, 14ou2020-2, 13ou2020-1 ; 2019: 12ou2019-3, 11ou2019-2, 10ou2019-1 ; 2018: 9, 8 ; 2017: 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

Mini Courts : 3, 2, 1

Mini Revus : 2ou2020, 1

Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1

MINI CRITIQUES REVUS (1)

5 Fév

Tous les films que j’ai vu depuis que j’ai ce blog (donc un an et demi avant Sens Critique), notés en-dessous de 9, qui n’avaient pas eu les honneurs de critiques. Pour certains elle restera envisageable (des films marquants ou importants, de quelque manière), mais ils sont une petite portion.

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8 et demi *** (1963) : Auto-analyse de Fellini, projeté dans le réalisateur dépressif interprété par Marcello Maistroianni. Cet opus est très proche de La Dolce Vita (le tournant subjectiviste de sa carrière), avec le même type d’humanité : des membres de la haute société, celle du luxe et pas concernée par les responsabilités, jamais étouffée par le devoir ou la conscience.

Pendant deux heures en noir et blanc Marcello/Fellini déambule entre sa réalité et ses fantasmes. Ses rêveries ont une orientation nostalgique et souvent érotique. Sa femme (à lunettes) n’a que des interventions pesantes, elle lui ressemble peut-être trop et n’apporte ni plaisir ni réconfort – c’est un repère désuet. Elle forme un contraste avec le harem largement imaginaire (parce que peu vécu et à tout juste articulé mentalement comme tel) de son mari.

Fellini démontre un art du clip et de la fantasmagorie ‘adulte’ notamment au début, avec la scène d’ouverture et celle en musique autour de la réception d’aristos. Le film contient quelques moments de génie très ‘publicitaires’. Son visuel magnifique a sûrement été pris régulièrement comme modèle, dans les arts liés à la photographie. Les dialogues fourmillent de fulgurances sarcastiques ou spirituelles. Les amateurs de Barbare Steele la verront heureuse de prendre des coups de fouets – le cadre a changé mais son personnage a bien été importé. (64)

Vu le 6 août 2015 et revu sur Mubi le 30 septembre 2017.

Ça – Il est revenu ** (1990) : Téléfilm en deux parties ou ‘film’ de trois heures. J’en avais vu les premières minutes (ainsi que d’autres bouts), desservies par l’interprétation féminine. La mise en scène est lourde et efficace, expéditive et proche du grotesque dans les moments cruciaux. C’est loin d’être l’incurie sur le plan horrifique ou des idées photographiques (Tommy Lee Wallace était déjà la réalisateur d’Halloween III et Vampire vous avez dit vampire). En revanche le film manque d’épaisseur, de fluidité dans les relations. Il peut être une bonne expérience pour les enfants et notamment pour un premier film d’horreur. (54)

Vu des morceaux de la première moitié à la télévision vers 2008.

Les Anges gardiens ** (1995) : Comédie hystérique, avec Depardieu/Clavier dans un double-cabotinage ; plein d’ellipses au risque de l’absurde (une des fins les plus précipitées), du Poiré. Avec un bêtisier médiocre à la fin. J’aime même si c’est fait à l’arrache et sûrement prémédité au minimum possible. Si vous adhérez à un tel truc, essayez Les Gaous (qui pousse le bordel épileptique à un niveau ‘inédit’) ou La Vengeance d’une blonde (meilleur). (62)

Vu une fois enfant, revu en 2017.

Les délices de Tokyo * (2015) : Avec Les filles du Moyen Age, c’est un des deux films que j’ai vus dans l’année (fin décembre) mais pas critiqué (faisant de 2016 la première et seule année où je n’ai pas tenu le principe). Un troisième film entrait dans cette catégorie, mais je ne l’avais pas terminé : le coréen The Strangers.

Bien que le départ soit relativement encourageant, je confirme ma non-adhésion à ce film. Et la note si basse qui par rapport aux moyennes a l’air d’une provocation, ce qui me dépasse d’autant plus que, si je ressens du négatif envers ce film, je ressens surtout peu de choses. (32)

Vu en VOST le 26 décembre 2016, revu en VF en mai 2018.

L’empire des sens ** (Japon 1976) : Présenté dans une version restaurée en 2016. Aucunement excitant et plutôt répugnant dans ses scènes explicites (entre les micro-pénis et les touffes du passé). J’avais trouvé l’approche triviale malgré un côté pompeux, c’est confirmé. Depuis heureusement j’ai découvert Tabou (et Il est mort après la guerre).

La seule scène un peu satisfaisante et plaisante est celle où une fille, tenue par plusieurs autres, se fait enfiler un oiseau en bois (juste avant la danse de Gangnam Style version papy à l’EHPAD). Concernant la passion même charnelle et plus encore les sentiments, ce film manque d’authenticité et d’intensité, jusqu’à ce qu’il ait tout déblayé autour du couple (donc quasiment jusqu’à cette mise à mort interminable). L’espace est alors trop étroit pour que la psychologie soit encore intéressante, mais les acteurs paraissent crédibles et la volonté de madame l’est certainement.

C’est bien un porno chic, enrobé par un halo de subversion et des moyens inimaginables pour un film ‘bis/Z’ ou ‘d’exploitation’ normal. Évidemment c’est devenu ringard puisqu’il n’y a plus grand chose à subvertir depuis les années 1990-2000 (en tout cas au niveau de ces choses ‘naturelles’ et accessibles au moins en esprit et en théorie par chacun), il ne nous reste alors plus qu’à constater la mollesse de la séance, les béances du scénario, le manque de tenue – sauf sur les divers plans techniques. (56)

Vu une fois vers 2008, revu en juin 2018 sur MUBI.

Tenue de soirée *** (France 1986) : Changement d’avis, même si Buffet froid et Les valseuses planeront toujours au-dessus. Film imprévisible et grotesque, avec des omissions considérables et un dernier tiers rendu plus loin qu’en roue libre. La façon dont Michel Blanc est considéré doit être le plus drôle car le plus déroutant – quelque soit les goûts de l’observateur, son personnage n’est pas ‘beau’. L’évolution des individus est ridicule, leurs aventures invraisemblables, les deux sont jubilatoires. Dialogues et acteurs excellents. Un brillant nanar et une formidable comédie, un parfait film pour alcooliques, conçu manifestement à l’arrache ou avec une certaine négligence pour la charpente. Aussi un film remarquable sur le cocufiage et ses variétés. (72)

Vu (incomplet) une fois vers 2009, revu en août 2018.

Cendrillon **** (U 1950) : J’avais mis 7 à mon arrivée sur SC, partagé entre enthousiasme et scepticisme fondés sur des estimations lointaines. J’aime effectivement, suis probablement plus sensible aujourd’hui au mauvais chat, plus enclin à aimer les souris et les petits animaux, mais la grosse souris maladroite est toujours aussi répugnante – je souhaitais sa mort bien que ce ne soit pas dans l’esprit de Disney.

Le culte du prince charmant, l’éloge des petites filles sages et pures sont bien là et pratiqués à fond ; si le premier mérite effectivement révision, le second n’est pas si horrible – la morale de Cendrillon a ses vertus. Sauf sur cette rêverie de fille à marier, mais sur ce plan les ratés sont constants : dans La Valse dans l’ombre comme dans Blanche-Neige, les ‘princes charmants’ sont des êtres vides, sans charisme sinon celui d’une publicité pour l’hygiène. La prise en puissance de l’ex-petite fille, sa maturation sans compromissions, est aussi un motif récurrent mais ne me semble pas un problème – qu’il en soit un pour celles pétries de regrets de s’être trop ou trop vite souillées, pour celles qui n’auraient pu l’être comme elles le souhaitaient ou pour leurs complices masculins, c’est tout naturel.

Sinon le film est plein de détails charmants et marquants. Sa niaiserie est gracieuse. Les chants de souris en font les ancêtres des Chimpmunks. C’est le point le plus innocent du film, car sa morale effectivement n’est peut-être pas géniale pour les enfants (sans qu’elle soit déroutante comme celle de Peter Pan), car s’en remettant quasiment à la chance, le développement du charme personnel et la ‘magie’ pour sortir de la misère – en même temps, les enfants n’ont pas besoin d’être progressistes et de prendre du recul sur tous leurs fantasmes, pas en esprit du moins. (82)

Vu plusieurs fois enfant, revu en décembre 2018.

Peter Pan **** (U 1953) : Vu une fois enfant, j’avais moins aimé le début dans la réalité et n’en conservais aucun souvenir clair. De nombreux détails me sont parus familiers (la fée enfermée, la capture via les sapins). Représentation remarquable et amorale de l’évasion et de l’imagination, capable de parler aux enfants sans les tenir enfoncés dans la niaiserie habituelle (même si la gamine ‘responsable’ et aimante conserve un peu d’ancrage et de repères). Les enfants méritent de voir un tel Disney plutôt que la majorité de ses alter-egos (trop restrictifs) et de ses descendants (trop criards et débiles). (8)

Vu une fois enfant, vers huit ans, (re)découvert en décembre 2018.

Les Aristochats **** (U 1970) : Un excellent Disney, où le cadre est souvent plus intéressant que le sujet (les chats). Le Paris des années 1890-1910, les virées burlesques, les rencontres (avec les oies) rendent l’ambiance charmante. Beaucoup de scènes burlesques remarquables, principalement autour des deux chiens et d’Edgar. Dialogues relativement bien écrits, même si peu sont mémorables (contrairement à Blanche-Neige, Le Roi Lion ou au Livre de la Jungle, mais à l’instar de Robin des Bois ou même Cendrillon). Toujours peu fan du passage sous les toits de Paris et peu sensible à ces chats bohémiens. (8)

Vu peut-être plusieurs fois enfant, revu en décembre.

Independance Day ** (USA 1996) : J’y avais jeté un œil plus que véritablement ou intégralement regardé. Les effets spéciaux sont d’un niveau maximal pour l’époque, comme les meilleurs de Star Wars Phantom sorti trois ans après et également produit par la 20th Century Fox. Les aspects mélo sont ni brillants ni affligeants. Mais combiné au patriotisme et aux échauffements de la dernière riposte, ils multiplient les longueurs. Le véritable problème de ce film me semble donc être cette dernière partie et tout l’ennui précédant la grande attaque. Elle-même en sort gâchée, tandis que le quota de bêtises ‘l’air de rien’ et des autres défauts sont exacerbés – le président devient grotesque, heureusement le mec avec la VF de South Park a le bon goût de bien torpiller l’emphase du délire. Des trucs un peu niaiseux ou invraisemblables, comme prévu, pas dans des proportions atypiques ni trop choquantes. Les péquenauds sont plus cools et musclés que dans Mars Attacks où ils sont transformés en beaufs à la Deschiens. Le président est un tocard pendant les deux tiers au moins – son administration en sait voire en peut davantage. Ceux qui dénoncent sa sanctification supposée ne sont pas au clair – il n’y a que sa virée finale pour véritablement le flatter, pour le reste c’est un membre de la team America comme un autre – c’est bien cette normalisation du personnage qui devrait plutôt être questionnée. (54)

Vu une fois partiellement il y a une quinzaine d’années, revu en avril 2019.

Violette Nozière ** (France 1978) : Une ado de 18 ans jouée par une actrice de 26 comme dans les fictions au campus dans les années 1990. N’étais plus sûr de l’avoir vu et sûr de l’avoir vu superficiellement, confusion possible avec Une affaire de femmes. Pas étonnant tant le point de vue est attentiste, la séance presque contemplative : Chabrol ne sait pas couper ni hiérarchiser. Le père semble mal relié à sa fille, le choix de Carmet et Huppert après Dupont Lajoie où il violait ne saurait être innocent ; mais même dans les relations tout reste bien flou, on en connaît la nature qu’aux deux tiers au maximum, pour certains cas (l’amant), pas même la moitié pour les parents. Comme d’habitude Chabrol donne dans la sous-satire sans beaucoup d’humour contre les bourgeois, l’ordre établi (les féministes peuvent inscrire cet opus sur leur liste des ‘récupérables’) – et comme d’habitude il en fait sûrement trop partie pour attaquer ou même considérer sérieusement la chose. Un film pour ceux qui aiment les ambiances d’époque, à condition qu’ils n’aient pas des espérances de spécialistes ; sinon, pour les acteurs. (56)

Vu une fois superficiellement, [re]vu en juin 2019.

Walkyrie *** (USA 2009) : Sur la tentative d’assassinat d’Hitler par des haut-gradés allemands en juillet 1944 (la dernière des quinze connues de la résistance allemande d’après le carton final), quand la guerre tournait en défaveur du camp de l’Axe. Mise en scène classique et technique plutôt luxueuse. Perd de sa force et de son intérêt avec le lancement de la mission. Focus un peu neuf sur une page de la ‘grande guerre’ mais c’est encore de l’Histoire proprette et héroïque – sans tomber dans la pure figuration de service public. Finalement un film à suspense éventé foncièrement manichéen (une main de la lumière et du Bien tendue vers l’Allemagne), sans à-côtés baveux et sans trajectoires intimes très étoffées. Un épilogue plus humain et moins grave aurait été préférable – Carice Van Houten (deux ans après Black Book) n’est même pas reconnaissable car, comme l’ensemble des personnages secondaires, elle ne sert qu’à refléter une ou deux émotions. (64)

Vu une fois dans de mauvaises conditions en 2009, revu en juillet 2019.

Comment j’ai fêté la fin du monde ** (Roumanie 2006) : J’en avais aucun souvenir et c’est parti pour se répéter. Un doute subsistait : était-je passé à côté d’un tableau profond, car quelques détails relevaient la sauce !? Je me les suis effectivement rappelé (cette prof blonde typique, le vieux tout enthousiaste à la chute du dictateur et immédiatement cassé par la mise à feu tout aussi joyeuse de sa voiture – les ‘copains’ l’ont pris trop vite au sérieux) mais ils ne valaient pas de se pencher spécialement sur ce film. Le film ne présente que des anecdotes et son centrage officiel sur le garçon est curieux, puisque sa grande sœur a un joli caractère et qu’elle meuble bien mieux que tous ses camarades. (52)

Découvert en février 2016 et revu en juillet 2019, toujours sur Mubi.

Bruce tout-puissant * (USA 2003) : Vulgaire et néanmoins bizarre, furieusement débile et niais (dépasse Ace Ventura et ses parties philosophiques ne font que l’enfoncer). Les projections semblent celles d’un petit garçon proche de la mort cérébrale, abruti par ses fantasmes de super-héros. J’avais détesté et décroché après le gag du singe, en était sorti avec un a-priori déplorable [déjà induit par ses pitreries télé] concernant le clown Carrey (corrigé peu après grâce à Truman Show, puis avec Philip Morris) ; finalement ce film n’est pas une des pires choses tournées mais reste probablement la pire avec Jim Carrey. Elle a un pied dans le sentimental et la prêche émotionnelle qui rendent Carrey décalé dans un nouveau et regrettable sens (les flonflons familiaux gâchaient à peine Menteur menteur, passait pour un obstacle allègrement surmonté). Le lien avec Aniston est peu crédible également, même si son personnage est parfaitement vraisemblable. Bien sûr le film oscille entre légèrement et odieusement moche. Les séquences avec ‘Dieu’ Freeman sont trop consternantes pour rester simplement embarrassantes. Pas grand-chose à retenir, le bizutage de Steve Carell surnage à peine, quelques séquences liées aux pouvoirs sont relativement marquantes (la lune, le passage en musique dans la rue). C’était une vilaine expérience avec un arrière-goût sordide. Elle annonce la dérive ‘chamallow’ accompagnant la chute de la carrière de Carrey malgré quelques éclats (comme Eternal sunshine). (28)

Vu partiellement vers 2005, revu en juillet 2019.

L’opération Corned Beef *** (France 1991) : Une comédie grasse et flamboyante signée Poiré avec Clavier, deux ans avant Les Visiteurs et quatre avant Les anges gardiens. On y retrouve les ressorts typiques du cinéma de Poiré, avec ces gags destroy mais aussi des caricatures vaguement mesquines : la grosse avec des scènes assassines et des plans gratuits soulignant sa démarche puis sa tardive prise de conscience (deux costaudes auront un rôle-éclair similaire dans Les visiteurs 2), le dictateur latino. Le couple ‘vieille France’ est moins écorné, on sent davantage de sympathie pour les personnages certes bouffons de Clavier et Lemercier. Jean Reno n’est pas brillant et plombe presque certaines scènes, heureusement l’outrance et la vitesse de la mise en scène l’en empêchent. Tout oscille entre la beauferie adulte et les délires enfantins, la voix de Mitterrand relève du second. On pourrait croire que l’opération fait écho à l’affaire des écoutes de 1982-86, or elles n’ont été révélées qu’en 1992 : dans un autre registre les critiques en feraient des tonnes sur le flair du scénariste ou du réalisateur. (64)ou+

Vu certainement en 2016 ou 2017, revu en août 2019. Peut-être vu plus jeune.

99 francs ** (France 2007) : On y croit un temps et il y a bien des passages potentiellement succulents (la réunion tout particulièrement), mais ça tient difficilement sur plus de 70 minutes. À terme c’est toujours les mêmes problèmes et la même complaisance pseudo-masochiste, vraiment exhibitionniste. On sent cette quête du petit supplément d’âme et de conscience critique pour ces gens-là, les admirateurs de leur milieu, leurs contempteurs hypocrites ou médiocres – puis bien sûr pour tous les autres qui le voudront bien, mais on sort du cœur de cible/noyau dur qui fera la force et l’aura du film. Je reconnaît qu’il y a de la ressource dans cette bête-là mais c’est encore trop ensorcelé par ce que ça prétend dénoncer et à l’image du tour de la fin, c’est superficiel et complètement penaud dès qu’il s’agit de dépasser la provoc ou la posture. (62)

Vu partiellement peu de temps après sa sortie. Revu l’été 2019.

Astérix & Obélix mission Cléopâtre ** (France 2002) : Même si ses atouts au niveau du casting et des décors gardent de leur efficacité, Mission Cléopâtre n’est pas à l’abri d’une réévaluation générale à la baisse. Une grande partie de l’humour repose sur des références anachroniques ; sans surprise celles portées par Itinéris ont mal vieilli. Jamel apparaît comme une sorte de sous-Eric Judor pas drôle. Il n’est pas exaspérant comme il le sera plus tard à cause de la faiblesse des univers autour de lui – quoiqu’il arrive son ‘génie’ n’est pas responsable du succès ou non d’une entreprise ; mais je suppose qu’il peut amuser certains enfants coutumiers de ses réflexes.

Je craignais que placer La surprise de César à peu près au même niveau soit une sorte de snobisme ou une volonté d’originalité opérant à mon insu ; je dois vérifier l’objet lui-même, mais en revenant sur son concurrent, les placer au moins à égalité ne me semble pas tricher. Mission Cléopâtre démarre fort, recycle habilement des éléments secondaires (les pirates), puis à mesure qu’il a posé les enjeux s’épuise. Il connaît une lourde chute après la sortie de pyramide en format bande-dessinée, avec des moments longuets voire assez nuls comme les batailles impliquant Darmon. Le final est assez pauvre et trop centré sur les petites personnes des participants ou du moins leurs personnages sociaux. (58)

Vu en salles à sa sortie et plusieurs fois depuis. Revu pendant le dernier trimestre 2019.

Topaz / L’étau ** (USA 1969) : De jolies scènes (la fille s’évanouissant dans sa robe violette, les grosses manifestations soviétiques), mais des interprétations douteuses, un scénario et un rythme flottants. On peut y voir la contradiction de James Bond mais l’agent principal est un OSS 117 insipide. On assiste à des scènes lentes et laborieuses plutôt que de démonstrations hautement ‘réalistes’. Politiquement le niveau ne dépasse pas la mesquinerie (envers des représentants français) mais il faudrait être un anti-américain susceptible ou un sympathisant socialo-communiste pour en être remué – même s’il est facile de se sentir plus concerné que ces guerilleros mollassons. La partie romance est encore plus fadasse et inepte. Probablement le moins bon de la carrière d’Hitchcock qui approchait de son terme – heureusement les ultimes opus bénéficient de leur relative extravagance – ou vulgarité (Frenzy particulièrement). (44)

Vu une fois en 2014 ou avant, revu en novembre 2019.

Ravenous / Vorace *** (USA 1999) : Malin et bizarre. Palabre sur la transgression et l’égoïsme viscéral, avec quelques sorties brûlantes comme « La normalité, le dernier bastion des lâches ». Une certaine légèreté et ses façons de ‘huis-clos’ interdisent d’aller au bout des ses raisonnements odieux et encourage le flou artistique dans le scénario. (64) 

Vu une fois il y a dix-onze ans.

Inland Empire ** (USA 2006) : C’était le moins bon et le moins stimulant à mes yeux à l’époque, en-dessous d’opus plus classiques ou renommés qui ne m’ont que modérément touché. C’est probablement normal que son réalisateur ait pris des distances avec le cinéma par la suite, tant il semble avoir fait le tour du medium ou de ce qu’il pouvait en triturer (à moins bien sûr de régresser vers du Godard ou du Cavalier). Le style Lynch semble sacrifié au profit de quelque chose de plus ‘cosy’, jusqu’au générique de fin annihilant toute magie du cinéma. Même si aujourd’hui le film se suit relativement facilement, probablement car il rejoint un genre de bidouillages presque courant, il contient trop de redites par rapport aux œuvres ultérieures et seul son mystère trompe l’ennui. (62)

Vu partiellement sinon totalement, pas plus de quatre ans après sa sortie. Revu sur Mubi en décembre 2019.