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SÉRIES : LUTHER*** (SAISON 2***)

10 Déc

Ce texte [de septembre 2013] devait participer à la troisième « Séance express » versant Séries, après les chroniques conjointes de Luther/first season et Desperate Housewives/last season, puis Les Tudors/first season et Strait Jacket (OAV). Depuis j’ai appliqué le régime des Mini-critiques et des listes annuelles aux Séries et aux Saisons. Je viens de voir la saison 3 et la traite dans le bilan annuel.

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LUTHER – SAISON 2 (2011) ***

3sur5 La série se poursuit avec quatre nouveaux épisodes ; un choix surprenant, la saison 1 comptait déjà six épisodes et c’était bien trop peu. Qu’importe, c’est la confirmation : Luther est l’une des séries les plus élégantes et abouties de ces années.

Ce succès est dû d’abord à son personnage éponyme, la star Luther, le flic intuitif virtuose. Il dépasse les abondants profilers en plongeant dans les schémas mentaux de ses cibles ; toutefois sa pensée ne pénètre pas leur ressenti, elle s’applique plutôt à donner un mot et délivrer le sens de ces monstres ; et, comme c’est un cerveau stratégique et efficient qui est à l’œuvre, à anticiper leurs comportements. Le but n’est pas la psychologie, mais cerner les impulsions et donc les actes.

Indifférente à la morale et aux modes culturelles, la série exalte la virilité de ce héros contemporain (et son emprise paternaliste et vaguement machiste sur Abby), sans pouvoirs surnaturels, mais monstre sacré, puissance de la nature et montagne de ruse. Et tout en les pourchassant et leur réservant la réponse légitime, c’est-à-dire probablement le pire des sorts (et l’écriture assume cet état d’esprit, tout en restant là aussi cynique et nuancée) ; elle génère plus qu’une curiosité, une sorte d’empathie froide avec les psycho-killers rendus aux confins de l’inspiration et l’errance humaine.

Tout est cristallin, fort (l’épisode 2 est bouillonnant, l’intro du 3 parfaitement réaliste) ; on adhère ouvertement, mais il y a un petit truc qui cloche toujours. Une indécision entre les registres ; l’impression que, finalement, ça n’a jamais été si loin. Une série où tout est dans l’attente. Une série à l’intersection : dans l’action toujours, pressée et psychologiquement alerte. C’est probablement ça : happant toujours, mais sans que la tension ressentie en permanence ne soit consacrée dans un gros coup à l’estomac. Pour autant, c’est qu’elle soit ainsi ballottée qui rend le spectacle tellement impressionnant.

Pour la saison 3, il faudrait que cette flamme se libère, sans qu’il n’y ait plus cette soupape indicible, ou qu’au moins elle laisse filtrer des brèches plus définitives. Compte tenu du très intense épisode final (le quatrième), avec le  »loup solitaire » transformant l’espace urbain en terrain de jeu miné (on peut penser à TDK), il y a toutes les raisons de croire au franchissement imminent de ce palier. 

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DEAD EFFECT ***

14 Déc

3sur5  Jeu sorti sur IOS au départ avant de passer du mobile à l’ensemble des supports, PC/Windows notamment. La conversion n’a peut-être rien apportée de bénéfique aux yeux des utilisateurs, d’où la mauvaise cote de ce jeu. À moins que ses redondances et son final expéditif soient cause de ce rejet ? Quoiqu’il en soit, il m’a beaucoup plu. Si vous souhaitez défoncer des hordes de zombies ou de mutants, pour quelques minutes ou pour des heures, dans des décors de vaisseau spatial, ce jeu est taillé pour vous. Il n’y a pas tromperie sur la marchandise.

Le seul défaut notable du jeu concerne le passage des missions. J’ai pu rater une option, mais il m’a fallu à chaque fois finir un niveau pour pouvoir le ré-essayer directement, sans passer par le précédent – ainsi je dois recommencer la mission 8 même si je l’ai déjà finie et bien finie, pour pouvoir retourner à la mission 9 durant laquelle j’ai dû interrompre ma session (ou renoncer). Il faut alors achever cette mission 9 et entamer la suivante, sans quoi il faudra tout reprendre à la 8.

Heureusement la trame principale n’est pas très longue donc ce défaut est passable. Heureusement ou malheureusement, si vous ne souhaitez pas enchaîner plusieurs chapitres, la durée de vue (et d’amusement ?) pourra sembler étirée abusivement. Je reste convaincu que l’accès un niveau devrait être débloqué sitôt qu’on l’a atteint. Qu’il ne concerne que le mode ‘Story’ (distinct du mode ‘Mission’ où vous pourrez toutes les recommencer après-coup), où vous enchaînez normalement sans interruption la progression classique, aurait été normal. Cette contrainte est aussi positive et marque une distinction entre le ‘cœur’ du jeu et les à-côtés sans autres enjeux que ceux de l’immédiat (et d’éventuels gains ‘Gold’).

Technique : Parfois des problèmes avec la luminosité, forçant à quitter et reprendre (le coût ne sera qu’en secondes). Ils surviennent au tout début ou à la toute fin d’une session (que ce soit en ‘Mission’, ‘Survival’, ‘biohazard’) d’après ce que j’en ai vu. Quelques lags si votre outil est un peu vieux ou modeste. Rien à signaler pour le reste, l’aspect est tout à fait correct. (6)

Univers : Si vous avez adoré Dead Space et comme moi citez souvent Doom III, vous serez dans votre élément. Si ce n’est pas le cas ou si vous êtes un gros joueur, Dead Effect aura juste l’air d’un produit cheap les imitant. Dans tous les cas l’affinité est le plus important. On aimera pas ce jeu pour son scénario ou les dizaines de tablettes à ramasser, que probablement personne ne lit passionnément. Les amateurs de Walking Dead devraient aussi apprécier quand une dizaine de zombies vous submergent, ou marchent en colonne vers vous pour mieux se donner à dégommer. (7)

Gameplay : Le jeu est court mais pas tant qu’une foule d’autres, gros titres y compris. L’histoire principale se boucle en une poignée d’heures si on est efficace. Mais ensuite la rejouabilité est forte. Le joueur a la possibilité de farmer grâce aux sous-missions, même s’il faudra rehausser le niveau de difficulté ou simplement rejouer une véritable mission pour obtenir beaucoup de monnaie virtuelle. (7)

Ludique : Ce jeu tient ses promesses et peut occuper longuement ; comme il est peu lourd, on peut aussi le garder dans un coin pour y revenir ponctuellement. Les sept et sept arènes de ‘Biohazard’ et ‘Survival’ sont parfaites pour des sessions courtes et nerveuses. Elles sont toutes disponibles dès le départ ou atteignables rapidement. Pour les ‘Biohazard’, où vous devrez dégommer des rafales d’ennemis, il est possible de corser l’expérience en s’offrant jusqu’à 15 rafales (avec un mode de difficulté accru). (8)

 

Note globale 68

 

Critique sur SC

 

OVERLORD II ***

5 Oct

3sur5  Un second opus à la fois plus abouti et plus vain que le premier. Overlord, malgré ses importantes lourdeurs et ses défauts de maniabilité, reste satisfaisant ; mais il y a de quoi régulièrement perdre son envie. Les séquences plombantes surviennent dès qu’on s’attaque à l’Empire. L’ambiance est plus unilatéralement à la gaudriole, surlignée par une VF devenue globalement grotesque (notamment via les voix féminines) – apparemment assurée pour l’essentiel par le même contributeur, passé chez South Park.

En contrepartie le jeu est plus clair et sophistiqué, perd moins que son prédécesseur – c’est davantage un ‘couloir’ mais pas en un temps et en changeant d’espace. Il propose des nouveautés agréables et éventuellement utiles comme les montures. La horde est plus rapidement étendue et nous sommes presque immédiatement à fond dans l’action. Une nouvelle fois l’absence des quatre couleurs n’empêche pas l’expérience d’être intense et certains déchaînements monstrueux. Le charme est puissant, notamment lors de la première descente chez les elfes (où les fleurs sur certaines dépouilles évoquent Alice Madness). Si certains détails sonores sont affreux, la musique est d’un excellent niveau et devient enchanteresse dans de tels lieux.

Le gameplay semble épuré et simplifié, notamment concernant l’assistance : nous avons une map même sur PC, le panneau est amélioré (plus net et détaillé). Les touches sont toujours faciles à employer mais la gestion est aberrante sur certains contrôles croisés – le lancer de sort bloquera des gens en début de jeu, une modification est nécessaire (possible qu’au pré-lancement et non dans les ‘Options’).

Les larbins sont plus résistants, commettent moins d’actions stupides et mortifères ; mais s’avèrent encore moins réactifs. Ils se blessent peu, assistent peu aussi. Il faut tout indiquer et mâcher, dans les pillages comme dans les combats – sauf avec les Verts, les plus spontanés et efficaces dans leur tâche, au contraire des Bleus très lents quand ils ne sont pas simplement oublieux. Dans les situations pressantes ou à cause de caprices narratifs, vos larbins mourront rapidement.

Les améliorations sont souvent stériles ou en trompe-l’œil. Ainsi pour les conseils (élémentaires même pour ceux qui débarqueraient) ou songes de Biscornu (courts et redondants) pendant les chargements. Que les larbins égarés ‘replongent’ vers la tour automatiquement est une excellente nouvelle, dommage que ce temps gagné soit rogné par l’obstination des créatures à se précipiter dans des puits même hors de vue et très loin alors qu’on a rien demandé. Idem, nos larbins cassent des coffres dans des endroits dont on ne soupçonne pas encore l’existence, mais ne ramassent pas les trésors (voués à disparaître, ils le feront parfois sous vos yeux en arrivant sur un champ de bataille sur lequel vous aurez catapulté).

Les missions secondaires (décimer 1000 gnomes et retourner dans les deux villes colonisées) sont à se garder comme une ‘extension’ ad hoc, car elles n’apportent aucune aide. De même, les montures n’apportent aucun bénéfice particulier lors du final, voire sont pénalisantes si on ne prend pas les loups. Un défaut dans la lignée des non-choix à la tour (beaucoup plus pauvre que dans le 1 malgré les apparences). Les micro animations de celle-ci sont regrettables, contempler le maître s’asseoir ou se lever étant lassant ou du moins inutile dès la seconde fois – et alors que d’autres mises en place (ou transferts) grignotent déjà de grosses secondes sans justification (les sauts sont possibles mais pas toujours et pas instantanés).

À son pire Overlord II est atteint du syndrome Prince of Persia. Les renforts en santé peuvent devenir inexistants aux moments pertinent après avoir été inutilement pléthoriques à de nombreux moments passés. Dans le temple de l’araignée vous n’avez pas de sauvegardes alors que de multiples épreuves s’enchaînent d’un coup, dont celle longue et fastidieuse (quoique seulement la première fois) avec l’araignée géante (un boss). Elle précède une triple course au mur, modérément compliquée en elle-même, rendue extraordinairement pénible par les failles techniques du jeu. Ré-hausser la vitesse de souris et peut-être le niveau de lumière sera nécessaire pour pallier à cette médiocre organisation (on verra aussi qu’une certaine barrière n’en est pas). Cette zone araignée/ascenseur fait partie des moments relativement tendus où tout est à l’envers, ce qui sera ré-édité par la suite (vous pourrez quand même enregistrer la seconde fois, au moment de passer le pont), davantage par la présence de boulets que l’absence d’outils nécessaires.

L’expérience reste recommandable pour les joueurs avertis ou sensibles à la proposition ; pour son univers elle est valable auprès d’un public général. Par contre certains supports sont défavorables, avec des crash voire une impraticabilité sur des Mac. Le jeu est toujours long (une quinzaine d’heures, une vingtaine en traînant) et quasiment aussi consistant que le 1. Certains passages sont jouissifs et le jeu l’est bien souvent malgré des parasites – il peut produire l’effet Deadly Premonition quelques cran en-dessous de l’original. Avec une meilleure caméra et maniabilité ses séquences de démolition ou de chaos seraient complètement agréables. Enfin la faculté de se glisser dans le corps d’un larbin pour conduire une meute est géniale. Elle autorise des infiltrations qui font partie des meilleurs moments, le paroxysme survenant à la capture de l’incubateur vert – une mission à la Thief !

Technique : Beaucoup plus d’animations (et de cinématiques) dans ce second opus, avec un rendu digne d’un joli film le plus souvent (moins dans les animations). L’image est généralement lisse et nette, les détails propres, certaines zones d’ombres plus prosaïques. La technique n’est pas si opérationnelle ou impeccable en-dehors du visuel. La pluie de cinématiques à la fin laisse perplexe, surtout lorsqu’une série vient s’incruster en plein combat (ajoutez-y les déplacements parfois arbitraires ou bloqués et vous aurez peut-être l’occasion de voir votre horde décimée gratuitement – lors de l’extermination du second temple). (6)

Univers : Malgré des choix douteux et la transformation de nos larbins en cousins des gremlins, l’univers est toujours la grande qualité d’Overlord. Les décors sont excellents, certaines musiques captivantes. Le scénario est light malgré les rebondissements de la fin – là aussi, de bonnes idées mal tournées. Les univers romains font occasionnellement mais fortement penser à Astérix. (8)

Gameplay : Des défauts dans le lancer des sorts, de mauvaises explications et des touches répondant souvent peu ou à côté ; notamment lorsqu’on asservit et saisit un larbin sans avoir rien demandé. La maniabilité est pire que dans le premier, y compris pour notre propre déplacement ; elle perd en pesanteur et confusion, mais également en sensibilité et efficacité. Vous connaîtrez probablement un ou des blocages stupides qui ne seront pas de votre fait – la lassitude et l’agacement peuvent en produire d’autres. Heureusement le jeu fournit des nouveautés, prend des initiatives ; la générosité et la variété compensent les limites manuelles, sauf qu’elles les traînent quand même (la manipulation d’un navire est appréciable – en principe, moins en pratique). (6)

Ludique : Plus fluide que le premier, plus enveloppant par son ambiance et ses mondes harmonieux ; mais moins stimulant aussi. La lenteur est exacerbée dans l’espèce de boss (à rallonge, en plus) avec les elfes. Et si le boss final du premier était un peu gêné par des flous dans la maniabilité, celui-ci est pourri par une caméra déplorable et les incohérences des larbins. (7)

 

Note globale 68

 

Critique sur SC

 

CARACTÉROLOGIE – Théorie et pratique (Louis Millet) **

4 Juil

3sur5  Louis Millet apporte quelques améliorations dans l’approche du modèle de Le Senne et Berger : la caractérologie devient plus mobile et pragmatique, les facteurs additionnels (Polarité Mars, Intérêts sensoriels, Passion intellectuelle, etc) sont considérés comme potentiellement aussi importants que les trois fondamentaux (Émotivité, Activité, Retentissement). Deux ajustements majeurs : Mars et Vénus sont dissociés, ils peuvent maintenant se cumuler au lieu de s’opposer, ce qui porte le nombre de facteurs à dix ; pour le retentissement des représentations, l’indice est désormais en fonction de la Primarité et plus de la Secondarité. Les losers du game, Amorphes et Apathiques, ont maintenant droit à la dignité. Ils sont requalifiés en Nonchalants et Placides (ce dernier étant notre horizon – ici il est tenu pour le vieillard-type, ce qu’il fallait bien entériner, mais aussi pour le sage, ce qui se tient mais s’impose moins naturellement).

Ensuite ce livre met l’accent sur la liberté du sujet. Il indique qu’un profil peut évoluer, que Mars, Vénus, les trois items relevant selon lui du ‘plaisir humain’ (celui des sens – Intérêts sensoriels –, du sentiment – Tendresse-, de la connaissance –Passion intellectuelle–) se travaillent ; l’Activité aussi se cultive. Ce n’est plus une donnée scellant la destinée, mais un critère largement sous influence de l’éducation, du milieu, des attentes et des modèles (ou valeurs) dans l’environnement. La non-activité reste une faiblesse mais, comme elle relève d’abord d’un « obstacle intérieur », il était logique de relativiser sa profondeur (ou celle de l’Activité, qui doit naturellement dégénérer ou se prostituer si son sujet n’est, justement, qu’un sujet – sous son emprise). Par déduction, l’Émotivité, le retentissement (Primaire/Secondaire) et la Largeur du champ de conscience sont davantage ‘immuables’.

La place de l’Avidité est ambiguë ; comme elle relève de la volonté, elle semble plus compliquée à éveiller ; on peut comprendre qu’elle se dope, se provoque, mais si justement il lui faut stimulation, alors c’est que le sujet a tendance naturellement à se contenter de ce qu’il est et d’où il en est (le non-avide a moins besoin de conquête, d’intensité, de croissance, tout comme le non-actif a plus tendance à renoncer face aux obstacles, à refuser ou dénigrer l’effort ; mais un non-actif peut très bien être avide et dès lors, plus brillant ou entreprenant qu’un actif négligeant par faible avidité, ou concurrencer un sur-actif tout aussi avide que lui – par le jeu de qualités ou d’opportunités étrangers au seul caractère). Cette notion d’Avidité souffre d’une idéalisation de la part de cette caractérologie actualisée, car Le Senne et Berger acceptaient sa dimension « bourgeoise » et matérialiste, alors que Millet en livre une définition plus ouverte, spiritualiste, mais aussi plus floue car embarrassée par son passé.

Les trois facteurs de base :

  • degré d’Émotivité
  • degré d’Activité
  • place sur l’axe Primaire / Secondaire (retentissement des représentations)

Les sept facteurs additionnels :

  • L, Largeur du champ de conscience
  • M, Mars
  • V, Vénus
  • Av, Avidité
  • Is, Intérêts sensoriels
  • Rv, pour la ‘Tendresse’ requalifiée en « plaisir dans le rapport spontané en prise directe avec le vivant » (cette désignation complète n’apparaît qu’à l’occasion de sa définition, page 55)
  • Pi, Passion intellectuelle

Ce bouquin ne se perd pas en détails techniques ou en justifications à rallonge comme pouvait le faire le livre de Le Senne. Pourtant et malgré son aspect dégrossi, il s’étale abondamment. Le Traité de 1945 se reposait sur quelques expériences et résultats moins significatifs et peut-être même définitifs qu’il le voulait, celui-ci étaie sur un plus grand nombre de morceaux choisis. Il semble donc plus étoffé en exemples. Mais derrière cela, il n’avance pas de chiffres généraux, procède à un minimum de comparaisons, parfois même sort du champ de la psychologie et des différences individuelles pour leur préférer le commentaire libre. Il prend quelques cas isolés, les essorent bien et voit dans de pauvres détails des révélations (le cas Bernadette Soubirous, pertinent au demeurant, est le plus édifiant).

Les liaisons de cette caractérologie française avec la foi catholique limitent et plombent cette nouvelle édition (avant, elles accompagnaient la démarche et n’alourdissaient que l’expérience du lecteur). Insidieusement puis ouvertement dans le derniers tiers du livre, consacré aux applications, à la pratique. Les considérations gratuites arrivent à leur paroxysme (on apprend plus rien sur la caractérologie), moralisme et religiosité sont déployés à fond (sans agressivité) ; beaucoup d’intuitions plus ou moins triviales défilent. Le texte n’approfondit pas mais peut se répéter, recoure à des exemples éventuellement, mais le principal effet est d’allonger la boucle, le moindre de glisser quelques anecdotes (sur St Thomas et sa Tendresse par exemple). Passé l’essentiel, ferme et effectivement lissé, le livre contribue de travers, voire sort de son sujet. Ce qu’il énonce n’est pas très solide. À terme il donne l’impression d’un détournement au profit de la promotion passive d’un art de vivre (assorti de piques contre l’esprit du temps, de mise en cause des modèles offerts à la jeunesse et du divorce – tout cela étant recevable en soi). Comme le texte affirme de façon douce et sans affûter ses arguments, comme il exploite les évidences (universelles ou idiosyncratiques) pour laisser fleurir des jugements empathiques et de beaux espoirs pour l’Humanité, il finit par ennuyer.

L’hypocrisie culmine également dans la dernière partie, après s’être insinuée régulièrement dans les exposés concernant les inactifs. Les amorphes soit-disant réhabilités restent présentés comme des handicapés, ou plutôt comme de grands enfants recelant parfois un si haut potentiel. Les Sentimentaux sont encore accablés et les Nerveux prennent leur place en tant qu’inactifs les plus riches – bien sûr, contrairement au Traité de 1945, celui de 1992 ne se permettra jamais de telles assertions envers un type (mais il les accomplit dans le détail – par exemple lorsqu’il se demande si le non-Avide n’est pas un déficient, ce qu’il nie aussitôt, mais valide constamment dans ses études détaillées). La Secondarité était exagérément valorisée et par suite le Passionné chez Le Senne et ses camarades, désormais la Primarité est une puissance, la Secondarité n’a plus qu’à être le négatif d’une puissance. L’Émotivité et surtout l’Activité sont des puissances manifestes, leur absence ou opposé semble peu bénéfique (dans le cas de l’Émotivité, ce manque peut être profitable, mais en particulier, dans une confrontation professionnelle par exemple).

Rien de tel avec les deux faces du Retentissement : Primarité et Secondarité sont deux forces, exclusives. C’est même le seul item (sur les dix) ou le ‘non-‘ (par exemple, ‘non-Secondaire’ pour une personne Primaire) est superflu, voire partial ou mesquin, puisque l’inverse a sa propre légitimité, soutient une personne plutôt qu’elle ne contribue à l’amener vers la nudité ou la désolation (les nE nA, non-Emotifs non-Actifs, allaient vers les teintes « sombres » chez Le Senne et Berger, mais la Primarité, malgré ses défauts, n’était pas une dépression ou une vacuité chez eux, elle rehaussait même les non-actifs tandis que la secondarité les enfonçait dans la morgue et le détachement). Faire de l’une le simple défaut de l’autre, ou un vice, conduit à l’égarement idéologique ; le culte de (ou l’envie, ou la complaisance envers) la Primarité est certainement bon pour certains, il est gênant lorsqu’il s’agit de considérer l’expérience humaine de façon objective ou, mieux, entière. Le rappel constant d’après lequel il n’y a « pas de bon ou de mauvais caractère / c’est l’usage qui compte » reflète une haute tolérance de la part des nouveaux caractérologues, mais aussi la préférence pour des applications sociales plutôt que théoriques voire pratiques, ainsi qu’un jugement de nature morale et affective (soucieux à la marge de cette fameuse ‘rigueur scientifique’, à raison après tout car elle est peut-être dérisoire ; qu’un profil s’exprime, sa réalité ne devient pas plus vraie une fois ‘assermentée’ par la science – et laquelle ?).

Il faut tirer de ce livre son Questionnaire et ses items améliorés ; sa préférence pour une caractérologie adaptable est aussi une bonne chose. Si un sujet ne correspond pas à un des huit caractères-types ou si un facteur ne se distingue pas chez lui, inutile d’insister : l’important est ce qui détache et tire une personne. Ainsi l’existence du ‘neutre’ sur les trois critères de base ne cause plus le malaise ou n’a plus à être ‘oubliée’, car il y a encore de quoi apprécier un individu ou qualifier ses traits.

Note globale 62

Extraits : « Plusieurs facteurs sont d’ordre plus psychique que psychophysiologique (question de degré, évidemment) et donnent donc prise à l’action volontaire : A, M, V, Av, Is, Rv, Pi ; les trois autres (E, P, L) peuvent être tempérés ou développés par une longue, très longue patience – vertu qui s’exerce quand le sujet veut changer dans ce sens en vue d’un but qui est essentiel pour lui (tous les grands convertis). » (p.222)

Critique sur SC

NIGHTDREAMS (1981) =+

17 Nov

nightdreams

Nightdreams démarre comme un produit conceptuel proche de la SF, où une femme semble s’adresser au spectateur. Elle sait que nous adorons son corps. Bientôt se découvre la vraie nature de ce contexte ubuesque. Nightdreams est un film hard/porno sorti en 1981, à classer également dans l’expérimental puisqu’il s’essaie à des scènes psychédéliques, surréalistes, relevant souvent de l’horreur ou de l’épouvante. Il se donne comme un film à sketches, dont la scène de liaison met en scène cette femme aguicheuse, Mme Van Houten. Dans une salle vide aux contours indistincts, elle cherche à atteindre l’orgasme. Ses attitudes sont observées par un tandem de scientifiques aux échanges nanardesques.

Tout le reste du temps est consacré aux scènes de fantasmes, exotiques, presque toujours monstrueuses, parfois plus classiques tout en gardant un décorum excentrique (le triolisme saphique du second segment). Le quatrième segment s’envole vers l’abstraction et est un véritable cauchemar croisant Bokanowksi (L’Ange) et De Palma (Pulsions/Dressed to Kill), empruntant peut-être à ce dernier de façon directe. Son problème, c’est la survenue du coït, où on finit par s’ennuyer, car toute tension est maintenant consommée et il n’y a plus rien de mystérieux ou à explorer. Le sixième met en scène une sorte de Sodome et Gomorrhe dirigé par une espèce de démon bloqué. L’effet est raté, la séance s’éternise mais vaut finalement pour ses stricts plan cul, les plus généreux.

Le septième et dernier segment est une sorte de pub, glacée seulement de loin, jouant elle aussi avec de vieux motifs. Kitsch antique de mise, mais avec de faibles variations. Au final, les premiers et quatrième segments se démarquent et restent en mémoire. Ce sont ceux singeant le thriller voir l’horreur fantasmagorique. Dans l’ensemble, le film jouit d’un travail esthétique de qualité, l’effort sur le son est moins concluant. Il y a beaucoup d’humour, au travers des rares dialogues ou même du cinquième segment, le plus court, breakfast time improbable. Acclamé par les spécialistes du genre, Nightdreams se pose en référence du porno sophistiqué.

C’est pittoresque et underground, les grands consommateurs de X ne seront normalement pas dans l’exaltation, l’intérêt des chercheurs d’essais improbables sera piqué, mais pas de quoi entrer en délire. Car c’est du hard (old school), c’est donc redondant et ironiquement, certaines scènes de coït sont celles où le film n’apporte plus rien. Globalement, un rythme légèrement accéléré serait le bienvenu. Ensuite, ce porno du soit-disant ‘golden age’ (années 1970), comme celui de la vidéo (années 1980) est relativement peu aventureux dans les pratiques. Dans la même veine, on peut voir La femme objet, jolie anecdote, moins fantasque et éparpillé.

Note globale 61

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