Tag Archives: film HK (Hong-kongais)

THE MISSION =+

20 Août

Six ans après la révélation via Heroic Trio, Johnnie To accède à un degré optimal de respectabilité avec The Mission. Avec ce film centré sur cinq gardes du corps (réunis par un chef de triade sous haut tension), il est perçu comme un nouveau parrain du polar, ce que la suite confirmera posément, Exilé, PTU et Election remuant une carrière sur-active mais délestée de pics d’ambitions ou de vanité. Avec Johnnie To, on est loin des fulgurances bruyantes ou de la variété de ses confrères hong-kongais Tsui Hark et John Woo (chinois en tant qu’individu).

Dans The Mission exulte cette façon de se mouver dans le marbre, qui fait les films à la classe impressionnante même lorsqu’ils sont ou paraissent ‘vides’. To a toujours eu cette faculté, nourrie par son génie à travailler des figures classiques. Son univers s’inscrit dans le polar et l’action officiellement, mais trouve ses racines dans le western et le cinéma de mafia occidental. Toutes les effusions ou les rebondissements, même les plus vulgaires, sont constamment subordonnés à la réitération d’un imaginaire discipliné. Le spectateur est mis dans une position paradoxale, car un investissement personnel se devine dans The Mission, mais il demeure impénétrable, réduit à un happening de marionnettes dans des paysages sophistiqués.

On sent une espèce de distance pleine de connivence, une passion secrète pour ce monde de mafieux, ces représentations, plus que pour l’objet des poursuites. L’essentiel c’est se mettre en mouvement, exécuter et préparer le ballet ; la vocation est là, peut-être absurde, sûrement élégante. On se plait à encourager la tradition et en être un bras armé, on meurt sans se presser, savoure ses succès avec flegme et solennité. Le petit malaise, c’est cette BO, sophistiquée et redondante dans le détail, d’une originalité maladroite pour le gros morceau. La répétition transforme le calcul hasardeux en dissonance crispante. Pour le reste, l’histoire est banale, les personnages et leurs relations pas tellement plus différenciés ; si The Mission est passablement remarquable, c’est bien pour sa capacité à refléter avec fraîcheur, non à changer la donne.

Note globale 68

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Reservoir Dogs + Lawless/Des hommes sans loi  

Voir le film sur YouTube (vost, anglais)

Scénario & Ecriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (2), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

Voir l’index cinéma de Zogarok

.

TIME AND TIDE =-

9 Juin

L‘an 2000 marque le retour de Tsui Hark à Hong Kong, après son expérience hollywoodienne décevante, pendant laquelle il a dirigé Van Damme pour Double Team et Knock Off. Il réalise alors Time and Tide, nouveau gros coup et surtout opus bizarrement acclamé par la critique à sa sortie. La vulgarité et la futilité présentes en général dans les œuvres de Tsui Hark sont ici décuplées et rarement le cinéaste aura autant donné l’impression d’être le Besson hong-kongais. Seule une certaine splendeur visuelle et des accès de bon goût l’en sépare significativement.

Le scénario est médiocre, les personnages à peine mieux, rutilants et assez grivois. C’est fluide quoique sans relief ; tout est atomisé, fringant et sans importance. Sans la mise en scène pétaradante, Time and Tide lasserait complètement ; il est en mesure de faire forte impression, même si c’est furtif de A à Z. La caméra est extrêmement mobile, les chorégraphies globalement virtuoses : Time and Tide flotte à tous degrés et avec une aisance remarquable. Il lui manque des béquilles solides, diversifiées pour constituer autre chose qu’une jolie pierre de plus à une carrière.

Produit sans incidence donc, mais increvable en même temps. Time and Tide a une grammaire formelle spécifique et la signature de Tsui Hark triomphe sans nuance : il remplit le vide avec ses formes, son film ne pèse rien par ce qu’il recèle ou raconte, mais déploie une espèce d’artisanat d’élite dont la puissance et l’originalité irradient avec suffisance. D’ailleurs la capacité à rendre lisible tout ce chaos objectif est sidérante, quand bien même il n’en sort pas plus riche. Fantoche mais souverain.

Note globale 49

Page IMDB  + Zogarok sur SensCritique  

Suggestions… Ong Bak

Scénario & Ecriture (1), Casting/Personnages (2), Dialogues (2), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (1), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

Voir l’index cinéma

.

A TOUTE ÉPREUVE =+

18 Fév

a toute épreuve

A toute épreuve est le dernier film hong-kongais de John Woo, avant son départ pour les États-Unis, où sa première réalisation sera Chasse à l’homme avec Van Damme. Cet opus n’a pas l’aura d’Une balle dans la tête ou de The Killer, mais est réputé pour son intensité rare. Il présente en effet une abondance de gunfights et alignerait plus de trois cent morts.

Le goût criard de la réalisation prend du sens avec un tel déluge d’action. À toute épreuve est kitschissime et un peu bête, mais il impressionne par sa fureur. La violence chez Woo est importante, dans cet opus elle est omniprésente, mais plus divertissante que jamais en raison de sa dimension irréelle et aseptisée. Le film flirte avec une dimension onirique, pas celle d’un Miyazaki mais bien d’une série télé ensoleillée surgonflée.

Le programme contient moins de graisses, est plus costaud et donc meilleur que Le Syndicat du crime et The Killer, même si le fossé entre ces films est mince. Médiocre dans le scénario et néanmoins épatant par son ampleur, A toute épreuve n’est cependant fondamentalement qu’une séance pop-corn survitaminée et dérisoire, avec un peu d’humour. C’est aussi un spectacle où John Woo réussit à enchaîner les ralentis, sans freiner le tempo ni même afficher une imagerie saccadée ou clipesque.

Malgré la dimension sommaire de l’intrigue, A toute épreuve ne résonne pas comme une coquille vide. Les personnages ne sont pas brillamment écrits, en revanche les lieux ont toujours un caractère, de quoi communiquer ces sentiments nostalgiques si importants pour John Woo. C’est ce relief-là qui permet à son cinéma d’être attachant ou à défaut d’avoir une stature, d’être un bal pyrotechnique avec son supplément d’âme, pas seulement ses grosses armes et ses émotions médiocres.

Note globale 66

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

Note arrondie de 65 à 66 suite à la mise à jour générale des notes.

 Voir l’index cinéma de Zogarok

.

LA FUREUR DE VAINCRE **

15 Nov

la fureur de vaincre

2sur5  Inventeur de sa propre pratique à la fin des années 1960 (le jeet kune do), Bruce Lee est devenu dans les années 1970 le premier acteur remarquable dans le cinéma d’arts martiaux. Il est donc le pionnier ouvrant la voie aux pittoresques stars du genre comme Jet Li, Jackie Chan, Van Damme ou Seagal. Et donc d’un univers devenu l’un des plus gros fournisseurs de nanars. Dans les années 1960, Bruce Lee est aux Etats-Unis où il apparaît dans de nombreux films. Sa carrière décolle juste après son retour en Chine, avec Big Boss en 1971, premier d’une série de cinq films dont il est l’acteur principal et qui alimentent le culte autour de sa personne : La fureur de vaincre, La fureur du dragon, Opération dragon, Le jeu de la mort.

Comme Big Boss, La fureur de vaincre est réalisé par Lo Wei. Cet opus n’a plus besoin d’introduire le personnage et sa mutation, mais il est aussi moins réfléchi. Il peut même être un peu ennuyeux, dès qu’on est insensible à ses attractions. Sinon, c’est plutôt jubilatoires, les bastons étant très fréquentes, assez intenses tout en restant lisibles. Les performances de Bruce Lee sont précises, sa présence plus lisse et carrée que dans les autres opus. L’homme faible et légèrement aliéné est devenu un type parfaitement badass, venant à bout de tous ses adversaires dès qu’il le souhaite ; peu importe qu’ils soient plus malins, plus forts ou puissants, une fois que Lee passe à l’offensive ils ne sont plus rien.

Le bilan général est décent et creux. Des petits moments plus suaves et une romance niaiseuse s’insinuent pour être mis en échec. L’humour est assez faible et valorise la solennité de Bruce Lee ; la beauferie rejaillit souvent, malgré le sérieux du contexte, des combats ou des fonctions qu’occupent les personnages. Il y a également un interminable moment de solitude avec l’entrée du méchant et ses moqueries face aux membres de l’école de kung fu rejointe par Bruce/Chen Zen. La séance est verbalement redondante et souligne à l’envie le racisme des japonais envers les chinois. Des bruitages ridicules mais flamboyants, comme tout le reste, sont au rendez-vous, annonçant le festival de La fureur du dragon, prochain opus réalisé par Bruce Lee himself, dans lequel il conviera l’inénarrable Chuck Norris.

Note globale 53

Page Allocine & IMDB   + Zoga sur SC

Suggestions…

 Voir l’index cinéma de Zogarok

.

IN THE MOOD FOR LOVE =+

27 Mai

En 2000, In the Mood for Love est un immense succès à travers le Monde, y compris en France où il bat des records pour un film disponible uniquement en VOST. Dans ce mélodrame, il déploie son style amphigourique et las, tournant le dos à la sécheresse habituelle du cinéma asiatique en rejoignant cette nouvelle génération avide d’ouverture internationale.

Pendant 98 minutes, Tony Leung Chiu Wai et Maggie Cheun se tournent autour et baignent avec nous dans l’incertitude. In the Mood for Love déroule une romance ambiguë grâce à sa construction relativement aléatoire. Deux versions finales ont été tournées afin que les acteurs restent dans le doute, leurs personnages alertes et en insécurité. Il y a là cette tendance à la mystification de Wong Kar-Wai, mais tenue à des limites strictes, contrairement à la fantaisie 2046 où elle s’avérera hégémonique.

En chemin s’exerce une séduction lente. Tous les deux dissertent sur le couple, leur nouvelle solitude, le célibat perdu, la carrière parfois. D’une grande beauté plastique, In the Mood for Love ne fait qu’imiter les formalistes occidentaux et son esthétique s’aligne sur les critères du clip voir de la publicité de prestige. Faute de consistance, cette splendeur ne fait pas écho.

L’amour platonique de Chow et Su reste une performance entre deux actes de la vie quotidienne, l’instant merveilleux mais dévitalisé. L’attente ne pouvant être récompensée, il faut s’étaler et mettre en relief des charmes discrets. Kar Wai a du goût mais peu de subtilité. Il pense en système mais crée de grands espaces vides. L’élégance et les multiples passages du Yumeji’s Theme (la BO est devenue culte) ne sont qu’un masque délicat.

Note globale 61

 

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions… Querelle + Mulholland Drive 

.Voir l’index cinéma de Zogarok