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Mini 18 ou 2020-6 : Films Novembre 2020

29 Déc

Thérèse Desqueyroux ** (France 2012) : Meilleur que ce que laisse entrevoir son démarrage et les acteurs s’y appliquent au maximum ; le couple est particulièrement réussi (et rebutant). Ça reste une adaptation littéraire sentant le rancis, alors qu’elle se pose contre le vieil esprit bourgeois replié et patriarcal. Le final fait pitié avec la libération de mademoiselle, épanouie et ‘rayonnante’ au milieu de la foule urbaine – une belle illustration de la vanité individualiste de cet esprit progressiste qui n’a un semblant de force que pendant la bataille, avant de devenir le pauvre mythe justificateur d’existences interchangeables dégagées des forces traditionnelles. (46)

Le rite ** (USA 2011) : Film d’exorcisme dont l’esthétique et les personnes sont le point fort (l’intérêt s’étiole lors de la dizaine de minutes où Hopkins a complètement disparu). Scénario trop prévisible mais dialogues et ‘écriture’ générale affûtés. Un peu décevant à terme car, probablement à cause de la réalité de ses deux exorcistes, il reste ‘poli’ dans ce qu’il énonce ouvertement ; d’où une conclusion frustrante et des révélations étroites de la part du démon. (56)

Cold War *** (Pologne 2018) : Enfin le Paris digne du Paris dont on entretient le culte ! Bien sûr il faut du noir et blanc et un retour dans le temps pour qu’il existe. (68)

My Skinny Sister *** (Suède 2015) : Un de ces films sentimentaux convaincants, à la fois empathiques et toujours à distance, livrant comme tels les grands moments de malaise. Deux sœurs, deux problèmes de poids, deux manifestation d’une éducation et d’un climat affectif pauvres. Les personnages en-dehors des deux filles sont peu développés, ce qui n’est qu’à moitié légitime, sauf si on estime que l’essentiel est en soi voire dans la tête et que l’entourage n’est que limites et figurants – et ce ressenti n’a rien de loufoque à la sortie de l’enfance. C’est défendable dans la mesure où ces adultes toujours présents sont aussi froids et insouciants, les parents à la limite de la désertion morale et le père incapable d’envisager le moindre mal même lorsqu’il lui éclate à la gueule. (66)

Star Wars III la revanche des Sith *** (USA 2005) : Mon préféré avec L’empire contre-attaque, peut-être à départager avec le temps. Plusieurs personnages et créatures secondaires, ou légions, aux design ou manières ‘charismatiques’ (dès le Général Grievous) – pas nécessairement nouveaux mais ils m’ont davantage interpellé dans ce contexte d’affrontements. (68)

Tangerine * (USA 2015) : Conditions de vie et à tous points de vue niveau d’existence de bas niveau ; flotte là-dedans. Pas toujours immersion sommaire et aveugle, un peu de style et une bande-son planante à l’occasion ; mais une immersion généralement vulgaire et brutale. C’est glaireux et c’est plutôt ‘authentique’ ; le film ne ment pas. Le chien, le titre et l’affiche sont jolis. (32)

Mensonges d’état *** (USA 2008) : Sans originalité, personnages convaincants et casting brillant, style droit au but. L’espionnage sous l’angle de la tactique politique, avec l’action au second plan et les aspirations personnelles tapies au fond. Moins embarrassant et surtout moins assommant que Zero Dark Thirty – parce que moins grave et attaché à représenter un lourd sujet d’actualité, simplement sérieux et sans idéal. C’est aussi plus humain et chaleureux que du Paul Greengrass. Russel Crowe et son personnage apportent une touche raisonnablement désespérante. (68) 

La nuit des juges ** (USA 1983) : Thriller philosophique choisissant de s’effondrer avec son protagoniste (un vrai abruti idéaliste). Il ne sacrifie pas son recul et donc une certaine vérité et une matière à réflexion ; mais il se rend aussi stérile que le type se rend contre-productif et absurde (quoiqu’il arrive, il se condamne à suivre la règle et ‘la lettre’ plutôt qu’à travailler à améliorer la société – ou simplement, la portion sur laquelle il a du pouvoir). (62) 

Quantum of Solace ** (USA 2008) : Un film d’action efficace avec des ingrédients ordinaires, une écriture faible ; une déception garantie car après l’un des meilleurs de la série (Casino Royale) on trouve un des moins bons James Bond. Les antagonistes sont sous-développés et peu charismatiques, voire absents ; c’est à la limite du confus – avec Roger Moore, c’était superficiel, mais les rencontres et scènes fortes abondaient ; tout ce qui est fort ici, ce sont les scènes d’action au montage brutal. Techniquement il y a bien les vertus d’une grosse production et un petit parfum bourrin digne des 90s. Le film a l’air bâclé ; la place des alliés et leur sort sont mal foutus, Amalric est inapproprié en grand méchant sadique et son personnage inepte (il aurait mieux valu en faire un exalté, un franc pervers – mais quand pour quelques secondes on le voit avec des rondouillards corporatistes promouvoir sa pseudo croisade verte, il y a une atmosphère convaincante de pourriture ‘digne’ et fatiguée à la française). On retrouve la misogynie tranquille et l’inconsistance vaguement loufoque des premiers épisodes – Gemma Artertone en fait les frais (l’envoyer pour convaincre un espion aguerri de faire demi-tour est déjà absurde). Finalement la seule franche réussite de cet opus est sa recrue n°2 : on trouve une des plus belles James Bond girl avec Olga Kurylenko, fille de l’est ‘latinisée’ pour l’occasion (les autres les plus marquantes : celles de Moonraker, Rien que pour vos yeux, Bons baisers de Russie et Casino Royale). (52)

Red Sparrow ** (USA 2018) : Thriller cru et placide, grossièrement cousu mais efficace, doté en scènes de violence et torture féroces. Beaucoup de bonnes choses dans une fusion creuse : la réalité est abordée sous un angle cynique mais de façon compartimentée et finalement parfaitement raccord avec ce qui serait une pure propagande anti-soviétique des années 1950. Les américains sont des candides foirant leur coup avec bonne foi, faute d’esprit suffisamment retors – c’est le revers d’une humanité libérée ! On voit aussi le piège pour l’espion avec son pouvoir en suspens, son état de prodige à la fois subventionné et possédé par l’État ; comme l’exploitation des femmes, c’est présenté de façon picturale, statique, à la fois critique et lucide en apparence mais toujours scotchée aux clichés meublant les représentations du monde russe par celui anglo-saxon depuis 70 ans. (54)

Hugo Cabret *** (USA 2011) : Quand Scorsese fait du Jeunet et rend hommage à l’enfance du ‘septième’ art, à travers son ingénieur phare Georges Méliès. Le résultat est à la fois consistant et doucement régressif ; un film de Noël à la mise en scène profonde, au scénario prévisible mais brillamment cousu. Le décalage peut choquer même en étant prévenu – moins si on connaît la baisse qualitative et la vulgarisation de son cinéma depuis une dizaine d’années (et bien que l’excellence soit de retour avec les deux prochains crus – Le Loup de Wall Street et Silence). La 3D n’est pas toujours du meilleur effet mais paraît toujours irréprochable face à de nombreux autres essais hors animation pour très jeune public. La trame avec Sacha Baron-Cohen est trop simpliste. (66) 

Ace in the Hole / Le gouffre aux chimères ** (USA 1951) : Lourdeur de ces films moraux et ‘humanistes’ avec son (Kirk Douglas) cynique confiant, avide de succès et de reconnaissance. Le voilà bientôt tourmenté ; nous sommes des humains, à moins d’être prodigieusement ‘civiques’, nous n’avons pas besoin d’assister à sa crise qu’on sait stérile et sans surprise. Au moins le film est assez sophistiqué pour éviter des passages sans retour d’un état d’âme à l’autre ! Malheureusement ce n’est pas pour refléter des progrès ou approfondissements ; le scénario comme le discours sont redondants et régulièrement à sec – c’est la technique qui lui donne son ampleur et sa véritable belle tenue. Les personnages sont tous des salauds, des idiots ou des ingrats et eux aussi ne font que passer d’un état initial à un sursaut difficile, en passant par les tergiversions de notre anti-héros journaliste. En somme, un de ces films typiques dénonçant la collusion entre les ambitieux malsains et les publics malsains, à l’adresse de spectateurs bienveillants qui ne manqueront pas de trouver la chose poignante et intelligente (pour la version dégradée et sale voir Festen ou La chasse de Vinterberg). (62)

India Song * (France 1975) : J’espérais être surpris en bien voire trouver quelque chose d’analogue aux films de Robbe-Grillet. J’ai vu un film accablant dont je me suis passé la seconde heure en accéléré – afin d’aller plus vite aux nuances, car le risque d’en rater est impossible. Dans le registre de l’extatique, de l’interminable et de l’irregardable, Jeanne Dielman, Tabou (sur la mémoire lui aussi) et même Zerkalo sont (plus) sensés. Cette expérimentation-là me semble le fruit d’égarements cautionnés par l’entourage ou entérinée par l’absence de techniciens concernés. Avec ce film, on s’installe aux côtés de Duras, empile des rushes et reste bloqué sur des choses insignifiantes étirées aveuglément – et recoupées vaguement. Existe-t-il d’autres œuvres exprimant le laisser-aller de Blancs éloignés de tout élan vital, de Blancs de la haute société accablés par le luxe, leur inanité et l’ennui ? Sûrement pas des masses. Bien sûr on peut se pâmer devant la déco ou la musique, mais alors il faut énormément d’amour ! Passé un certain stade, la désynchronisation son/image elle-même ne sert qu’à souligner l’insignifiance de la démarche ; cet essai est trop boursouflé pour seulement se savoir penaud et nu. Oui ce film essaie une nouvelle sorte d’expression (qui voudrait refléter celle des ‘fantômes’), mais ne sait pas ce qu’il fait – et n’est peut-être pas volontaire pour s’engager sur sa route si ouvertement stérile et ennuyeuse ; la chose est expérimentée, il n’y a rien de bon à en tirer, rien à en faire ou y refaire : qu’on ferme. J’ai testé un court-métrage par la suite et Marguerite Duras, si sympathique ou visionnaire qu’on puisse la sentir, me laisse l’impression d’un zombie gourmand et raffiné, obsédé par les petites sensations et les souvenirs, avec lesquels on serait supposés remplir sa vacuité d’humain triste et contemplatif. (26)

Les tortues ninja ** (USA 1990) : Film à destination des jeunes garçons où le rapport au père est omniprésent, les tortues toujours des grands garçons innocents (et impotents) et la sexualité doucement évacuée – sans vouloir gâcher les souvenirs ou le confort de qui que ce soit 🙂 Pop street d’époque et décors délabrés légèrement attrayants, costumes honorables. Humains pas très cohérents – ni bien joués. Le ‘mauvais garçon’ rapporté rappelle Robert De Niro jeune. L’histoire du rat est altérée par rapport au dessin animé, où Splinter est plus badass. Influence de Star Wars – imitation Dark Vador (et un peu Batman ?). Scénario, règlement des combats ou enchaînements foireux (final, fuite à la campagne). Toujours méthodique et ordinaire pour la structure (avec trois tiers cloisonnés). (52)

Atomic Blonde * (USA 2018) : Modérément efficace et globalement ridicule. Scènes de bastons enthousiasmantes à un certain degré, dialogues débiles, relations grotesques entre l’ensemble des personnages. Appelle constamment des clichés usés ou des petits tours abusifs à la rescousse. Cette maladresse générale trouve son comble dans l’usage de James McAvoy, lassant avec son numéro de fou furieux. (42)

L’été en pente douce ** (France 1987) : Cousin plus ‘familial’ de 37°2 le matin. Villeret en retardé avec une mimique faciale mémorable. Le faible budget ou du moins l’impossibilité de recourir à des effets (spéciaux) solides est mal dissimulé – spécialement lors du présumé départ d’incendie. (58)

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Mini-Critiques : 2020: Octobre, Septembre, 15, 14, 13 ; 2019: 12, 11, 10 ; 2018: 9, 8 ; 2017: 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

Mini Courts : 3, 2, 1

Mini Revus : 2ou2020, 1

Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1

READY PLAYER ONE *

16 Oct

1sur5  Ce film a réussi à me surprendre sur deux terrains où il est grand : laideur et banalité (Tron Legacy et Westworld l’écrasent sans efforts). Tout le reste relève de l’intégrisme de l’entertainment des trente dernières années jusqu’au présent (+1-1 pour la cohérence achevée), avec bien entendu une emphase particulière sur les 1980s (et leur musique). Les arguments les plus fantasques, les plongeons dans les souvenirs, sont à peine un frémissement : si l’essentiel du film était dans le goût du passage dans Shining, ça ne vaudrait qu’un train fantôme trop gras. Le reste du temps on s’étale en citations creuses et sensationnelles comme celle du Géant de fer (dans une moindre mesure de jeux : Minecraft, « planète Doom ») et on recoure à toutes sortes de ressorts éculés pour mettre en branle la supposée machine à se projeter.

Et c’est là où Ready Player One nourrit l’illusion avec pertinence : dans sa bulle consumériste, chacun vit une grande aventure – voire une aventure maximale. Mais cette bulle est fragile, alors il faut des icônes vivantes et une éthique ! C’est pourquoi nous avons un énième candide prophète des temps heureux – Kévin/Bobby 16 ans (ici Wade Watts orphelin, ailleurs Greta poussée par la conviction) parle au monde entier, c’est le porte-voie de bons sentiments et lui va faire la différence. C’est le seul sur des milliards d’humains à avoir relevé une phrase du grand patron dans les archives accessibles à tous (car il est le dernier à les écumer). C’est le type ‘différent’ et 100% commun, y compris dans les conditions (plutôt pauvre/classe moyenne de préférence, franchement pauvre comme ici est souvent une bonne affaire) dans lequel l’ensemble des jeunes ou vieux jeunes doivent se retrouver (ou se tasser sur ‘le jeune’ en eux). Il a bien entendu pour acolytes un garçon plus stupide (présent en mode mineur) et une fille un peu peste pour le challenger.

La seul moment un peu notable pour d’heureuses raisons est celui de la projection spéciale, avec le logiciel de contrôle des émotions et la combinaison pour retransmettre les sensations, notamment celles de « l’entrejambe » (depuis Kingsman et Deadpool on est plus lubrique dans le AAA américain). L’exécution a moins de valeur que l’idée mais pour l’œil c’est le seul moment un peu original du film, devant l’incruste chez Kubrick plutôt neutre sur ce plan (tandis que l’ensemble est dans le négatif). À déplorer également le torrent de trucs inconsistants, absurdes émotionnellement ou relationnellement, cela en laissant de côté les invraisemblances propres à un blockbuster promettant du lourd. Wade oublie aussi vite que nous et les scénaristes la mort de sa tante, s’en rappelle juste à temps pour boucler l’arc ; il est assommé et capturé par une équipe pourtant amie : l’inviter aurait pu être fastidieux mais là aussi ce serait utiliser des moyens indécents ! C’est une fiction aveugle de plus – probablement la condition de l’enchantement immédiat.

Dans son optique ‘Gregarious Game’ les films sont des objets de ‘pop culture’ et tout est fabriqué avec la culture entièrement phagocytée par le divertissement – le monde et notamment celui de la culture est un grand dépotoir aseptisé (montée de laits ou d’adrénaline sinon l’inertie) où chacun est invité à s’épanouir en recyclant pour soi les exploits et les émotions. Un nerd, un cinéphile, un gamer n’est jamais totalement étranger à cette déviance, alors on pourrait y voir une façon décente de se distraire du réel (en laissant de côté les jugements de valeur concernant les façons d’approcher les objets et ces objets eux-mêmes) ; on pourrait aussi espérer la politique exclue or on la retrouve sous une forme mesquine, avec la flatterie des egos et du bel idéal d’open-source, un méchant capitaliste en épouvantail sur lequel tous doivent s’accorder, tandis que le management crétinisant fait son office, se déguise et se pare de vertus.

La dite pop culture devient un rempart au cynisme et le refuge des authentiques (« Tu me prends pour un connard d’entrepreneur qui aime pas la pop’culture ! »). D’où cette morale finale consternante selon laquelle, le réel c’est carrément bien ; oui on peut et il est bon de jouer ! Mais pas tout seul ! Alors l’autorité va décider de votre consommation et orienter vos activités – hey les millennials le temps de la domination rance paternaliste c’est bien fini, vive l’abrutissement enthousiaste et consenti dans la communauté retrouvée et bigarrée ! SF oblige le film répand sa petite prose ‘critique-dystopique’ (sa conclusion que je viens d’évoquer n’en fait pas partie pour lui) or il est fasciné et amoureux et ne fait que rabougrir l’enfer comme le paradis ‘futuristes’ – en y ajoutant une sorte de mélancolie de nerds superficiels. Il projette le mauvais sur la publicité et présente en modèle le disruptif, rêveur, HQI et puceau tardif Halliday (au moins Big Bang Theory a le mérite de laisser de côté les valeurs). Voilà un nouveau mariage réussi entre la bêtise et la technophilie. Un anti Wall-E qui ne vaut pas Zero Theorem.

Note globale 26

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Suggestions…

Les +

  • sens esthétique plus prononcé à l’occasion, comme lors de l’ouverture et quelques autres séquences
  • de rares tentatives comme la scène de la danse – mérite d’exister à défaut ; une mocheté un peu plus ‘volontaire’
  • énormes ambitions et gros moyens
  • forcément des détails pour tout le monde dans la galerie – la satisfaction aussi est au détail

Les +

  • pour le moins radin de son Oasis
  • manque d’intensité, d’identité, de nouveauté, du moindre courage
  • puéril et pas amusant pour autant
  • personnages inintéressants voire interchangeables
  • volontiers incohérent en plus d’être futile

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ASSASSINATION NATION *

21 Juin

2sur5  Une vitrine racée et convenablement débile des mœurs liées aux réseaux sociaux, aux fantasmes et prospectivismes grégaires, à l’adolescence criarde de l’époque. Pachydermique mais habile, bien qu’il perde régulièrement en impact et en pertinence ; la dernière demi-heure est un carnage façon The purge ou guérilla kikoo-savage (comme on en trouve chez les japonais). Néanmoins un vrai sens esthétique, de possibles inspirations surprenantes (Ténèbres d’Argento ?) et surtout une fougue indéniable incitent encore à épargner ce film.

Il est capable d’ambivalence et d’intégrer celles de ses sujets. Via la bande on dénonce l’hypocrisie du monde hashtag – et s’inscrit totalement dedans, même s’applique à prendre les devants. Les claques narcissiques font pleurer ces pauvres jeunes filles, elles sont recherchées pourtant ; on se désintègre soi pour mieux se livrer aux pièges et à l’attention de l’environnement. Bien sûr en dernière instance seule la flatterie l’emporte, avec un gros appel féministe grotesque, incroyablement pompeux (« we are legion »). La jeune mégère névrosée se place dans l’attente de la moindre béance, de la moindre tension ; voyez-les : il faut que leur scénario se déroule. S’il ne s’active pas elles le provoqueront en exaspérant ou en se mobilisant. Pauvre petite narcisse arrivée dans un monde plein de règles absurdes et d’injustices !

L’hypocrisie est chez les autres, toujours (les anarcho-trumpistes sont l’ennemi frontal – dans une fosse à purin voisine et tout-public). Les aguicheuses [leurs comportements] sont mal interprétées, objectivées par les autres – on pourrait croire qu’elles participent à fond – faute : dans leur dialectique non. Là-dedans il n’y a pas que des idioties : voilà une ‘pute/salope’ donc on se donne des droits, la fille la plus drôle et pertinente relativement à sa mauvaise foi est le trave ; dans sa solitude Lily devient la cible des moqueurs, de la violence gratuite et ses proches adultes justifient ses malheurs – la société est plus forte que l’intimité même au travers des parents. Ironiquement la pointe de nihilisme ramène le film vers un semblant de lucidité, sous une triple-couche de grossièreté : l’humanité animale se régale des lynchages (le directeur veut faire valoir sa personne mais tous s’en moquent – comme de la réalité ou de la nature de sa faute, l’essentiel c’est simplement qu’une personne passe au grill – dévêtue pour mieux brûler). Les filles et le film ont beau jeu de constater que nous serions tous poussés à la vindicte populaire – aucune place pour le courage ou l’éthique là-dedans, seulement des fracas et les morales de meute fraîche ou enluminée. Car ces mondes-là sont ados, donc contraints – mais tout ça ne mérite même pas de remise en question (les questions aptes à émerger se règlent à coup d’ouvertures type : « la nudité pas forcément érotique »).

À force de dramatisation, victimisation et flagorneries le potentiel de vérité du film (au-delà de la simple crédibilité) implose carrément – le moment critique est le report du hacker boy lâche sur la fille (déjà accablée) ; les quatre commères sont alors soudainement pourchassées. Ce sacrifice n’a aucun sens même de la part d’une foule irrationnelle. N’y survit que le fantasme des sorcières de Salem. Tous les thèmes et toute cette sauvagerie sont tirés vers une thèse : on veut posséder le corps des femmes ! 2018 dans le monde, les slut sont nos boucs-émissaires. Progressivement Assassination n’est plus que ce qu’il est en principe : un truc féministe délirant et déplorable (alors que les aspects ‘délirants’ dans l’ensemble étaient directement vraisemblables, pas des échos lointains ou de la dystopie idéologique). Il n’y a même plus la bêtise joyeuse de l’ouverture, encore un peu spontanée malgré la démonstrativité – qu’un nanar empli de phrases prévisibles, de la démagogie teen tout juste accessible pour les vieux hypocrites. Ce n’est qu’une orgie de problématiques stupides de gens incapables de s’en défaire. Ils et surtout elles n’ont pas le courage d’être autonomes, d’être de vrais individus – ils et elles ont assurément celui de péter leur scandale et d’alimenter chaque petite étincelle pouvant vous transformer en martyr[e] – malheur, les ‘safe space’ ne résistent pas au feu.

Note globale 38

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Suggestions… Idiocracy + Kill Bill + Sprink Breakers

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UN PEUPLE ET SON ROI *

3 Avr

1sur5 Encore un film historique théâtral recyclant les clichés et les ‘acquis’ idiots quant à la représentation d’un épisode important. On retrouve ce côté choral infect et tronqué, avec des ouailles enchaînant la parole. Cette façon d’aliéner tout et tous dans une chorégraphie inepte et bien-pensante est au-delà de la propagande (c’est de l’habitude et de l’imitation molle), ou alors une propagande usée, médiocre, d’un académisme dégénéré. Mais ce film est avant tout un raté ou une aberration irrécupérable.

L’individu, le collectif, la communauté, l’Histoire même : tous sont figurants. Le film accumule les scènes entendues, en plus biaisées par l’ordre du jour (on se marre à table en évoquant la femme citoyenne), au milieu desquelles s’insinuent des palanquées de séquences oniriques ou vaguement abstraites (les cauchemars du roi principalement). Les auteurs ont voulu capter la substance émotionnelle des acteurs de la Révolution et aboutissent à un spectacle abrutissant, avec une atmosphère obscure, une mise en scène poseuse et pesante, des acteurs en démonstration, des émotions subites faites pour être récupérées dans des tableaux – mais quel goût bizarre et laid dans ce cas. En-dehors de toutes considérations propres au sujet, ce qui marque dans ce Peuple sans roi c’est son inanité technique et narrative : absence effarante de dynamisme, enchaînements bâclés, scénario confus, barbouillé et seulement ajusté par la chronologie de la période.

Nous sommes au stade où la confusion et la pesanteur confinent à l’avant-garde. Un tas de complications futiles envahit jusqu’aux petites histoires (celle entre Adèle et Gaspard), la préférence pour les uns ou les autres est injustifiable, la poésie essaie de s’en mêler. Il y a probablement quelques clubs ou sectes où ce film apparaît rempli de sens car on aura pu s’étendre sur ses intentions, voire préférer les garder fumeuses comme doit l’être l’idéologie de la maison un siècle après la disparition des têtes pensantes capables d’assurer intégrité et cohésion à tous les étages. Naturellement on voit les visages de la culture avancée défiler, car ce ballet reflète tout de même une sorte d’Acte 1 démocratique ou d’avènement de l’Histoire civilisée – Garrel en Robespierre serait le comble de la farce s’il n’y avait les époumonements de Denis Lavant en Marat. Le vote concernant la mort du Roi atteint le paroxysme de l’actor’s studio éreintant – ce genre de bouffonneries pimpantes est pourtant obsolète.

Peu importe la position ou les attentes du spectateur concernant le traitement politique voire religieux de la Révolution, le résultat est inadéquat – un public de la vieille gauche ‘radicale’ [centre contemporain] ou bolcho-paternaliste actuel y trouvera davantage son compte mais sous la glu et en s’armant de complaisance ! Il y a bien des bouts de remises en question du despotisme révolutionnaire (et de la représentation politique en général) lors des passages au Parlement. Ces séquences verbeuses et subitement scolaires ont le mérite d’être limpides mais pour mieux se vautrer dans la superficialité, la projection démente (les bons paysans à l’agenda progressiste et d’une cordialité digne des députés actuels) et la pure niaiserie (« le vote censitaire c’est le vote des plus riches » : oh qu’il est lumineux celui-là ! ). La meilleure concession au bloc antagoniste réside finalement en l’incarnation de Louis XVI – malgré la bedaine de circonstances et les tourments du dernier roi d’ordre divin (pour un équivalent chez les révolutionnaires consultez Danton), Laurent Lafitte réhabilite un peu le malheureux Louis XVI – par la contenance, physique inclus.

Le film a beau jeu de laisser la parole à de multiples parties ; on est plus effacé à mesure qu’on appartient ou se trouve dans l’adhésion à la monarchie. Les voix dans le sens de l’Histoire sont toutes essorées pour bien trouver leur petite place lustrée sous la bannière. Le sacrifice du Roi est le comble de l’ambiguïté vaseuse – il est montré comme tel (un sacrifice – inévitable), acte de naissance de la nation républicaine, avant que la place soit envahie de bonheur ; sans doute la nécessité de digérer une mise à mort alors qu’en vertu de ses idéaux de Lumière et d’Humanisme on réprouve le principe. Y aurait-il là une tentative des tenants de la République d’envisager les aspects sombres du pacte ? La douleur et l’indignation des lésés ? Ou bien s’agit-il simplement de jouer la carte de l’inclusion des points de vue sans véritablement élargir ni surtout approfondir la perspective. C’est une méthode infaillible pour parer aux critiques, paraître plus réaliste ou authentique, sans égratigner véritablement le mythe ! Car l’essentiel est intact voire ressourcé. En sortant de ce film, on a bien su se rappeler que si la Révolution a mal tourné c’est car le Roi s’est barré et les chefs ou députés n’ont pas fait le job ; on voit parfaitement combien les révolutionnaires étaient non-violents ; on peut apprécier comme l’Idée a triomphé des fantômes du passé, des contradictions de la population et des complications du réel.

Note globale 22

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Suggestions…  Le Parfum

Les +

  • indéniablement ambitieux (sur tous les plans : visuel, politique, ‘littéraire’, direction d’acteurs)
  • cultive un style
  • Laurent Lafitte

Les –

  • nullité de tous les agents de cette Histoire (sauf dans la sublimation morte et creuse)
  • les auteurs savent-ils ce qu’ils sont en train de fabriquer ?
  • Sont-ils vraiment au clair sur les intentions et le discours ?
  • À quoi riment ces emphases sur certains personnages ? Sur le couple et le métier de Gaspard (c’est une ‘grenouille’ positive) ?
  • Bouffé par ses manières, ses ralentis, ses poses sans frein

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THE HOUSE THAT JACK BUILT **

23 Mar

2sur5 Je comprends qu’on soit écœuré ou ennuyé par ce film, qu’on le trouve démagogue, pompeux, malin ; je ne peux m’empêcher de le trouver simplement débile et carré, efficace dans son petit espace aux allures importantes. C’est surtout trop bête et systématique pour émouvoir. La radicalité pourra ébranler des cinéphiles tout frais, gêner et ‘poursuivre’ raisonnablement d’autres, car Larsounet aime briser des tabous élémentaires (en se foutant de leur légitimité mais peu importe l’époque permet).

Régulièrement, au travers de Verge-ile essentiellement, on prend de la distance avec Jack et est invité à le considérer comme un imbécile pimpant ou un raté folklorique, mais dans l’ensemble la fascination est censée l’emporter – cette charge suffit à rendre la séance un minimum attractive. Lars est évident au travers de nombreux traits de ce protagoniste, de ses discours et présentations. Les références au nazisme sont complétées par celles aux autres grands dictateurs du XXe, belle brochette de prédateurs ultimes donc pontes de l’ « art extravagant » (quelle place doit occuper Glenn Gould face à eux ? lui dont la même archive est recasée régulièrement – la légitimité et le goût de la chose m’échappent). Les laïus ne sont que des dissertations fumeuses à terme (même contradictoires) de narcissique affranchi, visant directement les gros et grands thèmes.

Jack comme Lars ont sûrement raison d’y aller à fond. C’est simplement dommage de toujours revenir au stade du sociopathe adolescent ou adulescent gargarisé de maximes subversives. Jack & Lars nous resservent ces vieux refrains de nietzschéens, ces conneries sur la beauté de l’art-boucherie (hormis la maison finale, pas une once de valeur esthétique dans les concrétisations).. L’humour est autrement agréable (la solitude et la fatalité sont facilement drôles) même si la volonté de provoquer entame là aussi son pouvoir et surtout lui interdit une véritable.. intelligence ? Enfin en termes de psychologie et de scénario le film n’a pas grande valeur, la présence de l’auteur agrégeant tout progressivement, tandis qu’à force d’être concentré sur le monde de ce type on sacrifie la consistance en plus de la vraisemblance – car berner des victimes et des policiers peut se concevoir mais à force de cumuler on sort de la bêtise, de l’aliénation et de la cécité humaine pour entrer dans la niaiserie catégorique.

Note globale 54

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Suggestions… The Addiction/Ferrara + I am not a serial killerLe triomphe de la volonté

Scénario/Écriture (5), Casting/Personnages (7), Dialogues (5), Son/Musique-BO (5), Esthétique/Mise en scène (7), Visuel/Photo-technique (6), Originalité (6), Ambition (9), Audace (8), Discours/Morale (4), Intensité/Implication (6), Pertinence/Cohérence (3)

Les +

  • mise en scène toujours originale même si crasseuse
  • acteurs irréprochables
  • envoie du lourd même si le résultat reste peu intense
  • la jolie séquence finale, meilleure dans ses aspects bisseux que pompeux

Les –

  • peu marquant par rapport à tout ce qu’il engage
  • déblatérations pas dégourdies
  • ce que Jack et Lars veulent faire au début n’est évident ni pour eux ni pour nous
  • du déjà vu et du niaiseux dès qu’on gratte un peu

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