KINGSMAN : SERVICES SECRETS +

9 Juil

kingsman

Il y a tous les ans une petite poignée (à un chiffre) de ces divertissements massifs et raffinés, Kingsman fait partie de la fournée 2015. L’énergie et l’habileté n’ont jamais manquées à Matthew Vaughn, son Layer Cake et l’immonde Kick-Ass en attestaient. Ce qui faisait défaut c’était du goût et surtout pas mal d’esprit pour mettre à profit ces qualités au lieu de tirer toute cette malice vers le happening à la démagogie puante ou sans valeur ajoutée. Avec cette nouvelle adaptation de comic book (The Secret Service – 2012), c’est chose faite.

Tout en souscrivant à quelques pesanteurs propres aux blockbusters et au cinéma d’action de l’époque, Kingsman se distingue du tout-venant par sa remarquable vivacité et son intelligence. À propos de l’intégration dans les services secrets, il montre une phase d’apprentissage très rude. Politiquement il résonne avec les élans de son temps et les préoccupations de l’avenir proche : en plus des questions relatives aux positions sociales et à l’encadrement des ressources humaines, il y a ainsi la prise en charge par le ‘méchant’ de l’histoire du problème de la surpopulation. Il convoque autour de lui un peuple élu et son entreprise reflète ce cauchemar des élites mesquines du monde d’après, mis en exergue de façon assez fine chez Snyder qui en expose les légitimations (Watchmen, Man of Steel).

Le jeune héros incarne un idéal de résilience tout en étant le porte-voix d’une remise en cause populaire ; la proposition de participer au renouveau répond à la défiance et aux angoisses de Gary. Les prolos et les exclus ont tout à gagner de la méritocratie, encore faut-il que les vigies soient là et qu’elles aient le sens de la justice ; Kingsman est cette vigie. Gary, c’est le nécessaire « sang nouveau » pour lequel plaide Colin Firth, face à une aristocratie dédaigneuse et s’exposant à cause de son inadaptabilité à la décadence ; face aussi aux puissances dévoyées. Le programme reste cependant tout à fait élitiste, mais sans qu’il soit question d’exploitation ou de luttes internes ; au contraire la société est un mille-feuilles où chacun a sa place (au moins celle par défaut), s’épanouit le mieux possible, en fonction de ses moyens de perception et de ses moyens tout court.

Le camp des destructeurs lui réfute ce brassage, rejette même la société (elle n’aura plus court si le projet fonctionne) en tant que grand organisme au profit de la domination sans entraves de l’internationale népotiste. Au lieu de proposer un déchaînement des lésés comme dans Kick-Ass (tout en ayant en commun les écarts destroy), Kingsman se montre plutôt équilibré ; le pessimisme anthropologique est nuancé par une espèce d’empathie pratique, l’acceptation de la modernité par la présence d’institutions incorruptibles, sages et cyniques. Gary a la possibilité de s’émanciper de sa misère originelle s’il accepte la discipline d’un agent secret et d’un gentleman.

Dans le cas inverse il rejoint le commun des mortels dont les Kingsman ne remettent en cause ni la liberté ni les attitudes, se contentant de maintenir l’ordre à leur degré, sans chercher la reconnaissance ou l’ingérence. Ces dispositions ‘abstraites’ sont en corrélation avec celles plus formelles : Kingsman rénove la façade du cinéma d’espionnage. Il reprend à son compte l’essence d’un genre, en lui apportant légèreté, humour et panache ; mais il est plus proche de la contre-révolution que de la redéfinition du cinéma d’espionnage. Les recettes et marqueurs sont old school, les méthodes contemporaines. Certains gimmicks fonctionnent moins bien, comme le zozotage de Samuel Lee Jackson souligné par la VF ; mais ces détails sont toujours rehaussés par d’autres qualités.

En ce qui concerne le personnage de Lee Jackson, ce sont ses réparties cinglantes, l’étalage de ses états d’âmes et sa bonhommie impériale en dépit qu’il soit la main de l’apocalypse. Le rythme est soutenu, la marche fluide, sans frénésie ; flegme et flamboyances cohabitent et se répondent harmonieusement. La violence est ouvertement cartoonesque (et parfaitement propre), les gadgets kitschs et les protagonistes insolites (Gazelle, la fille aux patins) tiennent leur rang, certaines séquences sont explosives (l’église) et jubilatoires (le remake carnavalesque de Scanners, le premier final classe et grivois, sur Slave to Love de Roxy Music). Un second degré fin et limpide est présent, sans jamais embarrasser ou dénigrer l’action (comme c’est trop souvent le cas ailleurs) ; l’écriture sait être potache et pertinente. Certaines lourdeurs pourraient être épargnées néanmoins, comme le rappel des échanges des verres ; malgré l’excellente tenue générale, quelques régressions sont là aussi.

Rapidement après sa sortie et alors qu’il connait un succès foudroyant, il est question de faire de Kingsman la relève de James Bond ; en d’autres termes, le géniteur d’une saga. C’est une jolie idée mais rien n’est acquis. Ce film a été tourné pour être un ‘one shot’, il fait son office en ce sens et ne laisse pas tellement d’ouvertures en main ; le second opus aurait donc à installer éventuellement les personnages et les lieux récurrents, au-delà de l’agence et du héros eux-mêmes.

Note globale 73

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Hunger Games + Pacific Rim + OSS 117 Rio + Django Unchained + Les Gardiens de la Galaxie + Divergente 

Scénario & Ecriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (3), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

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