Trois films :
> Soeur Sourire*** (65)
> L’Enfant Lion** (53)
> Manhunt** (44)
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SOEUR SOURIRE ***
3sur5 Évocation de la femme derrière le mythe improbable et éphémère, le film de Stijn Coninx ne s’apprécie pas pour des raisons cinématographiques. La mise en scène est impeccable mais sans ingéniosité ; la maîtrise narrative est totale mais relativement terne. L’œuvre en elle-même n’a pas l’imagination et encore moins l’intrépidité de son sujet. Mais justement, c’est un film qui s’efface derrière son sujet ; la forme est seconde, l’émotion fait tout. Sœur Sourire, alias Jeannine Decker, est de presque tous les plans. Sous les traits de Cécile DeFrance, elle illumine l’écran, le déborde même, d’ailleurs le film tout entier, à l’instar de l’environnement concret de l’héroïne de fiction, semble poursuivre cette femme qui va plus vite que son ombre. Souvent pour tourner en rond.
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Tout converge autour de l’agitation et des rêves de cette gamine androgyne et ivre de vie. Le film se décompose en deux grandes parties : dans la première, sœur Sourire est une rebelle au couvent, dans la seconde, c’est une émancipée paumée et une starlette factice en tous points. Dans un premier temps, face à l’institution religieuse à laquelle elle se livre pour rompre avec les plans d’avenir de sa famille, Jeannine est confrontée au dogmatisme (surtout apparent) et à la dureté de vieilles gardiennes empruntes d’un esprit militaire et d’un amour de la hiérarchie.
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La confrontation de cette écorchée vive bourrue et affectée à un institut castrateur, exigeant et rigoureux est révélatrice d’un paradoxe. En effet, tout ce temps ou Sœur Sourire regrette son sort, elle s’en accommode pourtant, peut-être pour gagner du temps, à moins qu’elle soit trop absorbée. Si elle est venue au couvent, c’est pour assouvir un besoin d’émancipation tout en restant prisonnière, dépendante, enfant. Il s’agit d’être une sale gosse tout en étant loyale, cadrée, bref, d’être dominé pour simuler la rébellion tout en espérant la croissance. Ce n’est pas une attitude de rebellocrate ; c’est celle de quelqu’un d’étranger à sa propre vie, voir à son propre corps. Il y a donc, avec la foi, l’occasion d’un épanouissement, de satisfaire la quête de sens pour gonfler sa vie, l’extirper d’un chaos informel (le trop-plein de traumas, de souffrances et de pesanteurs conduit au chaos créatif, à l’incapacité à « être »).
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Puis la créature accepte une pleine émancipation et les risques de la liberté. Elle expérimente une gloire bizarre, inappropriée par rapport au marché, au public aussi, mais presque finalement à elle-même. Elle se perd souvent, revient aux mêmes endroits tout en empruntant des chemins similaires. C’est son paradoxe : touchante parce que son attitude est un mélange de candeur et de brutalité, Jeannine/Sœur Sourire reste toujours une imbécile et une page blanche, donne toujours le sentiment de n’avoir rien fait de concluant de sa vie ou de survoler ses échecs et ses réussites. Cette petite fille effrontée et pleine de bonne volonté a tout pour rendre addict d’autres égarés mieux lotis, mais aussi pour agacer profondément. Et c’est là le tour de force du film.
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Coninx, réalisateur aux productions rarissimes et essentiellement tournées vers l’univers religieux, prend son sujet à bras-le-corps. La force et faiblesse ultime, c’est que son film ne vit que par et pour son personnage. Il est donc intense, curieux et passionnant, mais bref à tous les degrés. Qualifier Sœur Sourire de téléfilm serait mesquin mais logique : c’est un portrait sage et nuancé, appliqué, à échelle humaine, s’achevant sur un angélisme doucereux. Il n’offre rien que de l’emphase à volonté, mais c’est sans mièvrerie et avec une franchise déconcertante. Dans le même contexte et avec un personnage moins borderline, le film n’aurait été qu’un téléfilm lisse et affligeant. En l’état, c’est une aventure aimable pour des motifs irrationnels, pour une pureté éthique et certainement pas pour sa banalité esthétique.
Note globale 66
Page allociné + Page CineMovies + Zoga sur SC
→ En écho à un des axes du Blog et parce que c’est trop criant : sœur Sourire a toutes les caractéristiques d’un ENFP dynamité par l’ennéatype 6 (plutôt 6w7).
→ Note arrondie de 65 à 66 suite à la mise à jour générale des notes.
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L’ENFANT LION **
2sur5 Entre le reportage et le conte décousu, L’Enfant Lion est une sorte de roman-photo tissé à partir de réminiscences personnelles, de métaphores empruntes d’un bon sens traditionnel. Le film s’adresse à tous et pas nécessairement à un public familial ; néanmoins, c’est les plus jeunes qu’il séduira en priorité. Ceux-là se plongeront plus facilement dans l’aventure, retrouvant une part de leurs aspirations ou de leurs petits fantasmes dans cette rencontre entre un enfant et la vie. Il y a bien sûr les interactions avec les lions, mais aussi avec la nature sauvage que l’enfant expérimente, percevant sa beauté et sa dureté, sans peur ni préjugés, mais simplement avec des yeux avides et, même si c’est mal joué de la part du jeune acteur, un état d’esprit effronté.
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Un peu à la façon de Il était une fois dans le Bronx dans un tout autre monde, c’est l’histoire d’un gamin perdu oscillant entre schémas traditionnels et sécurisants et appartenance à une famille d’élection. La construction du film se calque sur la croissance du garçon, dont le développement personnel et la relation avec les lions sont interdépendants. C’est une amitié édifiante, formatrice qu’il hissera toujours au-dessus des autres. Autant dire qu’il y a une large dose de bons sentiments roudoudous et un défilé de félins d’amour, au milieu desquels s’incruste une grandiloquence et des rapports de force humains voir sociaux auxquels on ne croit jamais. C’est léger en tous points.
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Difficile de cerner les intentions du réalisateur au-delà ; le basculement en milieu de parcours, s’il stimule le récit, paraît très artificiel. Le film semble alors se chercher et a recours à des arguments très prévisibles pour maintenir une narration signifiante. Il lorgne ainsi vers l’ésotérisme, évoque un peu la terre des ancêtres (quand c’est ailleurs, c’est toujours magnifique, synonyme de sagesse et de paix)… Tout cela ressemble fort à du remplissage : manifestement, Patrick Grandperret s’est laissé aller à l’inspiration, à des bribes réminiscentes, mais il donne l’impression de tourner en rond. S’il avait tranché pour une radicalité formelle, alors ces vibrations internes qu’il communique auraient pu encore pleinement s’épanouir ; en l’état, L’Enfant Lion est presque parasité par son scénario. Pour le meilleur, c’est donc un film sensoriel à la candeur brute, où l’Homme est à la hauteur de la Nature, s’inspire et compose avec elle.
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Considéré comme une référence dans le petit monde d’un certain cinéma »humanimal » (façon Deux Frères, etc.), L’Enfant Lion est un joli film, parfois sensuel, souvent mignon, mais il ne dépasse pas le cadre de l’honnête divertissement à savourer un après-midi où on se trouverait en mal d’évasion.
Note globale 54
Film de Patrick Grandperret (France, 1993)
D’après le roman de Réné Guillot
Page allocine & IMDB, fiche arte + Zoga sur SC
→ Note ajustée de 53 à 54 suite aux modifications de la grille de notation.
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MANHUNT **
2sur5 Produit norvégien d’une impressionnante normopathie de genre, Manhunt (situé dans les 70s) joue du cliché à un point de ringardise sincère confinant à l’anachronisme. Ses hippies en quête d’osmose décroissante ou ados attardés, avec leurs tensions bidons et leurs caractéristiques grossières, sont épuisants. Ils ne sont qu’un intermédiaire avant le rayon trash, où le chaland retrouvera les traditionnelles gueules d’atmosphère de ploucs mutiques et autres incohérences bien glauques. Naturellement, les personnages passent comme si de rien n’était devant des mystères ou bizarreries pachydermiques, prennent un laissé-pour-mort pour un clochard ayant élu domicile dans les WC…
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Un paradoxe retient pourtant. Ce n’est pas la chasse à l’homme engagée aussitôt passée la fastidieuse première demie-heure. Si le scénariste (Patrick Syversen) est vraisemblablement un gros beauf, le metteur en scène (Patrick Syversen) a du style. Manhunt est foncièrement désuet (sauf peut-être dans son troisième quart, plus intense), mais brillant d’un point de vue esthétique. Avec ses bois vallonnés à pertes de vues, il s’approprie un cadre rêvé pour poser un climat horrifique. La douceur des lieux, la sensation d’éternité et de finitude, de mort suspendue : ce paysage désenchanté, serein mais mortifère, semble naturellement appeler la violence.
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Le »keylight », c’est-à-dire le filtre façonnant la lumière principale, habille le décor d’une chape de brume stylée et poisseuse. Cette atmosphère chromatique renforce la sensation d’immersion dans une terre abandonnée aux hordes sauvages, où les créatures de l’imaginaire peuvent se loger, où les pulsions réprimées dans le cadre de la Civilisation peuvent ici se défouler.
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Néanmoins, c’est un univers en vase-clos et l’imaginaire à l’œuvre est lui-même minimaliste et totalement emprunté. Jusqu’au final »ironique » tout à fait poussif, c’est un gâchis, un survival banal et un peu laborieux, voué à rester dans l’ombre des récents chefs de file comme Détour mortel. Ses plans-séquences sur les instants de transition vers la mort en atteste : Manhunt ne sert que comme exutoire complaisant, rendu un peu intrigant au moment seul où il flirte avec l’érotico-snuff.
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Sorti en direct-to-video, ce nanar poli et raffiné a pourtant su attirer l’attention des adeptes de cinéma de genre, au point que son auteur a été produit aux US. Mais avec son film de zombies Prowl, il semble plombé pour longtemps. Gageons que personne n’ira le rechercher. Il aurait pourtant beaucoup à apporter dans un film où il n’aurait à se concentrer que sur le climat et déléguerait la mise en scène et l’écriture à d’autres.
Note globale 44
Interface Cinemagora + Zoga sur SC
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Voir l’index cinéma de Zogarok
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