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A L’ORIGINE ****

12 Avr

4sur5  Xavier Gianolli est un réalisateur dont la sensibilité est généralement méprisée (et à sa décharge, il pêche souvent par candeur). Mais c’est normal, car ses héros sont de vrais hommes et femmes du quotidien et de leur temps, contrairement à ceux des baudruches sociales servies habituellement au cinéma. Quand j’étais chanteur était un beau film, pathétique mais digne, pas fulgurant, juste poignant, surtout grâce à Gérard Depardieu et Cécile DeFrance. En effet, Gianolli n’est pas non plus un cinéaste brillant, c’est un bon raconteur avec des personnages de caractère et un style réaliste incertain (Une aventure).

C’est aussi un metteur en scène tentant, avec eux, de donner son compte-rendu de quelques expériences dont le noble cinéma se moque, mais sont essentielles pour ceux qui les vivent. Dans À l’origine, son premier et seul film largement respecté, Gianolli s’est inspiré d’un fait divers lu dans le journal ; un escroc s’étant fait passer pour un chef de chantier et ayant fait construire une route au milieu d’un champ. De cette histoire incongrue naît un film simple et puissant, où François Cluzet incarne l’escroc devenu héros. Trouvant au départ une nouvelle manne, il se trouve rapidement investi d’une mission.

L’espoir qu’il crée dans la région engendre un défi, relevé avec succès : sortir des  »coups » et du parasitage pour évoluer vers la responsabilité et le gain mérité. À l’origine n’est pas l’histoire d’un bon petit déviant revenant dans le droit chemin collectiviste. C’est le portrait d’un héros, d’en bas, montrant que la croissance et l’intelligence viennent d’abord de l’individu ; et dont l’attitude productive amène des bénéfices pour tous ceux qui s’en seront donné la peine. En d’autres termes, c’est du philanthropisme indirect, où un homme concentré sur la tâche stimule l’action et le progrès. À l’origine illustre ainsi le rêve méritocratique et met en valeur la force de la volonté sans ignorer les contingences ou les difficultés réelles.

C’est en surmontant ces épreuves que le héros d’À l’origine remporte la victoire et amène le ré-enchantement. Encore faut-il qu’on ne lui barre pas la route ! Cluzet/Philippe Miller et ses équipes ne sont pas labellisés par les corporations ou le gouvernement, mais ceux-là sauront évidemment venir chercher leur dû ou profiter de son succès ; Gianolli ne s’aventure pas véritablement là-dessus, pour rejoindre les faits mais peut-être également par manque de considérations pour l’idéologie. Cela ne fait pas de son film un produit neutre, car son héros Philippe Miller, en récupérant l’argent sale, met à profit l’économie souterraine, non sans se servir, car être un héros ce n’est pas être un martyr.

Note globale 80

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Suggestions…  Podium 

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NINJA SCROLL +

21 Nov

ninja scroll

Dans le Japon médiéval, Jubei Kibagami, samouraï vagabond, s’associe à la kunoichi (ninja) Kagero pour combattre les huit démons de Kimon. Féodalité, pouvoirs spéciaux, maisons divergentes et réseaux d’ennemis ou d’alliés sont au programme. Malgré cette profusion, Ninja Scroll est un spectacle limpide, agencé à merveille et aux qualités esthétiques remarquables. Conçu en 1993, il possède une large postérité, avec des déclinaisons en série et bande-dessinée, ainsi qu’une fausse suite américaine, rappelant les pseudo-sequel opportunes de Zombie notamment.

Même s’il n’y a pas eu de saga au cinéma, Ninja Scrolla vait de quoi en alimenter une très riche. Le film a une place méritée au milieu des Totoro, Akira et Ghost in the Shell dans les grands classements, qu’il doit en Occident principalement à ses spectateurs de l’époque, qui l’ont découvert en VHS. Chevauchant les genres (histoire, action et fantastique), il jouit d’un vaste univers, si bien que la séance ressemble à l’exploration d’une carte de référence, avant d’éventuels plongeons encore plus profonds. C’est-à-dire qu’il y a ici la consistance matricielle d’un Star Wars.

Cette multiplicité présente un risque, le manque de profondeur. Comme pour une majorité des anime, le scénario ne se distingue pas par ses qualités particulières, sinon en tant que fournisseur insatiable. Le film est loin d’en souffrir, car les éléments mis en avant sont puissants et les personnages percutants. Le rythme est extrêmement intense, la violence courante, les femmes fatales et objets aussi, dans des proportions licencieuses assez corsées. Peu importe la légèreté de son écriture par endroits, Ninja Scroll est un divertissement étincelant, frappant comme un classique instantané dans son domaine.

Sa beauté plastique, la fluidité de l’animation et la fureur qui la soutient lui garantissent de résister aux outrages du temps. Les fans pourront y revenir en redécouvrant le film et captant de nouveaux détails, car le potentiel de Ninja Scroll comme manne geek est profond. Le réalisateur Yoshiaki Kawajiri a confirmé par la suite, contribuant à Memories en 1995 et à Animatrix, puis mettant au point l’admirable Vampire Hunter D.

Note globale 80

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Suggestions… Urotsukidoji + Massacre à la tronçonneuse 2

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J’AI RENCONTRE LE DIABLE +

18 Août

Immense exercice de style, immense film de genre (un des meilleurs thrillers de son époque), presque une résurrection du cinéma d’exploitation. Mais alors, du grindhouse de luxe. J’ai rencontré le Diable est parmi les meilleurs films de la vague coréenne des années 2000-2010, où les scénaristes et réalisateurs ont redoublés d’imagination et de précision pour donner peau neuve au cinéma criminel. Leur contribution stylistique est, par son importance et sa singularité, comparable à celle du giallo dans les années 1960 et 1970.

Film de vengeance, J’ai rencontré le Diable déroule le programme machiavélique d’un agent secret traquant et éprouvant le tueur de sa fiancée. Plutôt que de simplement le tuer, il se fait chef-d’orchestre imprévisible d’un jeu sadique semé de chausses-trappes pour son adversaire. Mais pour pimenter la partie, il ne le laisse pas sans ressources ; mieux, il laisse le serial killer tout à fait libre, le relâche toujours lors de leurs brèves rencontres et lui laisse au départ de l’argent pour affronter les contingences.

Leur duel prend des allures de western, hybride par ailleurs, tour à tour urbain et rural. Byung-Hun Lee et Min-sil Choi sont des monstres parfaits, froids et magnétiques. Dans son costume de pervers glacé à la camionnette jaune, Min-sil Choi réalise une composition monumentale, au moins l’égale de celle de Old Boy où il était le protagoniste principal. Il rappelle le taré de Ebola Syndrome et n’a comme lui aucune conscience, juste des besoins ; une attitude lui permettant une bonne capacité d’adaptation et une efficacité optimale dans la nuisance.

Cette fois en revanche, le film ne ris pas avec lui. L’humour noir se fait aux dépens de tous et le ton est tragique, mais guère affecté. J’ai rencontré le Diable ne brille pas par un apport intellectuel quelconque ; le film est par ailleurs complètement amoral, sans point de vue éthique ou conceptuel particulier. Mais il est d’un formalisme génial. Auteur éclectique (A Bittersweet Life, Le Bon la Brute et le Cinglé), Kim Jee-Won le romantique passe en mode clinique et viscéral. La mise en scène est parfaite, à un degré transcendant tout – et excusant tout, s’il en était besoin. Cartoon jubilatoire.

Note globale 80

 

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Suggestions… The Chaser + Lady Vengeance + Harry Brown

 

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MARATHON MAN +

17 Juil

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Comme Le Silence des Agneaux pour Jonathan Demme, Marathon Man est le chef-d’œuvre d’un réalisateur efficace mais sans style propre. En adaptant un roman de William Goldman, romancier qui deviendra un scénariste très demandé pour le cinéma, John Schlesinger a réalisé un des fleurons du thriller paranoiaque et plus généralement, un des thrillers américains les plus marquants de son époque (1976).

Si Marathon Man atteint une tension si rare, ce n’est pas tant en raison d’un grand nombre de menaces concrètes ou fantasmées qu’en vertu de son climat étrange. La construction originale pose d’emblée l’absence de repères, mais aussi l’impossible fuite. Dans Marathon Man, tout l’ordre social et humain est corrompu. De l’extérieur, tout est probablement anodin. De l’intérieur, c’est une société en délitement, croulant sous un Mal omniprésent. La réalité de fond est masquée, cela se ressent sans interruption et elle va se révéler quand nous serons affaibli. Cela n’empêche pas le film d’arborer une facette politique bancale, que ce soit dans ses parti-pris avec les archives du coureur ou dans son imagerie supposée vraisemblante avec les manifestants  »contre la pollution ».

Anxiogène, la mise en scène ne laisse aucune paix, aucune sécurité de l’esprit. Les individus semblent contaminés par cette saleté, tous fatigués ou agités, même ceux compris comme des forces malveillantes. Il n’y a aucune légèreté ni aucun enthousiasme chez personne. Toutes ces qualités rendent le film singulièrement cauchemardesque. Au sens littéral : Schlesinger nous conduit souvent à la lisière du surréalisme, en particulier lors de l’issue, avec Hezel dans le quartier juif new-yorkais. Dans le même temps, le traitement est purement pragmatique, mécanique et Schlesinger semble encombré par des ambitions théoriques qu’il ne sonde pas vraiment. Marathon Man ne parle absolument pas du monde réel et Schlesinger gagne à laisser les ambitions du thriller paranoiaque typique (dans la lignée de Les Hommes du Président et de ce qui se faisait pendant les 70s) s’échouer pour mieux s’amalgamer avec le spectacle. Les complots dopent le spectacle, leur valeur didactique est nulle.

Outre ses séquences surprenantes et l’effroi qu’il inspire, Marathon Man s’impose grâce à ses deux principaux comédiens. Hoffman est un cas particulier. Le décalage entre son statut de fiction (étudiant) et sa réalité (c’est un homme de 38 ans) pose un problème logique, mais renforce à merveille l’esthétique du film, car il dégage la vulnérabilité d’un enfant précipité dans la gueule du loup. Le plus impressionnant est Laurence Olivier, l’acteur shakeasperien incarnant une des figures du Mal pur les plus saturées et précises que le cinéma ait fourni. Homme d’affaires névrosé, médecin sadique et ancien nazi, il porte un lourd CV, mais c’est encore sans compter sur son allure de bourreau policé et ses démonstrations implacables, dont la séance « Is it safe ».

Note globale 80

 

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Suggestions… Le Dentiste + American Gigolo  

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SEANCES EXPRESS n°21

23 Jan

> Next Door (Naboer – Fantasmes sanglants) **** (80)

> Go Fast * (40)

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NEXT DOOR (NABOER) ****

4sur5 Œuvre psychanalytique et esthétisante, Naboer est une sorte de Polanski première époque (Le Locataire, Rosemary’s Baby) remanié, avec un scénario syncopé, la pathologie mentale pour métaphore et une abondance d’élans oniriques suaves et extravagants. Le norvégien Pal Sletaune livre un objet pulsionnel, fantasmagorique et plus encore parce qu’il puise dans le réel l’impact et dans le fantasme l’habillage (couloirs à rallonge débouchant sur des pièces-exutoires, projections surréalistes mêlant sens exaltés et dissociation avec le monde physique).

C’est un voyage morbide, soixante-seize minutes consacrées à la perception malade d’un homme enfoui et submergé, incapable de se dissocier de ses instincts les plus profonds, incapable aussi de se tirer d’un cycle inhumain. Absolument désincarné, au-delà de la vie et de la mort, à l’intersection entre le fantasme et la réalité ; sa condition échappe à tout ancrage réel. C’est lynchéen par définition, puisque la pellicule est l’écrin absolutiste d’une âme totalement délivrée ; et finalement vaguement auscultée, parce qu’après le cauchemar vient le thriller, qui nous met face à ce que le sujet ne voit plus.

.Naboer tire toute sa puissance de cette immersion totale dans un esprit dérangé, servie par une mise en scène extrêmement élaborée (davantage que le sujet lui-même). Rarement un film a su si bien accomplir la fusion et l’intégration dans la psychose d’un personnage – sa surcompensation délirante se délite peu à peu en laissant entrevoir une réalité tellement plus triviale et unilatéralement laide. Il y aura une possible frustration devant cette issue de genre assez convenue, surtout compte tenu des cymes atteintes lors de l’abandon total aux projections du patient. Au final, Next Door s’affirme comme un produit de genre brillant, doté de tics audacieux et fournissant une escapade psychotique d’une témérité et d’un charme sensoriel et graphique inouï.

;Concis, droit au but dans sa figuration tortueuse, à la fois séduisante et agressive, mystifiante et démonstrative. Une parfaite pénétration dans un espace mental monomaniaque et dont les illusions et les inhibitions cèdent. Un film rêvé pour celui qui veux dépasser l’état de spectateur pour atteindre celui d’explorateur transi, psychiquement connecté et avide.

Note globale 80

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La bande-annonce du film

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GO FAST *

2sur5  Sorte de docu-fiction lorgnant vers Enquête d’action, Go Fast se cherche en western urbain et s’il échoue à faire illusion dans ses élans éditoriaux, le film est relativement convaincant dans son versant d’action-movie poli et brutal.

Production Luc Besson (Europacorp), Go Fast est ultra-lisible, parfaitement épuré pour mieux se parer de  »tics » de genre et d’effets empruntés aux gunfights US. Dans le même temps, le programme est un peu trop lustré sous la forme, mais à la façon d’un double-épisode de Sous le soleil virant au rouge. Ces paradoxes de forme débouchent sur un rendu un peu désuet et minimaliste (dans les enjeux et les rapports de force) et la sensation d’une férocité surfaite. La posture ultra-réaliste s’en trouve entachée.

Conséquence, le spectacle acquiert une sorte de vague charme kitsch en plus de sa dimension de stimulant (décent) à testostérones. Go Fast s’empile parfaitement auprès des polars audiovisuels clinquants, efficaces mais monocordes façon nouveau riche. C’est un aimable petit film et un uppercut raté.

Note globale 40

Interface Cinemagora   + Zoga sur SC

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Séances Express : 20, 19, 18, 17, 16, 15, 14, 13, 12, 11, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1

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