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WILLOW =-

8 Avr

willow

George Lucas a eu l’idée de Willow dès 1972 et l’a développé pendant qu’il tournait la première trilogie des Star Wars. Il a l’opportunité de concrétiser son ambition dans le milieu des années 1980 et pourra profiter des avancées en matière d’effets spéciaux. Lucas confie la réalisation à Ron Howard, cinéaste lassé d’empiler les comédies qui vient d’achever Cocoon. La recherche de distributeurs est difficile en raison des échecs de projets assez importants dans la fantasy à cette époque, dont même le Legend de Ridley Scott et Labyrinthe avec David Bowie en guest font partie.

Lorsqu’il sort en 1988, Willow rencontre un succès mitigé, en particulier aux Etats-Unis. Les critiques sont sceptiques, mais Lucas et Howard peuvent se consoler avec deux nominations aux Oscars et surtout, en inscrivant leur film dans l’Histoire des techniques du cinéma. Willow est en effet le premier long-métrage à employer à grande échelle la technique du morphing. Par ailleurs, Willow marque certains esprits et connaît un succès grandissant sur le marché de la vidéo, au point de devenir une référence populaire assez importante, même si elle n’atteindra jamais les cymes espérées par ses auteurs.

Par bien des aspects, Willow est une réussite objective. Howard et Lucas réussissent à rendre compréhensible un univers très fourni, à maintenir une certaine qualité tout le long de la séance. Celle-ci recèle de beaux paysages (tournage au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande) et une vaste galerie de créatures. Il y a tous les ingrédients de la fantasy vulgarisée et du film épique familial ; il y a de fortes compétences en jeu. Mais il faut consentir à trop d’efforts, en plus d’accepter d’emprunter un regard d’enfant excité, pour entrer dans le délire.

Le problème n’est pas le rythme ; mais le manque d’enjeu. Willow s’étale en péripéties secondaires, qu’elles aient une vocation comique, sentimentale ou constituent de micro épreuve. Ron Howard semble se faire lui-même spectateur. Il est dévoué à sa tâche et ne commet pas de faute, mais c’est un opérateur stoïque. Sa mise en scène manque globalement d’ampleur et pose problème dans les moments les plus explosifs où le point de vue n’est pas à la hauteur de l’action.

De leur côté, les acteurs font leur office, mais sont globalement assez transparents ; les meilleurs rôles offraient le matériel propice à de vibrantes interprétations, or même la méchante ultime signe une non-performance (un genre de Ladyhawke). Les nains, petits trolls pénibles, devraient constituer une tribu sympathique et enjouée, dont les traditions et les spécificités titilleraient notre curiosité ; on dirait ces héros criards peuplant le cinéma d’animation dans les années suivant Shrek (2003).

Enfin concernant les effets spéciaux, Willow en est surchargé, s’offrant ainsi comme un état des lieux des technologies numériques à la fin des années 1980. Et même s’il est une petite étape dans l’infographie, ce n’est pas brillant. Même l’usage pionnier du morphing est gâché par la fadeur du style. L’enthousiasme des découvreurs a tendance à rendre le spectacle vulgaire, car il pousse les concepteurs de Willow à trop expérimenter. Les voix-off pour les animaux font l’effet d’un running-gag involontaire et il faut bien signaler que le coup de la chèvre démoralise.

Si vous n’êtes pas très client de l’adaptation du Seigneur des Anneaux, il est probable que vous ayez à souffrir devant Willow. À voir le plus jeune possible pour passer outre les manques et mieux se sentir en adéquation avec l’effervescence de la seconde partie et les schémas criards de l’intégralité.

Note globale 53

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Suggestions… L’Histoire sans fin + Les Goonies + Krull + Eragon + Conan le Barbare 

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ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS ***

8 Mar

Le cinéma de Leone n’est pas merveilleux et il est peut-être sur-évalué, mais il n’exerce pas tant de fascination par hasard. Et pour quelques dollars de plus représente mieux que les autres cet état : c’est un film brillant, mais l’évidence d’un style mordant et puissant frappe plus que celle du statut de chef-d’œuvre. Voilà de quoi renforcer l’aura du film et le rendre immortel ; il n’est pas adaptable, secrètement édifiant, redoutable mais déconnecté. Pour ça, il est normal qu’il semble parfait à certains et interpelle les autres.

Et pour quelques dollars de plus est le second opus dans la Trilogie du Dollar de Sergio Leone. Ici se rencontrent le bon et la brute, c’est-à-dire Clint Eastwood et Lee Van Cleef. Le premier était déjà présent dans Pour une poignée de dollars et renforce sa position de moraliste paradoxal : une tendance à la modération et au détachement vient toujours dompter la veulerie qui le rattache au commun des prédateurs. Le second fait son entrée et marque, avec son allure reptilienne, ses traits rétractés, son sadisme sans bavures. Tout autour en rajoute dans l’exotisme sale et envoûtant de Leone, ses décors comme les seconds rôles dont celui de Klaus Kinski (promu ordure de western n°1 dans Le Grand Silence).

Avec ce Per qualche dollari di piu, Leone affine et intensifie son style. La mise en scène atteint un haut degré de sophistication et le résultat général balaie celui obtenu par Pour une poignée de dollars quelques mois avant. Si celui-ci posait tous les avatars modèles du western spaghetti, Quelques dollars de plus les épanoui, avec le lot de gadgets si percutants qu’ils en deviennent les heureux clichés d’un genre : les regards profonds ou possédés, les tronches de biais, le poncho d’Eastwood, les héros francs et mal-aimables traitant les dangers avec sérieux et sang-froid. Le film noir US peut se rendormir ; idem pour toutes les pitreries hollywoodiennes louées pour leur confrontation à la nature humaine – westerns compris.

Note globale 74

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Suggestions…

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THE MISSION =+

20 Août

Six ans après la révélation via Heroic Trio, Johnnie To accède à un degré optimal de respectabilité avec The Mission. Avec ce film centré sur cinq gardes du corps (réunis par un chef de triade sous haut tension), il est perçu comme un nouveau parrain du polar, ce que la suite confirmera posément, Exilé, PTU et Election remuant une carrière sur-active mais délestée de pics d’ambitions ou de vanité. Avec Johnnie To, on est loin des fulgurances bruyantes ou de la variété de ses confrères hong-kongais Tsui Hark et John Woo (chinois en tant qu’individu).

Dans The Mission exulte cette façon de se mouver dans le marbre, qui fait les films à la classe impressionnante même lorsqu’ils sont ou paraissent ‘vides’. To a toujours eu cette faculté, nourrie par son génie à travailler des figures classiques. Son univers s’inscrit dans le polar et l’action officiellement, mais trouve ses racines dans le western et le cinéma de mafia occidental. Toutes les effusions ou les rebondissements, même les plus vulgaires, sont constamment subordonnés à la réitération d’un imaginaire discipliné. Le spectateur est mis dans une position paradoxale, car un investissement personnel se devine dans The Mission, mais il demeure impénétrable, réduit à un happening de marionnettes dans des paysages sophistiqués.

On sent une espèce de distance pleine de connivence, une passion secrète pour ce monde de mafieux, ces représentations, plus que pour l’objet des poursuites. L’essentiel c’est se mettre en mouvement, exécuter et préparer le ballet ; la vocation est là, peut-être absurde, sûrement élégante. On se plait à encourager la tradition et en être un bras armé, on meurt sans se presser, savoure ses succès avec flegme et solennité. Le petit malaise, c’est cette BO, sophistiquée et redondante dans le détail, d’une originalité maladroite pour le gros morceau. La répétition transforme le calcul hasardeux en dissonance crispante. Pour le reste, l’histoire est banale, les personnages et leurs relations pas tellement plus différenciés ; si The Mission est passablement remarquable, c’est bien pour sa capacité à refléter avec fraîcheur, non à changer la donne.

Note globale 68

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Suggestions… Reservoir Dogs + Lawless/Des hommes sans loi  

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Scénario & Ecriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (2), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

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COMME LA LUNE +

25 Oct

Les réalisations de Joel Seria sont comme du Blier (Buffet froid, Les valseuses), en moins contemplatif, plus pressées d’allez droit au but. Plus paillardes aussi, mais pleines d’esprit et de distance, à l’instar de ce Comme la lune. Dans cette comédie de 1977, Roger (Jean-Pierre Marielle) est un fringant quarantenaire vivant avec la jeune Nadia (Sophie Daumier), une bouchère plutôt fortunée qui ne lui demande que d’être un amant vigoureux.

Leur relation donne une certaine idée du bonheur, avec une définition restrictive et toutes les cases cochées à fond : succès financier, gain matériel, liberté d’action totale, pas d’ordre moral ou de contraintes extérieures ; et satisfaction sexuelle avec la belle nympho. La seule ombre au tableau, c’est le ménage originel de Roger : il a quitté femme et enfant pour Nadia et n’est pas tellement à l’aise avec cette réalité. Il n’aime pas sa femme mais il éprouve une culpabilité profonde.

Pour le reste, il incarne avec férocité un certain style de franchouillardise. Ce n’est pas un beauf étriqué ou un péquenaud régressif ; c’est un homme décomplexé, sans-gêne, tranquille et sûr de lui, grossier plutôt que vulgaire, négligent plutôt qu’impoli. Insidieusement se dessine le fantasme d’un sympathique homme du quotidien : celui qui agirait comme le petit complément pour parfaire une aimable vie ordinaire, pleine de plaisirs simples et de devoirs gratifiants, à commencer par celui de diriger sa famille.

Sous les costumes et papiers peints affolants des 70s, où la laideur et la sophistication se tirent la bourre, que de tensions sourdes, de rêves et de frustrations, d’héroisme et de petitesse. Ce ne sont pas des opposés venant donner dans la nuance, ce sont des dynamiques. Quand le coq égratigné redonne confiance à une femme amère (Dominique Lavanant dans l’un des meilleurs rôles de sa carrière), Roger trouve la libération dans une sorte de résignation. Une bonne crise peut s’avérer salutaire.

Comme la lune ne serait pas si valable sans la performance de Jean-Pierre Marielle. Même sans elle, il doit encore être vu pour ses dialogues et son point de vue pénétrant. Car c’est un genre de Fight Club, où est taillé un surhomme un peu grotesque, incarnation rêvée d’un Mr-tout-le-monde, fabriqué avec un imaginaire très structuré mais poussif, dépendant des contingences sociales et donc en premier lieu des modes de l’époque.

Note globale 72

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CHARADE +

29 Sep

Si la fausse profondeur, les rafales d’émotions médiocres et les démonstrations péremptoires sont pénibles au cinéma comme ailleurs, il y a plus dur à [faire aimer et] affronter : les invitations à ‘débrancher son cerveau’. Il faut un haut niveau d’écriture ou d’aventures, un génie du divertissement, pour autoriser ce laisser-aller et le déculpabiliser. Certains comme L’Homme de Rio y parviennent avec un style cartoonesque et enfantin. D’autres par la légèreté, l’élégance, la fluidité, en naviguant sur le monde [‘concret’] sans y diluer de leurs charmes et pourtant sans se priver d’humour. C’était probablement le but des screwball comedy et de nombreuses comédies américaines à l’âge d’or d’Hollywood. Malheureusement ils exigent beaucoup d’efforts, trop pour être des plaisirs, à moins d’être complice et inclus dans une certaine culture.

Les œuvres de Stanley Donen, réalisateur de Chantons sous la pluie et Charade, y arrivent plus aisément. Dans ce dernier, Donen retrouve Audrey Hepburn qu’il a dirigée sept ans plus tôt pour Drôle de frimousse. C’est une des nombreuses occasions où elle est habillée par Givenchy. La future ‘troisième meilleure actrice américaine de tous les temps’ est à l’apogée de sa carrière, enchaîne les duos avec un acteur célèbre, en général ‘glamour’ ou alpha et plus vieux qu’elle. Cette fois elle forme un couple avec Cary Grant, de trente ans son aîné, qui aurait précédemment décliné une proposition sur Vacances romaines à cause de cet écart. D’ailleurs il arrive à la fin de sa carrière, plus que deux coups mineurs et il raccroche. Le reste du casting ancre le film dans un réel plus sincère tout en restant pittoresque.

Charade a le don de ne jamais s’appesantir. Au lieu de chercher à faire montre de ses qualités, d’une capacité à produire des bons mots ou envoyer des exaltés parader, il se livre avec une certaine majesté. La mise en scène est toujours braquée vers le tandem, semble à sa poursuite, confiante dans la fougue de l’un et la sérénité de l’autre ; il est possible que tirée par d’autres, elle n’ait pas produit de si bons effets (sauf au début, très ‘polar’). Hepburn apparaît comme une diva posée qui pourrait s’autoriser la naïveté et le flirt avec le danger ; autour d’elle, tout le monde est sous une fausse identité et/ou nourrit un projet incertain (Grant lui-même a trois costumes alternatifs en service). Pendant ce temps le Paris de carte postale puis quelquefois ses recoins plus typiques sont visités avec un œil américain. La déformation romanesque concerne surtout le couple, épargne davantage le terrain (par manque d’intérêt).

Cela donne comme un mélange de policier et de merveilleux ‘adulte’ ; plus officiellement, le film se place entre comédie romantique et thriller, avec inspiration ou du moins citations hitchcockiennes (contemporain immédiat dont le Psychose et Les Oiseaux sont encore tout frais). Suspense effectif, peur inexistante, sauf lors d’acrobaties. Les certitudes quant à son bon goût n’empêchent pas le film (l’encouragent peut-être) de se frotter à quelques régressions (le jeu de l’orange comme ultime fantaisie licencieuse chez le ‘beau’ monde) ou farces ridicules (soudain Cary Grant tire une tronche de mulot sidéré pour imiter Reggie/Audrey). Le succès est tel que Donen fera une sorte d’auto-remake dès son prochain opus, Arabesque, avec inversion des rôles pour le jeu de dupes entre Sophia Loren et Gregory Peck.

Note globale 76

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Suggestions… Un Américain à Paris + La Mort aux Trousses + Diamants sur canapé + La Main au collet

Voir le film sur YouTube (VOSTF – des coupures ?) ou Wikipedia (VO)

Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (2)

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