CHARADE +

29 Sep

Si la fausse profondeur, les rafales d’émotions médiocres et les démonstrations péremptoires sont pénibles au cinéma comme ailleurs, il y a plus dur à [faire aimer et] affronter : les invitations à ‘débrancher son cerveau’. Il faut un haut niveau d’écriture ou d’aventures, un génie du divertissement, pour autoriser ce laisser-aller et le déculpabiliser. Certains comme L’Homme de Rio y parviennent avec un style cartoonesque et enfantin. D’autres par la légèreté, l’élégance, la fluidité, en naviguant sur le monde [‘concret’] sans y diluer de leurs charmes et pourtant sans se priver d’humour. C’était probablement le but des screwball comedy et de nombreuses comédies américaines à l’âge d’or d’Hollywood. Malheureusement ils exigent beaucoup d’efforts, trop pour être des plaisirs, à moins d’être complice et inclus dans une certaine culture.

Les œuvres de Stanley Donen, réalisateur de Chantons sous la pluie et Charade, y arrivent plus aisément. Dans ce dernier, Donen retrouve Audrey Hepburn qu’il a dirigée sept ans plus tôt pour Drôle de frimousse. C’est une des nombreuses occasions où elle est habillée par Givenchy. La future ‘troisième meilleure actrice américaine de tous les temps’ est à l’apogée de sa carrière, enchaîne les duos avec un acteur célèbre, en général ‘glamour’ ou alpha et plus vieux qu’elle. Cette fois elle forme un couple avec Cary Grant, de trente ans son aîné, qui aurait précédemment décliné une proposition sur Vacances romaines à cause de cet écart. D’ailleurs il arrive à la fin de sa carrière, plus que deux coups mineurs et il raccroche. Le reste du casting ancre le film dans un réel plus sincère tout en restant pittoresque.

Charade a le don de ne jamais s’appesantir. Au lieu de chercher à faire montre de ses qualités, d’une capacité à produire des bons mots ou envoyer des exaltés parader, il se livre avec une certaine majesté. La mise en scène est toujours braquée vers le tandem, semble à sa poursuite, confiante dans la fougue de l’un et la sérénité de l’autre ; il est possible que tirée par d’autres, elle n’ait pas produit de si bons effets (sauf au début, très ‘polar’). Hepburn apparaît comme une diva posée qui pourrait s’autoriser la naïveté et le flirt avec le danger ; autour d’elle, tout le monde est sous une fausse identité et/ou nourrit un projet incertain (Grant lui-même a trois costumes alternatifs en service). Pendant ce temps le Paris de carte postale puis quelquefois ses recoins plus typiques sont visités avec un œil américain. La déformation romanesque concerne surtout le couple, épargne davantage le terrain (par manque d’intérêt).

Cela donne comme un mélange de policier et de merveilleux ‘adulte’ ; plus officiellement, le film se place entre comédie romantique et thriller, avec inspiration ou du moins citations hitchcockiennes (contemporain immédiat dont le Psychose et Les Oiseaux sont encore tout frais). Suspense effectif, peur inexistante, sauf lors d’acrobaties. Les certitudes quant à son bon goût n’empêchent pas le film (l’encouragent peut-être) de se frotter à quelques régressions (le jeu de l’orange comme ultime fantaisie licencieuse chez le ‘beau’ monde) ou farces ridicules (soudain Cary Grant tire une tronche de mulot sidéré pour imiter Reggie/Audrey). Le succès est tel que Donen fera une sorte d’auto-remake dès son prochain opus, Arabesque, avec inversion des rôles pour le jeu de dupes entre Sophia Loren et Gregory Peck.

Note globale 76

Page Allocine & IMDB  + Zogarok sur SensCritique

Suggestions… Un Américain à Paris + La Mort aux Trousses + Diamants sur canapé + La Main au collet

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Scénario/Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (2)

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