Stendhal – LE ROUGE ET LE NOIR +

16 Fév

Travaillé par des valeurs héroïques, rêveries de gloire et une sensibilité d’ambitieux jeune et pur, Sorel est pris par des questionnements sur le support de son destin, cherche à ménager ou associer sublime et authenticité. Comme les honneurs de toutes sortes, les femmes sont sujettes à ses appétits tourmentés ; il ne sait plus s’il les aiment, doit les aimer, veut les aimer, doit se servir cyniquement d’elles. Les personnages cherchent comment se frayer un chemin vers la reconnaissance et un sommet (social, matrimonial, professionnel, amoureux) ; l’auteur, comment tous dealent avec la réalité, alors que souvent manquent les outils – ou que les sujets sont pris d’assaut par des émotions nouvelles ou trop ardentes, rendant obsolètes les outils habituels.

La teneur psychologique est rebattue vu d’aujourd’hui, ce qui peut limiter l’enthousiasme à la découverte ; cette fois, voilà probablement un ‘classique’ à lire tôt. Il n’est pas ‘dépassé’ pour autant – donne plutôt une impression de ‘déjà digéré’, marque d’un classique réel et influent (nous sommes quelques années avant Illusions perdues de Balzac, plusieurs décennies avant Flaubert et Maupassant) ; est toujours vrai sur les comportements, les apparats idéologiques, les différentes sortes de jalousie et de quête d’absolu, la part disproportionnée du besoin de consentir, plaire ou manœuvrer pour un semi-prolo avide qui ne serait sans ces recours qu’une étoile morte-née.

Les commentateurs et spécialistes attribuent à ce roman de devancer la psychanalyse ; effectivement les personnages sont ‘incarnés’, la narration est fixée sur ce qui les habite et peut contredire leurs assertions ou comportements, les événements sont au second plan ; il est vrai que l’intériorité individuelle a peu de place dans les textes antérieurs qui ont passé l’épreuve du temps et de la sélection ‘culturelle’ (et probablement peu d’importance dans un monde pré-moderne où le destin individuel est moins mobile), mais j’ai du mal à croire qu’on ne rend pas cet hommage au Rouge et le noir à cause de sa qualité et de la place acquise dans l’histoire littéraire, plutôt que pour une réalité de pionnier. Après tout l’insoutenable Princesse de Clèves allait déjà sur ce terrain, avec ses moyens restreints par le moralisme ; il doit aussi y avoir des feuilletons perdus, méprisés peut-être à juste titre à l’époque.

Note globale 78

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