Dans les années 1930 à Paris, une chanteuse d’opéra (Julie Andrews) ne trouvant plus de contrat commence à sombrer en dépit de son état d’esprit positif. C’est alors qu’elle fait la rencontre d’un quinquagénaire (homosexuel) encore plus aventurier : Carol Todd alias Toddy, qui la pousse à se faire passer pour un homme travesti en femme. Victoria Grant connaît alors un immense succès dans les cabarets parisiens en tant que Victor Grazinski, comte polonais et surtout personnage totalement inventé par Toddy. Victor rencontre King Marchand, producteur américain macho et leur attirance pose de sérieux problèmes aux plans et aux acquis de chacun.
Victor Victoria reprend doublement un cadre ancien (le Paris des artistes dont French cancan est censé être une synthèse, les comédies avec Marilyn ou celles de Billy Wilder) pour déniaiser les représentations véhiculant à son sujet. C’est un revival de la screwball comedy sans faux affronts et dévergondés mielleux, jouant avec les perceptions liées au genre [sexué]. À l’occasion il vise bas et gras (pas dans le répertoire ‘folle’ à disposition), mais comme toujours avec Blake Edwards même les pires moments sont sophistiqués dans leur domaine, ou du moins joliment enrobés ; Edwards est alors dans sa période des pantalonnades scabreuses (comme SOB). Le côté vaudeville troupier du début rayonnera jusqu’au-bout mais le goût du trivial partage la vedette avec une certain raffinement, une maîtrise éblouissante et un entrain insatiable.
D’ailleurs l’ambiance ne pâtit pas de la tendance, pourtant marquée, aux étirements inutiles. Victor Victoria pourrait largement être taillé pour plus d’efficience, mais ce serait contrarier le génie qui l’habite. Les dialogues sont malicieux (surtout les one-line de Toddy), les protagonistes attachants, certaines ambiguïtés savoureuses ; Edwards pousse toujours tout à ses limites, épuise les ressources et les opportunités. Émotionnellement c’est les montagnes russes, avec quelques décompressions, beaucoup de confessions et de surprises dans les portraits. Ce n’est pas nécessairement fin mais ça reste pertinent, quoiqu’on puisse toujours, comme King Marchand mais pas sur les mêmes motifs, douter de la validité d’une telle supercherie.
Du remake d’un film musical allemand de 1933 (Viktor und Viktoria), Edwards fait un film tendre et euphorique, préférant les faux-semblants en écho aux mœurs du spectacle et aux normes sexuées, plutôt que de faire fructifier des mystères et des jeux de dupes à l’intérêt plus sommaire. En somme il réinvente jusqu’aux registres bouffons qu’il exploite pour se lancer. C’est en tout cas avec cet opus (1982) qu’Edwards va revenir à l’avant-scène, après plusieurs échecs commerciaux. Il s’agit du dernier triomphe de l’auteur de La Party, Diamants sur canapé et des adaptations de La Panthère Rose, sa carrière s’achevant onze ans plus tard avec le 9e volet de cette saga. Une comédie musicale inspirée du film sera produite à Broadway 738 fois de 1995 à 1997, avec Julie Andrews puis Lisa Minelli dans le rôle de Victor/Victoria.
Note globale 70
Page Allocine & IMDB + Zogarok sur Sens Critique
Suggestions… Cabaret/Bob Fosse + Boys don’t cry + Phantom of Paradise + Mary Poppins + La Mélodie du Bonheur + Un Américain à Paris
Scénario & Ecriture (4), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3) |
Voir l’index cinéma de Zogarok
.
Commentaires récents