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GROTESQUE =-

5 Sep

grotesque

Enième folie gore japonaise, Grotesque a réussi à cultiver une petite notoriété, aimanter et satisfaire quelques aventuriers féroces. Le film ne vole pas haut en terme de scénario et de recherche artistique, mais fait son office. Il se distingue cependant par son excentricité et un certain culot. Pendant à peine 1h15, un couple est mis à l’épreuve par un sosie placide de Takeshi Kitano. Au lieu de les tuer directement, il va les utiliser et les torturer. Une farce très généreuse se met en place ; et une parodie très trash, pas très engageante a-priori et arrivant finalement à surprendre. 

Entre la caricature et l’exploitation pure, Grotesque va d’abord verser dans l’érotisant voir le porno (via des attouchements du tueur sur la fille). C’est que Takeshi bis (Shigeo Ôsako) fait jouir contre leur volonté ses petites proies, avant de passer aux affaires barbaques. Et là c’est plus que gore, pendant un petit moment c’est même le nouveau Guinea Pig 2, ou un genre d’August Underground décontracté. Pompe à tripes, clouage de testicules et coupage de tétons sont au menus. Passés ces exploits, le tueur perd subitement son self-control et s’exclame « J’ai une érection !!! ».

Il décide alors d’accorder la vie sauve à ces deux merveilleux jeunes gens. Les réactions incohérentes des personnages et en particulier de la fille (le mec étant très secondaire) interpellaient déjà : trop de résistance, des voix claires, mais des acteurs très bons dans leurs rôles sinon. Maintenant les deux victimes devenues patients échangent sereinement, sans manifester la moindre douleur. Ces échanges WTF² se déroulent dans une belle chambre immaculée où chacun a son petit lit. Ça devient peut-être un peu trop surréaliste. C’est grotesque. Et c’est le torture porn raillé avec un cynisme complet ; et snobé avec panache puisque Kôji Shiraishi (Noroi, Occult) ne souffre d’aucune inhibition.

Cette bouffonnerie fait ricaner à l’usure et arrive à divertir. Le monologue final où la fille taille un portrait humiliant du tueur est excellent et s’ajoute à des performances sauvages (paye ton nouveau cordon ombilical), burlesques mais légères. Grotesque est un film radicalement trash, très grossier et minimaliste, mais il est presque pédant. Voilà un film de boucher discrètement rigolard et jouant la finesse, pas plus cheap qu’un Black Sheep. C’est malin, proche de l’OCNI tout en restant un torture porn limpide, assez inutile et à déconseiller en général.

Note globale 52

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Suggestions… Eden Lake + A Serbian Film + The Human Centipede + Hostel  

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NE VOUS RETOURNEZ PAS =+

26 Jan

ne vous retournez pas

Bien qu’il soit le film le plus célèbre de Nicolas Roeg, Ne vous retournez pas est aussi un classique oublié du fantastique, omis en raison de son inconfortable étrangeté, renvoyant presque The Wicker Man dans le champ du mainstream, du cristallin en tout cas. Un couple venant de perdre sa fille part à Venise. La femme insiste pour consulter une voyante capable de prendre contact avec l’enfant noyée. Pendant ce temps, une vague de meurtre s’abat sur la ville. La séance n’est pas facile pour le spectateur car Roeg répand des indices avant de montrer le crime, sa narration est rigoureuse mais d’une cohérence masquée. Don’t Look Now fonctionne par associations et s’émancipe des formes traditionnelles.

Ce style curieux, à la fois work-in-progress en trompe-l’oeil et système achevé voir exhaustif, exulte dans L’Homme qui venait d’ailleurs, le film suivant de Roeg, autour de David Bowie (Les Prédateurs). Ne vous retournez pas n’atteint pas ce degré d’étrangeté mais écope pourtant davantage de contre-effets en donnant la sensation d’assister à des scènes superflues, sensation confirmée par la suite lorsque ces fragments apparaissent gratuits et non-inclus dans la construction qui se tramait à nos dépens et ceux de John (Donald Sutherland). Malgré la difficulté parfois à accrocher sur le fond à ce film noyé entre ses expérimentations (scénaristiques et mentales surtout, visuelles ensuite), il relance sans cesse la curiosité et ne déçoit jamais, frustrant plutôt.

Son aspect pittoresque est tel que l’erratisme apparent suscite plus de respect que d’impatience. Le film devient captivant après que la femme soit repartie aux Etats-Unis en raison de l’accident du second fils des Baxter, laissant John à sa solitude devant des perceptions déroutantes. Nicolas Roeg pourrait être comparé à Kurt Russell (Altered States) pour d’autres de ses œuvres, ici c’est plutôt à l’intersection de la Nouvelle Vague la plus abstraite (le Resnais de Marienbad ; Godard un peu) et du réalisme magique. Adaptation de la nouvelle Pas après minuit de Daphne du Maurier, à laquelle Hitchcock doit deux de ses films les plus fameux (Rebecca et Les Oiseaux), son Don’t Look Now est un des ‘classiques’ institutionnels du cinéma britannique. Il est ainsi 8e au Top 100 British Film Institute, juste devant Les Chaussons Rouges.

Note globale 66

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Suggestions… Les Sorcières + Étrange Séduction + Ne te retourne pas + Rosemary’s baby + Baxter + Le Voyeur + Obsession + La Voix des morts + L’Hypothèse du tableau volé + Blow Up

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OPEN WATER =+

16 Oct

Dans la catégorie des films avec requins, parvenir au sommet n’est a-priori pas très compliqué. Open Water est l’un des meilleurs dans le genre, mais après tout il ne s’agissait que de dominer la cohorte de séries Z ou B-beaufs, puis une poignée d’opus plus ambitieux (The Reef, Peur bleue) pour tutoyer Les dents de la mer. ‘Based on a true story’ (la disparition des Lornegan au large de la Grande barrière de Corail en 1998 – dans le film ça se déplace aux Bahamas), il n’abuse pas de cette caution à des fins sensationnalistes. Le style est réaliste, sans chiqué ni effets gratuits même dans le scénario, sans que le résultat tende vers l’inanité (ou l’ennui comme dans The Reef).

Le spectateur plonge avec Susan et Daniel dans un huis-clos insolite, puisqu’ouvert sur l’océan, sans repères, frontières ou simplement nuances apparentes. La tension se nourrit des montées de désespoir anxieux (et du venin des méduses) : les péripéties sont minimalistes. La dernière partie est plus ‘expressionniste’, l’horreur y est à son comble grâce à l’empathie qu’OW a su générer en dérivant vers le psychodrame de couple. La manière d’entrer dans son intimité est habile ; le ton en général est assez ‘libéré’ (surtout pour un produit américain), ce qui affecte positivement le voile pseudo-documentaire. Les comportements des gens, les actions ou échanges du duo, ne ‘sonnent’ pas cinéma sans pour autant tomber dans la trivialité surlignée (les diapos de vacances) ou les outrances de nombreux found footage ; Open Water est un peu le Blair Witch des océans.

Grâce à sa tournure tragique, il est en mesure d’avoir un effet ‘Dents de la mer‘ voire de tarauder quelques esprits. Impossible d’omettre le souvenir de cette expérience par procuration lorsqu’il s’agira de se projeter dans un tel contexte. Faute de budget, il manque un final au ‘sommet’ qui emporterait le morceau, au lieu de ce générique tout en suggestion ; mais ainsi l’ambiance et le parti-pris ne sont pas trahie. Au fond Open Water est une formidable mise en situation, spécialement adressée aux adeptes de reportages naturalistes comme Daniel (Daniel Travis). Pour tous ceux qui n’auront pas été happés par les protagonistes ni intéressés par le comment de leur sort, ou plus encore pour les nanardophiles, la frustration est quasi garantie. Il y aura une suite quatre ans plus tard, Dérive mortelle (2007).

Note globale 68

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Suggestions… En pleine tempête + Black Water + Master and Commander + The Descent

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (3), Ambition (3), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

Note arrondie de 67 à 68 suite à la mise à jour générale des notes.

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SWALLOW **

26 Août

2sur5 Ce pourrait être une belle histoire d’émancipation, ou celle d’une personne allant au bout de ses forces pour en sortir, au moins, éclairée sur son cas. Et ça l’est largement. Ça pouvait être politisé, ça l’est effectivement. Sauf que ce n’est exploitable que par les féministes ou les pourfendeurs de l’oppression, laquelle est nécessairement au moins blanche, souvent mais pas systématiquement bourgeoise. Si on veut aborder la maladie de Pica, la culpabilité, tout ce qui fait la nature du malaise d’Hunter, on ne pourra reprendre honnêtement le film qu’en venant à ces considérations-là.

Le scénario est faible et amorphe, mais le portrait d’Hunter soigné. Elle se sent stupide, misérable, potiche décevante dans un milieu froid planant au-dessus d’elle. Elle a la face rougissante, semble toujours apeurée, hébétée, soumise par défaut, accablée par la honte et l’ennui. Son mari est un cas désespéré qui n’a même pas le charme moisi de celui de Maudie ; la surveillance et le contrôle se substituent à tout effort de compréhension, il n’envisage pas de laisser à son épouse un espace à elle. C’est le type humain ne se posant jamais de questions, sauf peut-être au travail, en restant sur les chemins tracés, dont il profite depuis qu’il est né et dont rien ne semble devoir le déloger. Il s’attend naturellement à ce que n’importe qui dans son champ se satisfasse de ce régime qui le fait se porter si bien.

Cette ingestion d’objets arrive au moment où Hunter est consacrée objet et par là soudée à la famille. Enceinte, elle n’a d’autres choix que de constater sa nature de pondeuse. Pire, sa grossesse est un événement entre sa mère et son mari, avant d’en être un entre elle et lui. Hunter est une propriété familiale allouée au fils garanti 0% prodigue ; elle risque de devenir un investissement défectueux – et embarrassant. Autour d’elle, bien sûr personne n’est apte à venir à son secours, mais surtout tout le monde semble aveugle à sa détresse ; les deux femmes d’âge mûr qu’elle fréquente de force peuvent apercevoir le piège où elle se trouve, mais elles en sont complices et en voient surtout les bénéfices – simplement, il y a ces petits tracas, cette insatisfaction légère mais récurrente (belle-maman se serait vue artiste – quelle dérive bohémienne) ; sans doute ces choses-là passent avec le temps ! Heureusement Hunter la masochiste, excédée par son impuissance, trouve encore, ponctuellement, des ressources pour tenter de prendre l’ascendant (elle se montre sexuellement brutale, s’invite à la fête d’une famille qui s’est fait en dépit de son existence).

Forcément on peut ressentir une sympathie pour cette femme aliénée, ou des sentiments plus forts, d’autant que la peinture, si elle est schématique, est efficace. Sauf qu’il vient un moment où approcher les profondeurs doit obligatoirement conduire à projeter des lectures politisées, tirées d’un catalogue étroit, celui des valeurs montantes ou écrasantes de l’époque (ce que nous évitent Jumbo ou La pianiste). D’abord cette obsession, déjà vieille, du traumatisme antérieur, amenant toujours à remettre en cause la famille et en faire un lieu d’horreur. La filiation naturelle doit être malsaine ! Les gens en souffrance doivent l’être à cause d’exactions dans leur passé ! Ensuite, qui est le seul allié ? Pas franc tout de suite car empêché, c’est l’employé d’origine syrienne. En tant qu’étranger et ayant connu la guerre, lui-même a une barrière avec l’environnement et ne s’y montre ni particulièrement à l’aise, ni enthousiaste. Pourquoi pas ; c’est cohérent. Mais cela s’inscrit dans un contexte particulier et parmi un cumul de marqueurs. Avec une conclusion où l’avortement est le vecteur de la libération, puis un plan-séquence final tire-larmes tout en dignité ordinaire, où défilent des femmes dans des toilettes publiques. Et tout ça placé à côté de la mise à l’index du mâle, blanc, privilégié. Toujours on y revient, pour longtemps on y reviendra.

À une époque les problèmes venaient du capitalisme ; maintenant de l’homme (blanc cis privilégié) ; demain éventuellement des nouveaux entrants non homologués, venant pomper insolemment les ressources, avec l’arrogance et l’insouciance léguée par leurs ancêtres toxiques. Tous ces axes peuvent se cumuler (on est loin de manquer de communistes quelque soit leurs nuances et leurs apparences), mais que les porte-paroles des premiers n’oublient pas qu’avec le temps, leurs grilles de lectures et leurs réformes passent d’essentiel à simple agrément ; le progrès-liquidation du genre humain n’aura qu’un besoin formel de leurs services. C’est à se demander si jeter le petit colon blanc/patriarcal en devenir dans les eaux usées n’est pas une erreur archaïque du film ; car cet amas de cellule est parti souiller la communauté !

Même le point le plus constructif du film semble enchaîné à cette dégradation généralisée ; les deux seuls hommes auxquels on accorde une épaisseur et des circonstances atténuantes (ils respirent tandis qu’Hunter est à l’agonie) sont intimement cassés, minés par leur passé (le second est joué par un abonné des rôles de déviants et de pervers). Et par leur position, ils ne sont pas en mesure d’être des menaces pour Hunter. Voilà tout ce qui semble tolérable : des gens également piégés et de préférence à un étage social inférieur. Eux peuvent avoir un petit temps d’expression, tant qu’il entre en résonance avec un modèle de victime contemporain autrement relevé (et coutumier).

Note globale 52

Page IMDB  + Zogarok Swallow sur Sens Critique

Suggestions…

Les+

  • joli portrait d’une maso et aliénée
  • photo
  • interprètes excellents

Les-

  • discours
  • faible scénario
  • peu d’existence hors de la démonstration

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THE LAST FRONTIER / LA CHARGE DES TUNIQUES BLEUES ****

7 Juil

4sur5 Un western un peu bizarre, relativement à huis-clos comme les opus mielleux de John Ford (Rio Bravo en tête), mais aussi une espèce de drame psychologique espiègle prenant le parti de la liberté, observant le cynisme et la lâcheté avec sérénité. Le titre VO ‘The Last Frontier’ est donc un meilleur indicateur que celui générique de la VF. Les démonstrations, heureusement douces, au service des oppositions ne sont pas mirobolantes – ce clash sauvagerie/civilisation avec le petit discours questionneur assorti. Elles restent fondées et sérieuses dans ce contexte américain avec les débuts de la Guerre de Sécession et donc la marche vers l’unification (au contraire de la simple aspiration romantique – d’ailleurs le mythe du ‘bon sauvage’ n’a pas sa place ici et nous sommes donc plus près de Sergio Leone dans quinze ans que de la concurrence contemporaine dans le domaine du western).

Le film est plus riche et étonnant sur les enjeux moraux et les prétentions de façade de cette communauté improvisée. Il accepte les ambiguïtés et reconnaît en elles des compromis, non la manne d’un flou artistique ou de la ‘nuance’ gratuite. On voit le prix du consentement ou de l’acceptation, la relativité de l’idéal du courage et de la noblesse des questions dites d’honneur, l’importance des instincts égoïstes ou grégaires, les diverses sortes d’avidité et de ‘territorialité’ chez les quatre principaux personnages (le crasseux, le mauvais et les deux planqués tirant leur légitimité de leurs charmes). C’est là que le regard du marginal apporte une contribution sérieuse et plus globale, car il est lucide sur son compte et attaché à ses ‘privilèges’ naturels, peut apprécier les dons de la civilisation sans avoir reçu son instruction ni avoir été ajusté par elle. Pourtant aujourd’hui il est attiré par les beautés de l’ordre communautaire (la femme et l’uniforme), prêt à des efforts et sacrifices pour y accéder – or il risque d’y mourir à plusieurs degrés et ne pas trouver d’écho auprès de gens plus équilibrés et insérés donc plus dépendants et hypocrites.

Ces conflits entre devoirs, traditions et désirs, ne relèvent que de choses classiques mais sont difficilement dicibles et admissibles en-dehors de films spécialement sombres ou lourds, ou bien traités de façon moins mature. L’issue est un peu schizophrène et primesautière puisqu’elle mêle à la fois le ‘happy end’ imposé de l’extérieur et la sur-normalisation de l’exclus, donnant un air de conformisme à la fois sain et ironique (on respecte les formes sociales pour un retour sur investissement) et impropre (on rentre effectivement dans le moule et soudain il n’y a plus d’adversité même intérieure, c’est la réconciliation au pays de Candy amoral mais sans reproches). C’est toujours plus honorable que la complaisance envers l’auto-destruction du rebelle dans Seuls sont les indomptés (lequel a le mérite d’être cohérent en intégralité puisque dès le départ le protagoniste est un suicidé déraciné, avant d’être un inadapté).

Note globale 78

Page IMDB   + Zogarok La charge des tuniques bleues sur Sens Critique

Suggestions… Vorace + Jeremiah Johnson

Les+

  • personnages, dialogues
  • contexte et mise en scène
  • regarde honnêtement l’humanité

Les-

  • la musique (relativement au reste)
  • fin un peu régressive, comme d’habitude

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