Tag Archives: Courts & Moyens Métrages

LE MOULIN MAUDIT (1909) +

29 Déc

Alfred Machin a été l’un des meilleurs contributeurs des studios Pathé dans les premiers temps du cinéma. Sa carrière confond deux branches : réalisateur de films et reporter. Au début il rapporte des films d’aventures et des documentaires animaliers d’Afrique ; par la suite, il participe à l’avènement du cinéma belge, signant notamment le long-métrage pacifiste Maudite soit la guerre (1914) – juste avant d’être recruté pour l’effort de guerre. Il tournera à cette occasion les scènes dans les tranchées utilisées par Griffith pour Cœurs du monde (1918). Après la guerre, il fonde son propre studio près de Nice et reste très productif jusqu’à son accident mortel en 1929. Il réalise beaucoup de comédies ‘animalières’ ; sa grande mascotte est une panthère, Mimir, guest dans sept films.

Le Moulin Maudit appartient au début de son œuvre et est produit par Pathé. Ce court-métrage de cinq minutes est considéré comme un des précurseur du cinéma expressionniste – courant qui émergera ‘officiellement’ en 1920 avec Caligari de Robert Wiene et s’épanouit essentiellement en Allemagne. Paul Wegener qui est parfois rattaché à la préhistoire de ce courant (pour L’étudiant de Prague et pour son Golem de 1915 – en tout cas, des films d’horreurs précoces) est également allemand. Le Moulin Maudit s’y rattache surtout pour son thème et les caractéristiques des personnages. Il raconte une vengeance dont les sujets virent à la folie meurtrière ou à un effroi démentiel. Ce n’est pas un drame conventionnel mais plutôt une sorte de tragédie romanesque dans laquelle le spectateur n’a pas de place pour s’identifier et probablement pas de passion à vivre par procuration.

Comme les futurs films expressionnistes, Le Moulin Maudit raconte donc une fêlure morale et un détachement maladif de la réalité, mais se passe de la dimension sociale voire de la notion d’angoisse omniprésentes dans ce mouvement étranger. La mise en scène n’implique pas de panoramique ni de trucages, sauf l’arrêt-caméra pour maquiller quelques artifices. En revanche il utilise les diagonales et les profondeurs de champ pour souligner certains déplacements. Le montage est très vif, les ellipses abondantes et réfléchies, parfois présentes au sein d’une même scène. De plus la furie de Wilhem (interprété par Berryer), la tension instaurée et le crescendo dans la violence rendent cette courte séance intense. Le tournage en extérieur est aux antipodes des vues apathiques et prosaïques des Lumière (Passage d’un tunnel étant une exception remarquable), avec un intérêt plus allégorique que pour Rescued by Rover (1905) : l’espace participe au délire de Wilhelm sans être modifié.

Note globale 72

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Note arrondie de 71 à 72 suite à la mise à jour générale des notes.

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COURTS 2021

31 Jan

Le classement annuel des Courts/Moyens est désormais joint à celui général : voir Toutes Notes 2021.

Modern Educayshun =- (comédie USA 2015) : Satire très lourde et droit au but ; a plutôt gagné en légitimité quelques années après. Tente un climat entre bouffonnerie et horreur ; ce sera plutôt déplorable ou angoissant selon le public et sa disposition. Drôle à l’usure. (52)

Le sel de Svanétie =+ (drame Géorgie 1930) : Un documentaire à la fois réaliste et ‘formaliste’ tourné dans une zone reculée de l’empire soviétique. Les bolchéviques sont sur le coup et leur route a vocation à arracher nos prolos autarciques du féodalisme – mais on étaie pas sur cette dernière partie ! L’approche est compatissante et positive, plutôt que conflictuelle, sauf envers la religiosité débile. Les traditions et le mode de vie archaïque sont montrés sans mépris flagrant ni dureté, le geste du film consistant à saluer l’effort face à la misère et une Nature impitoyable ; ces hommes d’un autre temps sont de parfaits soldats du socialisme scientifique, seul manque l’étiquette ! Le montage est énergique pour l’époque, le scénario absent au bénéfice d’une succession de poses dynamiques. Malgré son excellente réputation, le film reste quasi anonyme et difficilement trouvable (la chaîne Arte qui l’a diffusé pourra donc y remédier). (66)

Las Hurdes tierra sin pan/Terre sans pain =- (alternatif/ documentaire Espagne 1930 – 28min) : L’unique documentaire de Bunuel, tourné après ses deux films phares surréalistes (L’âge d’or & Un chien andalou). Sensationnaliste et parfois au bord de l’escroquerie, c’est davantage qu’un documentaire, un film d’expérimentation ou une sorte de propagande par les méthodes, à l’éventuel but très éloigné (on est assez proche de Cannibal Holocaust ou des mondo). Bunuel a le mérite d’avoir trouvé de véritables damnés de la terre et de montrer leur normalité – mais il a le tort de nous abuser ou d’essayer de façon parfois flagrante ; on peut trouver sa démarche perverse et injustifiable passé l’argument misérabiliste et réaliste initial (notamment pour la cruauté gratuite envers les animaux, autrement pour la mère sous le choc – supposément). Dans tous les cas ces prolos sont passés de l’indifférence sinon l’inconscience collective à un peu de lumière. Comme souvent quand le produit est curieux et hasardeux, le film à son sujet est plus pertinent que la bête : Bunuel après l’âge d’or. (48)

 

Mini Courts : 2020, 4, 3, 2, 1. + Courts & moyens Mubi : 4, 3, 2, 1.

Mini-Critiques 2021: Dec, Nov, Oct, Sept, Aout, Juillet, Juin, Mai, Avr, Mar, Fev, Jan. 2020: Dec, Nov, Oct, Sept, 15, 14, 13. 2019: 12, 11, 10. 2018: 9, 8. 2017: 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. Mini Mubi : 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1.

Mini Revus : 2020, 2018/2019

LE LIVRE DE MARIE =-

18 Juin

Second court-métrage d’Anne-Marie Miéville, compagne et influence de Jean-Louis Godard, Le Livre de Marie précède une carrière de réalisatrice étoffée. Ce film suisse d’une demi-heure, produit par Godard, soit en porte la trace soit indique la source de ses artifices ou excentricités si caractéristiques.

Des litanies intellectuelles par rafales font semblant d’être des dialogues, les échanges dans la séquence d’intro sont le fruit d’une post-synchro non-solidaire – ne faisant même pas l’effort du contre-point. Par rapport au Godard des années 1960 voire 1970, la technique est sinon plus sûre, plus économe et tranchée ; la séance est surtout plus près de la vie, notamment grâce aux acteurs (dont Bruno Cremer) relevant le défi, sans trembler, se figer ni s’endormir.

Le cœur du film est une adolescente dans son monde de théories, de savoirs et de cultures, où elle joue la professeur et fait tous les dialogues. La mini-Godardienne viscérale navigue entre pics d’inspiration et débuts d’abattement ; les grands morceaux, celui de Mahler, viennent à sa rescousse. Le long-métrage Je vous salue Marie est la continuation de cet essai.

Note globale 48

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Note arrondie de 47 à 48 suite à la mise à jour générale des notes.

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FRANKENSTEIN =-

20 Avr

2sur5 La première adaptation du roman Frankenstein ou le Prométhée Moderne de Mary Shelley (1818) est produite en 1910 (deux ans après Henderson fera celle du Jekyll de Stevenson). J.Searle Dawley la tourne en trois jours dans les studios Edison. L’heure est encore aux ‘courts-métrages’ et ce Frankenstein-là ne dure que 13 minutes. Il va donc chercher le plus fort et reprend principalement deux séquences : celle de l’engendrement et la rencontre de l’aveugle (où il termine chassé à cause de l’arrivée de sa famille). La création du monstre s’accompagne d’effets spéciaux diversement réussis, grand-guignols et surpassant le plus morbide de chez Méliès (Le diable au couvent, Dislocation mystérieuse).

Un parallèle est dressé avec la sorcellerie, conformément aux écrits de Mary Shelley, mais sans pouvoir étendre tous les remords de Frankenstein. L’agressivité du monstre reste injustifiée et théâtrale. Son allure est assez éloquente, mais plus proche du clochard sous substances que d’une image de sur-puissance. La version de James Whale (qui ouvrira une franchise via La Fiancée, complétée par Le Fils en 1960) avec Boris Karloff donnera une représentation en ce sens, avec un grand corps froid et massif, tout en soulignant l’humanité maladroite et réprimée de la créature. Frankenstein connaîtra de nombreuses autres adaptations, dès 1915 (le long-métrage Life Without Soul), notamment celle de Brannagh avec DeNiro (1995). Ces adaptations précoces de classiques littéraires sont rarement des réussites (Alice in Wonderland d’Hepworth en 1903, ou le Ben-Hur de 1907), Frankenstein se fond tranquillement dans la masse.

Note globale 52

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COURTS 2020

20 Jan

Tous les courts vus en 2020, à l’exception de ceux vus sur MUBI. Il n’y aura plus de telles distinctions désormais.

Cœur fondant ** (France 2019 – 11min) : Très jolie animation employant des matériaux simples (tissus, bouts de laines ‘recyclés’) voire rudimentaires (papiers) – bien qu’aidé par le CNC le film ne doit pas avoir un budget important. Le scénario reste léger et prudent mais le film arrive à générer du suspense. Petite leçon habituelle concernant les préjugés avec un appel à ne pas enfermer ou juger en fonction des apparences. Pas le temps de développer qui que ce soit mais assez pour rendre un peu consistants les deux protagonistes, la myope étant particulièrement typée, l’araignée moins définie. Celle-là bénéficie de la voix d’une pointure de la VF de South Park, Christophe Lemoine. (62)

Sexandroide ** (France 1987 – 57min) : Film d’exploitation semi-porno ou érotico-gore corsé, tourné par le réalisateur de l’infâme mais non mais ‘remarquable’ Corps de chasse. La première victime donne lieu à des plans des plus grassement généreux, la seconde aux plus embarrassants car en partie réalistes (voire non-simulés pour les plus légers). La troisième femme passera quelques minutes à meubler en dansant sur une musique rock avant de rejoindre l’espèce de zombie mâle dans son cercueil. Humour primaire dans le dernier plan, humour involontaire le reste du temps. La bande-son retapée lors d’une ressortie impulsée par un cinéaste de l’obscur et des marges achève de rendre l’expérience truculente – les plaintes de la fille possédée à distance dans les chiottes du bar (premier sketche) renvoient typiquement à ce qui distingue une quelconque misère d’une œuvre nanar. (54)

Hemophilia * (France 1985 – 17min) : Déglinguerie du réalisateur de Trepanator et Dinosaur of the Deep que je souhaite découvrir. Des plus pauvres et doucement aberrants. La minute du monstre est la seule franchement ‘convaincante’. Voir une capitale sous un angle si ras-du-bitume, surtout trente-cinq ans après, peut recouvrir une sorte de charme ou d’intérêt obscur. Quand la vieille tombe le foulard, on est un peu surpris.. de ne pas avoir à être surpris ! (26)

Re-Calais * (France 2018) : Ce n’est pas simplement un film politique de plus ou moins bonne ou mauvaise foi. C’est un pseudo-documentaire décousu et stérile face auquel votre affinité envers le ‘combat’ pro-migrant ne change pas grand chose – sauf si la préférence et le geste vous suffisent. Moix reste au niveau du micro-trottoir, écume les PMU ou attrape ceux qui y ont passées de longues années pour obtenir ses témoignages de locaux, injecte des mots dans la bouche des étrangers à Calais. La mise en scène est parsemée de trucs navrants, peut-être volontairement, comme ces bruitages de comédie, systématiquement isolés ou mal agencés. Les rires pré-enregistrés à la fin font pitié, les monologues déclamés de façon lente et grave laissent perplexe, les intentions surlignées et pauvrement démoulées rendent songeur. C’est insignifiant, ça imite les manières des autres, des films de festival, des documentaires de gauchistes verbeux et des sociologisants planants ; toujours de façon hagarde, malvenue, pantelante. Je suppose qu’un film de traître aurait cette allure ; un de ces films dont leur auteur pourrait dire après que les questions abordées aient été (drastiquement) réglées : ‘mais vous voyez bien que je me foutais de leur gueule, c’était de la fausse collaboration, chaque scène soulignait le ridicule de la situation ou du mensonge en train de se former’. Effectivement c’est faux, misérable et idiot. Il est temps que Yann Moix sépare mieux ses discours et ses personnalités, ou les unifient, mais que cette comédie accablante s’arrête. (16-)

Todo Cambia * (Cuba 2008 – 53min) : Une excursion navrante pour l’idéal socialo-communiste dont l’art institutionnellement reconnu (encadré) est globalement primaire, souvent du niveau de gribouillages décomplexés. Il y a de quoi s’interroger sur la nature de ce qu’on voit : est-ce un réel documentaire, l’œuvre de gens hostiles au régime de Cuba, une commande bâclée ? La séance est pour le moins ‘relâchée’, le regard entre absence et complaisance ; hormis les spectateurs pressés personne n’aura de raison de s’énerver. Le genre de choses plus à sa place sur Mubi (éventuellement sur Arte les heures de faible écoute) et pourtant vu sur PrimeVideo. (32)

Les mains négatives * (France 1979 – 14min) : Après India Song je persévère du côté de Duras. C’est du babillage de pouètesse en roue-libre à bord d’un engin en train de traverser Paris à l’aube. Bien sûr rien n’est synchrone – il faut casser la représentation ! C’est débile, c’est désagréable. Je m’y suis repris à quatre fois pour le voir tant c’est douloureux à l’oreille et donc assommant à tous degrés – les deux dernières fois, en accéléré. Je crois que cette dame voulait nous introduire dans ses flux de conscience – bien sûr elle a intellectualisé ce qui n’avait rien pour l’être. (22)

→  Le papillon meurtri ** (USA 1919 – 59min) : Un réalisateur français (Maurice Tourneur) aux USA pour une action au Canada. Mélodrame évitant l’immoralité grâce à une tragédie bien digérée. (62)

Bilans 2020 : Cinéma (films de l’année + toutes les découvertes + les revus + les Courts). Livres. Albums. BD. Séries. JV.

Mini-critiques MUBI : 8, 7, 6, 5, 4-2018, 3, 2, 1 + Courts MUBI : 3-2019, 2-2018, 1-2017

Autres Mini-critiques : 13, 12, 11, 10, 9, 8, 7654321 + Courts 3, 2, 1