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DANS LA PEAU DE JACQUES CHIRAC ***

19 Oct

3sur5 En 2005, au-delà des potaches Guignols de l’info ou du Canard Enchaîné, les trublions de la politique ne sont pas légions, c’est même morne plaine en France. La machine démocratique, sur ce point, a toujours été molle, laissant leurrer la subversion présumée de quelques provocateurs auto-proclamés (cherchez au sein du PAF). Karl Zéro est de ceux-là, néanmoins, lorsqu’il concocte avec Michel Royer (spécialiste des archives télévisuelles, collaborateur de son émission  »Le Vrai Journal ») Dans la peau de Jacques Chirac, il est bien le premier à emmener le cinéma (français) vers le commentaire politique ; qui plus est, sa cible est un président en exercice. Pas spécialement impressionnant à cette époque, et pourtant, quand on se penche sur l’histoire nationale : à l’exceptions de quelques incartades dissidentes et socio-métaphoriques, c’est une première. Il n’y a pas lieu de s’en indigner, mais notons tout de même que Zéro reçoit peu de soutiens et quittera, dans la foulée, l’antenne de Canal +.

 

Avant Being W ou l’Homme qu’on avait lâché là ; Chirac, l’homme qui furetait dans les parages et qui, par la plus heureuse des combinaisons : passait foutrement bien ! Zéro a décidé de faire apparaître Chirac comme une sorte de produit a-politique, une girouette opportuniste et conciliante, bref, un carriériste et technocrate habile, avant tout. Le film en lui-même ne révèle rien : montage d’archives animé par la voix de Didier Gustin (sur un texte co-écrit par Zéro & Eric Zemmour), il fonctionne en tant que piqûre de rappel et revisite le parcours du personnage pour dévoiler toutes ses contradictions, frisant perpétuellement l’absurde : Chirac prône, dit tout et son contraire, mais jamais dans le fond il ne semble avoir évolué, jamais la moindre nuance n’est venue s’introduire à son discours (sinon pour le revirement total, en fonction du mouvement de la France).

 

L’intérêt de ce portrait, globalement très drôle, tient à sa façon de vérifier et de poser, une fois pour toute (et pour la postérité), l’évidence que Chirac n’était effectivement rien d’autre que le chantre de l’immobilisme. Engoncé derrière les tics et apparats les plus consensuels de la Ve République, on s’en doutait, qu’il était le Président passe-partout par excellence (à l’inverse d’un Sarkozy ou même, dans une moindre mesure, de Giscard et Mitterand). Tellement passe-partout justement, tellement lieutenant docile et formel, qu’il finit par intégrer le poste suprême (un Michel Drucker échelle maximale, en gros). Mais c’est bien connu : le peuple (ou le public en général) préfère les extravertis (polis, grégaires et complaisants de préférence), qu’importe si leurs gesticulations n’ont ni sens ni cohérence. Retenez ça : se fondre dans le décors tout en ayant l’air de bien déborder et de lui rendre ses couleurs. Indéniablement et de quelque bord qu’on s’estime, la France a perdu son temps avec Jacques Chirac. 

Note globale  69

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SEANCES EXPRESS n°32

30 Déc

> Jin-Roh, la Brigade des Loups*** (71) anime Japonais

> The Burrowers** (61) western USA

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JIN-ROH, LA BRIGADE DES LOUPS ***

3sur5  À la manière de L’Étrange Noël de Mr Jack ou plus ostensiblement encore de Poltergeist, Jin-roh est d’abord un mystère en ce qu’on ignore s’il appartient d’abord à son réalisateur ou s’il ne nous en reste que la vision de son illustre superviseur. Le scénario tortueux d’Oshii est cependant si alambiqué qu’il gênera les nouveaux venus à son univers, fascinant et relativement accessible, mais dont les enjeux sont ici trop brumeux. En effet, l’histoire n’existe  »concrètement » que par les dialogues, au ton souvent politiques ; la mise en scène, elle, repose sur une animation fluide, traversée d’éclairs de génie méditatif et bardée d’abondantes symboliques.

Jin-roh est une uchronie, c’est-à-dire un film refaisant l’Histoire : une sorte de film d’anticipation-rétrospective, en somme. C’est surtout le mythe du Petit Chaperon Rouge [la référence est appuyée] s’invitant dans un Japon d’après-guerre en proie à la crise sociale, entre chaos urbain et spectre totalitaire. Parabole de l’asservissement de l’Homme par ses tentations fascistes, le film évoque la redécouverte de ses émotions d’un membre d’une unité armée, suite à une besogne qu’il n’a pas accomplie. Le conte invoque ainsi les sentiments du loup, son humanité refoulée, au milieu d’un univers austère contrôlé par ses camarades Panzers, les machines à tuer.

Ce décalage, comme celui du traitement très réaliste de faits pourtant fictifs [et de surcroît dans un film d’animation], nourrit toute la poésie de cet anime particulièrement adulte et cérébral à l’excès. Le trait est néanmoins pessimiste, jusque dans l’évocation du combat pour la liberté : la reconnaissance de son être au-delà d’un statut civique assujettissant est une problématique résolue avec un désenchantement certain.

Le film est à peine plus limpide dans sa forme que dans son fond ; cohérent, il l’est pourtant, mais toujours nappé d’une part sinon de mystère, au moins d’ambiguïté. La représentation du Japon des 50’s est à cette image ; à la fois inscrite dans la veine esthétique d’Oshii [d’abord imaginé comme support d’une série, le concept est tiré d’un vieil avatar de son imagerie, les soldats Kerberos] et dernière référence de l’anime traditionnel confectionné à partir de cellulos, tout en possédant une identité visuelle l’isolant tout à fait. L’aspect technique et visuel a toutes les chances de faire basculer les indécis dans le camp des conquis : plutôt qu’animateurs perfectionnistes, ce sont des orfèvres qui se sont attelés sur ce Jin-roh. Ce graphisme expressif et cabalistique ouvre à la richesse du film, maintenant de cette façon l’hermétisme ambiant à une distance honorable. Sitôt que notre vague sentiment de perplexité est évacué par la délicatesse, le soin et l’intégrité de l’ensemble, ne compte plus que le magnétisme global.

Note globale 71

Interface Cinemagora

Voir le film sur Dailymotion (VOSTF)

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THE BURROWERS **

3sur5  Juste sur le plan formel, The Burrowers a tous les atouts, et même plus qu’on en demande, pour être promu en salles. Surtout que seule sa méprisable exploitation commerciale rappelle ce film plein de charme à son statut de série B. Photo impeccable, jolis effets de style, privilège à l’atmosphère : c’est au moins l’œuvre d’un habile technicien et metteur en scène assumant parfaitement le manque de moyens à peine latent.

Mais si le film a pu inquiéter les annonceurs, c’est qu’il fonctionne sur la fusion improbable de deux genres que peu ont songés à concilier jusqu’ici : le western et l’horrifique. En téléportant ses monstres [même pas cheaps] dans un contexte inhabituel, J.T.Petty risque de faire parler de lui chez les amateurs d’ingrédients Z, à coup sûr comblés de les voir enfin s’offrir un digne traitement de catégorie A.

Sauf que c’est justement lorsque les  »enfouisseurs » du titre apparaissent que le film s’essouffle, sa dernière partie sacrifiant la mince parcelle de mystère mais du même coup la réelle tension qui imbibait le métrage. Qu’importe, puisque ces créatures issues de la mythologie des autochtones américains n’auront jamais été la fin en soi de ce film à la trame relativement simple, assez économe en terme d’esbroufes, mais férocement ambitieuse. Les personnages sont très finement écrits, suscitant chacun l’empathie, même ceux qu’il était si facile de parodier ou livrer en pâture [Henry Victor, personnage censément veule, répugnant et détestable] : preuve, s’il en faut, qu’on est à mille-lieux du tout-venant de la production fantastico-horrifique US. En filigrane, mais sans chercher à discourir, un plan d’ensemble sur la haine  »valide » d’une époque et l’asservissement des Indiens. Une réussite globale et, à quelques infimes lourdeurs près, un souffle de fraîcheur.

Note globale 61

Page AlloCine & IMDB

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Séances Express : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20

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FREDDY & SES SUITES, L’INTÉGRALE DES GRIFFES DE LA NUIT

1 Sep

Cet article évoque l’intégralité de la saga Freddy/Les Griffes de la Nuit, opus par opus : comme pour les Guinea Pig, Massacre à la tronçonneuse et Saw.

 

Les chroniques des quatre premiers opus et du remake ont déjà été diffusés sur un ancien blog il y a cinq ans (2009), les autres rédigés dans la foulée. Quelques textes ont subis des coupes ou des ajouts, certains presque aucun (le 5). Deux cas se distinguent : Freddy 7 (mon préféré), puisque l’article a été écrit pour les besoins de ce grand bilan ; et le 2, car j’ai profondément changé de regard sur lui.

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Si vous voulez d’autres rafales sur les diverses sagas existantes, consultez le tag « Sagas Intégrales ». Plus spécifiquement : Halloween, Vendredi 13, Hellraiser. En-dehors de l’Horreur : Die Hard, Indiana Jones.

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freddy 1

LES GRIFFES DE LA NUIT **

2sur5   En 1984, Wes Craven offre au cinéma d’horreur une nouvelle figure culte, caution à des suites guère ambitieuses si ce n’est pour des meurtres et cauchemars tape-à-l’œil. Incarné par un Robert Englund qui se retrouvera ainsi cantonné à celui-ci, le personnage de Freddy Krueger innove alors par son originalité, puisque l’un des premiers [et toujours des plus fameux] boogeyman en série de l’histoire du cinéma est loin du tueur froid et sans nom auquel le public a l’habitude de se trouver confronter.

En effet, Freddy Krueger est un croque-mitaine qui n’intervient que dans les rêves de ses victimes, d’ou l’atmosphère paranoïaque que dégagent ces Griffes de la Nuit. Le film demeure -chose rare- potentiellement impressionnant ou effrayant un quart de siècle après sa sortie. Wes Craven mixe fantastique et horreur pure [ces Griffes de la Nuit sont outrageusement violentes, ce qui ne sera pas tant le cas de sa flopée de successeurs] et invoquant une peur universelle puisque liée aux cauchemars d’enfance -et surtout à leur anticipation.

Aussi, la lutte contre Freddy apparaît impossible ; l’insomnie est la seule solution pour échapper à ce tueur tout-puissant à l’allure particulièrement terrifiante. Chaussé de son éternel chapeau, vêtu de son incontournable pull à rayures rouges et vertes [le choix de Craven aurait été guidé par le fait qu’il s’agit des couleurs réputées comme les plus agressives] et armé de ses gants et lames démesurées, Freddy arbore un visage brûlé, inhumain, rendant sa présence d’autant plus dérangeante. Indestructible, il va même jusqu’à s’auto-mutiler devant ses proies afin d’accroître leur effroi.

Car c’est la peur qui sert d’abord le bourreau. Wes Craven nourrit son personnage d’obsessions personnelles ; cauchemars infantiles, peur du noir et de l’abandon, le réalisateur traitant, au-delà de la peur de s’endormir, de celle du passage à l’âge adulte. Adultes demeurant ici en-dehors, ne croient et ne pourraient croire à ces histoires que vivent leurs enfants. Or, c’est à cause de leurs méfaits du passé (et dans une moindre mesure grâce à leur négligence d’aujourd’hui) que ces derniers subissent aujourd’hui Freddy. Cet héritage sera évoqué dans quelques suites et notamment le troisième opus, reconnu de façon générale comme l’une sinon la meilleure suite [c’est oublier toutefois la réussite de Freddy 7, avec Craven de nouveau aux commandes, une très maline entreprise de démystification].

Pourtant le film peut laisser sur une impression mitigée, malgré ses qualités, sa proposition initiale et son principe de fond. Les scènes de cauchemars constituent évidemment les meilleurs passages ; ces scènes tendent à être superbes, elles le sont dans la première moitié du film, mais cela ne dure pas et dans la seconde moitié, elle se raréfient. Du reste, les dialogues sont limites et surtout le rythme est extrêmement bizarre, le film suivant une ligne droite avec quelques soubresauts (les visions et/ou meurtres). L’écriture du film est ainsi très contrastée, tout comme le rapport de Craven aux archétypes las du slasher (implantés depuis déjà 5 ans avec Halloween et Vendredi 13) : les personnages sont en phase avec la réalité et capables de parler aux adolescents (divorce, situations familiales particulières, etc).

Mais en dépit de cette sensibilité, Craven se tient à proximité des impératifs du genre, comme s’il redoutait d’allez au bout de son univers. Il n’est pas étonnant qu’il soit plus performant dans Freddy VII et se soit illustré avec les Scream, exercices de style éblouissants et fonctionnels tout en lorgnant vers la farce ‘réflexive’. La bizarrerie du rythme est peut-être la résultante de ce même élan de pudeur voir de résignation quand à son inspiration. Cela abouti en tout cas au très bancal piège dans la maison, puis à final abrupt où le cas du monstre est réglé pour de faux. Les Griffes de la Nuit laisse le sentiment d’avoir assisté à un work in progress dont nous aurions un résumé rapide et c’est embarrassant Les effets du film s’en trouvent d’ailleurs dilués et ses traits plus profonds (la situation de Marge Thompson) sont contournés, à la limite du zapping opportuniste.

Si le film semble échouer à de multiples niveaux et que son univers peut laisser de marbre, il faut avouer que l’ensemble reste honorable et dépaysant. La BO de Chris Bernstein est très sophistiquée dans le genre, avec une atmosphère de révélation limite surnaturelle. Bien qu’aillant un peu vieilli, Freddy sait toujours effrayer, pourra étonner (à défaut d’inquiéter immédiatement) y compris par son degré de sanguinolent [le premier meurtre (Tina) en particulier – inspiré de L’Exorciste?], diverti largement plus que le premier opus d’Amityville et est d’un tout autre niveau que celui minable de la saga Vendredi 13. Objet sympathique et frustrant, Les Griffes de la Nuit apparaît comme une sorte de semi-échec ou de semi-réussite.

Jamais complètement convaincant, Fred Krueger sera en tout cas très rentable pour la New Line, cette maison de production étant boosté par le film de Craven et la saga en découlant. Elle rachètera Vendredi 13 à la fin des années 1980 et organisera un cross-over entre Freddy et Jason, les tueurs des ces sagas de slashers de référence (partageant leur domination avec une troisième, la meilleure : Halloween). Les groupies de Johnny Depp doivent également voir ce film puisque leur idole y jouait son premier rôle au cinéma, léguant à la postérité une mort blobesque ; il fera un cameo dans L’ultime cauchemar, cinquième suite des Griffes.

Note globale 53

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FREDDY II : LA REVANCHE DE FREDDY **

3sur5  Après un premier épisode discrètement comique, les nombreuses séquels des Griffes de la Nuit [cinq comprises ici, de Freddy II à VI] vogueront vers le grand-guignol et un humour prosaïque, optant même pour la pochade vulgaire dès le 3e opus. Il faudra attendre le Freddy 7 de Wes Craven pour un retour en grâce net et global, opus portant un regard critique sur la saga et s’illustrant par sa rigueur et sa prise de distance. D’ici là, Jack Sholder prend en charge cette première suite avant de signer son Hidden, puis une flopée de nanars et de purs divertissements bis.

Le Krueger bouffon de l’horreur devra cependant attendre l’opus de Chuck Russell (le 3e), le très mal nommé Freddy’s revenge entrant en dissonance. Freddy 2 est un slasher complet et Krueger est de la partie comme toujours, mais il frôle le hors-série. Toute la dynamique rêves/réalité est mise de côté, voir éjectée si ce n’est dans l’exposition et le final. Freddy atterrit dans la réalité, s’invite dans une fête et s’avère omnipotent. La Revanche trahit donc complètement les principes posés par le premier opus et s’intéresse à la détresse psychologique du héros, nouvel occupant de la maison des Thompson à Elm Street. Harcelé par Freddy le voulant comme partenaire et l’utilisant comme son bras droit pour tuer, Jesse (Mark Patton) se demande s’il sombre dans la folie.

Le film n’est pas effrayant au sens habituel du film d’horreur, mais il est parcouru par une tension lié à son imagerie crypto-gay et à la perversion disséminée par Freddy. Celui-ci est plus qu’un simple boogeyman (et contrairement à Jason ou Michael Myers, il n’est pas mutique) : c’est un monstre sadien. Quand à la trajectoire de Jesse, elle devient la métaphore d’un coming-out inassumé virant à la psychose. L’ambiance et les sous-entendus homo-érotiques sont constants, avec Graddy, la demande de protection à un meilleur ami loin des regards. Pourtant jamais la notion d’homosexualité n’est évoquée explicitement ni n’existe dans les échanges ou même le conscient des personnages ; il n’y a qu’une évocation, à la sauvette, concernant le vicieux prof de sport auquel Freddy réserve une mort à la limite du BDSM. Le résultat est très inquiétant et donne un vrai drame, en terrain étranger ; le 5 aussi tentera une approche plus sensible avec Alice et son enfant. D’ailleurs on note que passée cette expérience, les producteurs manifestement dans l’embarras ne confieront plus jamais la franchise à un héros masculin.

Si le Freddy troupier n’est pas encore pour cet opus, ce Freddy 2 n’est pas toujours du meilleur goût et tutoie régulièrement le nanar. Il y a de petits côtés ridicules incontrôlés parfois et surtout cette scène ahurissante de la perruche, passage hallucinant digne d’une place d’honneur dans la galaxie Nanarland. Des inspirations en décalage (comme des aperçus d’un autre film) se ressentent, donnant un charme au film sans trop avancer son intrigue, en évoquant Society ou Le Dentiste. Le rêve lié au bus est un trip enfantin très décevant, digne des pitreries au surréalisme niaiseux de Freddy 6 (le pire opus de la saga). Les opus 3 et 4 seront bien plus expansifs niveau morceaux bravoure, alors que l’heure n’est pas encore au cumul d’exploits. En revanche, lorsqu’elle est présente, la violence graphique est extrême et assez grave, ce qui tend à aligner Freddy 2 sur son prédécesseur et les isoler du gore pop-corn rayonnant sans partage par la suite.

Note globale 60

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Note arrondie de 59 à 60 suite à la mise à jour générale des notes.

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FREDDY III : LES GRIFFES DU CAUCHEMAR **

3sur5  Après un second opus faisant guise de parenthèse, Freddy III est la première vraie suite des Griffes de la Nuit. Revenant à l’avant-scène, Freddy enfile pour la première fois son costume burlesque et ose les punchline bouffonnes. Ce Nightmare On Elm Street 3 est donc responsable du tournant grand-guignol de la saga et donc de son identité générale, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur c’est justement cet opus réalisé par Chuck Russell [auteur du ferveur et fabuleusement con Blob sorti un an après], d’une grande inventivité, avec même une certaine grâce, comme lorsque Freddy s’incarne dans un pantin pour s’inviter dans l’espace d’un rêve. Le pire, c’est ce dédain pour l’horreur véritable au profit de spectacles proposant d’autres genres de sensations fortes aux adolescents venant pour un train-fantôme. Le pire c’est donc surtout les opus 4, 5 et 6, tous redevables à cette troisième mouture et tous des déclinaisons inférieures.

Sans les maladresses ni la foi aveugle en ses excès tape-à-l’oeil du premier opus, Freddy 3 respecte assez scrupuleusement les avatars de sa mythologie tout en boostant son langage. Avec le très moyen sixième volet qui tentera de mettre un terme à la saga, Freddy 3 est celui qui cherche le plus à amplifier l’univers du croquemitaine et à en explorer de nouveaux horizons. Plus axé sur le fantastique que l’horreur pure, le film permet à ses adolescents d’exploiter leurs rêves, leur permettant d’y déambuler afin de pouvoir mettre fin à Freddy et de facto à leurs cauchemars. Ce dernier devient un véritable showman, soignant ses entrées, raffinant ses agressions et surtout les personnalisant [qu’une fillette se repose sur une figure paternelle rassurante et il se révèle ; en ce sens, Freddy 3 est la seule suite à tutoyer les thématiques du film de Craven]. Le sadisme de Krueger est subtil et son personnage a une épaisseur que Jason Vorhees comme Myers n’ont pas. Il est bien trop dissipé et criard pour concurrencer Pinhead de Hellraiser, mais son charisme est supérieur au boogeyman standard. Freddy gagne également en épaisseur en tant qu’individu puisqu’on apprend sa genèse et l’existence d’Amanda Krueger.

L’emprunte de Wes Craven s’impose en toile de fond mais de nombreux choix divergents s’y ajoutent ; ne jetant pas l’éponge comme il le fit sur Freddy 2, il laisse aux producteurs de la saga un scénario largement réécrit par le tandem pour le moins improbable Russell/Darabont. Si sa créature lui semble définitivement dépossédée, ses pérégrinations trouveront ici leur point d’orgue, avant la décrépitude dans des proportions raisonnables (le crash total des Vendredi 13 est loin). Le film a vieilli mais sa désuétude plutôt que de l’handicaper lui confère aujourd’hui une touche vintage qui lui sied bien, au contraire du 4 bien trop dans la farce has-been. Mariant le spectaculaire, l’horrifique et le grand-guignol avec une efficacité indéniable, l’ensemble tend parfois au délire carnavalesque, graphique [à partir de rêves d’ados complètement décérébrés, le film est bien plus sombre et extravagant visuellement] comme scénaristique, mais avec toujours une main de fer pour canaliser ce goût pleinement assumé pour l’absurde afin que les déviances « fun » ne basculent pas dans un ridicule involontaire prenant le pas sur le grotesque gratuit.

Le compromis entre un récit suffisamment consistant et une dose polie d’hystérie bis, la légèreté du ton et le volontarisme dans l’outrance, permet la réussite de cette entreprise honnête et régressive, aux ambitions récréatives menées à leur terme. Cette effusion de gadgets, de gore et d’ironie donne curieusement force à un mythe, l’enrichit en tirant vers le haut son potentiel grandiloquent. En même temps Freddy III s’affirme en réel film d’épouvante, même inefficace ou rigolard, car il a la dimension exploratrice nécessaire aux exigences de ce registre. Cet équilibre se reflète dans le traitement des personnages, souvent considérés avec dérision : répliques à la bêtise ironique ; malades qu’on nous invite à davantage prendre pour des imbéciles que pour des sommes d’angoisse ; pittoresque scène de la journaliste TV ; lycéenne se rêvant punk et rebelle jusqu’au bout des ongles, etc. Simultanément, c’est avec une empathie sincère, étouffée sous la couche de bouffonneries, qu’il jette son dévolu sur d’authentiques peurs ou préoccupations adolescentes, la tentation du suicide en tête.

Note globale 60

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FREDDY IV : LE CAUCHEMAR DE FREDDY *

2sur5  Démonstration du tournant définitivement ce Freddy vers le statut de vache à laid grand-guignol [ce sera le gros succès de la saga], cette quatrième mouture se distingue par sa cynique nullitude et ses frustes manières de film MTV. Avec The Dream Master, Freddy devient un gros beauf et la mascotte d’un train fantôme. Ridicule mais divertissant, Le cauchemar de Freddy tient du clip pop-rock à rallonge et n’a plus beaucoup à voir avec un film d’épouvante. On sent les années 1990 arriver au travers de cette intrigue et ce traitement superficiels et glam-trash, anticipant les Souviens-toi l’été dernier ou Dangereuse alliance. L’ensemble est d’une profonde stupidité dès le départ et c’est le premier opus assumant à ce point la bullshit générale ; il restera indépassable, même le 6 (plus minable que crétin festif) ne pouvant concurrencer. La bêtise cohabite avec la flamboyance et cet opus est à sa façon le plus lumineux, en tout cas celui brillant par ses effets spéciaux.

L’histoire se concentre sur une victime en particulier ; cette fois, l’héroïne est introvertie et relativement timide, mais pas seule au monde. Alice rêve de briser la glace et envoyer tout [le monde] valser, ou de s’affirmer et entrer dans la compétition sexuelle, mais ne le fait pas, évidemment. Mais lorsque démarre sa lutte contre Freddy, alors elle sort d’elle-même et entre dans une phase ultime de rebellitude. A l’image de ses camarades, la jeune Lisa Wilcox est une interprète honorable, mais est bien la seule à infuser une habile dose de second degré à sa personnage [notamment lors de sa  »métamorphose »].

Produit d’une grande vulgarité (le chien pisseur du feu), le film de Renny Harlin (l’homme des navets loufoques crâmant leur budget dans l’allégresse – Peur bleue) fait toutefois preuve d’une grande maîtrise technique et son visuel arbore des allures nettement plus contemporaines, même si le goût est tout aussi has been. Beaucoup de choses peuvent être reprochées à Freddy 4 (dont le sabotage du mythe), mais c’est une réussite graphique et son catalogue d’exploits aussi bêtes que spectaculaires fait la différence avec la plupart des autres sequel. Sans afficher le style de Freddy 5, le film s’inscrit décemment dans la lignée du film de Chuck Russell quand à l’imagerie glauque clownesque. À la hauteur de sa mission, Freddy 4 fait preuve d’une certaine inventivité dans les scènes de rêve et de meurtres [la fille aspirée par un grand écran notamment ; ou encore l’exemple, souvent cité, de celle muée en cafard], lesquelles évoquent toujours un certain parfum de contrefaçon et une espèce de surréalisme discount. Les ados se font (inter)venir les uns les autres dans leurs rêves, d’autant plus librement qu’il n’y a pas de narration réfléchie.

Versant dans le teen-movie degré zéro, crétin mais pas forcément plus que la moyenne, la franchise se complaît dans la banalité, mélangeant ses propres poncifs à ceux de tout un genre. L’humour lourdeau tente de se marier à l’horrifique pour offrir un cocktail adroitement calculé aux dehors extravagants, pendant que Freddy et ses victimes se vautrent allègrement dans une beaufitude sans fards – mais une beaufitude bankable, propre. En gentleman appliqué, Freddy se surpasse s’agissant d’y aller de sa petite vanne ; il nous garnit d’un tout bidon « j’aime la nourriture spirituelle » alors qu’il se repaît d’une tête d’olive, et ne passe pas non plus à côté du « bienvenue au pays des merveilles, Alice ». Raté, ce zèle ne lui permettra pas de se classer parmi les incontournables : on peut accepter le contrat (se vider le cerveau devant un show gratiné et totalement creux) et repartir avec quelques anecdotes (la nymphe piégée dans le matelas d’eau), à la fin il faut admettre que le croquemitaine y perd.

En effet celui-ci apparaît comme un faire-valoir de placements produits ; au-delà de Krueger chaussant ses Ray Ban, le spectateur est surtout abreuvé d’un rock piteux ou de rap lisse, de l’easy-listening de boeufs si on préfère. Par décence ou minimum syndical de respect envers les créateurs et notamment LE créateur, Wes Craven [de nouveau sur la fiche technique pour le troisième opus, il a contribué à la réussite de la seule ‘vraie’ sequel un peu plus que potable], les producteurs tuent de nouveau Freddy au terme de sa nouvelle aventure. Mais pour de faux, on le sait.

Note globale 42

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Note arrondie de 41 à 42 suite à la mise à jour générale des notes.

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freddy, l'enfant 5

FREDDY V : L’ENFANT DU CAUCHEMAR **

3sur5  Souvent considéré comme le plus inintéressant de la saga par de nombreux fans, Freddy 5 est pourtant, à un stade ou la saga aura blasé les plus impatients, une très bonne surprise – et un film fantastique assez captivant. Moins primairement « second degré » et grand-guignol [mais nettement plus finement quand il s’agit d’adopter cette posture], l’opus du futur réalisateur de Predator 2 ne se confond pas dans la bouffonnerie : c’est peu de le dire et pour un Freddy, c’est déjà beaucoup, presque un parti-pris impertinent vis-à-vis du caractère général de la saga : les deux opus précédents et le suivant relèvent de la gaudriole unilatérale (quelque soit leur niveau par ailleurs).

Dissipant l’exubérance stérile devenue caution à un nivellement par le bas, L’enfant du Cauchemar adopte un ton franchement solennel concernant les péripéties de son personnage principal, à l’instar du second opus. Réexploitant certains éléments de son prédécesseur [la maison abandonnée et Alice, qui de nouveau se bat contre Freddy dans ses rêves], le film démarre cette fois sur une idée aussi astucieuse qu’abradabrantesque, Freddy se réincarnant dans le bébé qu’Alice doit enfanter. Rompant donc avec la vulgarité et le tape-à-l’oeil mais pas avec certains recours faciles, Freddy 5 se montre plus audacieux, même si ses innovations se concrétisent avec plus ou moins de bonheur (le final n’est pas forcément concluant et laisse sur un goût mitigé). Contrairement à ce qui est admis généralement, le croquemitaine y apparaît moins comme un bouffon, par contre son image est fragilisée. Moins terrifiant, perdant de sa superbe et de sa toute-puissance, le personnage évolue pour se muer en une sorte d’écorché soudain vulnérable.

Toujours aussi grossier, Freddy gagne en épaisseur alors qu’il n’évoluait en rien dans le précédent opus où il vacillait vers la figure du vieil oncle amuseur en chef de galerie familiale. Mais surtout, si son humour [ »noir »] s’étiole, il est plus déchéant, plus résolument trash. Ce vieux bonhomme qui se met au champagne et s’arrache le bras plus hilare que jamais semble résigné à sa propre décadence. Le mouvement est loin de celui ostentatoire de Freddy 7, surtout moins délibéré, mais en s’épurant de ses marques de fabrique, le boogeyman acquiert un nouveau souffle, court mais alternatif. Cette nouvelle déclinaison ne vit que pour masquer sa terreur d’assister à l’épuisement d’une formule avec laquelle elle se débat.

Malheureusement en tentant d’étendre cette chétive mythologie, démultipliant à l’infini les possibilités [Freddy dans ce corps-là, puis dans celui d’un autre, puis dans une voiture, puis plus dans une voiture] comme dans Hidden (réalisateur de Freddy 2!), le film a le défaut de vouloir brasser un peu trop, échouant globalement à réinventer son mobile de fond en comble. Finalement assez lisse malgré son apport conséquent au personnage-fétiche, le scénario est inspiré mais pas toujours parfaitement cohérent ou limpide. Quelques références, non attestées cependant, nourrissent le film : Rosemary’s Baby bien sûr, mais aussi Labyrinthe et ses escaliers, Eraserhead pour les joues de hamster ou Tetsuo pour le premier meurtre.

Lorsque les ambitions lacunaires s’effacent au service du spectaculaire, l’inventivité de Freddy 5 s’affirme pleinement dans sa facette graphique (la BD, les poupées, l’usine). Plus noir et surtout baroque, presque gothique, le film se dote de ce qui manquait à l’effervescent Freddy 4 : une ambiance et un style. L’enfant du Cauchemar inspire bien plus le cauchemardesque [scène du dîner très réussie]. Freddy 5, en bout de course, est un petit film d’horreur de facture plutôt classique mais très bien conçu, dont les parfois réjouissantes qualités plastiques prennent le pas sur la psychologie de personnages pourtant abordés avec un mélange d’empathie et d’ironie plus ambigu encore que dans le film de Chuck Russell. Le fan s’y retrouve donc difficilement, le néophyte peut estimer cet essai hybride comme une bouffée d’oxygène. Pour les simples curieux, c’est peut-être mieux ainsi.

Note globale 58

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Suggestions… L’échelle de Jacob + L’armée des 12 singes

A Nightmare On Elm Street – Part 5 : The Dream Child** (5/10)

Notoriété>10.100 sur IMDB (plus faible, nettement) ; 425 sur allociné (2e plus faible, de peu)

Votes public>4.7 sur IMDB (2e moins bon score : légère tendance féminine) ; France : 4.8 (allociné ; 2e plus mauvais ex-aeco avec Freddy 6)

Note arrondie de 57 à 58 suite à la mise à jour générale des notes.

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FREDDY VI : LA FIN DE FREDDY – L’ULTIME CAUCHEMAR *

1sur5   Ecopant d’une lourde perte de vitesse de ses recettes, reçu tièdement par les fans, Freddy 5 amène la société de production New Line à ré-envisager le cas du croquemitaine. Il est clair qu’à ce stade le filon est épuisé, l’ambition a disparue, ainsi que toute fraîcheur ou illusion. Des suites sans inspiration dont l’inventivité concernait surtout les meurtres ou exploits visuels ont dénaturé l’esprit d’un film initial lui-même devenu particulièrement suranné et rétrospectivement révélé dans toute sa redondance, ses lacunes et sa platitude.

La mise à mort définitive de Freddy est ainsi décrétée. Prend place alors le rendez-vous raté avec un final qui serait une fête, révélant les coulisses, invitant à « vivre » le mythe au plus près, pénétrer dans l’intimité de Freddy en levant le voile sur l’essentiel des mystères planant sur une mythologie paresseuse. Donner un passé au croquemitaine était essentiel pour consolider l’initiative et dans les grandes lignes cet Ultime cauchemar réussit à répondre de façon cohérente à la logique de la saga, en faisant vaincre Freddy Krueger par sa propre fille. Loin de toute intensité (quoique l’absurde combat final soit hypnotisant), leurs retrouvailles ficellent adroitement la biographie du monstre ; Les Griffes originelles campaient un propos sur le passage à l’âge adulte et les peurs de l’enfance, un boogeyman arroseur arrosé constituait la plus facile mais aussi la meilleure sortie possible.

Le cheminement vers l’évidence ne se fait pas sans révélations plombantes. Flash-back à l’appui, le scénario met en scène un Freddy « pré-freaks », côté réalité, mais le portrait de ce père de famille aux tares inavouables annihile tout mystère sans contrebalancer par de quelconques nouvelles pistes. Carrément cartoonesque, Freddy tente de faire peur à nouveau mais ne parvient jamais à saisir le ton juste, le film adoptant des allures d’ennuyeuse série B audiovisuelle vaguement prétentieuse. Comme pris de convulsions, il passe d’une sobriété feinte confinant parfois au ridicule à la blague épaisse, traînant ces deux pôles antinomiques avec un professionnalisme embarrassé.

Même dans le 4 très borderline, il y a toujours une construction spontanée et une cohérence dans les actions. Là, le scénario est honteux : quelques idées sont posées et elles sont finalement survolées ou traitées avec amnésie (les adolescents décimés, les Nightmare On Elm Street partout, puis tout ce repompage du Village des Damnés). Le manque d’intelligence est phénoménal : le 4 est dans la bêtise, mais sa bêtise est celle d’un show ouvertement dans la farce et il enchaîne avec force. Là, si ce n’est un sabotage pénible, c’est une tentative d’arriérés : en d’autres termes, le 4 est conçu pour nous abrutir dans la joie MTVesque quand le 6 semble initié par des monocellulaires sous coke s’adressant à des débiles légers.

Présentant son film en 3-D, Rachel Talalay ne semble à l’aise que lorsqu’elle aborde le terrain des effets spéciaux. Mais la virtualité au cœur du film est loin de le booster, le sens du spectaculaire de l’équipe technique tenant ici du ridicule achevé. Le voyage ouvertement ludique au cœur d’effets kitschs éreinte dans une interminable dernière partie, puis sidère lors de son morceau le plus fameux, celui de l’inénarrable incursion de Krueger dans un jeu vidéo très moche et primitif (sachant qu’il y a deux produits dérivés dans ce domaine, sortis en 1989). Aspirant dans une télévision [rappelant clairement Videodrome, autant dire qu’on frôle le blasphème tant un bon lot d’années-lumières sépare les deux niveaux] un ado qu’il pourchasse avant de le tuer, Freddy se livre à une expérience aguichante seulement sur le papier, devenue culte chez la minorité de fanatiques qui ne fut pas assommé par la médiocrité de cette farce ratée de bout en bout.

Mêlant une froideur toute 90′s à la folie simulée des Kruegers 80′s, L’Ultime Cauchemar propose de tuer Freddy en chaussant ses lunettes, instaure un présupposé BG de service au poste de héros et fait péter le rock consensuel à fond les ballons. Le hic : tout n’est que laideur et lieux communs – sinon, pour l’originalité, la mort très branque de John. La scène d’intro, référence avouée et sans ambiguïté au Magicien d’Oz, pourra amuser les fans de ce classique mais n’en demeure pas moins hideuse. Freddy semble ainsi tirer sa révérence en frisant l’escroquerie, sous des allures pleines d’entrain et de sincérité. Et lorsque défile un best-of de l’épopée Kruegerienne sur fond de merdique tube d’un jour d’Iggy Pop, pas une once de nostalgie, ce n’est autre que le soulagement qui nous envahit.

Note globale 30

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Suggestions… Gacy + Halloween Resurrection + Demon House + Halloween 3 + L’Antre de la Folie 

Note arrondie de 29 à 30 suite à la mise à jour générale des notes.

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freddy 7 sort de la nuit 2

FREDDY SORT DE LA NUIT (FREDDY VII) ***

4sur5  Trois ans après l’affreux Ultime cauchemar marquant la mort de Freddy et un final où il reprenait sa forme humaine, Wes Craven relance pour un dernier opus la saga. Cette reprise en main est une façon de régler son compte à une franchise qui le contrarie, l’ensemble des suites ayant rompu avec ses Griffes de la Nuit pour évoluer vers la performance trash et la gaudriole. Néanmoins Craven lui-même est en pleine décadence pendant cette décennies (années 1990) et ses ‘classiques’ de l’Horreur sont parmi les plus sur-cotés : La dernière maison sur la gauche, La colline a des yeux (balayés par leurs remakes) et même Les griffes de la nuit.

Prenant tout le monde à revers, Freddy sort de la nuit est une réflexion sur le boogeyman, son traitement par Hollywood et par les médias, son interaction avec le public et avec ses auteurs. Heather Langenkamp, héroine des Griffes de la Nuit et présente dans Les griffes du cauchemar (3e opus) interprète son propre rôle, tout comme Robert Englund et Wes Craven. Langenkamp a mis de côté le cinéma et s’occupe de son enfant Dylan. Lorsque New Line (réellement productrice des Freddy) la contacte, elle refuse de reprendre le rôle pour le 7e opus en préparation, sur lequel un scénariste travaille dans le secret depuis deux mois.

Mise en abyme de rigueur et plutôt qu’un véritable film dans le film, c’est un tournage secret dans le film, où les parties impliquées de près ou de loin deviennent les pions de cet obscur projet. L’idée du scénario dirigeant la réalité renvoie à L’antre de la folie, l’un des sommets de John Carpenter qui sortira l’année suivante et l’exploitera avec une plus grande envergure. Craven passe en revue l’impact de Freddy sur le public et la façon dont celui-ci a été transformé par le marché et le collectif. Il est désormais un bouffon de l’horreur et l’ombre pathétique de celui qu’avait élaboré Wes Craven. Néanmoins, lorsque Robert Englund vient satisfaire la ‘freddymania’ sur un plateau, l’aura malsaine du boogeyman se ressent du point de vue de Heather Langekamp.

Le nouveau statut de Freddy reflète par ailleurs la banalisation de l’Horreur dans les esprits, celle-ci étant (au cinéma) devenue un objet de consommation courante parfaitement mobilisateur. Les enfants eux-mêmes connaissent les monstres, en tout cas celui des Griffes de la Nuit ; c’est d’autant plus ironique dans son cas puisqu’il est un pédophile devenu démon suite à sa mise à mort. Craven combine son désir de revanche et son approche conceptuelle en se réappropriant sa créature de façon critique ; il entame sa grâce de freaks, son crédit de star et lui accorde un maquillage plus ostensiblement fait de plastique (qui a énormément heurté ses groupies, peu sensibles au discours du film et à son rythme). Jamais Freddy n’aura cependant été aussi inquiétant et son meurtre à l’hôpital est un véritable moment de terreur et de désarroi pour la victime.

En plus de poursuivre ses propres créateurs, Freddy reprend le pouvoir sur la farce dont il est devenu le héros. Prenant acte de sa mort dans la saga, il vient se réfugier dans la réalité en amadouant les spectateurs comme il amadouait les enfants, pour finalement les faire basculer dans son territoire. La thèse de Craven est multiple et se lit comme un tandem de boucles croisées et achevées. Rétrospectivement, Freddy sort de la nuit apparaît comme la préfiguration de Scream. Avec celui-ci et ses suites, Craven portera à nouveau un regard sur l’horreur et ses clichés, mêlés entre premier et second degré, tout en traitant leur héritage dans la réalité. Cette entreprise ambiguë entre ré-enchantement et auscultation de l’Horreur aboutira à une vague de néo-slashers parodiques, portant un coup fatal à l’Horreur, bien plus que les farces doublement inoffensives que constituaient les Freddy 3 ou 4. Jusqu’au-bout, la démonstration (plusieurs en une, en fait) est parfaite, valorisant son directeur tout en corrompant ses instruments.

Note globale 76

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Suggestions…

Note arrondie de 75 à 76 suite à la mise à jour générale des notes.

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freddy remake

LES GRIFFES DE LA NUIT (REMAKE) **

2sur5 Toucher à un sanctuaire horrifique condamnait inéluctablement Samuel Bayer (directeur du clip de Smells Like Ten Spirit) au mépris de la classe cinéphage, encline par nature à ce type de railleries la confortant dans ses assurances douillettes. Et quoiqu’effectivement très mal accueilli, ce reboot des Griffes de la Nuit était une proposition intéressante. Le potentiel du film de Wes Craven se dissipait tant sous des graisses kitschs que la simple idée de les voir élaguées par un second tour de piste plus sombre et pas moins calibré promettait, à défaut de justifier cette réputation franchement surfaite, au moins de restaurer l’intelligence diffuse des obsessions distillées par cet opus originel.

Sans pleinement satisfaire ces timides espoirs ni même tout à fait escroquer son lynchage, Les Griffes de la Nuit 2010 est une relecture intéressante du mythe de Freddy. Ce huitième opus [ou neuvième, en comptant l’hors-série Freddy contre Jason, cross-over avec la saga Vendredi 13] est une des productions de Michael Bay et sa série de remakes/reboot. Celle-ci est une synthèse laquée de l’horreur premier degré et principalement pour ados qu’Hollywood a engendré autour de 2006-2013. Un réalisateur novice venu du clip, des jeunes acteurs qui ne se sont pas souillés dans l’horreur parodique, un style très grave tout en restant évasif, des personnages intenses mais superficiels.

Comme la version 2009 de Vendredi 13 supervisée par la même équipe, cette version 2008 de Nightmare on Elm Street fait partie des bons éléments. Contrairement au nouveau Vendredi 13, plus neutre, ici le ton est mature. L’heure est au sérieux extrême, les adolescents sont tous troublés ou résignés. Le réalisme s’en trouve décuplé, l’évocation de la pédophilie est frontale et Freddy concerne le passé des grands ados, pas de leurs parents. Cette solennité et ce pragmatisme relatif inclus tout, y compris le personnage de Freddy dont l’allure est celle d’un authentique grand brûlé et non d’un démon. Il y a peu d’humour de la part de Freddy et lorsqu’il y en a, les punchline sont ‘sombres’, pour rester sobre.

De plus les auteurs ont eu l’excellente idée d’introduire la notion de micro-sommeils et en tirent de quoi doper l’ambiance avec un minimum de justifications. Ce manège glacial fonctionne tant que le spectateur est sensible aux charmes maniéristes sans être saoulé par le conformisme aux codes de l’époque. Le soin technique apporté à la remastérisation de visions dantesques initialement déjà frivoles ravit nos pupilles par à-coups. Quelquefois se ressent cette satisfaction d’apercevoir l’once d’une terreur ou d’un pouvoir de fascination immédiat ; un potentiel immense, avec déjà le contenant, qu’il ne resterait qu’à orienter un peu plus. De ce point de vue ces Griffes 2 sont à la hauteur des Griffes 1, dont les séquences oniriques faisaient un petit effet tant que l’initiative et sa beauté suffisaient à omettre le vide et l’absence de destination.

Malheureusement, il y a Rooney Mara et il est temps de remettre en question l’exploitation de cette actrice ; ici elle ne joue pas mal, elle est là, lâche son texte sans se départir de sa poker face parfois crispée, entre le flegme et le malaise face aux événements. Sa simple présence devient parfois une lourdeur, heureusement dissipée par Kyle Gallner (Quentin) partageant quasiment le rôle-phare avec elle à mesure que le film avance. Celui-ci s’achèvera de façon idiote, mais conforme, posant un petit choc ultime gratuit une fois que tout est réglé : c’est fait comme du bis luxueux de son temps, mais en soi c’était déjà l’issue du film de Craven. Globalement, le premier film solo de Bayer laisse la sensation d’un spectacle un peu vain comme prévu, mais prenant parti et allant au bout, se positionnant bien parmi la masse sans s’en distinguer.

Note globale 53

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Suggestions… Carrie la Vengeance    

A Nightmare On Elm Street-remake**

Notoriété>7.000 sur IMDB

Votes public>5.6 sur IMDB (tendance très marquée -30 ans) ; USA : 6.0 (metacritic)

Critiques presse>USA : 3.4 (metacritic) ; UK : 4.0 (screenrush)

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freddy les griffes

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BLOODY BIRD +

16 Avr

bloody bird 1

Assistant-réalisateur, acteur secondaire, quelquefois même scénariste, Michele Soavi est un peu l’homme à tout faire du bis transalpin pendant les 70-80’s, jusqu’à ce que l’un de ses mentors, Joe d’Amato, lui confie les rênes d’un script de Luigi Montefiori, grand monsieur du western spaghetti tendance goreux. Alors que le giallo a entamé sans prévenir l’ère de la décadence, Soavi prend l’étonnant parti de dynamiter celui-ci par les principes du slasher, genre essentiellement américain.

Une troupe d’acteurs soumise aux fantasmes débridés de son metteur en scène prépare une comédie musicale mettant en scène les pérégrinations d’un tueur de prostituées planqué derrière son gigantesque masque de hibou. Lorsqu’un membre de l’équipe est assassiné par un véritable serial killer réputé pour découper ses victimes [féminines, on est en Italie] en morceaux, le cynique dandy Peter saisit l’occasion de faire le  »buzz » et entreprend quelques modifications à son spectacle.

Dans cet épilogue criard et savoureux, déjà les manies du giallo et son fétichisme surabondant sont renouvelés par une approche moderniste, quoique d’un kitsch manifeste aujourd’hui [les ténébreux synthés de Simon Boswell ont chassées les divas fiévreuses, l’esprit est celui d’un face-à-face entre Fame et le mythe du Fantôme de l’Opéra]. Lorsqu’échappé de sa cellule, Wallace investi le théâtre pour en faire son terrain de jeu, Bloody Bird [titre français : Deliria en Italie, StageFright aux USA – symptomatique, là encore, du bis italien] se mue en survival esthétisant.

Le lieu de représentation se soumet aux impératifs du psychopathe, metteur en scène de son propre espace mental à base de tableaux humains – grandeure nature (morte). Soavi trahit son intrigue-prétexte pour y greffer un dispositif minimaliste sur le papier [car concentrationnaire – unité de temps et de lieu quasi absolues] mais qui, dopé à l’imagination et une extravagance de tous les instants, fait s’enchaîner les séquences monstrueuses. Comme si les artifices prenaient vie : le théâtre dévore des comédiens littéralement réduits à l’état de jouets [la représentation, elle, n’est que l’éponge des visions de ses chefs-opérateurs].

Ce premier film de l’auteur culte [son futur Dellamorte Dellamore est un épatant OCNI sur le moribond marché du zombie] est surtout un gigantesque exercice de style. Il occulte totalement sa modeste condition [piètre budget, acteurs inconnus] par un lyrisme macabre et la puissance de ses visions horrifiques. Palimpseste de l’héritage d’Argento en même temps que mariage insolent des vierges de Suspiria avec Michal Myers, Bloody Bird assimile parfaitement les notions de chacun : il est suave et élégant, médite sur la poésie du grand-guignol ; il est tapageur et efficace, ne freine jamais ses ardeurs. Haute tension et voluptueuse émotion plastique : une petite merveille exaltée entre deux mondes.

Note globale 80

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Notoriété>1.500 sur IMDB ; 30 sur allociné

Votes public>6.8 sur IMDB (tendances US & féminines) ; France : 8.5 (allociné)

Suggestions… Lord of Tears

 

 

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PANIC ROOM +

18 Fév

À sa sortie en 2002, Panic Room est bien vite estampillé  »film à pitsch », son concept reposant sur un phénomène de société notable, le sentiment d’insécurité des riches. Ce huis-clos maniériste, esthétisant et délétère sera mal considéré par la critique. Après s’être offusquée de la farce « fascisante » Fight Club, elle reproche à David Fincher et c’est d’une hypocrisie monumentale, d’être, soit moins ambitieux et audacieux qu’antérieurement, soit un formaliste dont le sens de l’épate n’est qu’un cache-misère.

Elle n’a pas complètement tort a-priori, le vernis de Panic Room est celui d’un divertissement d’ampleur et le film l’un des sommets du genre (de toutes les années 2000, combien de thriller avec tant de génie que celui-là ?). Au-delà, la structure du film est plus classique qu’auparavant (Whitaker notamment semble servir de caution morale dans son rôle de bandit à demi-repenti). La présence de David Koepp au scénario est le gage d’une narration rutilante et sans temps mort, vraisemblablement à défaut d’originalité (effectivement pour Fenêtre secrète ; vraisemblablement pas pour Snake Eyes, parce que le script impeccable devenait un outil propice au penchant pour l’expérimentation formelle de DePalma – l’idéale combinaison). Et puis il y a Jodie Foster et c’est un argument considérable (quoique Flight Plan et Inside Man restent de gentils gros films ennuyeux). Enfin, Kristen Stewart (Bella de la saga Twilight) en garçon manqué, c’est si rétrospectivement surréaliste que le film a valeur de précieux documentaire.

David Fincher a fait un survival urbain, sans antécédent sérieux et frontal dans le cinéma mainstream (hormis peut-être les deux opus de Die Hard réalisés par McTiernan). Panic Room est totalement en phase avec son époque, celle d’une réalité paranoiaque et d’une real Tv concentrationnaire (un jeu où les fauves sûrs d’eux deviennent des pions sacrifiés – l’un des trois bandits mourra au cours du cauchemar). Dans cette perspective, la stylisation extrême sied parfaitement au film : la caméra est si omnipotente que sa présence se rappelle à nous, instaurant une ambiguité plus troublante que les aléas entre gangsters et otages. La grammaire spatiale de Panic Room est inhumaine et, en cela, effectivement avant-gardiste : son architecture étouffante cercle des zombis animés malgré eux et c’est sans doute le vrai sujet du film, réflexion sur l’image digne de l’Hitchcock le plus abusivement conceptuel.

L’intimité dans ces lieux devient grotesque, incongrue (les actes anodins des personnages sont l’objet de l’attention, ce dont eux n’ont aucunement conscience, pas plus que la menace qui pèse sur eux). Sous le béton, on ne vous entendra pas crier : on vous observe simplement frémir. On pourrait voir Panic Room comme un reflet moderniste de Blue Velvet : la différence (outre l’absence de profondeur faisant la puissance du film de Lynch), c’est qu’ici la noirceur d’un monde caché ne s’expose pas au monde sensible par une bascule au-delà des apparences, mais à cause de ces apparences elles-même. Le final rappelle également celui du film de Lynch, en beaucoup plus ouvertement  »factice » : la légèreté retrouvée est un encart désuet dans un monde ultra-surveillé et réglementé.

Avec The Game, Panic Room (ses deux  »thrillers » donc) est le plus mésestimé des Fincher, alors que dans ces exercices de style apparemment plus lisses, le cinéaste se lâche comme jamais, découvrant une élasticité nouvelles aux codes du genre. De là à dire que le cinéaste était un visionnaire, il n’y avait qu’un pas que Zodiac stoppera net. Panic Room est sans doute le point de rupture de l’oeuvre, c’est d’ailleurs le dernier à faire la démonstration de la griffe unique du designer (issu de la publicité lorsqu’il confectionne Alien 3). L’atmosphère et l’habillage excessivement sombres, une constante chez Fincher, disparaîtront eux aussi avec le tournant Zodiac. Avant la décrépitude, la séance du samedi soir coup-de-poing de Fincher se révélait, peut-être un peu malgré elle, première fiction post-11/09.

Note globale 76

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Suggestions…

David Fincher sur Zogarok >> Gone Girl (2014) + The Social Network + Zodiac + Panic Room + Fight Club + The Game + Seven (1995) + Alien 3

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