2sur5 Cousin des V/H/S et de The Theatre Bizarre, ABCs of Death est un film à sketches horrifiques sorti en 2012. Composé de 26 segments pour 26 lettres de l’alphabet, il est donc forcément un recueil de courts, plus qu’un film à sketches. Les concepteurs du projet font savoir qu’ils ont laissé une totale liberté aux auteurs : encore heureux, compte tenu de l’absence quasi totale de moyens (5.000 $ pour chacun).
→ 1) A for Apocalypse – Nacho Vigalondo (2) = Effets sanguinolents et stupides (la main), avec twist rouge sang tout pourri. Vigalondo reste l’homme d’un film (Los Cronocrimines), finalement, son Extraterrestre étant un hybride pénible et ce truc étant juste une baudruche vide.
→ 2) B for Bigfoot – Adrian Garcia Bogliano (6+) = Des parents inventent une histoire pour contraindre leur fille à s’endormir ou au moins, rester au lit en paix. Mission réussie pour eux et pour le réalisateur : c’est implacable, un peu simpliste.
→ 3) C for Cycle – Ernesto Diaz Espinoza (2+) = un type se découvre dépassé par son double, bien décidé à le rayer de la carte. Bonne idée emmenée nulle part, le résultat n’a aucun intérêt.
→ 4) D for Dogfight – Marcel Sariento (6) = combat entre un chien et un homme aux gants de boxe ; tout est au ralenti et en musique, c’est impeccable techniquement. Voilà clip valable, éblouissant dans le contexte de cette collection, juste vaguement intéressant en soi.
→ 5) E for Exterminate – Angela Bettis (3+) = un mec poursuivi par une araignée, sans savoir à quel point. Sorte de gag légèrement sinistre, avec de très moches effets, E s’arrête quand il pourrait devenir intéressant. Intriguant malgré tout, mais évitant soigneusement tout ce qui fait son intérêt, un court signé par l’interprète de May, qui a également joué dans l’opus des Masters of Horror dirigé par le même réalisateur, Lucky McKee.
→ 6) F for Fart – Noburo Iguchi (4+) = rêve d’un au-delà où nous serions dégueulasses sans gêne ; c’est hideux mais ingénieux et tellement atterrant. Comme Shyness Machine Girl, ce mauvais goût définitif mordant sur la SF est une démonstration de ce que les V-Videos (japonais) font de plus déjanté et inassumable.
→ 7) G for Gravity – Andrew Traucki (2-) = un surfeur part en vadrouille et se fait vraisemblablement capturer et absorber par quelque chose. Voilà. Ok. Superbe plan final sur la solitude d’une planche légèrement rouillée par le sang.
→ 8) H for Hydro-Electric Diffusion – Thomas Malling (3-) = un homme-chien assiste à un spectacle sexy ; mais la belle femme-chienne est en fait une nazie qui lui veut mal. Salut les attardés ! Laid et stupide, mais fort en gadgets, la chose a cette identité visuelle cartoonesque pour (et contre) elle.
→ 9) I for Ingrown – Jorge Michel Grau (6) = bonne carte de visite pour un éventuel castin du thriller glauque ; garde le mystère et ça lui va bien. Réalisateur stylé, attire l’attention, mais une fois le moment passé, ne laisse rien.
→ 10) J for Jidai-geki – Yûdai Yamaguchi (2) = histoire de samourai à l’humour slapstick : des effets spéciaux, c’est tout – d’une bêtise assez irritante.
→ 11) K for Klutz – Anders Morgenthaler (2+) = une femme se rend aux toilettes pendant une fête ; mais sa crotte rebondit et la poursuit. Qu’est-ce qu’on se marre. Style BD, un truc proche des sketches pour beaufs sur les petites gênes et fixations du quotidien, entre la belle-mère et un obscur délire sur la façon de marcher des gens, sauf qu’ici c’est trash et ça finit dans le sang. Pittoresque et infect.
→ 12) L for Libido – Timo Tjahjanto (7) = enfin un vrai film, d’horreur, extrêmement malsain, barré et recherché. Une abomination, mais une inventive et soignée, touchant fondamentalement ; c’est ce que nous désespérons de trouver, non ? La sauvagerie sadienne avec les avantages d’un équipement contemporain, dans un cadre élitiste : voilà une hallucination pour paranoïaques, pessimistes et pervers torturés. Tjahjanto se met à l’ombre d’oeuvres comme Salo, Eyes Wide Shut ou Hostel ; il n’en a pas nécessairement l’intelligence ni la profondeur, c’est aux œuvres ultérieures de ce cinéaste indonésien d’éclairer le spectateur. Les fans de l’épisode La Maison des sévices de Miike pour Masters of Horror pourront aimer.
→ 13) M for Miscarriage – Ti West (2-) = encore une histoire de caca et de toilettes ; très étrange, une femme en difficulté avec sa chasse, sa cuve pleine de sang ; une minute ; ok, et donc ? Co-réalisateur de V/H/S, Ti West pourrait être un génie, son one shot reste une arnaque et il faudrait encore les pires des gogos pour y prêter des intentions pertinentes.
→ 14) N for Nuptials – Banjong Pisanthanakun (3) = une mignonne histoire de mariage et de perroquet, tournant mal à cause de quelques révélations. N nous prend par les sentiments, mais il faut aussi voir le contenu et le lien avec une anthologie de l’horreur : et là, c’est tout petit et quelconque, forcément. Les trois points pour toi petit oiseau chéri, mais à condition de ne pas les partager.
→ 15) O for Orgasm – Bruno Forzani & Héléne Cattet (7+) = métaphore clippesque du cunnilingus. Le tandem Cattet/Forzani avait déjà frappé fort avec Amer et confirme : c’est reconnaissable entre mille, c’est beau, c’est un rêve de cinéphiles et s’il doit y en avoir un, ce sera le nouveau giallo. Le seul regret : que les auteurs se salissent en confiant leur petite merveille à cette sombre merde.
→ 16) P for Pressure – Simon Rumley (6+) = Film sans dialogue et en musique, avec un petit côté Drive/Only god ; dans une banlieue latino, une mère avance au jour le jour et doit gagner de l’argent, choix bizarre pour la démonstration finale, bizarre mais pas aberrant. Point de vue valable.
→ 17) Q for Quack – Adam Wingard & Simon Barrett (2) = les deux réalisateurs, chargés de réaliser Q profitent de l’opportunité pour faire une petite mise en abyme. C’est lourdaud dans l’idée comme dans l’humour, ça se veut cynique mais finalement humble, ça débouche sur un canard dans le désert que nos deux génies contrariés n’arrivent pas à décimer.
→ 18) R for Removed – Srdjan Spasojevic (7-) = les expériences en laboratoire sur le corps d’un homme ; ou plutôt les restes de son dos. Segment sale en général, boucher en particulier. Mystérieux, raffiné et aux portes du surréalisme, R est une réussite de la part du réalisateur de A Serbian Film, un de ces « film le plus horrible de tous les temps », raté probablement mais peut-être pas si cynique qu’on l’a prétendu.
→ 19) S for Speed – Jake West (5+) = du Robert Rodriguez pimpant cachant une sombre réalité. Pas mal, sur le plan graphique au moins et avec un bon twist, mais tout de même léger voir simpliste. Par le réalisateur de Evil Aliens et Razor Blade Smile.
→ 20) T for Toilet – Lee Hardcastle (7+) = un garçon apprend à allez aux toilettes ; en pâte à modeler, excellent et très inventif. Le début, rassure pas, mais très vite, le court s’avère passionnant et est l’une des quelques réussites notables de la collection.
→ 21) U for Unerthead – Ben Wheatley (3-) = caméra subjective, nous sommes à la place d’un démon/vampire agressé et poursuivi par des hommes. Initiative percutante, sauf que le réalisateur n’en fait rien ; la violence sauvage masque l’ennui et le vide de ce triste objet. L’emprunte du mystificateur pompeux et sans sujet de Kill List se ressent.
→ 22) V for Vagitus – Kaare Andrews (5+) = valable techniquement, avec sa petite idée dystopique, son mysticisme bactériologique, cet opus vire au n’importe quoi, mais avec style – proche jeu vidéo.
→ 23) W for WTF ! – Jon Schnepp (4+) = au début, un film d’animation rappelant Hôpital Brut, en version violente et MTV ; en fait, deux auteurs sont chargés de réaliser le segment « W » et tatonnant entre les termes (woman, warts, werewolf?). On explore les possibilités de façon ultra rapide puis le WTF s’abat sur la réalité. La prophétie s’éternise pour rien et le mec à la casquette au début joue mal. Sinon, c’est hystérique et WTF comme prévu, le pari est donc tenu même s’il y a des redondances.
→ 24) X for XXL – Xavier Gens (6+) = court de Gens (The Divide) avec toujours ce côté engagé, ultra-naif mais tellement accompli dans son idée que ça fonctionne et prend sens. La seconde partie, sanglante, difficile à voir : heureusement que l’apparition finale est évidemment unautre modèle ; ce qui malheureusement, se devine un peu. La démonstration sur la dictature de la minceur et son effet mesquin et ostracisant sur certaines femmes est très ruéssie. Gens sait mettre en valeur ses idées, même quand elles sont ultra candides – Frontière(s). La ’cause’ qu’il sert ici peut être méprisée ou sans intérêt à nos yeux, le charme opère tout de même. Gens est un artisan généreux avec une espèce d’intégrité, en termes de cinéma comme à un niveau plus terre-à-terre, humain.
→ 25) Y for Youngbuck – Jason Eisener (6) = un pédophile avec une tête d’inquisiteur d’obscur donjon et des jeunes jouant au basket. Fluorescent et rigolo au départ, parfois gênant, mais pittoresque avec une bonne vengeance à la clé.
→ 26) Z for Zetsumetsu [extinction] – Yoshihiro Nishimura (5+) = le début est minable, avec la dénonciation misérable de l’Amérique sur un pauvre motif obscur. Puis c’est le festival WTF scabreux, avec érotico-gore : le film s’épanouit dans cette grossièreté là (le combat des deux femmes), le reste est trop débile. Pas tellement dans la lignée de Tokyo Gore Police, l’ensemble se rapproche du second degré nippon conventionnel, avec les décors enfantins, la SF improbable et les effets psychédéliques. Peu de créatures, peu d’invention véritable, c’est assez décevant lorsqu’on se rappelle que l’auteur est celui d’un Tokyo Gore si génial, meilleur opus des V-Video gores et excentriques de très loin.
Info aux réalisateurs : le spectateur n’est pas nécessairement ivre mort ; et si vous l’êtes, sachez que le spectateur n’est pas votre cobaye servile. C’était de la merde, de la sombre merde, avec même deux courts d’à peine une minute n’ayant strictement aucune validité ; et il y avait tout de même quelques bonnes choses. La qualification de film à sketches, formule déjà parfois pénible et amenée à son degré le plus inepte ici, est limite : s’il n’y a par bonheur pas de transitions, cette entorse était une nécessité.
Merci aux quelques réalisateurs capables de faire preuve de sérieux (comme Welz, Jorge Michel Grau sur I). Globalement, ce fut extrêmement désagréable, bien plus que V/H/S 2 et d’une laideur redoutable. ABCs of Death est le pire des films à sketches horrifiques des années 2010-2013. S’il ne s’enfonce pas dans les poubelles du cinéma, c’est grâce à une poignée de contributeurs remarquables, au milieu desquels s’invitent les malins, les créateurs précieux snobant l’exercice, les performers fatigués (Nishimura pour Z) et d’autres totalement cyniques ou puérils.
Note globale 36
Page IMDB + Zoga sur SC
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