PACIFIC RIM +

21 Juil

Ni reboot ni remake, le blockbuster de l’été 2013 marque le retour sur grand écran de Guillermo del Toro après quelques contrariétés (débouté du tournage de The Hobbit). Mêlant fantastique et SF dans un présent fantasmé, Pacific Rim est un divertissement exceptionnel, étranger à toutes références géopolitiques : on est tenté de résumer Transformers meet Inception mais Pacific Rim est encore au-delà puisque Guillermo del Toro y invente tous les repères, pour un spectacle titanesque, auto-référencé, à la fois mature, généreux et ingénieux. En parfait geek revendiqué, le cinéaste mexicain accomplit un rêve d’enfant en rendant hommage aux kai eiga, ces films de monstres japonais ayant donné lieu à plusieurs franchises dans les 50s et dont Godzilla est la figure la plus représentative.

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Et cette emphase est communicative : Del Toro déroule des enjeux limpides, sans niaiserie ni ambition métaphysiques, simplement pour le plaisir des sens. Le face-à-face des Kaijū, monstres issus des océans, et des Jaeger, robots géants pilotés par les hommes pour tenir les créatures en échec, débouche sur un climax de trois quart-d’heure de pures scènes d’action, dégageant une poésie organique et concluant en apothéose ce feu-d’artifice. Si une suite est probable, Del Toro n’a pas fait dans la rétention pour autant, parvenant même à synthétiser la matière d’une saga sur un seul long-métrage ; tout au plus, on peut reprocher au film de ne pas laisser le temps de prendre de recul, mais c’est un moindre mal, mieux, c’est sa plus grande victoire. Car face à Pacific Rim on profite du moment présent et ne voudrait pas être ailleurs : c’est rare et c’est l’une des missions premières du cinéma, même si on finit par l’oublier, d’autant plus lorsqu’on le fréquente assidûment.

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Comme pour les Hellboy, la limite de Pacific Rim est dans sa modération sur la dimension humaine, matière à la fois franchement et superficiellement abordée. Toutefois Del Toro réussit parfaitement l’identification aux personnages ; il réussit même à donner corps à l’aventure elle-même et tisse ainsi un lien entre ses fantasmes projetés à l’écran et notre esprit dévoué, en réveillant une sorte de transe enfantine par son imaginaire vertigineux, mais aussi et surtout, viscéral ! Lorsqu’un virtuose parle aussi le langage des tripes, c’est l’accomplissement. L’idée de la fusion entre deux unités (la « neuro-compatibilité » des co-pilotes, l’association des deux scientifiques) sert ce dessein ; et les acteurs font également fusion avec ce tourbillon (au lieu de l’accompagner doctement comme souvent dans le genre), au point que leurs performances suscitent le même attachement ; Idris Elba (le héros de Luther) en Général, Mako et Raleigh partageant le pilotage du Jaeger et les destins cabossés, ou le nerd fou, sorte de Sid de L’Age de Glace en mode surdoué, sont autant de héros catégoriques, inspirant la proximité (ils sont simples) et l’attractivité exercée par ceux qui savent prendre le risque de sauter dans un bain de lave.

Note globale 74

Page Allocine

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Aspects favorables

Aspects défavorables

* le bonheur d’éprouver un émerveillement enfantin

* un imaginaire prolixe et auto-référencé

* la satisfaction de faire corps avec cet univers

* un divertissement viscéral, presque dionysiaque

* c’est très inconséquent de nous rappeler que, parfois, oublier de réfléchir fait autant de bien…

* … les relatives limites humaines alors ?

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 Voir l’index cinéma de Zogarok

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6 Réponses to “PACIFIC RIM +”

  1. Voracinéphile juillet 21, 2013 à 00:30 #

    Toi quand tu es enthousiaste, tu ne mâches pas tes points… Une véritable attraction, aussi généreuse qu’enthousiasmante, donc. Au diable tous ces pisse-froids qui ne peuvent pas jouir sans leur cerveau (dont je fais un peu partie), le temps est à l’uppercut et au punch tonitruant. Tiens, tu as réussi à t’identifier aussi aux personnages. Tout le monde semble agacé par ces scientifiques, personnellement, je les ai beaucoup aimé, dans leur exagération constante (ah, si seulement les sciences étaient aussi exubérantes…). Je trouve aussi que le divertissement est largement honnête, et qu’il évite beaucoup de fautes de goût habituellement commises. Malheureusement, le final à l’issue du combat contre le catégorie 5 est un peu trop surréaliste pour conserver l’intensité. Probablement que les studios n’ont pas voulu sacrifier leur héros, dommage car l’issue en aurait été plus marquante (avec, pour une fois, l’opportunité d’accomplir un sacrifice limpide, dépouillé de tout patriotisme). Occasion manquée, mais le résultat en images est un régal de tous les instants.
    Bien de souligner que l’univers est effectivement créé de toutes pièces, il crée effectivement sa propre mythologie et ses propres codes. Et c’est aussi l’occasion pour Guillermo de faire à nouveau éclater la richesse de ses univers.
    Et n’en déplaisent aux détracteurs, mais le cabotinage de Ron Perlman est juste un régal, d’authentiques fous rires quand on le reconnaît dans un rôle aussi… inattendu.

    • zogarok juillet 21, 2013 à 01:32 #

      Un nanardophile comme toi qui ne pourrait jouir que par le cerveau ? Je suis sceptique. Au contraire même. Ca pourrait être mon problème en revanche (la fixation sur la pensée engendre la froideur de mes articles) mais je prend la chose avec ironie justement (le « défavorable ») ; ce n’est pas le ton habituel de la maison Zogarok, sauf que c’est une vérité : oui, Pacific Rim vaut fondamentalement comme spectacle pop-corn et la plupart des analyses à son sujet, si elles étaient strictement dans les considérations mentales, seraient hors-sujet… puisque ça ne l’est pas ! Bien sûr il y a des aspects sociaux, idéologiques éventuellement (les nations unifiées contre les Kaiju), mais tout ça tient plus du folklore, du réflexe ; aucune intention, même non-conscientisée, qui soit forte derrière. Alors pour une fois, j’ai regardé un film sans tellement réfléchir et… c’est lui qui a réussi à m’en convaincre.

      Alors oui, 4sur5. Pourquoi pas ; c’est comme pour LOOPER, un 3+ qui, avec le recul, n’a pas de raisons de ne pas devenir un 4, lorsque l’analyse se détache justement d’une modération excessive (j’hésite -encore aujourd’hui- souvent à faire monter certains films ; et ce sont des scrupules parasites, pour le coup).
      Qui dans son domaine fait autant ? Je n’ai pas encore vu WOLRD WAR Z ; mais en-dehors de cet hypothétique concurrent, je ne vois pas où (sur les dernières années) est le pop-corn movie parvenant à ce niveau de virtuosité, de charme et d’efficacité, avec en prime, une identité aussi marquée.

      Si, carrément patriotique. Pas d’américanisme. Mais un patriotisme intégral (mais sans patrie ; un peu comme une religion, mais sans commandements explicites). D’ailleurs le lyrisme consensuel et le collectivisme heureux est de la partie !

      Totalement d’accord sur Perlman – même si je ne le cite pas. Sa performance prend par surprise et c’est tellement.. « trop » qu’on s’en amuse avant de comprendre pourquoi.

  2. selenien juillet 22, 2013 à 13:40 #

    Visuellement sublime et question action, sombre et très efficace mais je reste un poil déçu par les raccourcis dramaturgiques, presque bâclés (liens pères-anfants, d et disparition des 2 équipages trop expéditifs)… 3/4

    • zogarok juillet 30, 2013 à 12:21 #

      Oui, surtout pour le second aspect ; mais bien que j’ai relevé, ça n’a pas entamé mon enthousiasme ni la force du spectacle. Peut-être que la suite sera plus profonde à ce niveau. Ce sera probablement une condition nécessaire, un tel tour de manège n’est pas possible sur une saga (il ne peut pas la justifier).

  3. maxlamenace89 juillet 22, 2013 à 18:24 #

    Excellent blockbuster, j’ai pris énormément de plaisir devant ce film qui délivre la marchandise sans oublier de développer ses personnages et leurs émotions, même si c’est pas bien profond. Très bonne critique !

    • zogarok juillet 30, 2013 à 12:17 #

      Tout comme toi ! Ce sera l’un des meilleurs de 2013 pour moi.

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