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LA BALADE SAUVAGE **

15 Août

la balade sauvage

3sur5  Terrence Malick, l’homme aux cinq films adulés en 38 ans, a commencé sa carrière comme journaliste, avant de très vite entrer à l’American Film Institute et côtoyer des producteurs. Il intervient comme script doctor sur L’Inspecteur Harry et est chargé d’une commande qui n’aboutit pas. Peu après il réalise, à 28 ans, son premier film : Badlands, inspiré de la balade meurtrière de jeunes amants du Middle West en 1957. Sissy Spacek (Carrie) et Martin Sheen interprètent ce couple atypique et mal assorti.

Elle est la fille d’un peintre, une gamine un peu étrange et isolée. Il est éboueur sans avenir, le petit paumé à la belle gueule flirtant avec la délinquance. Il l’approche, elle sait que son père ne voudra pas, mais elle cède sans la moindre résistance car le processus est engagé. Lui est possessif et dur, une bizarre combinaison de trivial rude et de rebelle stoïque. Il ne supporte pas que son beau-père de circonstance le repousse et le dénie : il le tue, sans méchanceté, par instinct. Ils doivent partir, pour s’aimer ce sera ailleurs.

Le road-movie commence et tous les deux s’évadent pour des instants chastes et contemplatifs. Malick introduit leur rapport à la Nature, eux deux seuls et les paysages immenses sur lesquels les Hommes n’ont encore pas de prise. Toute sa signature est là, tant pour le soin de la photo et des prises de vue, l’usage de paysages mirifiques, mais aussi la vision très originale de Malick. Bonnie and Clyde version Malick est lunaire et spirituel, installe le couple malickien où l’homme est en charge des affaires du réel et se montre plus ou moins affecté, plus ou moins sauvage, la femme étant la créature dévouée et évanescente avec l’ascendant moral et la vertu intrinsèque.

Ici monsieur est un petit prolo sobre devenant prédateur avec son fusil : qu’il tire soudainement sur les gens est normal et doit rester inexpliqué pour elle comme pour nous – c’est dans le texte ; puis c’est justifié parce qu’il faut « tuer tous les témoins ». En face, madame est la bonne âme perdue heureuse de trouver quelqu’un s’intéressant à elle. Elle s’obstine à le trouver peu violent, même si elle remarque que somme toute, elle connait peu de choses sur lui et son parcours. Et puis comme lui s’est grillé, qu’elle le sait, elle a au moins les bénéfices du fatalisme. Elle s’en sortira et pourra rester le museau éthéré entre rêveries et tâches assignées.

Note globale 60

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Suggestions… Hanging Rock + Outsiders

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Malick sur Zogarok >> A la merveille + Tree of Life + Le Nouveau Monde + La Ligne Rouge + Les Moissons du Ciel + La Balade Sauvage

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BROKEN FLOWERS **

30 Avr

broken flowers

2sur5  Don Johnston est un ancien séducteur, aujourd’hui stoïque. Son élan vital semble perdu à tout-jamais et il se résigne machinalement à retrouver une énième fois sa condition de célibataire endurci alors que sa dernière conquête s’enfuit. Il reçoit alors une lettre anonyme lui apprenant qu’il est père d’un fils le recherchant. Son ami, grand lecteur et se prétendant rédacteur lui-même de polars, le pousse à retrouver son fils. Johnston l’apathique entreprend alors le voyage, sans conviction.

S’ensuit alors un semi road-movie dans le ton habituel du cinéma de Jarmusch, léger et affable, doux et perplexe. C’est du mélancolique cotonneux, sans vraie mélancolie, sans tourments non plus, juste ce mélange de sidération bonhomme et de patience, avec un héros avançant dans un réel sans brouillard, sans promesses non plus. Broken Flowers vire au film à sketches, fatalement, avec les retrouvailles des anciennes amantes devant lesquelles Johnston arrive, l’air neutre mais présent derrière son bouquet de roses.

La séquence avec Jessica Lange, avocate reconvertie en communicatrice pour animaux, est la plus sympathique. Le spectacle dans son ensemble est mou et plaisant, n’allant nulle part comme son héros s’en doutait. Il n’y aurait absolument aucun intérêt si cette atmosphère ne retranscrivait pas la solitude d’un homme dont l’âme s’est envolée et l’humanité évanouie à un niveau juste fonctionnel. Jolie manière d’anticiper les lendemains moroses des dandy et don Juan tout vides sous leurs masques.

Note globale 53

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Suggestions…

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Jim Jarmusch sur Zogarok >> Only lovers left alive + Broken Flowers + Dead Man + Stranger than Paradise

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POINT LIMITE ZÉRO *

29 Oct

2sur5 Recommandable aux amateurs de road-movie et très représentatif d’un certain cinéma des 70s, Point limite zéro est le film d’une génération contestataire essoufflée. Devenu culte, il est l’objet de sur-interprétations abondantes ; pourtant l’ambiance seule peut justifier un attachement ou un respect prononcés pour cette œuvre. Toutefois Point limite est trop candide, sporadique et sans vision. Il restera à l’ombre de Easy Rider et de Zabriski Point auxquels il emboîte le pas, tandis que tout le désenchantement nihiliste qu’il exprime ressemble à un brouillon honteux des deux premiers Max Max, conçus par George Miller en Australie à la fin de la décennie.

Vanishing Point est en fait un produit d’exploitation émancipé, où un commentaire idéaliste et anarchiste vient s’ajouter aux performances mécaniques. Le film propose de longues scènes de poursuites dans l’Amérique sauvage, sympathiques mais guère intenses ; ce qui fait le charme du film, c’est le désir de liberté exprimé, par l’action ; et la nécessité d’avancer dans cette nature hostile mais prompte à être dominée. La puissance en revanche est le gros manque de Point limite.

Ce point compromettant se marie assez bien avec le propos du film et la trajectoire de son personnage car il est aussi l’histoire d’un échec. Comme plus tard dans Thelma et Louise, on salue l’héroïsme de celui qui en évitant la punition d’une société fermée, préfère mourir libre aux pieds des forces de l’ordre qui le rattrape. Un choix regrettable mais apportant un peu de noblesse au tableau. En effet, Vanishing Point se veut brûlot et sa grossièreté ne serait pas un problème s’il frappait fort et précis, or il est insignifiant et confus.

Il exprime tout de même un rapport à l’existant d’un gauchisme navré et démoralisant. L’Amérique ? Un pays pourri rempli de bouseux racistes et d’intolérants. Les péquenauds sont vraiment les ennemis de la liberté et le cancer de l’Humanité ! Mais un cancer silencieux, regardez-bien comme ils sont là, bientôt la bave aux lèvres : la réalisation le souligne pour vous aider. Mais les soucis de l’homme viril quoique paumé ne s’arrêtent pas là.

Intervient alors la touche comique : c’est qu’on croise des pédés parfois, mais mieux vaut en rire. C’est donc l’occasion d’insinuer dans ce film très déprimé un humour gaillard, mais bon enfant, pas comme chez Eastwood. Par contre au milieu de ces figurines déshumanisées pour mieux les humilier et se rassurer sur sa condition de blaireau aux burnes contrariées, il y a les noirs ! Richard Sarafian et Kowalski sentent bien qu’ils subissent l’oppression, celle des institutions et celle des hommes du quotidien, aussi ils sont sensibles à leur cause. Enfin il y a les hippies, de bons gars mais à petite dose.

Vanishing Point est un film opportuniste et primaire, mais de bonne volonté et comme le disent les artistes et les groupies pour défendre une œuvre sans se fouler : sincère. Il a le malheur de pomper toutes ses idées chez les autres et d’avoir de la peine à aligner quoique ce soit de façon intelligible. Il n’est finalement qu’un objet cool mais dépressif, à l’existentialisme concret, dont la construction est si catastrophique (c’est en fait un empilement de flashback) qu’il semble étouffé par trop d’inspiration et de sentiments non élucidés et présentés avec peine. Ils n’en demeurent pas moins lisibles et peuvent faire écho chez un public partageant les valeurs, les rêves et les désillusions affichées.

Note globale 37

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LÉGITIME VIOLENCE =+

21 Fév

rolling eyes 1

Basé sur un scénario de Paul Schrader un an après sa contribution à Taxi Driver, Légitime violence subit souvent la comparaison à ce dernier. Il est forcément perdant puisque le rapport au personnage principal est toujours externe et qu’il ne montre aucune sensibilité. Légitime Violence est également moins complexe et les antagonistes de son héros n’ont pas de véritable présence. Enfin le scénario de Schrader a été légèrement retouché par Heywood Gould, amenant Schrader à calomnier le résultat, où son emprunte se ressent toujours fortement.

Rolling Thunder n’est pas un film tout à fait brillant, mais intense et très proche du cinéma de Peckinpah. C’est également un très bon représentant des 70s en tant que décennie des films indépendants brûlants et cyniques. Il est convaincant dans son approche de la condition psychologique des anciens vétérans du Viet-Nam et plus largement des individus ayant subi la torture. La fausse romance avec Linda ajoute au décalage du film et de l’univers du Major Charles Rane.

Le spectateur n’a pas de véritable repère ni exutoire et la froideur parfaite étreignant Rane agit comme une matrice invisible. Tout a un goût amer et cruel à la surface, toute satisfaction semble inutile, tout désir semble impossible. William Devane et son physique original sont parfaits pour interpréter ce sous-vivant, faisant du meurtre de ses agresseurs à son retour aux Etats-Unis la catharsis pour l’ensemble de ses souffrances.

La réalisation est assez nerveuse, les espaces bien choisis, malgré un cachet relativement modeste. John Flynn est efficace même s’il a moins d’idées que ses auteurs et moins d’impact que ses interprètes (Linda Haynes excellente en fausse femme parfaite, fausse « groupie » et vraie dure). Il réalisera dix ans plus tard Haute sécurité et Justice sauvage, films d’action avec en vedette Stallone et Seagal, appréciés par les nanardeux férus de dialogues badass. Enfin en dépit de sa présence parmi les films cultes de Tarantino, Rolling Thunder demeure largement ignoré.

Note globale 69

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Suggestions… Driller Killer + Ces garçons qui venaient du Brésil 

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APPORTEZ-MOI LA TÊTE D’ALFREDO GARCIA ***

23 Déc

alfredo garcia

4sur5  En 1973 Peckinpah donne sa version du vieux mythe Pat Garrett et Billy le Kid, quatre ans après sa Horde Sauvage. Leone avait réformé le western dans les années 1960, Peckinpah achève totalement le cadavre du western hollywoodien classique. Egal à lui-même, il enchaîne sur Bring me the head of Alfredo Garcia, road-movie enrobé par des résidus de néo-western. C’est un nouveau déferlement de violence de la part du réalisateur de Croix de fer et Chiens de paille.

Dans Alfredo Garcia, le spectateur n’a aucune attache rassurante ou figure flatteuse. Tous sont des ordures (cyniques ou antipathiques) ou alors des dégueulasses (pouilleux et petites frappes) ; du moins ceux qui existent, les autres étant des fantômes le plus souvent aliénés ou planqués. Cette vision terriblement amère cohabite avec une sensibilité immense et Peckinpah fait aimer malgré tout ces monstres ; difficile de ne pas éprouver une petite tendresse pour Bennie le salaud et Ileta, sa nouvelle amante totalement dépassée.

Avec Alfredo Garcia, Peckinpah a réalisé un road-movie post-hippie très glauque, où se présente l’illusion d’un monde serein, d’une vie saine et hédoniste, torpillée par les pulsions violentes, l’animalité d’hommes crasseux et la corruption. La loi n’existe pas et l’univers présenté par Peckinpah est un désert horizontal, étouffant et laid, avec toutefois ses zones de repos. Les tyrans organisés ont le pouvoir et les gens ordinaires sont libres de tout tant qu’ils ne sont pas à leur merci. La nostalgie et la beauté de Pat Garrett ont disparues, ici l’Ouest est sordide et rien d’autre, l’élévation et l’harmonie sont impossibles, au mieux on se trouve une bulle moche mais tranquille, mais se condamne à y mourir.

Note globale 76

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Suggestions… Légitime Violence + Aguirre + Kalifornia

 

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