TRILOGIE MAD MAX =+

16 Mai


MAD MAX ***

4sur5  Victime d’une censure massive et disproportionnée, Mad Max surprendra les spectateurs s’attendant à une redoutable violence graphique. Comme pour Massacre à la tronçonneuse qui écope lui aussi une interdiction aux moins de 18 ans en France, l’impardonnable audace du film est surtout son nihilisme.

Mad Max n’est pas un film irréprochable, la psychologie des personnages et la recherche de sens y font défaut. Cependant, avec un budget minimaliste, George Miller réussit des scènes d’action très efficaces et surtout invente un monde de la post-Histoire présenté avec intelligence, voir une part de génie. Il a su optimiser ses faibles moyens et s’en est trouvé récompensé puisque Mad Max est devenu un triomphe en Australie puis à l’international et demeure le film australien le plus rentable.

Post-histoire donc et décadence selon un point de vue extérieur comme celui de 1979 où sort le film. Il n’y a pas de regard moraliste là-dessus. George Miller montre plutôt une ère de désintégration, sans valeurs dominantes, où on vit sur les ruines de l’ancien monde : un monde de recyclage intégral, où en plus du système D généralisé, on expérimente les anciens schémas, les anciens matériaux, abstraits ou concrets peu importe.

Les flics sont des bandits assermentés quand les autres agents ne le sont pas ; le chef de la brigade est un queer totalement cynique. Attention, nous ne sommes pas dans La Sanction d’Eastwood où cela crée le malaise, ni dans Point limite zéro dont Mad Max est probablement inspiré. Il est un alien trash comme un autre dans ce gigantesque parc à troll qu’est devenue la planète. Il ne cherche pas à améliorer son environnement et n’a aucun état d’âme ; non par mesquinerie ou négligence, mais parce que c’est un homme de ce monde-là et c’en est même un vainqueur. Disposant des droits auquel personne n’accorde foi (la notion de société n’existe pas, la police est plus une milice privée à l’autorité pratique), il cultive son propre pré-carré et tire son épingle du  »jeu ».

C’est un monde sans manichéisme puisqu’il n’y a plus de méchants ni de gentils. Le niveau de la vision est passablement naif, le film ne l’est pas tant, il est plutôt dépassé par ses ambitions ; malgré son manque de maturité, c’est un excellent reflet des angoisses et du cynisme de la jeunesse se sachant sans futur. Il correspond davantage à l’époque de sa sortie en cela, en vertu des critères esthétiques exaltés (idem pour Mad Max 2) ; mais malgré cette désuétude, il peut parler à toutes les générations et en particulier celles confrontées à des crises ou plongées dans un contexte d’individualisme au sens pauvre.

Mel Gibson n’est clairement pas un atout du film. Alors inconnu, il incarne ce flic réalisant qu’il peut devenir un pourri, mais a l’humilité et la cohérence de ne pas se laisser hisser au rang de héros par son supérieur. Le jeu du futur auteur de La Passion du Christ est très rigide, poussif. Voilà le jeu premier mal à l’aise dans le costume trop grand qu’on lui prête, s’exécutant avec déférence mais semblant peu convaincu par lui-même ; et puis à d’autres moments, épanoui et parfait.

Uppercut désanchanté avant tout, série B séduisante et malicieuse, bancale mais avec du génie, Mad Max est resté le film à petit budget le plus rentable jusqu’au Projet Blair Witch vingt ans plus tard (1999). Il est d’une grande puissance, peut-être parasitée par des défauts scondaires, mais qui fait de la séance un moment à vivre malgré tout ; on sent déjà que ses personnages, ses courses, son monde parallèle, vont nous laisser quelques traces, aussi évidentes que ses aspérités.

Note globale 72

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions…  Happy Feet

 


MAD MAX 2 ****

4sur5 Jouissant d’un budget dix fois supérieur à celui du premier volet, George Miller réalise une suite dépassant son modèle. Mad Max 2 compte parmi les meilleurs films post-apocalyptiques jamais réalisés et surtout les plus influents. Il a aussi annexé le sous-genre du post-nuke (film d’action post-nucléaire). Si certaines productions s’y rattachant ont alors déjà existé, c’est Mad Max 2 qui en fait un vrai courant et en impose les repères. Le post-nuke sera une manne du bis et un créneau notamment occupé par les italiens. Cette catégorie de films a connu son âge d’or dans les années 1980 et Doomsday en était une résurgence en 2007.

Contrairement au premier opus, Mad Max 2 opte pour une mise en contexte de l’univers présenté. Il le situe dans un futur relativement proche et l’introduction expose l’écroulement de la société industrielle, l’épuisement des ressources et des énergies et les effets de la catastrophe écologique et nucléaire. Tout ce qui germait dans Mad Max s’accompli dans Mad Max 2 et celui-ci devient la mise en forme pénétrante et outrancière de la post-Histoire et de l’individualisme sauvage. Cette post-Histoire ressemble à une nouvelle Histoire primitive, avec les ruines de l’ancienne en plus ; sauf qu’il n’y a pas d’Histoire à écrire.

Tout ce qui existe, c’est ce qui est sous notre nez ; tout ce qui compte, c’est la survie, la sécurité et l’affirmation de soi. Bien sûr, les passions sont toutes autorisées, sauf celles qui rendent faibles à moins de vouloir être à la merci des prédateurs ou d’avoir un protecteur ; mais de toutes manières, aucune forteresse n’est sûre. Mad Max 2 exprime ainsi l’essence la plus pure d’un espace-temps où ne règnent que les survivants. C’est un univers tribal, où les bandes les plus impitoyables ou les mieux organisées l’emportent.

Les barbares peuvent être raffinés à bien des égards, soignent leurs performances et apparences, s’autorisent certains plaisirs ; mais l’Humanité a foutu le camp de toutes façons. Certains personnages sont déshumanisés, comme ce type perdant ses doigts et riant grassement avec la tribu. Dans ce cadre, Max aka Mel Gibson est un loup solitaire, qui n’a ni l’instinct de destruction ou le désir de toute-puissance des uns, ni le besoin de ré-assurance et de structure des autres. Il n’a pas la foi et ne veut pas se mentir ; il n’est pas près à devenir un héros, il est trop nihiliste pour ça. Il ne veut pas mener des hommes ni les dominer, il tâche simplement d’être libre car c’est tout ce qui la vie lui permet.

Ce voyage brutal, sans repos ni inhibition, est encore transcendé par le contexte purement physique. L’action se déroule dans une vallée de l’outback australien et renforce la splendeur et la sécheresse du spectacle. Mad Max 2 est l’un des films les plus pessimistes qui soit et nous plonge dans la non-civilisation avec un jusqu’au-boutisme inégalable. C’est le western psychotique à son paroxysme, avec son bestiaire de costumes et de véhicules excentriques et démonstratifs.

Devant un tel déchaînement, l’attirance pour cette liberté morbide mais sans limites contrarie largement la condamnation morale d’un état du monde aussi achevé dans la monstruosité, au point que souffrir du manque de constructions sociales est hors-de-propos. Pour les punks nazillons itinérants et leur leader le gladiateur, sorte de bourreau sensible et théâtral, il y a un plaisir pervers à vivre dans ce monde-là. Ils sont des Caligula sans le luxe, à l’inspiration plus vive, paradoxalement plus sensés dans leurs délires.

Note globale 79

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions… Martyrs + Robocop + Phantom of the Paradise

MAD MAX 3 **

2sur5  Mad Max 3, la trahison. Où est le film violent et nihiliste, où est l’action sèche, où est notre héros torturé et indéfendable au milieu de quel monde de désolation ? Dès le générique d’intro, Tina annonce la réforme. Mad Max 3 est l’opus de la renaissance : fin de la post-Histoire, début d’une reprise. Elle s’organise autour de Bartertown, cité cruelle où la brutalité est toujours de la partie et sur laquelle règne une amazone, interprétée donc par la chanteuse, alors au sommet de sa gloire.

Le dôme du Tonnerre du titre est le lieu des combats organisés dans Barbertown, sorte de matchs de catch à la mort et sans la moindre règle pour les participants, sinon de finir vainqueur. De passage et peu apprécié par les autorités, Ma gagne mais refuse de mettre à mort son adversaire. Il est chassé de la ville et se retrouve dans le désert. Greffant des enfants autour de lui, il s’en va avec cette armée de liliputiens à l’assaut du cloaque de l’executive woman machiavélique la plus poussive, sinon simplement ratée, de la décennie.

Compétiteur de qualité au titre de film le plus con et joli de son époque, Mad Max 3 est une espèce de Conan le Barbare light, plus particulièrement adressé au public familial, qui viendra s’encanailler de manière plus pudique encore que devant Waterworld. C’est en effet un film enfantin, où le désert est un espace farce et attrapes épuisant. On se croirait presque dans Willow et il faut bien réaliser que Les Goonies est infiniment plus mûr, audacieux et violent que ce Dôme.

Co-réalisé avec George Ogilvie (qui n’a fait qu’un The Crossing sinon), le film abuse du volet dans ses transitions et donne l’impression d’étouffer sous sa fabrication, en contraste avec les deux premiers Mad Max où la mise en scène apparaissait plus volatile et percutante. Les décors sont le meilleur atout (notamment les passages plus contemplatifs dans les Montagnes Bleues), tandis que les bons gros gags et le badass de foire situe Mad Max 3 auprès du très beauf Une nuit en enfer, sans avoir là encore son volontarisme.

Miller et Ogilvie présentent une civilisation de retardés et explicitent exagérément les données. À Barbertown, tout le monde dit « nous vouloir », car les masses y sont stupides et il faut bien que l’illustration soit accessible à tous. La mise en scène procède de la même naiveté et s’inscrit plutôt dans le sillage d’Indiana Jones, mais n’a jamais le panache d’un cartoon ni les ressources d’un film d’aventures digne de ce nom. Il y a néanmoins ce petit côté Jeunet/Caro, avec tout ce bric-à-brac moite et crépusculaire, puis ces petits instants surréalistes comme le piège du nain et des cochons (avorté d’ailleurs).

Enfin, la guest Tina Turner livre une performance boursouflée et à la lisière d’un ridicule inspirant agacement et dépit. L’amertume redouble avec la conscience instinctive du gâchis provoqué par toutes ces vaines convulsions. Une telle prestation s’accorde à merveille avec ce Mad Max pour enfants déshydratés et hystériques. Son kitchissime We don’t need another hero, refermant le spectacle, est une bien meilleure contribution de Tina – et accessoirement son titre le plus connu.

Note globale 46

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Suggestions…

 

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