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SOUND OF MY VOICE =-

4 Déc

sound of my voice

Imaginant l’infiltration d’un couple de journalistes dans une secte, ce film américain sorti en 2012 s’est taillé une réputation modeste mais positive ; et intriguante, même s’il n’a pas su attirer les foules (il ne sort pas en salles en France). Par son programme, c’est un petit film divertissant et ambitieux. Son absence de génie et d’originalité va le tenir à l’écart d’une prise de hauteur sur son sujet. Le déroulement est exagérément prévisible et il n’y a aucune graduation entre les événements.

L’évolution dans la perspective des infiltrés est quasi nulle en-dehors du double retournement convenu. Les grandes lignes sont là pour entamer la route avec les armes de base, puis tout élan est cassé car ramené au conflit idiot : d’un côté, il faut montrer la nocivité des sectes et leur bêtise. La prêtresse de service tient des discours anti-intellectuels, appelle ses fidèles à oublier qui ils étaient pour se fondre dans le groupe canalisé par les soins de sa doctrine, use de sophismes assez violents afin de justifier l’aberrant.

D’un autre côté, il faut douter, montrer que la prêtresse croit bien à ses bullshit et peut-être même, qu’elle a raison ; Peter porte cette charge, intello ruminant humilié par Lorna et en totale remise en question. C’est le seul symptôme mis en avant dans le film et il est tenu à un niveau aussi confus que son état manifeste, le minimalisme et l’apathie du regard en plus. Sound of my Voice ne pas loin. Dans tous les domaines, il emploie des pancartes et recule, allant jusqu’à régresser vers les situations de couple dignes de telenovelas, où là encore il s’en tient à des déclamations très définitives et généralistes.

On dirait un film forgé sur un diagnostic-slogan ; assorti d’un « mais peut-être que » trimbalé avec une fausse discrétion perpétuellement surlignée. Au pire, toute cette mise en scène est nourrie et motivée par le petit twist ending éventé. Alors il faut préparer la petite pirouette et en chemin aligner les petits passages obligés. Au mieux il s’agissait de raconter une nouvelle un peu piquante à décorer avec un bon sens saupoudré d’objectivité de premier de la classe rachitique. Et la nouvelle n’avait pas vocation à être étirée.

Note globale 42

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Suggestions… Martha Marcy May Marlene + After Earth + Lost Highway

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SANS FILTRE / TRIANGLE OF SADNESS =-

7 Avr

Le dernier tiers (sur l’île) rehausse l’intérêt grâce au renversement des rapports de force. Les hypocrisies comme le reste deviennent quasi animales, les dénis devenus plus lourds à tenir s’accompagnent d’intimidations directes ; ‘sans filtre’ les prolos ont une chance et la saisissent. Malheureusement, il faut enchaîner des sessions de malaise de petit calibre mais de longue durée, ultra démonstratives et jamais drôles, pour arriver au déclencheur salvateur – le dîner virant à Braindead. En chemin, seul le ‘capitalist pig’ russe (Zlatko Buric vu dans Pusher 3) apporte une nuance de lourdeur plus franche.

Les deux premières parties (la mode, le yacht) sont quasi exactement tout ce qu’elles pouvaient être de la part de l’auteur de The Square s’il se laissait aller. La charge est à la fois naïve, cruelle, pleine de ressentiment ; même pour afficher le vide et la superficialité malade, ce film a la vue trop basse. Notamment dans la première partie, que veut-on nous dire ? Que ces jeunes idiots aiment ou veulent de l’argent ? C’est ‘la vérité’ à balancer ? Mais qui est trompé par ces apparences calculées, qui verra ses illusions détruites ici ? Sûrement pas un spectateur de ce film à la morale de socialiste amer et au focus de bourgeois mesquin, dégueulant un monde indigne de lui en prenant bien soin d’occulter tout ce qui pourrait avoir de la valeur. Le niveau median de finesse dans ce film, c’est souligner la présence d’une mouche sur le yacht pendant une séance photo ; quand la morale s’y mêle (ou qu’on se régale de cyniquement montrer ceux qui n’en auraient pas), c’est un homme qui tout en pleurant sa femme récupère les bijoux sur le cadavre. Cette vision ‘pessimiste’ étriquée et provocatrice (or dans le contexte il n’y a rien de si choquant), cette façon mesquine de s’expliquer l’humain, est soit la marque d’un esprit pauvre ou paresseux, soit celle d’un opportunisme qui aurait pu alimenter une carrière flamboyante dans tous les métiers de la démagogie (maintenons ‘aurait pu’ par charité envers nos leaders culturels).

Ostlund avec ses comédies goguenardes sous filtre distancié et ‘clinique’ se vautre exclusivement dans le minable : il côtoie les degrés les plus bêtes et des plus raffinés de ce qui est censé déshabiller l’homme civilisé de ses prétentions ; mais Solondz (Storytelling, Happiness) montre des facettes bien pires sans avoir cette manie d’identifier les personnages à leurs tares – et en s’interdisant cette largesse, le cinéma d’Ostlund reste au niveau de l’enfant gâté soudain heurté par le réel et très fier de réaliser à quel point les adultes sont moins lisses que prévu. Ce genre de sale gosse incapable d’un retour sur lui-même voit des lâchetés dans l’humain – il voit des brèches vers les âmes, alors il croit avoir tout vu. On veut peut-être jouer à mépriser le luxe au travers de Triangle of sadness ; ce qui est sûr, c’est qu’on s’y raconte que ces gens-là ne le méritent pas, mais que nous avons bien deux heures et demi à consacrer pour contempler leur déchéance (c’est cohérent comme du Haneke refaisant son Funny games). Il aurait mieux valu massacrer les repères de ce petit monde dès le départ, autrement dit ‘déshabiller’ comme on le fait sur l’île plutôt que se moquer doucement – même si dans tous les cas ce n’est que pour étaler des évidences, au moins dans la crise on trouve l’intensité et l’épaisseur que la simple ‘photo d’identité’ de crétins et d’abjects ne permet pas.

Écriture 3, Formel 7, Intensité 4 ; Pertinence 4, Style 3, Sympathie 4.

Note globale 42

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Suggestions… La grande bouffe + Le charme discret de la bourgeoisie

BIG MAMMA =-

12 Mar

Sept ans après Madame Doubtfire (comédie familiale centrée sur le travestissement ‘culte’ de Robin Williams) une version afro-américaine pleurnicheuse et scatologique est pondue : c’est Big Mamma, un classique du cinéma gras pour toute la famille. La sensibilité de la vieille nourrice anglaise est éjectée, les bonnes manières évaporées, le côté ‘yolo’ décuplé. Malgré ce terrain dégagé les hautes performances sont rares (la fausse Mamma à l’église, la vraie embarrassée par la tarte aux pruneaux), à la traîne derrière les grosses scènes de pseudo-nanar excentrique (à la Foldingue – franchise reposant sur le génie d’Eddie Murphy, modèle derrière lequel court Martin Lawrence) pour fin de bitures (comme l’accouchement). Beaucoup de passages sont à l’intersection, un pied dans la bouffonnerie, un autre dans le suspense, avec le petit ‘surmoi’ sentimental pour faire avancer les choses : le gosse (petit-fils de true big mamma) fait tomber des réactions censées ramener la ‘vérité’ émotionnelle engloutie dans un brouillard d’impulsions sociales, physiques, gastriques et verbales.

Sur le plan comique la vraie Big Mamma est peu exploitée malheureusement. Le film aurait été très différent s’il s’était focalisé sur cette femme dure et cynique. À la place il met en vedette une Big Mamma presque solaire, sorte de grand-mère badass ou de tatie gâteau. Martin Lawrence (Bad Boys, Le Chevalier black) assure quasiment à lui seul le spectacle, en roue libre pour imiter la vieille ou pour attraper l’opportunité romantique avec sa fille Sherry – cible initiale des agents du FBI. Le postulat policier est simpliste et son rôle secondaire. Il laisse sur son sillage des scènes de thriller totalement hors-sujet, mais curieusement convaincantes, avec leurs atours très menaçants. Finalement ce Big Mamma s’avère un peu ennuyant, plus crétin que massif dans ses joyeusetés. Trop de gags crétins type Soupe aux choux mélangé à la sexualité présentable devant les enfants ! Tarte à la crème typique, l’humour est aussi en mode tu-veux-mon-zizi : sur ce point, les séquences insistantes avec le rabougri joyeux envoûté par Big Mamma sont le sommet. Mais c’est un produit gentil et généreux dans la mesure des ressources de ses créateurs, avec quelques pics de lourdeur et d’euphorie pour compenser une paradoxale tiédeur sur le fond.

Note globale 42

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Suggestions…

Scénario & Écriture (1), Casting/Personnages (3), Dialogues (2), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (2), Ambition (2), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (1)

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PERFECT SENSE =-

22 Déc

perfect sense

Dans cette romance avec Eva Green et Ewan McGregor, l’Humanité est affectée par une maladie nouvelle : la perte progressive de tous les sens, avec des troubles comportementaux à chaque étape. Au début, les gens pleurent, assaillis d’une immense douleur morale, puis perdent leurs sensations, d’abord le goût. Michael et Susan se découvrent à ce moment et ensemble, cherchent les derniers plaisirs et commentent la situation, au lit le matin avant de partir au travail, ou entre deux étreintes heureuses ou contrariées.

Diverses théories seraient dressées par les membres de l’Humanité dans Perfect Sense. Il y aurait beaucoup à explorer ! C’est loin d’interpeller les auteurs de ce film, supervisé par David McKenzie, notamment connu pour My Name is Hallam Foe ou Toy Boy, produit prétexte à la mise en valeur d’Ashton Kutcher, acteur pour gamines grégaires de douze ans. McKenzie lâche les torrents d’émotion et envoie du violon à tout-va. Il conduit son sujet sans vision, imite la grandeur et la solennité des films apocalyptiques ou des films de contagions (romantiques ou pas) réussis ou remarqués.

Tout a déjà été vu et senti ailleurs, de Blindness aux Fils de l’Homme. Il n’y a aucune singularité, sinon dans les deux protagonistes piliers éventuellement. McKenzie met l’accent sur des accès de claustrophobie et cherche à évoquer la solitude morale galopante des personnages. Sa mise en scène se veut réaliste, un peu morose mais pas poisseuse. Son approche existentielle se traduit en un alignement de phrases creuses. Les hommes finissent par  »péter les plombs » et se dire des vérités crues : et là, c’est le grand plongeon. La perception des tréfonds de l’Humanité exprimée ici est du niveau d’un soap opera pour mégères fatiguées ou travailleurs sociaux zélés.

Au lieu de ce Perfect Sense il aurait mieux valu se tourner vers une publicité larmoyante pour clientèle anormalement émotionnelle. Le film est parsemé de débuts de déductions intelligentes dont il ne sait rien extrapoler d’un point de vue tant conceptuel, logique, que formel. Au lieu de ça, superlatifs et baratin lacrymal règnent en maître. Alors de la bouche d’Eva Green, on s’impose d’affirmer que la vie continue, tout en montrant l’amplification du phénomène, à renfort de musiques lyriques omniprésentes. Le symbolisme est mobilisé : syndrôme olfactif sévère, ça veut dire SOS. C’était un spectacle pittoresque, faisant le choix de la pauvreté.

Note globale 40

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Suggestions…  The Jacket 

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SISSI =-

20 Sep

Les jeunes années d’une reine révélait aux européens Romy Schneider (issue des ‘heimatfilm’, des productions folkloriques allemandes), la trilogie Sissi va la conforter dans son rôle d’aristocrate taillée pour les jeunes filles, les ménagères rêveuses et les ravis de la crèche. Les ingrédients et références sont identiques : leçons pour [futures] femmes respectables, luxe et tapisseries, identité masquée des deux tourtereaux royaux, les grandes affaires de l’Histoire sous filtre ‘intime’ et rose bonbon, le tout sous la houlette de Marischka. Comble du décalque, des acteurs communs campent des personnages équivalents. Le premier opus de Sissi s’avère simplement moins confiné, son prédécesseur et les deux suivants se déroulent davantage au sein des palais.

Il offre une vue typique mais spécifiquement féminine du traditionalisme naturalisant (et romantisant) l’ordre social durement établi pour mieux le justifier. Tout est déjà écrit et installé – mais tout de même il faut placer Sissi, en général et dans sa rencontre avec le prince, en posture ‘spontanée’ ; comme si leur position et leur relation n’était pas due aux convenances, mais pré-déterminée. Les légitimités naturelle et sentimentale sont mises en avant pour omettre et donc ne pas trop questionner celles sociale et politique. En bons conservateurs accomplis et non ouvertement fanatisés, on chérit de petites ‘permissivités’ et ‘outrances’ : pour les membres de la noblesse, cela signifie s’abaisser à ‘mettre la main à la pâte’ – quasiment à travailler – au fil de son envie seulement, tout de même pas en endossant le ‘devoir’ qui revient aux autres classes. Ainsi Sissi sert les chevaux, papa cultive ses affinités avec la forêt.

La platitude excessive ne gêne pas la projection et les sentiments niaiseux, mais pour un public éloigné dans le temps, pragmatique ou masculin, la séance risque d’être rude. D’autant que la tension est nulle, alimentée par un scénario sans complexité, conflits ou contradictions – hormis cette maldonne autour de Sissi et Hélène ainsi que les timides états d’âme de la première. Les concurrents contemporains en costume sont creux aussi mais savent généralement mieux doper les aventures, voire resserrer l’écriture – comme le ‘très moyen’ Prisonnier de Zenda. Le film marque des points grâce aux excellents décors [naturels] et à son aspect ‘chiffons’ haut-de-gamme. Le renforcement par la technique Agfacolor est particulièrement manifeste lors d’une scène où des femmes en robes verte, bleu nuit et rouge discutent cote-à-cote.

Note globale 42

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Suggestions… 50 nuances de grey

Les+

  • décors et costumes
  • Schneider et certaines interprètes

Les-

  • plat et laborieux
  • dégueulis de niaiseries

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