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WILDERNESS (2007) –

21 Nov

Dans la galaxie horrifique, la première décennie 2000 est marquée par une vague de films anglais forts en trash, parfois originaux ou semi-parodiques (Severance, Shaun of the dead) et dont certains sont devenus des références ‘incontournables’ du genre (The descent). Wilderness prend le train en marche. Comme dans Battle Royale, des jeunes sont envoyés à la mort sur une île : cette fois, ils l’ont ‘cherché’, ce sont des délinquants et non des lycéens innocents. Wilderness organise une chasse à l’homme, sur fond de colos avec des ‘durs’ (cas sociaux), répartis en deux groupes non-mixtes : groupe mâle et femelle, chacun avec un encadrant grincheux, quarantenaire usé à la carcasse athlétique. Le souci de réalisme social est flagrant, le résultat court et médiocre.

À l’instar de projets bis comme Shrooms ou My Little Eye, Wilderness part sur un postulat fort sans remplir sa besace pour le chemin. Aucune surprise à propos des monstres sur l’île, aucun éclat concernant les épreuves à traverser. Des morts et des  »découvertes » sont plantées tout le long des 94 minutes, les méchants bergers allemands et les pièges à loup font leur job. De grands archétypes comme la maison déserte au fond des bois nous sont servis, mais même ces repères sont délabrés. Rien n’est creusé, le développement des personnages est nul en-dehors des mots, les mises en relations pauvres. Les effets-mystères désuets succèdent aux bavardages de teigneux (jeunes aspirants caïds/raclures et sous-sergents recyclés en travailleurs sociaux).

Au final Wilderness raconte peu et arrive à être confus (la mort du vieil hurluberlu, coup-d’envoi des hostilités). La deuxième moitié est meilleure grâce à la fuite absurde des jeunes et peut divertir un public néophyte ou complaisant. Au bout, une résolution évidente vient couronner ce modeste produit. À quoi bon ce semblant de dissimulation !? Un peu de grandiloquence et de psycho discount pour enrober le tout et la chose tient debout. Concernant le cœur du morceau, c’est-à-dire la tripaille, Bassett (Deathwatch/La tranchée, Solomon Kane) capture bien la sauvagerie des pics d’agression, avec une préférence pour le concis et une omission de l’intense. Il saisit les opportunités du cadre (tournage en Irlande du Nord) et certains plans liés aux moments d’agitation (sur la plage notamment) se détachent.

Note globale 34

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Suggestions… Coldwater + Dog Pound + Peur bleue + Eden Lake (2008) + Dog Soldiers + Cabin Fever

Scénario & Écriture (1), Casting/Personnages (2), Dialogues (2), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (1), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (1), Ambition (2), Audace (1), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (1)

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OCEAN’S ELEVEN –

22 Juin

Remake officiel de L’Inconnu de Las Vegas (ce qu’à peu près tout le monde ignore), Ocean’s Eleven est surtout une suite non-officielle de Hors d’atteinte. Toutes les prémisses y étaient et les prolongations étaient promises à l’appauvrissement. C’est donc sans grande surprise que Soderbergh s’enfonce dans une abîme de vacuité décorée avec luxe et foultitude de plans gadget ou lignes de script retorses.

Ils vont faire le casse du siècle. Au programme donc : bavardages, coups précis, plans affinés, complications, petites trahisons et autres contorsions. Ocean’s Eleven est un Limier light qui s’étire, s’étire, s’étire ; et le plaisir avec, certainement, c’est en tout cas le pari. C’est même un Limier d’apparence seulement, puisque la logique n’existe qu’en vertu des contingences et de l’amusement présumé (amusement chic et propre, s’il-vous-plaît) : aucun système réfléchi derrière, juste des constructions aléatoires clouant le bec ou ouvrant une chausse-trappe pour amplifier la complexité illusoire.

Ocean’s Eleven se veut fin, il est comme un Snake Eyes dirigé par un autre que Brian De Palma. Ce film épuisant inaugure le registre de la lourdeur volatile. De façon bien plus obscène qu’un Public Enemies, c’est du cinéma de genre ultra-mainstream tout en étant snob jusqu’au dernier degré. Dans l’allure ; tout ce dont il est question dans ce film, où tout est bricolage cool. Sinon tout est dénué de caractère, les personnages en particulier : il faudra une complaisance de fanatique pour accorder du crédit à Julia Roberts en Tess ou à son histoire avec Danny Ocean. Les amateurs auront Ocean’s Twelve et Thirteen pour prolonger l’extase.

Note globale 33

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Suggestions…

Soderbergh sur Zogarok : Traffic

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CUCK –

14 Août

Expérience dégueulasse et jusqu’au-boutiste, Cuck est un de ces monstres recommandables en tant que tests ou curiosités malsaines, dont on sait bien qu’il est une œuvre lamentable sans trop savoir mesurer l’ampleur et la nature du sinistre. Il s’agit d’un programme de déshumanisation implacable centré sur un laideron gras, complexé et décérébré, tentant une sortie par un haut douteux grâce à une petite notoriété naissante chez les nationalistes ‘blancs’ ou simplement états-uniens.

Le film ne laisse aucune place à la compassion, rend débile toute aspiration à la tolérance car il s’agit d’une bou(bou)le de haine (auto-)destructrice (en vérité il est si inconsistant et misérable que son racisme apparaît simplement comme de l’opportunisme ; un exutoire suggéré et pour lequel on valorise cet homme situé aux tréfonds de toutes les échelles). La moindre estime pour cet individu est impossible tant les auteurs s’échinent à lui enlever tout commencement de non-tare ou qualité résiduelle – peut-être en grattant resterait-il un soupçon de bonhomie, de serviabilité, d’insouciance et d’acceptation de soi comme on est (penaud et répugnant) ; rien que du minable et du moyen à double-tranchant, lui-même corrompu par les exactions de ce grand garçon – définitive raclure de fonds de chiotte, d’ailleurs son camp aussi est enclin à tirer la chasse ! Même l’irresponsable de Je ne suis pas un salaud vaut mille fois mieux ; il n’y a peut-être que les parents dans Eden Lake pour inspirer un mépris comparable. Et naturellement il lui manque la force et les capacités pourtant modestes des enragés de Rampage ou de John Doe Vigilante.

Bien que la technique soit quelconque, les décors logiquement peu engageants et le scénario désespérément prévisible, le résultat a une sorte de qualité, un style gris acide. Le dégoût se banalise et la séance prend des airs de nanar nauséeux, où les manipulations criantes du couple paraissent presque légitimes – et l’abandon de madame est le seul instant où on éprouve une sorte de tendresse, comme si son sacrifice de quelques instants était chose plus grave que le martyr du gros repoussant. L’écriture est débile mais rigoureuse et la surenchère fait le travail qu’un effort d’investigation ou d’empathie devraient exécuter – avec le risque de se planter mais au moins de décoller d’une approche si sommaire. Réduit à la bulle de ce type sans conscience ni horizon, le film implique très peu de personnages, toujours peu en incluant les figurants – nous sommes en périphérie mais c’est quand même celle de Los Angeles.

Si a-priori les intentions d’un tel produit sont évidentes et agressives, finalement elles ne sont plus qu’agressives ; faut-il tendre un miroir odieux aux alt-right et à leurs équivalents ? Les miner en les invitant à se moquer de leurs pires travers et pires exemplaires ? Transformer les spectateurs en clones de Nagui en adoptant un regard infamant et fièrement stupide sur toute adversité ? Réaliser le rêve d’humilier les corps et les âmes ingrates, habitant le cœur de chaque citoyen d’IMC normal ou rachitique et d’allure potable ou remarquable ? S’agit-il de se dédouaner en attaquant un anti-héros total que personne ne voudra repêcher alors qu’il réunit les valeurs morales et convictions politiques tant de gens détestent ou doivent détester ? Manifestement Cuck relève de la dernière catégorie tout en se vendant de la première – et alors qu’à sa vue on se partage entre joie cruelle, perplexité et embarras, il fera son office pour ceux qui, sincères ou non, aiment sanctionner les ennemis de la société ‘bigarrée’.

Note globale 26

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Suggestions…

Écriture 4+. Formel 4-. Intensité 4.
Pertinence 2+. Style 2. Sympathie 2-.

 

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LES HAUTES SOLITUDES —

15 Mar

Dès ses débuts Philippe Garrel fut un réalisateur singulier, avec des expérimentations généralement sous influence de la psychanalyse ou orientées voyages introspectifs (Le lit de la vierge, La cicatrice intérieure). Les hautes solitudes est déjà son septième long-métrage, muet comme Le révélateur, noir et blanc comme presque toujours. Ce nouvel essai est nettement moins cryptique par sa substance, mais ses intentions et sa vocation atteignent la stratosphère en termes de fantaisie fièrement neurasthénique. La compassion présumée déborder de ce film est absente, son voyeurisme est à la fois factice (car on ne voit que des gestes, des moues) et pathologique (il n’y a aucune tension dramatique -même au tout premier degré- car l’enjeu, ou plutôt le focus est ailleurs) sinon ‘involontairement’ malveillant.

Ces hautes solitudes sont toutes entières à la gloire de Jean Seberg, actrice américaine morte cinq ans plus tard, emblème des années 1960 et icône pour la Nouvelle Vague. Le film se résume à une série d’images où elle minaude en roue libre. Il est censé être centré sur une femme de 40 ans à la dérive, mais on s’y morfond à plusieurs. Pour agrémenter, trois invités : Nico parlant seule (évidemment : que dit-elle, pourquoi..), puis Terzieff, obsédé et angoissé par une quelconque idée. Une autre fille, Tina Aumont, passera régulièrement à l’écran. Après s’être agitée dans son lit, Seberg plus ou moins sous médicaments ira chialer à sa fenêtre, se trouver un bonnet. Elle garde l’air dans le vague, puis jette un sourire face caméra, souvent faible et convaincu, parfois las mais appliqué.

Ce manège culmine avec une longue scène où madame remue ses cheveux, nous fixe, cherche une contenance. Oh que la photo est belle et que les poses sont probablement pleines d’intensité bien rangée à l’intérieur. Ce déballage se veut émouvant, doit prétendre charrier de profonds sentiments et nous enseigner leur langue, il n’a de la mélancolie que le squelette de principe et peut-être esthétique. La seule fonction remplie est celle poétique, pour le reste le film est vide et même pas tellement pimpant. Le spectateur est renvoyé à sa propre solitude, à son ennui et son impatience éventuels. Les zélés divers et les fans de cette Jean Seberg sauront peut-être entrer en communion ; d’ailleurs si la notoriété de l’objet est faible, les avis sont très favorables.

En somme rien d’insolite là-dedans ; c’est la radicalité dépouillée, totalement nue, le plus littéralement possible ; l’art et essai le plus pompeux et minimaliste concevable, prenant le public pour cible d’une lobotomie romantique. Au moins Le lit de la vierge portait un véritable esprit d’aventure, un peu plus qu’une audace théorique ; il avait de quoi être borné et stérile, ces Hautes Solitudes arrivent encore en-dessous, à la limite de l’inanimé. C’est donc à voir pour se branler – si on aime les actrices en question ou est un ami des dames enclin à ‘aimer’ celles-là – avec leur bienveillance, leurs finasseries dégénérées et leurs maladies. Les adeptes de ce genre d’intimité feraient mieux de se trouver un dieu ou une pute. Enfin, ce sont de piteuses consolations pour les esprits ultra-perceptifs d’avant-garde qui sont ici notre cœur de cible.

Note globale 22

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Suggestions…

Scénario/Écriture (1), Casting/Personnages (3), Dialogues (-), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (1), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (1), Pertinence/Cohérence (1)

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NO (Larrain) –

15 Nov

Le seul crédit accordable à ce produit bâclé (sauf pour jouer la confusion en mode docu-fiction) de méduses atrophiées à l’adresse des gogos et des bouffons, c’est de montrer à quel point l’alternance de dictatures ‘iron fist capitalist’ et socialistes/populistes peut saboter les consciences artistiques – et spécialement le cinéma d’Amérique du Sud, le plus rempli de pensum politisés étriqués. Les archives et pubs ou pastilles télé où Papy Nochet s’adresse à nous sont à la fois le plus intéressant du film et des bouffées d’oxygène : ces moments-là sont assez grotesques et paradoxalement francs, bizarrement en assumant de vouloir la dominer ils sont davantage reliés à la réalité – et puis une tentative de manipulation trop flagrante et déjà mise en échec est forcément moins irritante.

Tourné avec une vieille caméra respectant le format télé des saines années 1980, avec un générique à la main (très littéralement), No joue la carte de l’authenticité et de la frontalité mais s’invalide en permanence, en laissant supposer que c’est la faute du marché – et en étant simplement d’une pauvreté injustifiable venant d’une équipe de non-amateurs. La branlette écœurante gagne la partie d’entrée de jeu, nos alliés de la liberté viennent offrir la fête et la musique à la jeunesse ; soyons rebelles – mais respectueux et socialo-politiquement consciencieux hihihi. Ces dialogues pour enfants de 8 ans auxquels on apprend les rouages de la politique sont démoralisants (mais peut-être pas indignes de la réalité de cette campagne vu la survenue du symbole de l’arc-en-ciel). Je me suis régulièrement demandé si le personnage de Garcia était réellement un crétin ; c’est embêtant quand il semble qu’on veuille en faire un héros détaché auscultant froidement son environnement.

L’univers des gens de ce film est des plus méprisables et actuellement toxiques : des bourgeois de la communication, professionnels du sauvetage du peuple via leur acuité médiatique (ils savent faire passer le message, ils connaissent la propagande, c’est donc la clé vers la lumière généralisée voyez-vous !?). Je hais cordialement tout ce qui travaille à leurrer la déprolétarisation ‘possible’ et ce film tape en plein dedans ; que lui et ses agents soient de bonne et gauchiste volonté n’absout en rien. Qu’il y ait une once de cynisme concernant les moyens est un pauvre minimum compensatoire. De plus, en tout cas dans le film, ces représentants de la coalition opposée à Pinochet (ils gagneront le référendum) sont très faibles en tant que force de proposition ; ils parlent de « pub coca cola » et c’est bien ça. Quand ils prétendent prendre le large ils ne font qu’apporter des couleurs plus fraîches et pimpantes au mal présumé : la mise au pas des masses au bénéfice d’un pouvoir [plus ‘copain’ qu’avant mais encore] un brin ‘parental’.

Politiquement et très concrètement c’est finalement embarrassant ; on ne parle plus des souffrances et des disparus, on ne parle plus de politique, il faut sourire aux spectateurs. À l’occasion d’une intervention des puristes et d’activistes sérieux on peut s’en rendre compte, mais en laissant passer cette ambiguïté le film semble se sentir acquitté de sa tâche, avoir préservé son intégrité ; là encore, toute la moisissure de la ‘gauchiasserie’ faisandée (donc plutôt fausse – on peut le considérer comme un élément à charge si on sent sa sensibilité usurpée, être plus ‘rassuré’ par cette superficialité sinon) des insiders non-socialement conservateurs. Serait-ce un racolage de vieux libertaire ou socialiste en quête d’acceptation par les forces du milieu décomplexé ? Seule chose garantie : sur les apparences et l’inflation presque mystique dans lesquelles on se réfugie, Pablo Larrain a livré une représentation plus propre et sensée avec Jackie.

Note globale 32

Page IMDB  + Zogarok No de Larrain sur Sens Critique

Suggestions… La bataille de Solférino

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