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HELEN =-

21 Mar

Helen

Ce film avec Ashley Judd dans le rôle principal n’a pas trouvé un grand écho. Il arrive à amener à lui quelques curieux grâce à son sujet, somme toute peu traité au cinéma : la dépression. Sandra Nettelbeck et son équipe exposent les symptômes, tout en restant dans l’observation. Pas de voyage intérieur ni d’épaisseur psychologique, les informations sur Helen et les aperçus de son psychisme manquent. L’approche est empirique, triste sans devenir repoussante. La mise en scène et la photo sont adaptées : douces, feutrées, moroses.

À défaut de faire sentir son personnage, Helen est une démonstration limpide, établissant avec probité les effets d’une vraie dépression. La mise en porte-à-faux avec les proches et les obligations sociales, la solitude profonde, l’incompréhension à laquelle elle se heurte. L’absence d’individualité d’Helen rend la séance assez aride, mais consacre l’intransigeance du parti-pris : peu importe comment cette femme en est arrivée là, l’essentiel est sa pathologie qu’elle vit de façon exemplaire. Or en écartant au maximum la subjectivité sur son sujet, ce programme ne se prive pas seulement de ‘chair’, il reste au stade du compte-rendu.

Le parcours d’Helen peut certes affecter, mais son malaise se présente sans identité, sans âme. Helen en tant que telle n’existe pas, seul le résultat de ses tourments et de son expérience de la vacuité est communiqué. Helen n’a pas de raison ni de destination ; à l’hôpital on est enclin à en faire un légume ; après tout, elle n’a pas d’autres projets et elle en prenait le chemin toute seule. Comme le personnel hospitalier ou Helen elle-même, le film ne sait pas maîtriser son objet ni lui trouver du sens. Imiter le dessèchement ne permet pas de le pénétrer ou de mieux le comprendre ; cela en donne une image, probablement un aperçu fiable de la dépression, dont on expérimente l’ineptie, depuis un point de vue qui pourrait être celui de n’importe quel proche d’Helen.

Note globale 51

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GROTESQUE =-

5 Sep

grotesque

Enième folie gore japonaise, Grotesque a réussi à cultiver une petite notoriété, aimanter et satisfaire quelques aventuriers féroces. Le film ne vole pas haut en terme de scénario et de recherche artistique, mais fait son office. Il se distingue cependant par son excentricité et un certain culot. Pendant à peine 1h15, un couple est mis à l’épreuve par un sosie placide de Takeshi Kitano. Au lieu de les tuer directement, il va les utiliser et les torturer. Une farce très généreuse se met en place ; et une parodie très trash, pas très engageante a-priori et arrivant finalement à surprendre. 

Entre la caricature et l’exploitation pure, Grotesque va d’abord verser dans l’érotisant voir le porno (via des attouchements du tueur sur la fille). C’est que Takeshi bis (Shigeo Ôsako) fait jouir contre leur volonté ses petites proies, avant de passer aux affaires barbaques. Et là c’est plus que gore, pendant un petit moment c’est même le nouveau Guinea Pig 2, ou un genre d’August Underground décontracté. Pompe à tripes, clouage de testicules et coupage de tétons sont au menus. Passés ces exploits, le tueur perd subitement son self-control et s’exclame « J’ai une érection !!! ».

Il décide alors d’accorder la vie sauve à ces deux merveilleux jeunes gens. Les réactions incohérentes des personnages et en particulier de la fille (le mec étant très secondaire) interpellaient déjà : trop de résistance, des voix claires, mais des acteurs très bons dans leurs rôles sinon. Maintenant les deux victimes devenues patients échangent sereinement, sans manifester la moindre douleur. Ces échanges WTF² se déroulent dans une belle chambre immaculée où chacun a son petit lit. Ça devient peut-être un peu trop surréaliste. C’est grotesque. Et c’est le torture porn raillé avec un cynisme complet ; et snobé avec panache puisque Kôji Shiraishi (Noroi, Occult) ne souffre d’aucune inhibition.

Cette bouffonnerie fait ricaner à l’usure et arrive à divertir. Le monologue final où la fille taille un portrait humiliant du tueur est excellent et s’ajoute à des performances sauvages (paye ton nouveau cordon ombilical), burlesques mais légères. Grotesque est un film radicalement trash, très grossier et minimaliste, mais il est presque pédant. Voilà un film de boucher discrètement rigolard et jouant la finesse, pas plus cheap qu’un Black Sheep. C’est malin, proche de l’OCNI tout en restant un torture porn limpide, assez inutile et à déconseiller en général.

Note globale 52

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Suggestions… Eden Lake + A Serbian Film + The Human Centipede + Hostel  

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INK =-

21 Déc

ink

Ink est réputé en tant que film sorti de nulle part ayant finalement acquis une notoriété importante auprès des cinéphiles. Production indépendante, il a connu une destinée impressionnante en devenant l’un des films les plus téléchargés en 2009. Ce micro-budget est l’oeuvre de Jamin Winans et son épouse Kiowa ; Jamin avait été remarqué en 2005 pour son court Spin, mais son premier long, 11:59, n’a pas rencontré le succès et les studios se sont donc désintéressés de ses projets futurs.

Si Ink est une expérience singulière et probablement dépaysante, il n’est pas génial pour autant. Il y a clairement deux temps. Pendant toute la première moitié, Winans veut tout mettre sans rien déflorer et le résultat est assez indigent. Au lieu de tracer un univers, il est dans l’émulsion, l’overdose d’images embrouillées. Dans la seconde moitié, il travaille et éclaircit ses intentions, allège la forme. Originalité et sensibilité clarifiée se conjuguent enfin et Ink devient alors un produit plus attachant.

Dans la galaxie des OCNI, Ink est effectivement un bon compétiteur. Il est plus propre que les travaux étranges d’Iskamov comme Nails, il est aussi nettement moins accrocheur et intriguant. Il faut trop de temps à Winams pour sortir de l’hystérie : pendant toute cette première moitié, le montage n’est fait que de coupes franches et il n’y a pas une scène dépassant les cinq secondes. La seconde ne s’en libère pas totalement, mais lorsqu’il laisse allez ses idées en musique, Winams présente de très jolies scènes (« one two three four »).

Sur le fond, le gros concept n’est pas transfiguré et le mythe taillé pour l’occasion n’est réellement approfondi que lors d’un final hautement lyrique. Certaines influences évidentes se font sentir, comme celle des Wachowski. Souvent Ink l’américain imite Tsukamoto. L’étrange déchirure entre la réalité et celle des personnages n’est jamais vraiment conceptualisée et ne gagne en épaisseur qu’au service des élans sentimentaux du géant au nez difforme ou de ses acolytes. Le jeu sur la lumière et le rythme évoquent souvent une tentative d’immersion simulant le rêve et le jeu vidéo.

Note globale 52

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Suggestions… Sucker Punch + Le Labyrinthe de Pan + Moon + V pour Vendetta + The Conspiracy   

Note arrondie de 51 à 52 suite à la mise à jour générale des notes.

 

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BLONDE =-

15 Nov

Blonde a la vertu de le confirmer : montrer une ‘expérience intérieure’ est difficile voire mortel à l’écran tant le risque d’engendrer de la mélasse est global alors que les bénéfices ne sont que ponctuels et partiels – s’il n’y a pas un flot d’événements et de rappels ‘objectifs’ en contrepartie. La musique est un meilleur moyen de figurer des sensations sans se vouer à ce qu’on appellera poliment ‘de la contemplation’. D’ailleurs la bande-son composée par Nick Cave et Warren Ellis y arrive ! Aussi quand cette expérience intérieure est un trou noir où règnent le sentiment d’impuissance et d’abandon, même si le geste a de la noblesse et l’exécution belle, l’appréciation se fait mentale ou formelle plutôt qu’émotionnelle ; et du voisinage avec Twin Peaks [pour Laura Palmer] on passe à la variation raffinée et monolithique d’Inland Empire. La mère au début annonce « à Hollywood on ne sait pas distinguer ce qui vient de soi de ce qui est réel » ; bientôt on ne verra plus que Marilyn bien réelle absorbée par ses émotions toujours plus détachées. Mais il y a un goût de Mysterious skins et de The canyons là-dedans et peut-être que ce film tape le plafond de ce qui est prononçable depuis l’intérieur du ‘système’, en l’occurrence le cinéma de masse.

Présenter un tel film au grand-public est surprenant et cet essai-là a le tort de braquer des légions plus spécifiques (les amoureux de Marilyn Monroe) ou cinéphiles contre lui (le noir et blanc est toujours un peu suspect et ça ne mérite pas de changer). Je vois un tournant à la moitié, où subitement, je me suis lassé d’entendre que son papa lui manque et que Norma n’aime pas assurer le service Marilyn. Pourquoi ne la voit-on que prendre des claques ; et puisque c’est un non-biopic ou biopic ‘libre’, pourquoi ne pas la voir dominer cette mère dégénérée, s’arracher à cette dette et ce respect absurde qu’elle ressent et que le film relève si bien ? Mais le film s’interdit toute initiative qui ne laisserait pas la même litanie masochiste s’égrener. La gradation est dans la folie avec toujours la même détresse et aucun écho. La tentative de vie normale (inventée) et les projets prestigieux (réels) ne sont que des à-cotés par rapport à sa vie intérieure tourmentée et ‘bloquée’. Ce qui permet de nombreuses ellipses et donc d’éloigner encore plus le biopic conventionnel. Quand le film se permet d’arbitrer contre le mystère, c’est pour une scène grotesque avec le président Kennedy. Quand il s’agit de sa carrière, on aperçoit des connards de l’industrie ou voit Norma piquer deux crises contre le mesquin Billy Wilder (avec lequel Marilyn a tourné Sept ans de réflexion et Certains l’aiment chaud).

Ce film est dans la commémoration abstraite et n’intervient sur la personne de Norma que pour littéralement la dévêtir. Qu’elle se soit sentie dépassée, pas écoutée, par des gens insensibles ou avides envers Marilyn, qu’elle ait eu le sentiment d’être mal-aimée ou non-aimée est joliment martelé ; c’est surtout vite redondant. Ce film ressemble plus à une collection de brouillons d’un même court-métrage qu’à un long… c’est pourquoi se permettre d’être aussi inutilement lent et long n’a de sens que pour poser son ambition en vertu de la norme du moment, à laquelle souscrit donc même Netflix. C’est terrible, mais on aime surtout ce film grâce à Ana de Armas, pour toutes sortes de raisons flagrantes ; elle aurait pu interpréter une icône imaginaire qu’on y aurait rien perdu – ç’aurait simplement été élégant envers la cible du présumé hommage, présentée comme une charmante victime, donc pas tellement mieux traitée que comme une ‘femme-objet’. Qu’aimait-elle, que souhait-elle en-dehors d’une étreinte sincère et devenir une mère comme une autre (et être une actrice mieux reconnue – que de banalités) ? À peu près rien d’après ce film où on la voit s’effondrer devant ses peurs ou la pression, peu combattre ne serait-ce que pour assurer ses performances – à moins que la montrer exceller dans ces moments-là sans s’attarder sur les alentours soit justement un hommage, ce qui me semble une incohérence de fétichiste ou d’amoureux.

Écriture 2, Formel 7, Intensité 5 ; Pertinence 3, Style 6, Sympathie 5.

Note globale 52

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Suggestions…My week with Marilyn + Spencer

IT’S A FREE WORLD =

5 Jan

2sur5 Le point de vue est volontiers niais et abusif : elle refuse d’embaucher un iranien car sans-papiers, c’est forcément à sa charge, une preuve de son évolution vers le monde sombre. Elle a à peine commencé avec son nouveau ‘statut’ que son fils cogne à l’école : braves gens, le capitalisme libéral détruit aussi les familles ! Si le gamin a mal agi, c’est car sa mère s’éloigne – et si elle s’éloigne c’est à cause de ce maudit système et de la société, où la réussite et l’argent comptent davantage. Blabla.

Le grand problème avec la gauche, c’est que la corruption viendra dès qu’on sort du rang ; elle est passée dans le camp des exploiteurs : s’émanciper de la catégorie des exploités n’a pas d’autre nom. Avec ce film c’est spécialement gratiné puisque de la dénonciation des fausses libertés du monde libéral [de la compétition économique] on arrive à la dénonciation des présumées fausses libertés tout court et donc à un programme plus que réactionnaire, en fait parfaitement concentrationnaire, où tout ce qui échappe à une mobilisation souveraine n’est que souffrance et malveillance – bref, s’il énonce des vérités, ce film le fait pour le compte d’un éventuel régime marxiste autoritaire, suggérant aux petits patrons/entrepreneurs, indépendants, de lâcher l’affaire pour le bien de tous.

Mais Ken Loach sait soutenir son propos, avec habileté en plus de la lourdeur. Il pointe les rénovations illusoires de la domination – qu’une femme gueule les ordres ne les rend pas plus doux, qu’un péquenaud soit de bonne volonté et joue le jeu sans égards pour la saleté ne le rend pas plus légitime face aux mafias ni plus en position de défendre sa ‘classe’ d’origine. Quand le larbin agité montre à la protagoniste l’article de presse sur un grand patron à la sanction dérisoire – elle en déduit qu’eux, à leur niveau et moins gourmands, ne seront pas pris ; ce qu’elle oublie, c’est qu’elle n’est pas comme eux hors de portée. Cet élément, parmi d’autres, souligne une bêtise d’humains, toujours persuadés d’être plus malins que le voisin ou concurrent. Le film social se double donc d’un drame sombre et trivial, presque un thriller pathétique – sa part efficace, malgré la surenchère et le cheap (les propos d’Ange lors des recrutements, les circonstances de l’enlèvement sont tachés de grotesque involontaire).

Note globale 52

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Suggestions…  Moi Daniel Blake, Kes, Family Life, Ladybird

Scénario/Écriture (5), Casting/Personnages (6), Dialogues (5), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (5), Visuel/Photo-technique (5), Originalité (3), Ambition (7), Audace (6), Discours/Morale (3), Intensité/Implication (6), Pertinence/Cohérence (5)

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