Tag Archives: Oiseaux

THE LIGHTHOUSE ****

24 Déc

4sur5 Je suis probablement près du cœur de cible et comme The Witch ce film met sur la table une esthétique et des éléments significatifs, à défaut de l’être lui-même [simplement par ce qu’il jugerait ou raconterait]. Dans les deux cas les qualités ne sont pas simplement plastiques – elles sont viscérales au point de rendre des lenteurs objectives bizarrement réjouissantes. Cette fois, isolé sur notre phare, l’anxiété se passe de culpabilité, le plaisir y compris celui de l’amertume et de la fureur toute prête à s’épancher sont immédiats. Il faut passer la crainte d’un film arty éculé, ce dont il relève modérément (ne serait-ce que par le noir & blanc gratuit), spécialement au début où la photo en extérieur a typiquement le goût de ces productions amateures sous stéroïdes/festivalières.

Pour l’essentiel ce sera esthétiquement ravissant, limpide et ténébreux, capable d’écarts bénéfiques. Le vécu intime du duo est assez profond, les dialogues excellents – succulents lors des engueulades de la seconde moitié. On trouve un brin d’humour peut-être par prudence ou envie d’humilité pour compenser avec un emballage prétentieux vu de loin (et dégonfler les envolées des deux allumés). La fin est lâche donc décevante mais c’est naturel d’esquiver ainsi après avoir voulu porter loin dans la fantaisie ou les désirs enfouis. Même si le focus est sur l’envie prométhéenne ou simplement un égoïsme un peu romantique ou trop goulu pour un simple homme, ce qui est convoité aussi a de la valeur, pour nos yeux, nos oreilles et nos cervelles ; si c’est pour en rester sur le commentaire désolé face à l’impuissance et aux limites humaines, ça ne fait qu’ajouter la sienne et faire écho à des sermons et des œuvres dépressives qui ont déjà sublimé le message ou simplement saturé le secteur.

Ce serait ironique de sympathiser avec les transgresseurs pour décréter finalement qu’ils étaient sur une voie toxique – ou alors ne reste que la banalité et la souffrance stupide mais vivifiante, pour lesquelles on est condamnés mais aussi condamnés à ne pas trouver de valeur. Malgré cette absence d’aveux concrets, la facilité de la conclusion et donc une certaine vacuité dans laquelle beaucoup de projections pourront s’engouffrer, le film et même son scénario restent assez riches, avec des inspirations ou des illustrations au caractère pur, ‘évident’ et brillant – sur des thèmes humains comme la mythomanie, l’obstination ou le masochisme et plus encore dans le style via tout l’héritage expressionniste ou mythologique, ou la récupération des imaginaires liés à la mer et aux univers lovecraftiens.

Note globale 78

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Suggestions… Eraserhead + Dagon + Midsommar + L’Antre de la folie

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ANGRY BIRDS 2 COPAINS COMME COCHONS =+

7 Nov

Ladaptation de 2016 était une bonne surprise, un film d’animation relativement sensible où les personnages grandissaient. Le second épisode est moins équilibré, quasiment nu en-dehors de la comédie et des mignonneries. Il se conforme intégralement à l’animation à l’américaine, mielleuse et hystérique, où rien n’est jamais grave, compliqué ou menaçant (les drones peuvent espionner notre héros ça ne fait pas partie des choses sérieuses). Angry Birds 2 ne tombe pas non plus dans la débilité de Moi moche et méchant ou l’aseptisation de Comme des bêtes. Il est encore trop inventif (et cela dès l’ouverture avec ses oiseaux prenant le métro) mais n’a rien à soi pour relever la recette commune.

Le programme est inclusif à outrance et parfaitement linéaire. C’est d’ailleurs un petit exploit de garder la séance si vive malgré la faiblesse des ‘possibles’ et en important peu d’éléments gratuits (donc en insérant habilement la traditionnelle pluie de références ‘geeks’ à son propre univers, en préparant le terrain pour de futurs gags ou tangentes). Les méchants d’avant sont désormais des alliés, presque des amis généralement chacun chez soi pour le bien de tous et avec lesquels il est bon de se chamailler (en échange peut-être de leur intégration, ils sont bizutés – le roi en string, les autres souvent en posture ridicule) ; les nouveaux antagonistes sont tout sauf effrayants pour le public, la torture par glaciation étant le truc le plus susceptible de troubler et braquer un très jeune public. Tout le monde est sympathique, transparent ou insignifiant, un maximum de caractères sont assimilés et chacun profite du biais général ‘optimiste’, Chuck le jaune est toujours plus balourd.

En première ligne nous avons une coéquipière de Red bardée de diplômes, espiègle, visionnaire et sans défauts. Contrairement à Terminator Dark Fate c’est bien du féminisme ‘impératif’ et pas relatif, même s’il reste opportuniste. Du reste le contenu politique ou assimilable n’est plus de la partie (alors qu’Angry Birds le film était déjà assez conséquent pour déborder des niaiseries et des conventions en la matière). C’est donc un film d’animation gentiment drôle, au rythme impeccable, à la fois gras esthétiquement mais joliment et joyeusement coloré, avec une sorte d’appendice (ou ‘court-métrage’ dispersé) suivant les aventures d’oisillons. Efficace sur le moment mais finalement évanescent, il se rapproche de Rio ou des suites de L’âge de glace. Mieux vaut voir le second Shaun le mouton, ou même Maléfique qui répond davantage à la définition de la ‘beauté’.

Note globale 56

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Suggestions… Dragons 2  + LEGO + Les Croods + Tempête de boulettes géantes

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BIRDY ***

7 Déc

3sur5  C‘est un poème cinématographique par Alan Parker, le brillant metteur en scène de Pink Floyd The Wall, Midnight Express et Angel Heart. Il y raconte une histoire d’amitié compromise par l’expérience de la guerre et le traitement mesquin accordé à ses victimes. Puis aussi par la folie d’un homme dont le rêve est de voler comme un oiseau ; et qui passe désormais ses journées prostrés dans sa cage à espérer rejoindre le ciel.

Le sujet objectif, sinon le prétexte, de Birdy est l’impact de la guerre. Adapté du roman éponyme de William Wharton, il en délaisse cependant le cadre, pas seulement pour passer de la seconde guerre mondiale au conflit du Viet-Nam de 1968. Le traumatisme exprimé dans Birdy est celui d’un homme que le monde extérieur n’a pas réussi à percer et se retrouve enchaîné et brimé avant de pouvoir s’épanouir. Birdy évoque la confiance en ses rêves de façon figurative et explicite.

Birdy est un spectacle très original, reposant beaucoup sur l’émotion, apparaissant conventionnel de loin et totalement inimitable de près. C’est une des caractéristiques du cinéma de Alan Parker, tout comme cette photographie légèrement granuleuse et saturée. Le message du film est à la fois minuscule et fondamental, il pourra donc sembler ridicule ou être un enchantement, parfois à la même personne. Dans tous les cas, les prestations de Matthew Modine (le rôle phare) et de Nicolas Cage (Al Columbato, brave gars et ami de Birdy) rendent le film aimable.

Birdy jouit de toute façon d’une facture technique élaborée. L’OST de Peter Gabriel amène un climat hybride, aérien puis oppressant, mais aussi très vivace. Elle amalgame des sons d’oiseaux, des rythmes indiens et une pop adaptée aux besoins du film. Ensuite, Birdy s’octroie les ressources pour aller au bout du rêve de son héros et propose une vision subjective en vol d’oiseau marquant le premier usage au cinéma de la skycam.

Note globale 68

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Suggestions… Un homme d’exception + Forrest Gump

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LE CORBEAU (Corman) =-

5 Jan

le corbeau corman

Dans les années 1960, le cinéma d’épouvante est marqué par le cycle Poe tourné par Corman avec Vincent Price. Cette merveilleuse série compte huit adaptations du nouvelliste, parfois très lointaines, comme c’est le cas de The Raven. Ce cinquième opus est le plus célèbre, mais ce n’est pas le plus aimé des cinéphiles, car c’est le plus dissident à l’Horreur et aux registres des talents impliqués. Adieu au lyrisme, adieu à tout frisson et finalement adieu au plaisir, pour l’essentiel du moins.

Au milieu des Malédiction d’Arkham ou Chambre des Tortures, c’est un hors-sujet renversant, mais en soi ce n’est pas non plus une purge ; plutôt un passe-temps affable, sans grand relief. Le film cafouille au départ, puis réussit à amuser grâce à son anti-héros absolu, le pleutre (celui qui commence et pourrait finir en corbeau) incarné par Peter Loore, le fameux psychopathe de M le Maudit. À la fin, les tours de magie deviennent plus malicieux, inventifs et surtout conséquents : la farce, la magie et l’épouvante désuètes s’accordent bien.

Malheureusement ce n’est pas toujours le cas pendant la séance. Corman et Matheson (scénariste et auteur de nouvelles de SF fameuses comme Je suis une légende) tentent une espèce de vaudeville fantastique et peinent à la tâche. Ils en arrivent à cultiver un comique pittoresque et lent, presque abruti, avec des relents potaches : ce n’est pas leur vocation et le résultat est donc improbable. Sa platitude est paradoxalement assez heureuse car elle empêche de sombrer dans la gêne.

Le style flamboyant de la collection Poe est totalement galvaudé, amputé de sa substance, dénié. Les atouts habituels sont gâchés, leurs résidus se cachent, or la conversion au comique troupier est infructueuse. Echec global donc, mais échec avec de beaux restes et une capacité à générer un petit plaisir malgré tout. Le film a le mérite d’une certaine audace et ne manque pas de ressources ou d’anecdotes, comme la présence de Jack Nicholson alors à ses débuts, trois ans après une première mise en avant par Corman dans l’excentrique Petite boutique des horreurs.

Note globale 54

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Suggestions…  Le Corbeau (Clouzot) 

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LES DERNIERS JOURS DE POMPEI +

25 Sep

Les premières superproductions ont été réalisées en Europe et s’inspiraient des heures les plus fringantes de l’Histoire, avec une fixation démesurée sur l’Antiquité. Vers 1910, Jules César, La guerre de Troie puis Agrippine déploient déjà des moyens remarquables pour l’époque, avec une durée conséquente (15 à 30 minutes, des quasi ‘longs’ à ce moment-là, quasi ‘courts’-métrages vus de loin). En 1912, le premier péplum titanesque est présenté au public : c’est Quo vadis, en format long-métrage (neuf bobines soit environ 1h30), récit à la gloire des martyrs chrétiens de Rome. Puis vient Cabiria (1914), premier ‘blockbuster’ historique battant des records. Ces deux films jettent les bases du cinéma épique et ‘massif’, inspirant d’abord Griffith aux USA.

Les Derniers jours de Pompéi (1913) sort entre Quo vadis et Cabiria Il ne démérite face à aucun et réunit même les meilleures conditions pour aborder un spectateur contemporain. Le film est remarquablement conservé et présente (même sans cela) un intérêt graphique et esthétique très fort. Il est également assez nerveux, multipliant les ellipses, allant toujours à l’essentiel, valorisant l’extraversion ou la fougue de ses personnages. De nombreuses techniques avancées sont utilisées, comme les plongées face aux lions, le close-up avec les colombes, auxquelles s’ajoutent des captures alors rares tel le panoramique face à la mer. Les profondeurs de champ sont exploitées avec une aisance probablement inédite, la pyrotechnie utilisée à la fin [pour la catastrophe naturelle] est plus modeste mais les prises de vues et les accessoires savent toujours donner l’illusion du ‘grand’.

Les piteuses démonstrations de l’américain Ben Hur (1907) sont balayées et ici l’imagination ou la dévotion ne sont pas nécessaires. Le souffle héroïque n’est pas présent car il manque d’appuis, mais le film restitue des émotions fortes et mouvements romanesques en tableaux. C’est une réussite par son avalanche de ‘détails’, sa succession de vues poétiques, souvent audacieuses, tournées vers l’intrigue plutôt que le symbolisme. L’histoire en elle-même est moins saisissante et son lien à l’éruption est opportuniste ; la colère du Vésuve n’est qu’un complément. La réalisation tire et exploite davantage une sève romanesque et sensationnelle, en la raffinant, alors que le Vésuve et la Rome antique servent de fond. Et quel beau fond ! Faste et creux.

Une vague ‘critique’ sociale émerge, avec cette protagoniste affaiblie par sa cécité, mais volontariste et de bonne foi, versant dans l’illumination interdite aux autres, pendant que le cynisme menace les notables autour. Mais la conception est molle et contradictoire, la réalisation ne sait pas davantage le souligner. C’est tout de même un renfort à la dimension baroque dont se pare le film jusqu’au-bout, embrassant tout ce qui peut servir l’enthousiasme (on croisera une sorcière, verra des lâchetés révoltantes, autant de barrières et de folies à dompter) tout en ayant Nidia pour phare vertueux, tellement qu’elle surpasse le tragique qui lui semble promis. L’écriture est lyrique, très synthétique, volontiers dans le raccourci à tous degrés. Force, courage, splendeur, font de ces Derniers Jours une aventure puissante, au-delà des ‘simples’ gros moyens et malgré le fétichisme de l’anecdote.

Ce film co-réalisé par Caserini et Rodolfi est la deuxième adaptation du roman éponyme d’Edward Bulwer-Lytton publié en 1834, qui en connaîtra bien d’autres par la suite – sans compter tous ceux qui s’inspirent de l’événement (des téléfilms ambitieux au blockbuster numérique Pompéi). La première (15 minutes réalisées par Luigi Maggi en 1908) sortait également des studios Ambrosio Film et a permis son ascension, tandis qu’une troisième produite par Pasquali Film était en cours (réalisée par Uberdo Maria Del Colle). Quelque puissent être ses qualités, la version d’Ambrosio l’a de toutes façons engloutie.

Note globale 78

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Suggestions… L’Aventure du Poséidon

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (-), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (5), Visuel/Photo-technique (5), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

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