LA GRANDE AVENTURE LEGO -°

13 Mai

Première incursion des jouets de la marque Lego au cinéma, dont la nature (à construire/déconstruire) offrait de nombreuses perspectives, que ce produit n’ignore pas mais sous-utilise clairement. L’essai se traduit par un film d’animation classique, manifestement inspiré par Pixar sur la forme comme dans les idées. La structure et les ressorts sont tous éprouvés, le seul élément distinguant le film étant donc ses personnages et les couleurs de leur univers : vives et bariolées.

 

Dans ce long-métrage rejoignant le rare camp des publicités exclusives et intégrales au cinéma (les écrans de pub tant reprochés à Minority Report n’occupant à chaque fois que quelques secondes à tout casser, eux), nous découvrons Emmet au pays du bonheur obligé. Sous le,joug d’un leader corporatiste bienveillant, ce petit monde est pressé d’être heureux et suit les normes avec délectation.

 

Emmet respecte ce conformisme, comme tous les autres et pense que chacun fait de même. Puis il se rend compte qu’il n’a aucun signe distinctif, aucune personnalité aux yeux des autres, dont le conformisme n’est que superficiel ou pra(gma)tique. Pourtant c’est Emmet qui est pris par une équipe de sauveurs de l’Humanité pour l’homme le plus génial et différent de la galaxie, celui que la prophétie annonçait et qui viendrait résoudre le grave péril qui menace aujourd’hui. En effet, sous le masque du bienfaiteur extatique de Lord Business, se cache un perfectionniste aspirant à détruire le monde.

 

La Grande Aventure Lego est un cas d’école concernant cette animation dont la générosité n’est que vulgarité, banalités, facilités, le tout saupoudré de bien-penseance de toute petite envergure. Le milieu du métrage, avec ses allez-retours hystériques, est le tiers le plus pénible. Dans l’ensemble les enjeux sont confus, indistincts et seule la bêtise morale et l’amour de la médiocrité tiennent debout dans le film. Il est logique que tout soit laid et stérile autour puisque c’est l’implication de cette morale et de cet amour particuliers. Mieux, La Grande Aventure Lego est cohérent !

 

Que nous dit le film ? Que les gens fondus dans la masse sont tous des héros simples (en mode Walter Mitty, donc), mais c’est déjà chercher un peu loin. Le propos est surtout, prosaïquement : c’est avec la confiance en soi qu’on brave l’impossible. Bel axiome orné d’un petit plaidoyer pleurnichard sur la créativité à l’ère où les idées s’échangent sans entraves. Est même présent inénarrable coup du : eh les gens, surtout n’oubliez pas de ne pas devenir trop adulte et prise de tête.

 

Le plus amusant c’est qu’on se moque de cette cécité des hommes jaunes face à la tyrannie déguisée sous le divertissement, ainsi que l’enthousiasme ridicule pour l’ordre établi dont Emmet est un symptôme particulièrement démonstratif ; mais on se réjouit dans une chorégraphie finale où des valeurs tout aussi aberrantes, mais à l’intransigeance et à l’anti-individualisme plus subtils, ont pris le dessus. Et voilà nos petits légos tous unis dans la diversité, c’est-à-dire dans un chaos gentil. Tout le monde fait ce qu’il veut et braille sa liberté, tant que ses productions ne sont que des petits éclats criards et inoffensifs. Unis dans la stérilité et la laideur, pour une démocratie pleine de bouffons prenant la fiente de leur esprit pour une subtile inspiration en mesure de les différencier. Lego, film progressiste de 2014.

Note globale22

 

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions… Toy Story + The Avengers + Demolition Man

Note arrondie de 21 à 22 suite à la mise à jour générale des notes.

 
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7 Réponses to “LA GRANDE AVENTURE LEGO -°”

  1. Moonrise Mai 13, 2014 à 00:13 #

    Wow, c’est corrosif… J’avoue que je n’ai pas porté un regard très critique sur ce film. J’ai trouvé la fin mignonne, sans songer aux effets pervers que sa morale pouvait entraîner. Mais après tout, l’apparition des jouets de la soeur en montre un peu les limites, de façon certes un peu naïve !

    Je n’aurais pas fait la comparaison avec Walter Mitty, qui se prend beaucoup plus au sérieux. Ici, le protagoniste nous est clairement présenté comme un loser, alors que Walter, même en tant qu’employé fade, semble fait pour attirer la sympathie du spectateur, y compris et surtout dans ses délires les plus régressifs (comme quand il dit : « é bé mwa je di ke la barb sa neu vas ka deunbleudor !!!!!!! »). Et puis aussi : ici, on a affaire à un film pour enfant, avec un regard d’enfant. Tout l’aspect naïf m’y paraît donc plus légitime que dans le film de Ben Stiller, où on a un regard d’adulte infantilisé (d’où le malaise, en ce qui me concerne).

    J’ai lui mis un 7/10, surtout pour la créativité de l’animation, aussi pour la nostalgie que m’évoquent ces jouets. Pour la mise en abime également, qui m’a assez plue, en tant que processus qui permet de porter un autre regard sur l’histoire. Mais pour le coup, je trouve la plupart des critiques (sur SC) un peu dithyrambiques. Tout le début du film m’a quand même laissé une certaine impression de vide…

    • zogarok Mai 13, 2014 à 02:24 #

      L’apparition des jouets de la soeur annonce une prédation et donc une menace venant de l’extérieur. Il n’y a aucune remise en question ni prise de conscience de cette dictature de la connerie satisfaite.

      Oui je dis bien « en mode Walter Mitty« , parce qu’il y a des points de convergence, mais ce Lego a tendance à emprunter d’autres chemins. Il est aussi beaucoup plus régressif et démagogue. Que ce soit à destination des enfants n’est pas une excuse : plus candide, plus acidulé pour eux, oui, sans problème, mais le message est d’autant plus irresponsable. Soyez soumis et spontanés, en somme. C’est juste l’inverse qui devrait être enseigné : soyez critiques mais justes, soyez libres et auto-disciplinés, en respectant ce qui existe autour de vous.

      Je n’éprouve pas ce sentiment de nostalgie, ni de façon générale, ni ici forcément puisque ces jouets n’ont pas fait partie de ma vie. Je dois reconnaître un attachement déraisonnable à certaines choses (en cinéma, dans le domaine culturel), mais justement je ne les laisse pas stockées dans le passé.

      Enfin ce film a réussi à devancer.. Walter Mitty comme pire de l’année pour moi !

      • Moonrise Mai 13, 2014 à 22:01 #

        Je ne l’ai réellement pas vu comme ça pour les jouets de la soeur ! Mais comme une prise de distance, de l’autodérision, justement. « Ok, c’est bien beau la tolérance, la créativité, toussa, mais c’est aussi ça ! »

        Ce n’est pas pour sa morale que le « regard d’enfant » m’a intéressée, plus pour sa justesse. Je n’ai pas vraiment vu d’incitation à la soumission… A une certaine solidarité, peut être.

        Et c’est parce que tout ça n’est pas entièrement mis au placard (dans ma tête) que j’ai pu apprécier ! 🙂

        Assez juste sinon, la remarque plus bas sur Toy Story. Pour moi Lego est un film sympa, mais oubliable.

  2. Voracinéphile Mai 13, 2014 à 00:25 #

    Pas vraiment surpris par cet avis. Même si Lego essaye de s’amender en faisant dire des blagues à tout le monde, le bordel généralisé se voyait déjà, je ne suis pas vraiment surpris que ça en devienne le message du film. Peut être que visuellement, les couleurs flashies ont un beau rendu. Je crois que l’idée de départ était de rappeler aux amateurs de lego toutes ces histoires invraisemblables qu’ils ont conçues en animant leurs figurines… Le problème, c’est que Toys story est effectivement passé par là avant, et avec des sentiments qui semblent beaucoup plus consistants…

    • zogarok Mai 13, 2014 à 02:15 #

      Oui, je l’ai juste mis en suggestion mais pour l’analyse de ce film, ça relevait du détail. Je ne les comparerais pas, les deux ont des qualités techniques évidentes, qui sont leur ressource première.
      Comme il n’y avait pas de réminiscences à attendre avec moi, peut-être que je peux voir plus directement le film tel qu’il est ? Parce que les notes que je vois partout (les notes à 8-10 pleuvent, spécialistes et public), c’est de l’hallucination collective, de la régression de masse ou de la corruption.
      Oh, à moins que ce soit en raison de l’idéologie rutilante, démago et passe-partout de ce film, servant autant les élitistes de bac à sable que les démocrates aveuglés :B

  3. Van Mai 13, 2014 à 18:45 #

    Il n’y a pas de lien entre les deux films mais comme avec Monster c’est une vision que je ne partage pas et je la trouve un peu extrême. Tout en étant à l’écoute. Comme Moonrise je n’ai pas eu de grand regard critique mais je pense être attentif et j’ai compris un encouragement à être fier de soi sans vouloir imiter les autres. C’est facile sans doute mais vaut mieux cette démocratie des bouffons à pas de démocratie du tout.

    • zogarok Mai 14, 2014 à 16:42 #

      Il encourage plutôt à être hystérique, bruyant et présenter ses idées pourries sans la moindre précaution.

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