Tag Archives: anticipation (SF)

EXTRATERRESTRE (2010) *

28 Juin

extraterrestrial

1sur5  Nacho Vigalondo est connu pour son court-métrage 7:35 de la manana, en compétition pour l’Oscar du court-métrage et surtout pour Timecrimes/Los Cronocrimines, thriller conceptuel très efficace. Jouant sur les paradoxes temporels, il faisait la démonstration d’un grand brio, tout en se fondant sur des prémisses boiteuses. Le résultat était donc simultanément captivant et frustrant. Rien de tel avec Extraterrestre, affreux mélange des genres réalisé un an plus tard.

Vigalondo fabrique une comédie romantique qui virerait au drame psychologique, comme un Polanski inquiétant mais ludique, limite rigolard. Partant d’un contexte SF qu’il snobe allègrement, Extraterrestre trouve finalement sa place dans le jeu de dupes au ton improbable, ultra-glauque mais sans le faire exprès, agrémenté de discussions censées réfléchir les sentiments des personnages, ainsi que des divers complots ou projections d’un nombre très resserré de protagonistes.

Désorganisé, Extraterrestre aimerait se balader entre les registres, or il reste à un degré zéro bizarre où tous les éléments préalablement installés semblent être tout simplement zappés par le scénariste et le metteur en scène. On avance dans la nuit, en ne voyant que ses pieds, allant d’un rebondissement saoulant à l’autre. Si on est d’humeur à jouer les inspecteurs flegmatiques mais très très sérieux, ça peut le faire. Comédie grivoise surgonflée ou errance d’un auteur goulu au ventre mou ?

Extraterrestre n’est somme toute qu’une comédie de boulevard inassumée et poseuse, omettant les rires gras qui lui permettraient pourtant de concrétiser sa vocation. En cherchant à intimider le spectateur, le cinéaste adopte une attitude très regrettable. Il n’a pas forcément tort cependant, puisque ce produit récolte de bonnes voir très bonnes appréciations ; à nuancer toutefois par son caractère confidentiel au-delà des frontières espagnoles.

Note globale 32

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Suggestions…  La nuit a dévoré le monde

Note arrondie de 31 à 32 suite à la mise à jour générale des notes.

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RUNNING MAN **

13 Avr

running man

2sur5  Quand MTV feinte l’auto-critique dans un nanar de luxe, ça donne Running Man. Sorti en 1988, Running Man présente un futur proche totalitaire où le pouvoir s’exerce par l’abrutissement des masses et le bidonnage de l’information. « Du pain et des jeux » ré-actualisé, c’est une idée forte et jamais neuve, il y a les versions agressives, théoriques, puis les imitations par les industries du divertissement les plus dévoyées. Running Man est amusant au début, tant qu’on accepte d’y croire. Ce n’est plus possible sitôt que le jeu commence, c’est-à-dire dès que Schwarzenegger est jeté dans l’émission mortelle Running man, où des prisonniers peuvent retrouver la liberté s’ils parviennent à achever le spectacle en vie.

C’est nettement plus badass qu’Hunger Games et même d’une prodigieuse violence. Le mauvais goût atteint des cymes stratosphériques. Le film s’aligne sur les références les plus vertueuses de l’action-movie des années 1980, en ayant d’ailleurs l’acteur emblématique au garde-à-vous (Schwarzy). Le taux très élevé de testostérone rend l’affaire divertissante mais fondamentalement, Running Man ne sera qu’un gros show obscène, une conversion bariolée du génie des autres, que ce soit Terminator ou Network. Quand le film n’est plus qu’un Fort Boyard trash croisé Jackass, il a le mérite de balayer les poses critiques puériles et laconiques de la première partie.

Running Man est aussi critique qu’un thriller envers la criminalité ou un historien sur sa spécialité. Il instrumentalise ces festivités malsaines pour en tirer la sève dont jouissent ses spectateurs et organisateurs. L’abrutissement dans ce monde dystopique est si manifeste que Running Man dépasse le stade de contributeur ou de reflet, il est totalement partie prenante. Il s’en dédouane par sa démagogie, avec sa rebellitude de wannabee Carpenter et son euphorique révolte finale, où des grands-mère se la jouent grandes-gueules façon Kassovitz.

À son niveau de conceptualisation maximal, ce film nous montre la télévision en flagrant délit de mensonge, en lui faisant proférer des énormités, c’est-à-dire des trucs qui n’arriveront jamais dans votre réalité, aussi rassurez-vous ; de toutes façons, le public décérébré de l’émission Running man lui-même conserve in fine sa capacité à se soulever dès qu’on lui montre la vérité. Ce monde est plein de faux-semblants mais les illusions sont donc faciles à dégoupiller ! Cependant on touche une limite du film plus technique : il regorge d’incohérences et est totalement irréfléchi, bardé d’intuitions visuelles malines et incapable de dynamiser autrement les idées qu’il a pillées.

Total Recall corrigera le tir ; il sera aussi kitsch, la pertinence et une furie créatrice digne de Gilliam en plus, sans oublier le génie intrinsèque du réalisateur de Robocop. Running man n’est pas une escroquerie, il n’essaie jamais de postuler à un niveau plus haut que le sien, utilisant ouvertement une intelligence ne lui appartenant pas pour en faire ses béquilles théoriques. Il se contente de surfer là-dessus, tout comme son statut d’adaptation de Stephen King, pour travailler à en mettre plein la vue (ou la gueule) au spectateur. Il est primaire et haut-en-couleur comme promis dès les premières secondes.

Note globale 51

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Suggestions… Live ! + Le Blob + Massacre à la tronçonneuse 2 + The Wicker Man

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TERMINATOR DARK FATE **

31 Oct

3sur5 Ce sixième opus ne laissera pas de grands souvenirs mais est honorable dans le paysage actuel et par rapport aux errements de la franchise. Il évite les emballements scénaristiques et les allers-retours temporels qui ont rendu T5 divertissant mais sévèrement bancal. Genisys avait une tendance malheureuse à gâcher ses propres efforts voire à annuler certaines donnes, Dark Fate évite ces écueils et les résurrections, retournements de veste ou de dernière minute. Il est donc un peu moins kitsch et beaucoup moins incohérent, sans offrir un filon manifestement ‘juteux’ pour la suite – des bases plates plutôt que solides ou contraignantes. Rien de surprenant où que ce soit : Cameron a annoncé un mois avant la sortie une trilogie à venir si cet opus est rentable, c’était déjà l’espoir présidant à Genisys voire à Renaissance ; le nouveau film ne vole pas nécessairement plus haut que ses trois prédécesseurs mais personne ne devrait regretter l’écrémage d’une saga si peu respectée que même les geeks ont assez peu nourri la polémique passé le climax cool/pré-ringard de l’extrême de Terminator 2.

Les abus et choses incongrues sont fatalement de la partie, en particulier concernant la métamorphose de Schwarzy et son vécu entre-temps ; des grossièretés fonctionnelles plutôt que des gratuités, même si clairement les auteurs ne se sont pas foulés. Le film livre ce qu’on attend de lui, propose de longues scènes énergiques, spécialement la course-poursuite du début qui n’est pas trop ridicule par rapport à celle de Gemini Man. On peut être un peu las quand vient le passage de la fonderie, ou quand précédemment celui en centre de détention ou à la maison s’éternisent, mais les effets spéciaux ne déçoivent pas et les statuts évoluent au niveau des personnages. Ces derniers restent assez frustes à l’exception de Sarah Connor, ou véritablement de Linda Hamilton, la seule apparemment en mesure de délivrer largement son jeu et tirer son épingle sans être trop surlignée par le montage ou starifiée (contrairement à la nouvelle recrue qui ne prend vaguement d’étoffe que par ce biais dans le dernier tiers).

Malgré ce détail il n’y a pas de discours et encore moins des convictions, seulement de l’opportunisme pour étancher les rouages. T6 est éventuellement ‘féministe’ de fait puisqu’il présente un trio d’héroïnes dans l’action, des humaines diversement améliorées – mais leur genre ne sert même pas à doper spécifiquement comme dans le film d’exploitation Revenge ou dans des Lara Croft. Même chose concernant les positions anti-Trump, les mexicains et l’immigration ; la fille est une latino et on passe la frontière avec une série de wagons remplis de mexicains où les deux blanches sont des intruses. Là-dedans pas de discours, juste de la normalisation superficielle d’un bout d’existence de ces gens – peu importe qui est à bord, leur sort n’est rien par rapport à ce qui se joue dans le film. Les studios feraient mieux de tenir cette position d’ouverture et d’indifférence en se souciant plutôt d’un casting crédible donc sportif, ce à quoi nous avons droit ici. L’ancrage et la nostalgie ont permis de placer des vieux dans de de telles positions, c’est un autre bon point (c’est ennuyant de voir des jeunes fraîchement sorti des écuries Disney/Instagram, ou dotés d’une tête à s’y retrouver, s’ébrouer avec leur manque de personnalité). Néanmoins ces adultes sont trop lisses par rapport à John Rambo et Schwarzenegger n’a plus le charisme dont il jouissait dans Le dernier rempart.

Note globale 58

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Suggestions…

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CAPTIVE STATE =-

14 Juil

La représentation d’une résistance pas spécialement cinématographique à un ordre inique permet à Captive State d’hameçonner le chaland en attente de projections réalistes plutôt qu’héroïques. Grâce à ce seul élément la séance paraît bizarrement décalée au départ malgré la trivialité de l’univers dépeint. C’est un monde désespérant où le pouvoir ne laisse pas grand chose et où seul le pire est envisageable – même si on en connaît pas les noms ni les nuances. Ce sera tout le problème : heureux les indifférents, ils ne perdront pas leur temps à espérer un sérieux développement.

La mise en contexte est fluette, le passé tient en deux lignes, le présent est fait de grands mots. Les acteurs sont irréprochables, leurs attitudes et agissements vraisemblables, leurs personnages évanescents ; après qu’ils se soient maximalement exposés, il n’y a déjà plus que des sorties à guetter. La seule apparition un peu mémorable est celle de John Goodman car il est désenflé, à contre-emploi. Le réalisateur revendique l’inspiration de Melville et de La bataille d’Alger et de telles références soulignent la vocation atypique de son film, mais le niveau d’exclusion de ses pions est une caricature de ces derniers. Même si le mode choral ne doit être qu’un moyen il ne peut pas arriver à l’écran si décharné, avec une intrigue et des démonstrations déjà diffuses (mais pas confuses).

La mise en scène par le biais des mouchards et caméra de surveillance, la capacité à aligner de la belle image régulièrement, participent au relatif crédit de l’ouvrage. Avec cette ambiance il arrive tout juste à la moyenne. Captive State ressemble à un milieu de film ou de série tout le long – ou une moitié de film incluant un milieu et la synthèse du début. On voit du grabuge mais laconiquement et plus souvent il nous est suggéré. À partir de la séquence du stade Captive State perd de son intérêt. Manifestement il n’est pas doté de l’envie ou des moyens de décoller en terme de scénario comme de spectacle ; d’en indiquer le dessein, oui tout de même. Ça ne fait que renforcer la sensation de gâchis léger.

Pourtant il évite les lourdeurs et les niaiseries rapportées tellement servies ailleurs. C’est davantage un film de niche, quelconque et superficiel alors qu’il souhaitait secouer son genre, lui donner une face plus grave, humaine et secrètement optimiste. Comme série B divertissante et résonnante, il est trop anecdotique ; préférez Upgrade. Comme film engagé passablement abstrait il s’efface d’emblée derrière Premier contact ou Daybreakers. Quant à la réforme du genre tout en absorbant les codes, District 9 et le reste de Blomkamp est mieux qualifié – cette originalité du ton étant son plus grand mérite.

Note globale 48

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Suggestions… Annihilation + Ready Player One

Les+

  • tente d’améliorer le genre en le sortant du gadget et de la course à l’épate
  • mise en scène propre avec quelques détails et visuels soignés
  • divertissement potable

Les-

  • forme ‘chorale’ rabougrie malgré des acteurs convaincants
  • méchante chute de tension dans la dernière ligne droite alors qu’elle était déjà basse
  • effectivement commun et quelconque malgré ses ambitions

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IDIOCRACY ***

15 Avr

3sur5 La promesse d’Idiocracy est énorme, l’application un peu décevante. C’est avant tout une pantalonnade polémique, avec du génie vu de loin et selon les grandes lignes, puis seulement un certain panache dans le potache et le blâme trivial vu de près. Une fois posé le concept, il y a peu de progrès et même de possibles fautes logiques : comment une partie de la technologie a-t-elle pu aussi bien se maintenir et pourquoi arrive-t-on encore à la manipuler ? S’il n’y a pas d’erreur, il y a toujours des champs délaissés ; d’ailleurs, le cadre ne dépasse jamais celui des États-Unis réduits à une ville, le reste du monde (et de la nation) est inexistant – sans doute car sorti des consciences – et c’est bien là où le film pèche, en étant finalement complaisant autant avec son postulat critique qu’avec cette vision d’une humanité dégénérée. Et celle-ci est assez forte pour assurer la gloire du film, le budget modeste et une probable pingrerie aidant même à son accomplissement.

La société de 2505 est régie par un ordre capitaliste dégradé, apparemment post-apocalyptique et pourtant toujours en continuité avec les réalités du tournant du XXIe. C’est une Humanité qui s’est oubliée, où l’anti-intellectualisme, l’irresponsabilité et le despotisme non-éclairés ont gagnés. Ce dernier en est venu à se dissoudre, comme le reste, c’est-à-dire comme ses ressources matérielles, humaines, culturelles et spirituelles (dans l’ordre de dégradation). Même les vêtements ordinaires sont souvent recouverts par des logos, les sponsors et l’incontinence émotionnelle dominent chaque parcelle de l’espace public, l’espace privé est un dépotoire où les individus n’ont rien à vivre ou lâcher de plus qu’ailleurs étant donné la déliquescence générale – simplement, on est le maître de la télécommande et de son manger.

Les auteurs ont pensé à de nombreux détails plus ou moins manifestes (une cuvette est incorporée au siège personnel de Frito). Ils évitent toutefois les extrémités qui scelleraient l’animalité délirante de ces troupes – pas de scatophilie, nudité limitée, copulations en public peut-être hors-champ mais en tout cas absentes ; bref il reste de la pudeur, tout comme il reste un semblant d’hôpital, de gouvernement, d’industrie, de justice. Les gens de 2505 sont donc comme des adolescents fougueux, fiers et sûrs d’eux, condamnés à s’enfoncer à défaut de modèles alternatifs, assistés dans leur débilité par les résidus de la civilisation, les ordonnances et la technologie autrefois mises en place ; l’ordinateur a avalé les cerveaux au lieu de libérer de la place pour son épanouissement.

Les obsolescences (et notamment celle de l’Homme) ne sont cependant pas à l’ordre du jour, ces thèmes sont sans doute trop risqués ; les auteurs préfèrent animer cette ignoble simulation et le font avec talent (peut-être sont-ils juste assez malins et grossiers à la fois pour être aussi à l’aise et récupérables ; après tout Etan Cohen est au scénario et lui aussi n’est pas responsable de films lumineux (ce n’est pas un drame, on aime Dumb & Dumber pour leur connerie). Globalement Idiocracy est une comédie grinçante, souvent jubilatoire, discrètement mais puissamment glauque aussi. Que les savoirs élémentaires, l’autonomie, la capacité d’inhibition s’évaporent, peut déjà se concevoir à notre époque et pire, peut se concevoir de manière plus transversale – pourquoi l’Histoire suivrait-elle une courbe en cloche, pourquoi le développement serait-il uniforme ? Le cynisme crétin, l’ingratitude, la passion de l’abrutissement heureux n’attendent pas la décadence pour imprégner les masses et castrer l’émancipation des enfants.

Avec ce film il y a donc matière à ‘culte’ et après une sortie compliquée, il a fatalement émergé, dans une modalité autrement vulgaire que l’habituelle (Star Wars ou Indiana Jones sont ‘cultes’ au sens ‘éclaireurs de la pop culture’). Il le doit davantage à son principe qu’à son contenu, cette idée d’engloutissement par la stupidité plaisant ou ‘parlant’ à beaucoup de monde. Idiocracy est donc remonté dans les années 2010 pour illustrer des éditos ou cris du cœur, jusqu’à connaître un boom mainstream pendant l’ascension de Trump en 2016. Les misanthropes communautaires et autres narcisses mondains se sont sentis spirituels, le réalisateur (Mike Judge, créateur de Beavis and Butt-Head et d’Office Space) lui-même a déclaré être pris de court.

Note globale 66

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Suggestions… La Tour Montparnasse 2 + Feed + Case départ + Brazil

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (4), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

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