SAGA MASSACRE A LA TRONCONNEUSE **

19 Août

Alors que Marilyn Burns (héroïne de l’opus originel de 1974) est morte il y a deux semaines et qu’un huitième opus viens d’être annoncé : focus sur la franchise « Massacre à la tronçonneuse ». 

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MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE **

2sur5  Avec son titre évocateur, Massacre à la tronçonneuse est un peu le film d’horreur de référence pour les masses. C’est une erreur parmi d’autres dans la façon dont ce film est considéré. Massacre à la tronçonneuse est l’une des œuvres les plus surestimées de tous les temps et ne doit sa notoriété et sa réputation élogieuse qu’à des concours de circonstances favorables. Outre ce titre, donc, il y a l’effet de la censure, demeurée effective au Royaume-Uni jusqu’en 1999, si on veut s’impressionner.

Si le film a bien mis cinq ans avant de sortir en VHS en France par exemple, il a été accessible comme n’importe quel autre de son genre dès les années 1980. Cette espèce de délire fantasmatique collectif n’a fait que doper ses scores, que ce soit sur le marché de la vidéo ou dans les sorties en salles à retardement. Il lui a surtout donné un parfum d’interdit et de transgression, qui en font donc le film d’horreur total où le versant sombre de l’Humanité s’exprime, tout comme ce fut le cas pour Le Silence des Agneaux à sa sortie, dans un registre plus sophistiqué. De surcroît, en posant l’affaire « massacre à la tronçonneuse » comme un faits divers qui serait réel mais tû voir camouflé par les autorités, Hooper adopte la parfaite attitude pour créer une légende urbaine (il ré-éditera dans Massacre 2).

Ce parfum sulfureux, Texas Chainsaw Massacre l’honore aussi par ce qu’il montre ; il n’en demeure pas moins un produit bancal et même faible à bien des endroits. Le film démarre avec une bande de jeunes semi-hippies prennant en stop un bien étrange garçon, une sorte de gothique de foire ou de Jacquouille hardcore. Se déroule alors l’interminable séquence de la camionnette où sont présentés des personnages catastrophiques (y compris l’handicapé, au caractère vaguement plus subtil). Après une demi-heure d’exposition, tout le reste se déroulera dans une maison perdue du Texas explorée par ces jeunes gens sous le choc, bientôt assailli par des tueurs pouilleux, dont un homme à la tronçonneuse.

La dernière demie-heure est la descente aux enfers d’une membre du groupe, prisonnière de Leatherface et sa famille au terme d’un jeu du chat et de la souris. Les excentricités de cette petite troupe s’épanouissent alors dans une grande parade malsaine dont le point culminant est la scène du dîner. Géniale dans l’idée, elle sera reprise abondamment tant l’intention et l’image sont fortes. Si elle est assez percutante par sa folie macabre, sa valeur elle-même est à relativiser : en d’autres terme, le climax de Massacre à la tronçonneuse lui-même est incertain. Car Massacre peut produire un certain effet à la découverte, en particulier pour les néophytes de l’horreur.

Dans un contexte où l’Horreur est dominée par Psychose (1960) ou Rosemary’s Baby (1968), le surgissement d’un tel film (en 1974) est clairement un bouleversement. Pour autant, la contribution de Massacre est faible, tout comme l’intelligence de ses procédés, la cohérence et la puissance de son style. Tout est très bavard et même explicatif (littéralement) dans Massacre et ses ambitions allégoriques sont au ras-du-bitume (elles s’expriment notamment via la radio au début). D’ailleurs, Tobe Hooper s’est exprimé en des termes bassements confus et pauvrement opportunistes pour créer du sens à son bébé.

Or si Massacre est en non-conformité avec l’épouvante old school et qu’il est un pionnier dans le nouveau cinéma d’horreur, où règneront les slashers et le gore, ses critères esthétiques ne sont pas des cadeaux pour le cinéma de genre et le bis horrifique. Il peut même être considéré comme l’un des premiers totems du classicisme horrifique putassier et décérébré : des jeunes, une maison bizarre, des protagonistes tordus et régressifs, aucun enjeu particulier tant que l’attaque n’a pas commencée, puis tout le monde mourra (ou tous sauf un/une). Plus spécifiquement, Texas Chainsaw est un des pionniers du slasher, ce sous-genre qui n’aboutira véritablement que dans les années 1980, mais Halloween la Nuit des Masques sorti quatre ans plus tard (1978) est le véritable fournisseur de cet univers, en plus d’être une matrice pour toute l’Horreur.

Alors il faut savoir apprécier Massacre à la tronçonneuse pour lui-même et surtout en occultant le niveau extrêmement élevé où il est traditionnellement placé. Et on découvre un folklore étrange, un arrière-monde poisseux particulièrement gratiné. Texas Chainsaw Massacre est un spectacle crade à l’extrême et Tobe Hooper sait faire des vices de sa mise en scène des bénéfices, allant jusqu’à insister sur le grain épais et sur le bazar des décors pour donner ce résultat si impur. Il est lent, lourd, pendant une grande partie, hystérique tout le long. Le genre est à déterminer : humour nihiliste ou horreur surréaliste ? Hooper embrasse les deux et le piège tendu par sa confrérie de rednecks hostiles rend l’affaire viscérale, surtout lorsque papa se présente comme un brave bonhomme prêt à secourir la dernière survivante.

Cette bêtise crasse, ces gueules de biais, auront toujours une capacité à troubler, cependant les deux meilleurs opus de la franchise qui découlera de ce Massacre sauront se montrer bien plus redoutables et balaient rétrospectivement les arguments de cet obsolète  »chef-d’œuvre » (comme si toutes ses faiblesses à la racine ne suffisaient pas). Le Commencement, prequel arrivant après le remake (2007) et Massacre à la tronçonneuse 2 (1986), suite directe par le même Hooper, seront plus conséquents dans la folie comme dans la sauvagerie, plus élaborés sur le plan esthétique aussi.

Massacre à la tronçonneuse demeure un monument de dégueulasserie ; c’est bien là qu’il fait son office avant toute chose et sa relative misère structurelle le sert en fin de compte. Beaucoup d’arguments peuvent lui être opposé, mais il touche à un tabou au fondement de l’Horreur toute entière : c’est un film où il n’y a pas d’illusion, où on est plongé dans la réalité, une terrible réalité à laquelle on croit sans problème (plus qu’à celles de Rec ou Cloverfield). Et puis Texas Chainsaw a tout de même installé un avatar durable, celui des infâmes péquenauds random et morbides, plus vigoureux que les tueurs mutiques de service comme Jason, Michael Myers ou Leatherface lui-même.

Pour le reste, il y a une partition musicale oppressante, un happy-end tempéré pour nous rassurer et surtout des dialogues absurdes, un scénario faible, des décors glauques. Après tout, c’est Tobe Hooper : Wes Craven, sans l’idéalisme et les concepts en ébullition qui fournissaient matière à meubler, sitôt que le spectateur consent à se montrer tolérant et inspiré. Avec Hooper, il faut aimer l’exploitation pure et simple, sinon c’est perdu. Et cela s’applique jusqu’à son film-phare, avec cette nuance : l’académicien peu aventurier sera scié et pourra donc y aller de sa petite validation.

Note globale 47

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Suggestions… Cannibal Holocaust

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MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE 2 ***

3sur5  Massacre à la tronçonneuse 2 ne ressemble pas à la suite d’un film culte ou marquant, car il donne dans le bis total puis la gaudriole désinhibée. Les spectateurs ignorent que Tobe Hooper fut assez frustré par la perception de Massacre, victime de son succès au point que son humour présumé fut totalement occulté par le choc occasionné. Avec cette suite réalisée douze ans plus tard (1986) et soutenue par un budget conséquent pour un film d’horreur à l’époque, il propose ce qu’aurait dû être le premier Massacre ; ce qu’il est dans l’esprit de beaucoup de gens, comme ceux qui ont nourrit son statut jusqu’à en faire un classique de l’horreur : un film d’exploitation taré et indescriptible.

Contrairement à l’original mais aussi à toutes les suites (il y en aura cinq autres), Leatherface et sa famille sont tout à fait intégrés dans le monde extérieur. Ils possèdent une entreprise de restauration et sont réputés pour produire le meilleur chili du Texas ! Comme cette donnée l’indique, Massacre 2 flirte avec la comédie grasse, mais il est bien trop sincère, déluré et sans distance pour en rester à la simple farce. C’est plutôt une expérience où le spectateur est vissé sur le siège d’un train-fantôme, assommé par une immense variété de ridicules. Le premier tiers du spectacle est assez laborieux quoique fonctionnel et rend dubitatif.

Il nous présente Dennis Hooper, vieux cow-boy obsédé par l’affaire du premier Massacre, qui s’est produite quinze ans plus tôt. Il s’installe dans une nouvelle zone du Texas car il suspecte un  »accident » d’être l’œuvre du tueur à la tronçonneuse. L’ambiance est alors loin de l’horreur littérale, plus proche d’une Créature du marais et d’un brouillon précoce de Twin Peaks. Puis ce classicisme cheap, comme l’enquête très bis, sont largués avec l’irruption d’une violence extrême. L’assaut sur la radio marque le tournant du film, où il devient un rêve absurde, avec pour décors un parc d’attraction, antre triviale et opulente des monstrueux Sawyer.

Toute l’heure qui suivra est un torrent d’excentricités d’une brutalité rare ; et ce terme est à comprendre au sens le plus large possible. MAT 2 ressemble à un Indiana Jones pervers. Le rapprochement déconcertant avec Spielberg avait donné Poltergeist, où la fibre de Hooper semblait absente ; dans ce film de Hooper, il y a beaucoup encore du style Spielberg, de son sens de l’aventure et du rythme, mais cette fois Hooper contrôle son film. Le résultat, c’est un divertissement dérapant complètement, tout en gardant une légèreté, voir un état d’esprit enfantin, y compris aux moments les plus malsains. Toutes les séquences ouvertement  »sexuelles » sont sidérantes et l’attirance de Leatherface pour Vanita Stretch Brock (Caroline Williams) désarme.

Massacre à la tronçonneuse 2 est une déception si on y arrive en attendant de l’horreur au sens puriste, comme celle fournie somme toute par l’opus originale : de l’horreur percutante, directe, implacable. Ici, c’est le grand-guignol exulté, un carnaval surréaliste, un peu comme Hellraiser II (1988), sans en avoir la finesse ni l’ampleur (finesse). Mais dans ce cas, pourquoi cette longue introduction policière légèrement surréaliste et surtout totalement surfaite ? De même, dans la foulée du délire général, il y a énormément d’aspects regrettables : les gags vaseux du père des fous, la première séquence avec ces jeunes survoltés qui fait regretter n’importe quelle troupe de hippies standard.

La combinaison de premier degré et de grotesque ne fonctionne pas toujours : dans le cas de Dennis Hooper elle vire à la plantade caractérisée. Son rôle flirte bien vite avec la débilité et il devient le porte-étendard de la dimension gratuite et nanar du film. Mais alors pourquoi passer tant de temps auprès de lui, jusqu’à nous montrer le malaise avec son démon (la tronçonneuse), au travers notamment de scènes cathartiques consternantes (l’impro bûcheronne d’un grand non-sens technique) ; pour ensuite expédier le personnage en arrière-plan ? Car c’est en s’écartant de lui que MAT 2 s’épanouit entièrement, mais cela interroge encore sur la légitimité de la triste première demi-heure et d’un bon nombre d’avatars du film.

Note globale 68

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LEATHERFACE *

1sur5  Avec cette seconde suite à Massacre à la tronçonneuse commence véritablement la saga. New Line baptise le film au nom du tueur pour concentrer l’attention sur un boogeyman insatiable et en faire un cousin (voir le substitut en cas de panne?) de Freddy. Initiative avisée, les suites des Griffes de la Nuit ayant permis à la maison de production d’exister en plus d’enregistrer des gains considérables.

Qu’une saga ait existé en-dehors de Tobe Hooper n’est pas un mal en soi, mais Leatherface, encore plus que le 4e opus qui suivra, n’est pas plus au clair sur ses intentions, sinon franchement stérile. Il fait suite au film de 1974 et apporte peu, sinon quelques variations du côté des protagonistes : le père est rayé de la carte (celui interprété par Jim Siedow était irremplaçable), une grand-mère handicapée s’ajoute aux bras du papy au faciès de momie.

C’est une famille plus propre, presque raffinée, mais une fois la donne posée, il n’y a aucune perspective. En-dehors de la gamine aucun des nouveaux personnages n’est valable. Le couple pris dans les filets des Sawyer est transparent, sans être antipathique. Le quota de violence hors-champ est élevé, chose curieuse car le budget n’est pas si entravé que l’ambition – la photographie impeccable en atteste, même si elle encadre une esthétique sans grâce.

Leatherface surnage sur les ruines de MAT 2. Sa conception chaotique dilue un potentiel certain, quoique limité à sa gestion sobre et directe de l’horreur et à son catalogue familial, qui sont là comme des bases non-épanouies. Trop de volontés (ou de lâchetés?) contradictoires et pas nécessairement éclairées ont abouties à cette chose informe, ennuyeuse, très laborieuse. Leatherface est un film sans intérêt, comme cette saga globalement, où presque tout est bruyant, bête et sans surprise.

Note globale 32

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MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE, LA NOUVELLE GÉNÉRATION *

1sur5  Nouvelle Génération est considéré comme une nullité stratosphérique et naturellement tenu comme le pire opus de la franchise Massacre à la tronçonneuse. C’est en effet une calamité mais celle-là a le mérite de tenter de renouveler la saga. Quand à sa médiocrité, elle en devient dépaysante, surtout que MAT 4 va au bout de ses engagements, ce dont MAT 3 ou 7 se montrent incapables puisqu’ils ne savent en articuler aucun.

La famille est ici totalement hors-sujet vis-à-vis du reste de la saga. À la place des rednecks dégénérés bien outranciers, on trouve des gens équilibrés et relativement ordinaires, s’exprimant de façon adaptée et même rationnelle ; des petits-bourgeois excentriques, parmi lesquels Leatherface devenu ici un travesti très agité. Le frère de ce dernier s’illustre par ses citations de philosophe tandis qu’un cousin euphorique est interprété par Matthew McConaughey, acteur respecté dans les années 2010 (Dallas Buyers Club, Killer Joe) mais dont les esprits taquins rappellent régulièrement qu’il a passé l’essentiel de sa carrière dans une série de projets improbables, parfois débattus (Emprise, Contact), parfois catégoriquement raillés (comme celui-ci).

Autre actrice fameuse au casting : Renée Zellwegger, future Bridget Jones, dans le camp des victimes quand à elle. Mais le personnage fort du film c’est Tonie Perensky, matriarche badass de la tribu Sawyer, sosie modéré de Kirstie Alley. Massacre 4 est une succession de scènes aberrantes et Tonie Perensky est au cœur des plus fulgurantes. Le climax de la connerie vertigineuse est cette scène ou madame Sawyer négocie calmement (mais avec fermeté!) le silence de son otage enfermée dans le coffre de la voiture, tandis que celle-ci s’y plie docilement, alors qu’il suffirait de crier pour alerter les gens autour, ne serait-ce les employés de cette station-service ou les conducteurs pressés derrière elles..

Kim Henkel a participé aux six premiers Massacre, c’est d’ailleurs le principal de sa carrière. Il n’aurait pas dû passer à la réalisation pour cette suite, mais que New Line s’en remette à lui pour un produit si hasardeux et bâclé démontre que l’idée d’une saga Leatherface était mauvaise. S’il n’y avait eu le remake puis la seconde vague de Massacre, la notion même de franchise aurait pu être omise, mais Massacre a rejoint comme tous les autres classiques de l’horreur l’état de justificatif de daubes cyniques ou simplement honteuses.

Henkel a manifestement voulu faire un film ironique, il tente aussi de faire naître l’angoisse par l’étrangeté (apparition du flic) et va jusqu’à flirter avec l’occultisme expérimental (la tirade finale ressemble à celle d’intro de Blood Freak, avec les mots dans l’ordre). Mais brouiller les repères avec des grosses façons de primates fatigués ne suffit pas à donner une identité à un produit. Les poursuites à la tronçonneuse, en voiture ou sur un toit, ne relèvent pas le niveau car leur ampleur est dérisoire et le bavardage oiseux prend le pas de l’action jusque-là.

Au final, juste une série Z quelconque, sans aucun atout propre conséquent (les décors naturels, rien d’autre), avec tout de même cette capacité à situer le délire dans un espace-temps entre Demon House et Twin Peaks, tendance générale de la saga qui n’a jamais été aussi directement exécutée qu’ici.

Note globale 23

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MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE (REMAKE) *

2sur5 Les amateurs d’idées saugrenues tiennent là une jolie perle : Massacre à la tronçonneuse 2003 ou quand les pontes du cinéma industriel ordonnent le ravalement de façade d’un classique intempestif. Pourtant, aussi underground eut-il pu paraître en son temps, la puissance formelle de celui-ci s’est galvaudée, son intérêt émoussé. Alors, pour un peu que l’initiative ne nous effraie pas tant dans le fond et que nous ne nous considérons en rien comme des gardiens du temple, il y a toutes les raisons d’être ouvert à cette hypothétique résurrection.

Malheureusement, cette nouvelle mouture, si elle marquait le retour chancelant de l’épouvante pure dans le monde du cinéma mainstream, n’est qu’un karaoké schématique cumulant distanciation exagérée et solennité absolue. Les clichés du genre, manifestement connus et maîtrisés par Marcus Nispel, clippeur chargé de son premier long-métrage par le producteur Michael Bay, sont ici consommés. La réalisation est si lucide à leur sujet que le problème ne tient pas à une incapacité à surmonter ces poncifs ou autres tics post-modernes, mais plutôt à une certaine complaisance. Le film s’assume en creux pour se contenter de façonner un Massacre comme on en ferait désormais, pour le plus large public possible de surcroît. L’objectif est de le gâter, sans le secouer, ou alors le plus poliment possible.

Dans ce cas de figure, forcément, cette version ne réactive rien du choc éventuel de l’opus original, ne restaure jamais l’aura underground de ce classique caboché, se contentant de n’être qu’une représentation lissée et toc. C’est là le hic énorme : tout est trop élaboré, tout authentique malaise est esquivé pour un résultat pimpant. Nispel considère son matériau de référence comme un réservoir d’image ; de cette perspective absurde et inépuisable, il tire la force du film. Confiant la photographie à Daniel Pearl, déjà en action sur l’original, il attife son film de quelques idées graphiques intéressantes, notamment lors des séquences comprenant les Deschiens meurtriers (mais moins pouilleux que dans l’ensemble des variations autour de la famille Sawyer) ou encore une brève poursuite en forêt, traversée d’une poésie macabre évoquant vaguement une libre adaptation des contes des Grimm ou de Perrault. Mais cette imagerie ne vaut que pour elle-même et en revient toujours au même vœux chaste d’exotisme bucolique et macabre. Certaines scènes sont étirées jusqu’à perdre leur sens pour entrer dans une logique quasi-foraine [la place du flic devient inconsidérée, mais cela fonctionne], d’autres sont reléguées au statut de gimmick pur et simple et s’accordent de timides caméo.

Le film exprime au grand jour les images suggérées du film d’Hooper, en rajoute dans la violence et les anecdotes fantaisistes, mais prend le parti de mettre en avant la rigidité de la famille Sawyer plutôt que son caractère sale et péquenaud. Nispel a du style, un éblouissant même, son Pathfinder le prouvera par la suite, mais la profondeur lui fait défaut et il s’en remet par conséquent toujours à des manières empruntées, voir au pastiche. Envers du vice, c’est ce qui le consacre rebooter en chef, car il sera aux commandes dans les années suivantes du remake de Vendredi 13 (autre classique de l’Horreur) et de Conan le Barbare. L’absence de vitalité étouffe cependant l’ensemble des créations de Nispel, flatteuses à l’œil, frustrantes pour le reste. 

Adressé à une génération d’aficionados de Destination finale, le film saura trouver un accueil favorable chez certains vieux fanas qui apprécieront le présumé coup-de-jeune. Car question racolage, le film écrase son malheureux modèle, lequel ne peut plus rivaliser avec la même vigueur aujourd’hui. Un faux documentaire en 16mm encadre le film, comme caution d’authenticité et bel emballage snuff. Bardé d’effets clinquants, parfois beaufs, toujours soignés, ce n’est qu’un joujou propre sur soi, se réclamant chic et choc. Mais son essence est tiède, car bouffie par les canons contemporains, par une petite tension penaude et osant même les rapides explications rasantes, elle annihile toute possibilité de marquer la chair et l’esprit – et bien sûr l’éventuel impact politique d’un emblème de contre-culture (abusivement prêté à l’original, ce que Hooper a tenté avec peine de consolider sur le tard).

Note globale 42

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MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE : LE COMMENCEMENT **

3sur5  Tension, effroi, dépaysement malsain, gratuité, dégoût, régression déviante : Massacre à la tronçonneuse, le commencement offre tout ce qu’on peut attendre de plus simple et cynique d’un film d’horreur. Il a le goût d’une première expérience dans le genre et l’a logiquement été pour beaucoup d’adolescents puisqu’il a été massivement diffusé, grâce à son statut privilégié : prequel d’une des sagas les plus connues du cinéma d’horreur et promettant le plus ouvertement de tailler sec et fort.

Sixième opus de la franchise Massacre à la tronçonneuse, Le Commencement se situe avant les événements exposés dans tous les autres opus (Texas Chainsaw 3D compris). Il présente la généralisation des activités meurtrières de Leatherface à sa famille, dont on apprend que c’en est une d’adoption. Celle-ci vit dans les décombres d’une ville morte sur laquelle elle étend son emprise, notamment en récupérant le titre du shériff ou les commerces laissés à l’abandon. Elle se ravitaille via les hippies ou bikers s’aventurant dans le coin.

Dans le premier Massacre, la famille n’a pas d’identité véritable. On découvre une équipe irréelle, digne d’un cartoon mais premier degré, dont les mœurs et l’état de décomposition (moral, physique et intellectuel) avancés heurtent l’esprit. Dans les suites, notamment Massacre 2 et 4, c’est une famille déjantée, digne d’un cartoon parfaitement premier degré. Dans la seconde vague ouverte par le remake et dans laquelle Le commencement s’inscrit, cette famille relève du glauque véritable, anxiogène et sans appel. L’humour reste présent mais sa coloration a changée et plus aucune complicité n’est possible avec le spectateur.

De leur côté, les deux frères en partance vers le Viet-Nam et leurs deux amantes sont des personnages assez faibles (comme les autres – les motards, à l’inadéquation assez pittoresque elle aussi) et potentiellement pénibles, mais rapidement soumis aux contingences malades. Leurs impératifs suffisent à transcender toute considération sur leur caractère et l’attachement pour eux se développe naturellement, ce qui distingue le film de beaucoup de ses congénères.

Il est possible qu’un clin-d’œil aux ébats politiques de l’époque existe dans ce film, puisque le rappel au patriotisme de papa et à l’âme du Texas ont tendance sinon à cibler Bush, au moins à caricaturer ce que seraient ses partisans les plus sordides. Le point de vue relèverait dans ce cas de la haine du peuple de l’Amérique profonde, affiché comme en rupture avec la civilisation, tout en viciant les grands idéaux américains par un intégrisme de rustauds. Mais les concepteurs du Commencement ne sont pas dans la complexité et ne font que recycler un avatar bien ancré dans l’imaginaire collectif pour donner un spectacle aussi sordide que l’imagination conventionnelle peut l’engendrer.

Le remake de Massacre et la seconde vague qui en découle sont produits par Michael Bay et cherchent clairement à présenter la marchandise, sans le moindre jugement ou principe. Le remake avait une certaine élégance sur le plan purement physique et Le commencement partage avec lui la qualité de la photographie. Tous les éléments typiques de l’horreur sont là, les teintes bleutées abondent, mais le soin et l’efficacité compensent ce dogmatisme. En d’autres termes, c’est du travail bourrin de qualité, où la sauvagerie et le lugubre sont portés à leur paroxysme.

Tandis que la famille tisse sa toile et monte sa petite entreprise, Jonathan Liebesman et ses collaborateurs mettent au point un spectacle équivalent à la folie. On peut se sauver en riant de la dimension burlesque et ubuesque de cette histoire, mais c’est l’horreur portée à son degré le plus complet, sans fantaisie. Le Commencement se place juste avant l’esprit Guinea Pig (saga de films ultra-gores japonais dont les premiers opus passèrent pour d’authentiques snuffs).

Quand Hollywood se permet de faire agoniser l’Humanité sous les yeux du spectateur, elle livre quelque chose de peu profond, mais de redoutable. La scène d’exposition l’annonce par son record dans l’atrocité (une variation sur le thème de la naissance du Mal). Elle est gore, malsaine, etc : dégueulasse surtout. Elle affiche l’Humanité la plus vile, induit ses protagonistes dans une ivresse nihiliste assassine pour bien des individus, malgré son caractère irréfléchi. Il n’y a pas une seule zone de subtilité, mais une radicalité vivifiante et appropriée dans le domaine. Ce Commencement est extraordinairement violent : c’est le plus violent de tous les opus.

Note globale 66

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Suggestions… Eden Lake + The Descent

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TEXAS CHAINSAW 3D *

1sur5 Une incommensurable daube. Un de ces trucs qui vous donnent le vertige en fin de parcours puis par la suite en y repensant. Un machin tellement vide que même en le suivant à fond vous ne pourrez jamais être présent. Texas Chainsaw 3D se pose en suite de Massacre à la tronçonneuse. Dans cette saga de la redite où les cinq premiers épisodes, sauf la suite par Tobe Hooper, ont tout de même raconté globalement la même chose, c’est donc une initiative salutaire.

Ainsi MAT 7 s’ouvre sur le massacre de la Leatherface’s team, où, comme dans Le commencement (opus précédent, le sixième donc), un bébé est sauvé de l’abandon. En effet, l’enfant de Leatherface est recueilli par un couple parmi les rednecks revanchards. La relève des Sawyer pourra donc revenir trois ou quatre décennies plus tard, pour semer la terreur auprès de jeunes sortis d’un reality show ensoleillé. Ce parti-pris très idiot, qui n’est somme toute qu’une radicalisation de la bêtise du schéma de base du slasher avec et pour ados, a déjà eu son équivalent. C’était Halloween Resurrection, l’impudent huitième opus de la saga initiée par La Nuit des Masques. Ce film était aberrant mais il avait quelques idées (pompées à Freddy sort de la nuit), quelques intentions un peu élevées ; absentes ici.

La petite saillie « moi je veux bien y aller au Texas, ils font de l’excellent barbecue » restera longtemps le seul lien direct à la mythologie de Leatherface. Le film prend tout l’espace pour étaler sa troupe de jeunes ineptes, tandis que les personnages secondaires dont les forces de l’ordre ne valent pas mieux. L’odeur du gag faisandé devrait se faire sentir à ce niveau, mais il est simplement question d’une médiocrité imparable. L’écriture et le scénario se placent un niveau en-dessous de la nullité.

Tant qu’à la promesse du massacre en 3D, elle s’avère encore moins opportune que pour les Vendredi 13 en 3D des années 1980. L’inanité du résultat est même surprenante pour un film de 2013 à la destinée commerciale si conséquente. Au final, Texas Chainsaw 3D est l’opus le plus minable de la saga et de très loin, surpassant le très moqué Nouvelle génération (4e opus), lequel avait un certain exotise ringard pour supplément d’âme. Celui-ci ressemble à un Vendredi 13 bâclé et laid (comprendre dans la fourchette haute du moche et péremptoire des Vendredi 13) des années 2010.

Les vagues aspects potables sont tous empruntés aux deux précédents opus : même photographie, quelques scènes d’une rage morbide parfois sèche et  »propre » (le premier découpage), parfois relativement poétique (le cimetière). Notons enfin une espèce de pauvre errance romantique avec une gamine épargnée, se noyant dans l’indécision et quelques convulsions grasses de plus. Texas Chainsaw 3D est venu emmener la saga vers les abysses, ce qui est finalement son grand mérite, puisque l’univers Massacre à la tronçonneuse devrait être une anecdote à la hauteur de Demon House au lieu de circuler au milieu des Freddy, Hellraiser ou Halloween.

Note globale 12

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4 Réponses to “SAGA MASSACRE A LA TRONCONNEUSE **”

  1. arielmonroe août 21, 2014 à 15:44 #

    Juste vu l’original pour ma part, qui m’avait perturbé, peut-être suis-je un néophyte. Je n devrais pas dire peut-être : je regarde peu de films d’horreur et ça devait être un de mes premiers. Je l’avais revu, c’était long.. mais dans le genre déjanté et glauque je pense qu’il y a peu de films à ce stade.

    • zogarok août 27, 2014 à 16:31 #

      Il y en a peu à allez dans l’antre de la Bête de cette manière ; et peu à allez vraiment dans le glauque, à cette époque. Mais il y a trop d’auteurs inspirés et/ou racoleurs pour ne pas avoir compensé depuis et même très vite après !

  2. Rodias septembre 28, 2014 à 18:35 #

    Bravo pour le travail, toute la saga et un grand pavé à tous les épisodes dont les plus nazes, faut en vouloir.

    • zogarok octobre 1, 2014 à 14:48 #

      Merci ! Et sur les films en eux-mêmes, tu ne te prononces pas ?

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