Tag Archives: famille – relations familiales

FRANGINS MALGRÉ EUX +

12 Sep

Ça vole bas et c’est suffisamment malin pour être un des meilleurs produits de la galaxie ‘Frat Pack’ (génération de comiques US au style tapageur, régressif et vulgaire). Pour son troisième film, Adam McKay reforme le tandem Ferrell/C.Reilly déjà déployé sur Ricky Bobby roi du circuit. Ils sont cette fois dans la peau d’hommes de quarante ans demeurés à un stade primaire. Obnubilés par leurs lubies d’ado et leurs reliques du passé, ils n’ont jamais travaillé ou vécu ailleurs que chez leurs parents. Lorsque le père de Dale et la mère de Brennan aménagent ensemble, les deux collégiens dans un corps à mi-vie voient leur circuit douillet et médiocre subitement compromis.

Si on apprécie pas immédiatement les personnages, ce sera une torture, la distance quelquefois soulignée devenant même un affront. Dans le cas inverse, la séance peut être jubilatoire, grâce à l’exhibition de ces caractères aberrants, l’avalanche de gags (souvent obscènes) et de dialogues corsés (l’anecdote de la girafe, le laïus d’Alice le premier soir, etc). La mise en scène est sans grâce (pas loin des films avec Adam Sandler, sans le côté sucré et coloré) mais ingénieuse pour mettre en relief le côté dégingandé du duo. Cette production Apatow est à la fois caractéristique et plus affirmée. Il y a les côtés beaufs communs aux autres opus (et une scène de fart monumentale), mais les personnages ne sont plus seulement des pantins à dégommer, ou des reflets (fantasmes?) honteux (comme dans Zoolander qui s’adresse d’abord aux obsédés des ‘paillettes’).

Dale et Brennan sont ridicules mais excitent l’empathie, voire une certaine forme de compassion qui se saurait grotesque. Contrairement aux héros financièrement ou même socialement intégrés, mais inadaptés ou losers par ailleurs, Dale et Brennan sont totalement en-dehors du circuit (la dernière phase non-cartoonesque avant Dumb & Dumber). Ils ne sont même pas entrés sur la voie principale et sont perdus pour la société. Cette situation est susceptible de les rendre attachants pour un maximum d’exclus, qui pourront voir en eux la branche schizo-beauf de leur grande nébuleuse (ou famille). Elle les rend aimables plus largement car tous piteux qu’ils sont, ce sont des gamins dans leur bon droit, détachés de la société sans en souffrir ni même tenir compte de ses pressions.

Au final on donne l’assentiment à ces types misérables car ils font la nique à des logiques sociales que les autres respectent par intérêt ou par défaut, comme des aliénés ou des hypocrites pour les plus largués. Même s’ils restent des échecs contrairement à Derek (Adam Scott, excellent et répugnant), l’autre fils de Nancy, à la réussite professionnelle éclatante, leur décalage est rafraîchissant. Cette monstruosité apaise l’entourage en soulignant chez chaque membre le succès de sa propre normalité, mais aussi l’absurdité, la lourdeur et la fragilité de celle-ci. Finalement ils jouent un peu tout les rôles : enfant, amant, animal de compagnie, créature pittoresque planquée dans le jardin, animateurs délicieusement ratés et brillamment crétins. Ces tendres bouffons gardent pour nous « leur dinosaure ».

Note globale 72

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SWALLOW **

26 Août

2sur5 Ce pourrait être une belle histoire d’émancipation, ou celle d’une personne allant au bout de ses forces pour en sortir, au moins, éclairée sur son cas. Et ça l’est largement. Ça pouvait être politisé, ça l’est effectivement. Sauf que ce n’est exploitable que par les féministes ou les pourfendeurs de l’oppression, laquelle est nécessairement au moins blanche, souvent mais pas systématiquement bourgeoise. Si on veut aborder la maladie de Pica, la culpabilité, tout ce qui fait la nature du malaise d’Hunter, on ne pourra reprendre honnêtement le film qu’en venant à ces considérations-là.

Le scénario est faible et amorphe, mais le portrait d’Hunter soigné. Elle se sent stupide, misérable, potiche décevante dans un milieu froid planant au-dessus d’elle. Elle a la face rougissante, semble toujours apeurée, hébétée, soumise par défaut, accablée par la honte et l’ennui. Son mari est un cas désespéré qui n’a même pas le charme moisi de celui de Maudie ; la surveillance et le contrôle se substituent à tout effort de compréhension, il n’envisage pas de laisser à son épouse un espace à elle. C’est le type humain ne se posant jamais de questions, sauf peut-être au travail, en restant sur les chemins tracés, dont il profite depuis qu’il est né et dont rien ne semble devoir le déloger. Il s’attend naturellement à ce que n’importe qui dans son champ se satisfasse de ce régime qui le fait se porter si bien.

Cette ingestion d’objets arrive au moment où Hunter est consacrée objet et par là soudée à la famille. Enceinte, elle n’a d’autres choix que de constater sa nature de pondeuse. Pire, sa grossesse est un événement entre sa mère et son mari, avant d’en être un entre elle et lui. Hunter est une propriété familiale allouée au fils garanti 0% prodigue ; elle risque de devenir un investissement défectueux – et embarrassant. Autour d’elle, bien sûr personne n’est apte à venir à son secours, mais surtout tout le monde semble aveugle à sa détresse ; les deux femmes d’âge mûr qu’elle fréquente de force peuvent apercevoir le piège où elle se trouve, mais elles en sont complices et en voient surtout les bénéfices – simplement, il y a ces petits tracas, cette insatisfaction légère mais récurrente (belle-maman se serait vue artiste – quelle dérive bohémienne) ; sans doute ces choses-là passent avec le temps ! Heureusement Hunter la masochiste, excédée par son impuissance, trouve encore, ponctuellement, des ressources pour tenter de prendre l’ascendant (elle se montre sexuellement brutale, s’invite à la fête d’une famille qui s’est fait en dépit de son existence).

Forcément on peut ressentir une sympathie pour cette femme aliénée, ou des sentiments plus forts, d’autant que la peinture, si elle est schématique, est efficace. Sauf qu’il vient un moment où approcher les profondeurs doit obligatoirement conduire à projeter des lectures politisées, tirées d’un catalogue étroit, celui des valeurs montantes ou écrasantes de l’époque (ce que nous évitent Jumbo ou La pianiste). D’abord cette obsession, déjà vieille, du traumatisme antérieur, amenant toujours à remettre en cause la famille et en faire un lieu d’horreur. La filiation naturelle doit être malsaine ! Les gens en souffrance doivent l’être à cause d’exactions dans leur passé ! Ensuite, qui est le seul allié ? Pas franc tout de suite car empêché, c’est l’employé d’origine syrienne. En tant qu’étranger et ayant connu la guerre, lui-même a une barrière avec l’environnement et ne s’y montre ni particulièrement à l’aise, ni enthousiaste. Pourquoi pas ; c’est cohérent. Mais cela s’inscrit dans un contexte particulier et parmi un cumul de marqueurs. Avec une conclusion où l’avortement est le vecteur de la libération, puis un plan-séquence final tire-larmes tout en dignité ordinaire, où défilent des femmes dans des toilettes publiques. Et tout ça placé à côté de la mise à l’index du mâle, blanc, privilégié. Toujours on y revient, pour longtemps on y reviendra.

À une époque les problèmes venaient du capitalisme ; maintenant de l’homme (blanc cis privilégié) ; demain éventuellement des nouveaux entrants non homologués, venant pomper insolemment les ressources, avec l’arrogance et l’insouciance léguée par leurs ancêtres toxiques. Tous ces axes peuvent se cumuler (on est loin de manquer de communistes quelque soit leurs nuances et leurs apparences), mais que les porte-paroles des premiers n’oublient pas qu’avec le temps, leurs grilles de lectures et leurs réformes passent d’essentiel à simple agrément ; le progrès-liquidation du genre humain n’aura qu’un besoin formel de leurs services. C’est à se demander si jeter le petit colon blanc/patriarcal en devenir dans les eaux usées n’est pas une erreur archaïque du film ; car cet amas de cellule est parti souiller la communauté !

Même le point le plus constructif du film semble enchaîné à cette dégradation généralisée ; les deux seuls hommes auxquels on accorde une épaisseur et des circonstances atténuantes (ils respirent tandis qu’Hunter est à l’agonie) sont intimement cassés, minés par leur passé (le second est joué par un abonné des rôles de déviants et de pervers). Et par leur position, ils ne sont pas en mesure d’être des menaces pour Hunter. Voilà tout ce qui semble tolérable : des gens également piégés et de préférence à un étage social inférieur. Eux peuvent avoir un petit temps d’expression, tant qu’il entre en résonance avec un modèle de victime contemporain autrement relevé (et coutumier).

Note globale 52

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Les+

  • joli portrait d’une maso et aliénée
  • photo
  • interprètes excellents

Les-

  • discours
  • faible scénario
  • peu d’existence hors de la démonstration

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LES ÉBLOUIS **

21 Nov

3sur5  Le point de vue d’enfant conforte l’intensité mais aussi tous les biais et limitations évidemment associés ; le dossier s’alourdit sans se nuancer, même lors des horreurs. On ne survole pas le sujet, mais le traverse avec des œillères. Au lieu d’aller chercher les racines du conformisme, on se contente d’en tenir un outrancier et en désigner les effets. C’est peut-être une façon de mieux poser son refus et de réécrire l’histoire d’une adolescence accomplie après des épreuves de honte et de privation. Le film conduit à se révolter et, modérément, souffrir par procuration (ce n’est pas carrément une décharge comme peut fournir n’importe quelle œuvre un peu cruelle et amorale telle Love Hunters), mais il tâtonne et s’avère oublieux s’agissant de sonder ou simplement s’expliquer une secte ou un embrigadement. La poignée d’éléments solides sont simplement cités à nouveau au lieu d’allonger la liste – par exemple ces bêlements des fidèles accueillant le prêtre (puis l’inévitable attentat sexuel qui pourtant a une vertu : être le plus limpide donc celui autorisant la rupture, l’abandon de sa propre inhibition).

L’absence de recul rend même les personnalités clés insignifiantes et plus seulement volées comme elles le sont dans cette expérience. La mère, sur laquelle le film mise beaucoup au départ, est rapidement mise à distance. Elle est l’instrument d’une scène géniale où elle se fait dire cette phrase merveilleuse (hors-contexte ou généralisée) : « Si tu n’es pas capable de perdre tu n’as pas ta place ici ». Décidément, la faiblesse appelle la faiblesse et tous les remèdes sont pourris ! On voit cette femme ravaler sa colère et subir l’injustice légitimée par ceux qui lui parlent à tort ou à raison comme à une enfant – encore ! Et la gamine voit sa mère définitivement enfermée dans son enfer et mise à terre ; elle ne peut se faire confiance ni même s’entendre, elle est faible, tourmentée et crispée sur les pauvres acquis qui peuvent la consoler et enfin la cadrer ; rien de surprenant à ce que plus tard elle trahisse ceux sur lesquels elle doit veiller. Malheureusement pendant une heure, elle n’a plus été intégrée que pour jouer son rôle caricatural dans la secte ou, plus spécifiquement pour l’auditoire, son rôle de mère déviante par petites touches convenues. Le personnage est probablement isolé (plutôt que véritablement délaissé) faute de traitement satisfaisant. Comme pour Au nom de la terre, l’autobiographique est handicapant s’agissant de prendre le dossier et les personnes en charge jusqu’à l’os. Trop de pudeur là où il serait bon de mettre la lumière, pour améliorer la conscience des êtres et donc la perception de ce qui a réellement été. Les éblouis se condamne donc à la stérilité analytique sur l’aliénation – mais pas instrumentale, car il peut servir de renfort à un public engagé, athée ou même des groupes sociaux désireux de justifier l’intrusion dans la vie privée des familles et collectivités.

Son regard reste puissant et il est efficace comme réquisitoire tempéré par une juste compassion pour les lâches complices – ni pardon ni diabolisation. Au-delà l’éveil d’une jeune fille et des fanatiques, il donne à voir la réalité comme le royaume des zombis et de leurs complices tout aussi passifs : l’ensemble des gens y sont aveuglés, terrassés par la force d’inertie, partout, même le copain attentif, les grands-parents indignés, ou à la limite la femme de la brigade des mineurs qui est sensible et prête à entendre la fille, mais est resté bien leste. Les gens peuvent bien brailler ou être en proie à l’anxiété, ils restent des réceptacles. Malheureusement cette conscience n’est pas assimilée ou assumée et cela engendre un film qui refuse de se voir lui-même, de sortir de son cadre pour ne pas être l’otage d’un compte-rendu qui n’a que sa subjectivité pour se dominer – doublé d’un jouet parfait pour ceux qui aiment glisser le poids de la norme dans le rétroviseur et jamais dans les institutions ou les forces du présent, ni dans les ghettos bien sous tous rapports voire couronnés de prestige. Par exemple, il serait bon de signaler que les souvenirs ‘atroces’ réveillés lors des prières sont un élément commun avec la psychanalyse – secteur autrement difficile à attaquer ; tandis que contre les cathos, surtout s’il s’agit de les amalgamer avec leur pire, la bienveillance et les subventions coulent aisément. Avec des acteurs aux compositions étonnantes dans le cas présent, spécialement Camille Cottin en comptable hypersensible et guindée.

Note globale 62

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CEUX QUI TRAVAILLENT ***

26 Sep

3sur5 Focus sur un homme d’âge mûr en position de petit lieutenant de ce qu’un citoyen d’aujourd’hui doit typiquement pourfendre sans jamais vraiment gratter, éventuellement en fuyant vers l’émotion – ce que le film laisse faire à qui le souhaite. Ça y ressemble mais ce n’est pas un film social gentillet et finalement crétin mais publiquement irréprochable comme l’ensemble de ceux tournés avec Vincent Lindon (et justifiant son jeu pour le moins restreint) ou les dernières livraisons de Ken Loach (comme celle avec le vieil imbécile Daniel Blake). Il reste détaché, ramasse sans forcer la critique du capitalisme, du travail, de la mondialisation, tous vecteurs d’aliénation (sans laquelle on est hagard). Dans ce mode mineur il évite la stupidité mais aussi de répondre au sujet, sauf sur le plan moral retourné d’une façon qui deviendrait poisseuse si le point de vue livré n’était pas si ouvert.

L’humour est au diapason (il porte généralement sur l’inertie émotionnelle du type et l’indifférence ou l’égoïsme cru des gens) : l’être éclairé et bien éduqué aura ce petit rire en un souffle plein de déférence aux vertus cardinales, le ricaneur va se réjouir de tant de nihilisme cordial, celui qui se reconnaîtra dans ce personnage ou tient pour inévitable son attitude ignominieuse pourra s’esclaffer intérieurement. Ceux qui travaillent pourrait aussi flatter ces cadres sup’ souffrant de se sentir larbins AAA et redoutant d’avoir à se le faire confirmer ; plus généralement il va parler à tous ceux qui éprouvent ou redoutent le déclassement. Quand Franck se présente à un rendez-vous, il est droit et honnête, prêt à coopérer mais sans vendre davantage que sa force de travail ; or l’interlocuteur attend qu’il joue le jeu complètement ou qu’il dégage (ou les deux simultanément ?). Franck n’a pas compris qu’au bout du bout les règles éthiques n’ont réellement pas d’importance primordiale et qu’il n’a raison que sur le rayon des apparences.

Ceux qui travaillent pratique un petit jeu à la fois facile et audacieux. Facile car il se débarrasse de ses propres responsabilités avec son issue penaude ironique tout en livrant une seconde partie plus propre et rassurante. Il ne montre jamais le plus directement troublant, tout en ayant des plate-bandes et une vocation toutes-faites (et Le Couperet comme antécédent, sans comme lui donner dans le thriller). Il est pourtant audacieux car mal-aimable avec son absence de repères clairs ou de manichéisme, sa façon de pousser à l’empathie avec cet antihéros présenté comme l’homme du sale boulot nécessaire. Concrètement le film ne salit jamais son antihéros, en même temps il ne retient aucune information externe cruciale, or une grande partie est accablante. Sa maison est triste et finalement ses sacrifices pourraient ne pas valoir le coup dans l’œil du spectateur comme du réalisateur ; Franck ne fait que poursuivre une vie de labeur et de remplissages sans laquelle il est démuni et peut-être se sent plus vide et nul qu’un autre.

La thèse sous-entendue semble culpabilisante ou plutôt ne semble devoir être avouée que comme telle ; il y a de quoi se demander s’il n’y a pas plutôt une forme de fatalisme, voire une attirance envers le ‘mal’ simplement digérée. À l’instar de la famille qui aimerait mieux rester aveugle et notamment du fils cadet ingrat, consommateur débile, nous [spectateurs et citoyens ‘forcément’ indignés par les ‘dérives’ du capitalisme globalisé, par le mépris de la vie et par le sort funeste des migrants] serions tous impliqués. L’aîné, l’enfant qu’on voit le moins, est ouvertement et sans mesquinerie attiré par la violence. Pour cet héritier direct la pourriture du monde n’est pas un problème ; comme papa, il accepte ses lois sans rien états d’âme ni quelconque réflexion. Mais papa y a été contraint et s’est senti un salaud, quoique surtout à cause du monde extérieur.

La force de ce film c’est d’afficher cette solitude des ordures (très ordinaires), qui ne sont que des rouages loyaux ou des professionnels pas spécialement dégueulasses ni spécialement angéliques, en fait des gens qui s’en cognent ; justement tout le monde s’en fout ou tourne la tête avec dégoût, il faut simplement passer ce petit malaise ou le gérer avec des masques aux prétentions nobles. C’est donc presque énervant en sortie de séance car ce film n’avance à rien, veut être prêt à tout dire et ne s’attache qu’à rester dans la compassion clinique et l’expectative critique ; néanmoins il apparaît valide pendant la séance et avec le recul, grâce à cette banalisation de la monstruosité, que ses concurrents ou que les gens percevraient trop vite avec horreur ou dégoût et criminaliseraient simplement. La journée pédagogique où le terrain est privilégié au centre de décision, le métier à son seul chapeautage par la hiérarchie, compense ce flirt avec le cynisme par une louche de démagogie et d’un bon sens plus accessible ; au moins, pour une fois, la démagogie arrive avec du contenu plutôt que des postures (et le prof-émissaire n’a aucune crédibilité pour nous enseigner la vertu).

Aura-t-on avec Russbach un nouvel Haneke qui aime à se répandre froidement dans la fange en nous pointant du doigt ou en ne nous laissant en option ‘viable’ qu’à faire comme lui et dénoncer avec une morgue sinistre – ou vomir car c’était excessif ; ou bien un auteur attiré par l’ombre et qui l’assume sans chercher à poser des petites briques à l’ombre du ‘cinéma social’ qui lave de tout tant qu’on peut convertir sa matière en réflexions bien-pensantes, fussent-elles éprouvantes ? Est-ce le début d’une œuvre originale et joyeusement inconfortable nous invitant à regarder l’espèce en face, ni en la surplombant ni en la vénérant, ni même en se souciant de l’excuser ou de l’aimer trop fort ? Les deux prochains opus de cette trilogie sur l’ordre contemporain devraient y répondre : rien que la désignation de ‘ceux qui prient’ pour nos âmes apportera un signe probant.

Note globale 66

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Suggestions… Corporate + Le septième continent

Les+

  • prend un angle presque courageux
  • Gourmet parfait
  • la première partie où le monstre croit encore à lui et à ses chances
  • les dialogues et les silences
  • la maison triste

Les-

  • techniquement juste opérationnel, rien de renversant
  • la fin un peu planquée et la seconde partie plus compatible avec le consensuel et l’indignation citoyenne bien avertie

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FÊTE DE FAMILLE **

17 Sep

3sur5 L‘histoire de pantins qui ne répareront jamais leur pièce abîmée. Le film démarre docilement sur des sentiers rebattus puis laisse les deux pires agités le piloter sur l’essentiel, pendant que le reste de la tribu s’efforce de calmer le jeu ou se dés-impliquer sans fauter. Les auteurs et le réalisateur ne portent pas de jugement sur leurs personnages mais ne sont pas neutres sur la famille. Cédric Kahn et ses partenaires l’affiche dans tout ce qu’elle peut avoir d’ingrat tout en refusant la fantaisie. Le pire veut éclater, l’énergie familiale tassera tout ça ; mais la somme des parties a bien des aiguillons et c’est clairement maman-déni et papa-assistant, autorités molles voire évanouies, d’autant plus inébranlables. Un couple joliment assorti, à la tête d’une piteuse famille – mais sans famille, peut-être pas de couple ou d’entente.

Effectivement c’est réaliste, les outrances à l’écran pré-existent au cinéma. La folle de famille a les vices qu’on ose évoquer (c’est une parasite à la vie de vols, de bohème et de repos forcé), a les ‘tares’ dont on l’accuse et des raisons solides d’être et demeurer cinglée. Le film a l’intelligence de nous servir des énormités empruntées à la banalité et découvrir rapidement son plan, sans préparer de révélations tragiques ni recourir à des passés traumatiques extraordinaires. Il n’y pas de clé magique pour couvrir la situation, mais un système, incurable en l’état car ses membres sont trop aliénés. Le revers de cette bonne volonté et de cette impudeur tempérée est une certaine fatuité. Personne ne sort avancé de ce film, sauf les spectateurs souffrant d’une confiance exagérée dans les diagnostics médicaux, la sainteté des liens fraternels ou la fermeté de la notion de ‘folie’. Le scénario est un peu court, impuissant probablement par principe, donc l’essentiel repose sur les interprètes. Grâce à eux les rôles les plus hystériques sont curieusement les plus vraisemblables, alors que Marie et le père barbotent dans des eaux triviales dont ils n’émergent que pour se dresser en pauvres caricatures aux mots laborieux. Deneuve est parfaite en matriarche planquée terrifiée par le conflit.

On sent une tendresse à l’égard de ces personnages et notamment des plus turbulents (comme Romain qui essaie peut-être de purger l’atmosphère en l’objectivant et en s’imposant chef-d’orchestre). Or, comme le film refuse la subjectivité et l’abstraction, il ne peut plonger en eux et comme il est choral, il doit forcer et retenir une poignée de scènes pour évoluer vraiment auprès de certains parmi eux. Conformément au style du groupe, le drame est verrouillé. Et comme dès qu’un peu de pression survient, ces gens-là enchaînent les idioties (et prennent des décisions débiles quand ils ne peuvent plus étouffer les catastrophes émergentes ou se noyer dans les affaires courantes), comme la mauvaise foi de tous vaut bien la régulation émotionnelle nulle de quelques-uns, il y a de quoi pleurer de rire. D’un rire intérieur et navré, bon compagnon d’un sentiment de voyeurisme, heureusement assumé et signé par le dénouement. Sur un thème similaire, Préjudice savait se tirer de l’absurdité et tirait une force supérieure de sa distance ; mais cette Fête de famille est toujours plus recommandable qu’un dîner revanchard et hyper-focalisé à la Festen.

Note globale 58

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Suggestions… Roberto Succo + La tête haute + Carnage + Chien + Canine + Une femme sous influence

Les+

  • les acteurs
  • pas de mystères ou de démonstrations surfaites
  • pas ennuyant
  • bons dialogues

Les-

  • reste trivial
  • personne n’en sort avancé
  • écriture ‘bouchée’

Ennégramme-MBTI : Deneuve en base 9, type xxFJ (Sentimentale extravertie). Le père très I. Macaigne dans un personnage probablement NTP (Intuition extravertie & Pensée introvertie). Emma sans doute IxFP (Sentimentale introvertie). Vincent xxTJ (Pensée extravertie) ou aux alentours, probablement eSTJ. Son épouse xSxJ (Sensation introvertie) avec du F, sans doute ISTJ+Fi.

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